Monsieur le sénateur, je comprends votre intention : au fond, tout en admettant que le Haut Conseil aura un poids réel, vous souhaiteriez qu’il en ait plus encore. Tel est, me semble-t-il l’objet de votre amendement, qu’au demeurant vous assumez parfaitement.
Pour ma part, j’estime que le texte qu’a proposé le Gouvernement et qui a été accepté, dans son esprit, par l’Assemblée nationale comme, je le crois, par la commission des finances du Sénat donne un poids incontestable au Haut Conseil, mais ne va pas au-delà de ce que nous estimons possible pour assurer le respect des institutions de notre pays et, surtout, pour ne « rogner » en rien tant les prérogatives du Gouvernement que la souveraineté du Parlement lorsque nous définissons ses missions et ses moyens pour les accomplir.
Il me semble que, par votre amendement, vous franchissez la ligne que nous avons voulu ainsi tracer, de la façon la plus loyale à l’égard du Parlement, conformément au choix qui est le nôtre. En effet, nous n’estimons pas – c’est une divergence entre nous – qu’il faille à ce point se méfier du gouvernement de la France et du Parlement de la République que l’on doive donner au Haut Conseil des prérogatives que, je le répète, ses propres membres seraient probablement gênés d’avoir à exercer.
L’article 3 est très clair au sujet des missions confiées au Haut Conseil : il est exact que ce dernier n’a pas à élaborer sa propre trajectoire ni ses propres hypothèses, puisqu’il juge celles qui lui sont soumises par le Gouvernement avant que ne se prononce le Parlement, lequel est libre d’accepter ou non et les hypothèses et la trajectoire.
Or, et M. le rapporteur général a eu raison d’insister sur ce point, si votre amendement était adopté, le vote du Parlement, quel qu’il soit, serait soit subordonné à l’avis du Haut Conseil, soit censuré par le Conseil constitutionnel s’il décidait de s’affranchir de cette subordination.
Je comprends votre chemin, monsieur Arthuis, mais ce n’est pas le nôtre, qui, je voudrais vous en convaincre, ne comporte pas les dangers que vous craignez et qui motivent votre amendement.
Dans son considérant 27, le Conseil constitutionnel a bien indiqué que, lorsqu’il aurait à juger des lois de finances, il tiendrait compte de l’avis donné par le Haut Conseil sur, précisément, les politiques publiques visant à respecter la trajectoire des finances publiques menées par le Gouvernement et, le cas échéant, adoptées par le Parlement.
Ce contrôle que vous souhaitez voir instaurer ex ante, le présent projet de loi organique le prévoit ex post. Il me semble que c’est cela le bon équilibre qui permet de responsabiliser tout le monde, le Gouvernement lorsqu’il soumet ses hypothèses de trajectoire, le Haut Conseil lorsqu’il rend ses avis ainsi, bien évidemment, que le Parlement lorsqu’il émet un vote.
J’imagine mal en effet un Parlement s’affranchissant gaillardement – pardonnez-moi cette expression – de cet avis, votant des dispositions et adoptant une trajectoire se différenciant largement de celle qu’aurait validée le Haut Conseil tout en sachant que, votant cela, il encourt la censure du Conseil constitutionnel. Aucun élu, qu’il siège dans cette enceinte ou à l’Assemblée nationale, et quelle que soit l’inspiration politique du Gouvernement en place, n’aime se faire censurer par le Conseil constitutionnel !
Je crois donc, monsieur Arthuis, que l’équilibre que nous avons trouvé est le bon. Votre amendement et les amendements de cohérence ou de conséquence que vous avez proposés s’affranchissent de cet équilibre. Pour cette raison, il ne m’est pas possible de les accepter et j’apprécierai beaucoup, connaissant votre combat pour faire œuvre de pédagogie à propos du nécessaire équilibre de nos finances publiques, que vous le retiriez, car, à défaut, je devrai demander au Sénat de voter contre.