La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (projet n° 43 rectifié, texte de la commission n° 84, rapport n° 83 et avis n° 74).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Chapitre II
DISPOSITIONS RELATIVES AU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES
Hier, nous avons entamé, au sein du chapitre II, l’examen de l’article 8, dont je rappelle les termes.
(Non modifié)
Le Haut Conseil des finances publiques, organisme indépendant, est placé auprès de la Cour des comptes. Il est présidé par le premier président de la Cour des comptes.
Outre son président, le Haut Conseil des finances publiques comprend dix membres :
1° Quatre magistrats de la Cour des comptes en activité à la Cour, désignés par son premier président ;
2° Quatre membres nommés, respectivement, par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat en raison de leurs compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques ; ces membres sont nommés après leur audition publique par la commission des finances de l’assemblée concernée. Ils ne peuvent exercer de fonctions publiques électives ;
3° Un membre nommé par le Président du Conseil économique, social et environnemental en raison de ses compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques. Ce membre ne peut exercer de fonctions publiques électives ;
4° Le directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques.
Les membres du Haut Conseil des finances publiques ne sont pas rémunérés.
Les membres du Haut Conseil des finances publiques mentionnés aux 1°, 2° et 3° sont nommés pour cinq ans ; le mandat des membres mentionnés au 1° est renouvelable une fois ; le mandat des membres mentionnés aux 2° et 3° n’est pas renouvelable. Lors de leur nomination, les membres mentionnés aux 1° à 4° remettent au premier président de la Cour des comptes une déclaration d’intérêts.
Les membres du Haut Conseil des finances publiques mentionnés aux 1°, 2° et 3° sont renouvelés par moitié tous les trente mois.
Par dérogation à la durée de cinq ans prévue au présent article, lors de son installation, le Haut Conseil des finances publiques comprend deux membres mentionnés au 1° dont le mandat est de trente mois renouvelable une fois et deux membres mentionnés aux 2° et 3° dont le mandat est de trente mois non renouvelable. Ces membres sont tirés au sort par le Haut Conseil des finances publiques, selon des modalités fixées par le décret en Conseil d’État prévu à l’article 15.
Dans l’exercice de leurs missions, les membres du Haut Conseil des finances publiques ne peuvent solliciter ou recevoir aucune instruction du Gouvernement ou de toute autre personne publique ou privée.
En cas de décès ou de démission d’un membre mentionné aux 1°, 2° et 3°, de cessation des fonctions d’un membre dans les conditions prévues au dernier alinéa ou, s’agissant d’un magistrat de la Cour des comptes, de cessation de son activité à la Cour, il est pourvu à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à un an, le mandat du nouveau membre est renouvelable une fois.
Il ne peut être mis fin aux fonctions d’un membre du Haut Conseil des finances publiques mentionné aux 1°, 2° et 3° que par l’autorité l’ayant désigné et après avis conforme émis à la majorité des deux tiers des autres membres constatant qu’une incapacité physique permanente ou qu’un manquement grave à ses obligations empêche la poursuite de son mandat.
Au sein de cet article, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 2.
Présenté par M. Delahaye, il est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa
La parole est à M. Vincent Delahaye.
Si tout le monde est d’accord pour promouvoir la parité, y compris bien sûr au sein d’instances telles que le Haut Conseil des finances publiques, des divergences sont apparues sur les modalités pratiques d’application de ce principe, surtout en cas de nominations par des organismes multiples.
L’auteur de l’amendement, qui avait initialement proposé une parité partielle, a d’ailleurs corrigé le tir en séance : il a finalement été prévu de respecter la parité pour l’ensemble des membres du Haut Conseil des finances publiques, tout en se remettant à la sagesse de la commission mixte paritaire pour trouver la façon dont elle pourra être appliquée !
J’ai une proposition à faire à ce sujet : nous pourrions suggérer un ordre de nominations, avec obligation pour chacun de respecter la parité, en commençant par la Cour des comptes, puis l’Assemblée nationale et le Sénat.
C’est plus difficile, ensuite, pour le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, et l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE. Qui devra désigner une femme ? Qui devra désigner un homme ? Dans quel ordre ?
Cela m’assure la transition avec mes amendements n° 2 et 3, qui consistent à supprimer les alinéas ajoutés par l’Assemblée nationale et visant à introduire dans le Haut Conseil des finances publiques un représentant du CESE et un représentant de l’INSEE, dont l’un serait une femme et l’autre un homme.
Je ne suis pas convaincu de la valeur ajoutée de ces deux membres supplémentaires. C’est très français de vouloir compliquer toutes les structures !
En l’espèce, au vu du peu de cas fait dans le passé du travail du CESE par les différents gouvernements, je ne suis pas sûr que cette présence, féminine ou masculine, d’un représentant de cette assemblée au sein du Haut Conseil des finances publiques soit vraiment essentielle.
Selon moi, la compétence de cette institution en matière de finances publiques n’est de surcroît pas avérée.
Dans ces conditions, et par mesure de simplification, je propose donc de supprimer l’alinéa 5.
Cet amendement, qui vise à supprimer la possibilité pour le président du Conseil économique, social et environnemental de désigner un membre du Haut Conseil des finances publiques, ne peut recevoir l’assentiment de la commission des finances.
Nous estimons être parvenus à une forme d’équilibre avec onze membres et apprécions l’effort de nos collègues députés pour enrichir la composition du Haut Conseil des finances publiques.
Monsieur Delahaye, le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement. Il estime en effet que le travail de l’Assemblée nationale a enrichi utilement le texte en impliquant le CESE dans ce processus de désignation.
Ainsi, les trois assemblées seront impliquées, ce qui, selon nous, ne pourra que contribuer, sinon au consensus, en tout cas à la bonne compréhension des avis du Haut Conseil des finances publiques.
L'amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 3, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa
La parole est à M. Vincent Delahaye.
Selon moi, l’INSEE comme le CESE n’ont pas de compétences particulières en matière de finances publiques. Par conséquent, je ne vois pas en quoi l’Assemblée nationale a vraiment enrichi le Haut Conseil des finances publiques en ajoutant à la liste de ses membres des représentants de ces deux institutions.
Je ne vois pas non plus comment s’appliquera l’amendement sur la parité adopté hier soir si la présence de ces deux personnes est maintenue.
Enfin, concernant la remarque du rapporteur général, qui considère qu’un bon équilibre a été trouvé, je pense que, si le Haut Conseil des finances publiques n’était composé que de neuf membres, l’équilibre serait tout aussi bon. Cela permettrait d’ailleurs, aux présidents de l’Assemblée nationale et de sa commission des finances, ainsi qu’aux présidents du Sénat et de sa commission des finances de se mettre chacun d’accord sur un duo...
Si, on peut parvenir à un accord sur un duo ! Ainsi la parité serait-elle respectée.
Encore une fois, je ne vois vraiment pas ce qu’un représentant de l’INSEE vient faire dans le Haut Conseil des finances publiques. C’est pourquoi je propose de supprimer l’alinéa 6.
Les deux amendements suivants sont présentés par MM. Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 40 est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques ou un membre de l’Observatoire français des conjonctures économiques désigné par son président.
L'amendement n° 41 est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques ou un membre de l’Observatoire français des conjonctures économiques désigné par son président.
II. – En conséquence, alinéa 3
Remplacer le chiffre :
« quatre »
par le chiffre :
« trois ».
La parole est à M. André Gattolin.
Les amendements n° 40 et 41 sont liés, l’un étant la réplique de l’autre.
Avoir fait passer de neuf à onze le nombre de membres du Haut Conseil des finances publiques n’est en soi pas mauvais. Le nombre diffère à peine, surtout lorsque l’on parle de fonctions qui, comme dans ce cas, ne sont pas rémunérées. C’est le profil des membres qui importe.
Le travail du Haut Conseil des finances publiques renvoie à des enjeux considérables pour les politiques publiques. Il nous apparaît ainsi tout à fait juste de faire figurer en son sein un représentant du Conseil économique, social et environnemental.
En revanche, nous proposons que le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, et non le directeur général de l’INSEE, soit nommé comme onzième membre du Haut Conseil des finances publiques, et cela pour au moins trois raisons.
D’abord, s’agissant de sciences économiques et de prévisions, qui, par définition, ne sont pas des sciences exactes, il convient de s’assurer de la diversité et de la représentativité des membres du Haut Conseil des finances publiques, au sens technique du terme. De la même façon que différentes approches coexistent au sein de la science économique, différentes approches devraient coexister au sein du Haut Conseil.
Les grands corps de l’État spécialisés y sont déjà largement représentés par la Cour des comptes ; il paraît donc judicieux de nommer à leurs côtés le représentant d’un organisme scientifique public, indépendant et reconnu, dont la crédibilité et le sérieux ne font aucun doute.
L’OFCE, dont les prévisions se sont révélées, ces dix dernières années, plus proches de la réalité que celles de la Direction générale du Trésor et de la politique économique à la Commission européenne ou de l’Organisation de coopération et de développement économiques, remplit, de ce point de vue, tous les critères possibles.
Je ne vous assénerai pas le tableau de l’erreur quadratique moyenne des prévisions des différents organismes
MM. Philippe Marini et M. Jean-Pierre Caffet s’exclament.
En outre, je souhaite attirer votre attention sur le fait que le directeur général de l’INSEE, nommé par décret en conseil des ministres, est révocable de la même façon, ce qui, quelles que soient ses qualités et celles de son institution, paraît le disqualifier d’emblée pour figurer au sein d’un Haut Conseil des finances publiques théoriquement indépendant !
Qu’arrivera-t-il s’il se trouve en position de faire ou de défaire une majorité, et de faire pencher un avis du Haut Conseil des finances publiques en faveur ou en défaveur du Gouvernement ? Loin de renforcer l’autorité du Haut Conseil et celle de l’INSEE, cette nomination pourrait donc les affaiblir, ce dont l’INSEE n’a guère besoin ! Rappelons-nous les nombreuses polémiques qui ont secoué l’institution ces dernières années et meurtri son personnel...
Rien qu’entre le moment où le précédent Président de la République est arrivé à l’Élysée et le mois de mai dernier, l’INSEE a connu trois directeurs généraux successifs, soit autant qu’il y a eu de présidents de l’OFCE depuis sa fondation par Raymond Barre en 1981 ! Cela démontre assez l’instabilité de la fonction et donc les risques que nous encourons ici.
Je redoute par ailleurs que, dans cette configuration, la Cour de justice de l’Union européenne ne soit amenée à considérer que l’indépendance du Haut Conseil n’est pas assez établie.
Qu’en serait-il, si nous étions condamnés par la Cour de justice de l’Union européenne sur ce point ? En revanche, le président de l’OFCE, qui n’est pas révocable par le pouvoir exécutif et dont l’autorité universitaire s’inscrit manifestement dans la durée, ne risque pas de se trouver dans un pareil cas.
Enfin, dernier avantage à nommer le président de l’OFCE plutôt que le directeur général de l’INSEE au sein du Haut Conseil des finances publiques, le second ferait par trop figure de juge et partie s’agissant d’évaluer les prévisions macroéconomiques du Gouvernement. On sait en effet que l’INSEE est associé très étroitement à l’élaboration de ces prévisions, sinon en tant qu’institution, du moins via ses personnels, dont beaucoup sont détachés au sein des services de Bercy. Je n’insiste pas davantage sur ce point, la difficulté intellectuelle me paraissant assez évidente pour ne pas en rajouter !
Quant à l’amendement n° 41, il constitue pour nous un amendement de repli par rapport au précédent, dans le cas où la Haute Assemblée jugerait préférable de conserver le directeur général de l’INSEE dans la composition du Haut Conseil. Il s’agit de substituer le président de l’OFCE à l’un des membres de la Cour des comptes, ce qui permettrait de rester dans une configuration encore plus étroite de dix membres.
L’amendement n° 3 vise à supprimer le directeur général de l’INSEE dans la composition du Haut Conseil des finances publiques. Je rappelle à nos collègues que c’est l’Assemblée nationale qui a proposé et voté le principe de sa présence au sein du Haut Conseil.
À la commission des finances, nous avons eu le sentiment qu’il s’agissait d’une bonne idée, le Haut Conseil étant une instance technique, chargée de porter une appréciation sur des prévisions économiques et des données macroéconomiques. Dès lors, il semble important qu’il puisse bénéficier de la présence du directeur d’un organisme fonctionnellement indépendant. On n’insistera jamais suffisamment sur ce point : si l’INSEE n’obéissait pas à une logique d’indépendance, Eurostat aurait à son égard une attitude très différente !
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
S’agissant des deux amendements présentés par notre collègue André Gattolin, l’avis de la commission ne peut être favorable, puisqu’il est également proposé de rompre un équilibre que nous estimons satisfaisant au sein du Haut Conseil.
En l’occurrence, il s’agit de mettre à la place d’un des membres prévus une personne issue de l’Observatoire français des conjonctures économiques.
À nos yeux, les amendements n° 40 et 41 posent un problème juridique, car, si l’OFCE est certes un organisme éminemment respectable, peut-être ne mérite-t-il pas d’être érigé au rang organique.
Sur le fond, rien n’interdira aux autorités de désignation autre que le premier président de la Cour des comptes – je rappelle qu’elles sont au nombre de cinq, ce qui correspond à une configuration tout à fait originale en droit français – de nommer un économiste de l’OFCE pour siéger au Haut Conseil s’il remplit les critères de compétences dans les domaines des prévisions économiques et des finances publiques. D’ailleurs, le président du Sénat lui-même a récemment nommé un économiste issu de l’OFCE pour siéger au Conseil des prélèvements obligatoires.
Je rappelle enfin que l’article 14 prévoit que le Haut Conseil peut faire appel à des organismes ou à des personnalités extérieures à l’administration pour enrichir ses propres analyses et affiner ainsi les avis qu’il est appelé à émettre.
Ces deux amendements, qui auraient pour effet de rompre l’équilibre établi pour la composition du Haut Conseil par la nomination d’un membre de l’OFCE, sont ainsi en contradiction avec la position de la commission des finances.
Je vous suggère donc, monsieur Gattolin, de les retirer ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements, dont l’inspiration est identique.
L’amendement n° 3 vise à supprimer une disposition introduite par l’Assemblée nationale.
Il ne me semble ni judicieux, ni légitime, ni même juste de faire un procès en subordination politique au directeur général de l’INSEE. Certes, il est nommé et révocable ad nutum en conseil des ministres. Pour autant, chacun le sait bien, le traitement de la matière statistique est assez peu susceptible d’être influencé par je ne sais quelle vision politique, d’où qu’elle vienne.
À mes yeux, le travail mené par l’Assemblée nationale mérite d’être respecté, et je suis donc défavorable à l’adoption de cet amendement.
Quant aux amendements n° 40 et 41, ils visent à substituer au directeur général de l’INSEE ou, à défaut, à un membre de la Cour des comptes, un membre de l’OFCE. Il s’agit ainsi de réserver une place de choix au sein du Haut Conseil au président de l’OFCE, institution pour laquelle j’ai beaucoup d’estime et dont je lis les écrits avec au moins autant d’attention que vous.
Toutefois, il me semble que l’on se heurte là à une sorte de « préjugement » : pourquoi cet organisme plutôt qu’un autre ? Certes, j’entrevois la réponse que l’on pourrait apporter à cette question, mais, dans la mesure où le Haut Conseil devra faire preuve de la plus parfaite indépendance à l’égard de toutes les autorités, quelles que soient leurs sensibilités politiques, les motivations que j’avance ne peuvent que conduire à « condamner » les amendements que vous proposez au Sénat d’adopter.
Le Gouvernement demande donc le rejet de ces trois amendements.
À la suite de la demande formulée par M. le rapporteur général, je retire l’amendement n° 40.
Je maintiens cependant l’amendement n° 41. En effet, pour quelle raison la Cour des comptes serait-elle autant représentée au sein du Haut Conseil ?
Par cet amendement, qui a toutes les chances de ne pas être adopté, je veux attirer l’attention de ceux qui participeront à la désignation des membres du Haut Conseil sur l’importance, la qualité, la crédibilité et l’indépendance de l’OFCE. Ses membres, hommes ou femmes, peuvent parfaitement faire partie du vivier des experts. Il est même recommandé de faire appel à eux !
L’amendement n° 40 est retiré.
La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
S’agissant de la présence du directeur général de l’INSEE au sein du Haut Conseil, j’ai moi-même quelque peu hésité, pour les raisons qui ont été évoquées.
Toutefois, le fait que l’INSEE soit un institut de prévision dont l’indépendance est reconnue, y compris au niveau européen, constitue une première garantie.
Par ailleurs, c’est justement parce que le directeur général de l’INSEE fournira les prévisions économiques, notamment de croissance, au Gouvernement que son appartenance au Haut Conseil constitue une excellente chose. Il pourra ainsi expliquer comment l’INSEE a mené son raisonnement et abouti aux conclusions qui seront sur la table.
Ces deux aspects me paraissent militer en faveur du maintien du texte adopté par l’Assemblée nationale.
Quant au CESE, c’est une institution que nous respectons tous. Elle nommera soit un représentant des « forces vives », issu du monde du travail, ce qui me semble très bien, soit un représentant de la sensibilité écologiste, ce qui serait également une bonne chose. Je me rallie donc à la position de M. le rapporteur général en la matière.
Je souhaite apporter une précision. J’ai mis en doute non pas l’indépendance politique du directeur général de l’INSEE, mais ses compétences en matière de finances publiques, domaine très particulier. Il s’agit en effet, je le rappelle, de la composition d’un Haut Conseil « des finances publiques » et non pas « de l’écologie » ou « de l’avenir économique de la France ».
Monsieur Yung, rien n’empêche le Haut Conseil d’entendre le directeur général de l’INSEE. Ce dernier n’a pas besoin de faire partie de l’institution pour expliquer la façon dont il a établi des prévisions.
Je maintiens donc l’amendement n° 3, car je reste favorable à la suppression de l’alinéa 6 de l’article 8, qui n’apporte rien.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 74, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Un membre représentant l'Association des régions de France et un membre représentant l'Assemblée des départements de France ;
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Victoire de l’optimisme sur l’expérience, comme le disait Henri VIII à son sixième mariage !
Sourires.
Il semble que ni le Gouvernement ni la commission n’aient envie que le Sénat modifie la composition, parfaite à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, du Haut Conseil.
Je propose néanmoins d’y ajouter deux membres, un représentant de l’Association des régions de France et un représentant de l’Assemblée des départements de France, tout en présumant que les avis rendus seront les mêmes que ceux qui ont été émis sur les amendements précédents.
J’ai le souvenir assez précis de ce qui s’est passé au moment de la suppression de la taxe professionnelle : si les « praticiens du territoire » ne s’en étaient pas mêlés, les choses auraient été encore beaucoup plus compliquées ! Je propose donc, sans beaucoup d’espoir, de prévoir deux membres supplémentaires pour ce Haut Conseil des finances publiques.
Cet amendement, fort sympathique, prévoit d’accroître le nombre des membres du Haut Conseil.
Le projet de loi organique précise que la désignation des membres du Haut Conseil doit s’appuyer sur la compétence en matière de finances publiques et de prévisions macroéconomiques. Il faut rappeler que le Haut Conseil sera un organisme technique, qui n’a pas vocation à exprimer des recommandations sur tous les sujets de finances publiques. Par conséquent, une représentation au Haut Conseil des différentes catégories d’administrations publiques serait, en elle-même, sans objet.
Mais il s’agit sans doute d’un amendement d’appel, puisque son auteur ne prévoit pas selon quelle procédure serait désigné le représentant de l’Association des régions de France et celui de l’Association des départements de France…
J’observe en outre que l’Association des maires de France n’est pas citée, ce qui pourrait créer quelque jalousie, d’autant que le président du Comité des finances locales s’est lui aussi porté volontaire pour siéger au sein du Haut Conseil.
Bref, sans doute avez-vous comme moi le sentiment, mes chers collègues, que nous sommes là face à une difficulté majeure : répondre à l’ensemble des sollicitations qui nous ont été adressées ou auraient pu l’être.
Au vu de la philosophie qui a présidé à la mise sur pied du Haut Conseil et à sa vocation technique sur les sujets d’économie, de macroéconomie, de prévisions et de finances en général, j’estime que l’équilibre atteint est satisfaisant et je suis donc défavorable à cet amendement.
Il est également défavorable à cet amendement.
M. le rapporteur général a eu raison de le souligner, la présence de représentants de deux niveaux de collectivités va soulever des interrogations sur l’absence de représentation des autres niveaux. En outre, s’il s’agit de représenter les communes, qui, de l’Association des maires de France, de l’Association des maires ruraux de France ou encore de la Fédération des maires des villes moyennes, faudra-t-il retenir ?
Au demeurant, le Sénat devra veiller, me semble-t-il, à ce que le Haut Conseil comprenne en son sein des spécialistes des finances publiques sensibles à la question des finances locales.
Il faut à mon sens en rester à la composition imaginée par le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Je demande donc le rejet de l’amendement n° 74.
L'article 8 est adopté.
L’ordre du jour appelle le scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République, en remplacement de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, démissionnaire de son mandat de sénateur.
Je rappelle que la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour cette élection.
Le scrutin aura lieu dans la salle des conférences, où des bulletins de vote sont à votre disposition.
Le juge suppléant nouvellement élu sera immédiatement appelé à prêter serment devant le Sénat.
Je prie MM. Jean Desessard et Gérard Le Cam, secrétaires du Sénat, de bien vouloir présider le bureau de vote.
Ils seront assistés de MM. Marc Daunis et Jean-François Humbert comme scrutateurs.
Le scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République sera ouvert de quinze heures à seize heures trente.
Mes chers collègues, il est quinze heures : le scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République est ouvert ; il sera clos à seize heures trente.
Nous reprenons la discussion du projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 8.
L'amendement n° 73, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre V du livre III du code des juridictions financières est abrogé.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Dans ses avis, le Haut Conseil des finances publiques :
1° Publie sa méthodologie lorsqu’il se réfère à une estimation du produit intérieur brut potentiel différente de celle figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques. Il présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de cette loi, du Gouvernement et de la Commission européenne ;
2° Lorsqu’il exprime un avis sur une prévision de croissance, tient compte des prévisions d’un ensemble d’organismes dont il a établi et rendu publique la liste.
L'amendement n° 70 rectifié, présenté par M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson et Botrel, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
Lorsqu’il exprime un avis sur l’estimation du produit intérieur brut potentiel sur laquelle repose le projet de loi de programmation des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques le motive, notamment au regard des estimations du Gouvernement et de la Commission européenne.
II. – Alinéa 3
1° Supprimer la mention :
2° Après le mot :
croissance,
insérer le mot :
il
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
Cet amendement vise à lever une ambiguïté rédactionnelle de l'article 8 bis, ambiguïté qui avait échappé aux auteurs du présent texte dans leur volonté d'accroître la transparence des travaux du Haut Conseil.
Si l’on devait résumer ce projet de loi organique, on pourrait dire qu’il fixe les responsabilités respectives du Gouvernement, du Parlement et du Haut Conseil en matière de programmation et de gouvernance des finances publiques.
Le Gouvernement, c'est sa mission, fixe une trajectoire de finances publiques à moyen terme, trajectoire qui s'incarne dans un objectif de déficit structurel.
Le Parlement, quant à lui, amende éventuellement et ratifie – ou ne ratifie pas – cet objectif et cette trajectoire de finances publiques.
Enfin, le Haut Conseil est chargé de vérifier l'effectivité de cette trajectoire, de s’assurer que l'exécution est conforme à l'objectif qui a été fixé par le Gouvernement et ratifié par le Parlement.
Le problème, et nombre de nos collègues se sont longuement exprimés hier soir sur la question, c'est que cet objectif de déficit structurel découle d’un certain nombre d'hypothèses, notamment en ce qui concerne le PIB potentiel.
La difficulté est donc la suivante : ces hypothèses doivent être communes à la fois au Gouvernement – sans qu’il ait la possibilité de les modifier avant que le Haut Conseil n’ait vérifié l'effectivité de la trajectoire –, au Parlement, qui doit ratifier ladite trajectoire, et, bien évidemment, au Haut Conseil.
Or la disposition prévue à l’article 8 bis, selon laquelle le Haut Conseil « publie sa méthodologie lorsqu’il se réfère à une estimation du produit intérieur brut potentiel différente de celle figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques », est ambiguë.
En effet, le verbe « se référer » peut être compris de plusieurs manières.
Il peut être entendu dans son acception courante, conforme à l'esprit du projet de loi organique, selon laquelle le Haut Conseil émettrait un avis sur l’hypothèse de PIB potentiel, cruciale dans la vérification de la trajectoire des finances publiques.
Il peut cependant être entendu aussi dans une autre acception, plus problématique, selon laquelle le Haut Conseil pourrait lui-même retenir une hypothèse contradictoire avec celle qui aurait été retenue par le Gouvernement et ratifiée par le Parlement. Auquel cas, un problème majeur apparaîtrait lorsque le Haut Conseil s’attellerait à la vérification de l'effectivité de la trajectoire.
La formulation que je propose me semble plus claire.
Bien évidemment, le Haut Conseil étant parfaitement indépendant, il peut avoir un avis sur l'hypothèse de PIB potentiel et l’exprimer, mais il doit motiver cet avis, notamment en comparaison des hypothèses de la Commission européenne et du Gouvernement.
L’hypothèse de PIB potentiel étant centrale dans la détermination de l'objectif de trajectoire des finances publiques fixé par le Gouvernement et ratifié par le Parlement, elle doit être commune au premier, au second et au Haut Conseil des finances publiques.
Cet amendement fait utilement suite au débat approfondi que nous avons eu la semaine dernière en commission, débat au cours de laquelle nous nous étions longuement interrogés sur le sujet dont Jean-Pierre Caffet vient d’analyser les tenants et les aboutissants.
Il vise, plus que ne le permet le texte de la commission, à mettre en évidence le fait que la crédibilité de la programmation se jouera dorénavant lors de la discussion de la loi de programmation des finances publiques.
Désormais, nous raisonnerons essentiellement en termes de solde structurel. Dès lors, il faut faire en sorte de ne pas surévaluer l’estimation de PIB potentiel sur la base duquel la programmation sera construite.
À l’article 5, souvenez-vous-en, mes chers collègues, nous avons obligé le Gouvernement à justifier l’hypothèse de PIB potentiel figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation.
Ici, M. Caffet nous propose un dispositif qui serait le symétrique de cette obligation, mais cette fois pour le Haut Conseil, et non plus pour le Gouvernement.
Éclairé à la fois par les analyses du Gouvernement et par l’avis motivé du Haut Conseil, le Parlement pourra, on peut le penser, voter en connaissance de cause sur la trajectoire de solde structurel.
Cet amendement apporte donc une amélioration très opportune du texte qui nous est soumis. C’est pourquoi la commission émet un avis favorable.
Avis favorable.
À titre personnel, je voterai cet amendement, car il apporte une clarification utile et représente un progrès méthodologique dans la manière dont nous abordons les compétences du Haut Conseil des finances publiques.
Les lois de programmation sont appelées à devenir le cadre de référence, en conformité, bien sûr, avec les programmes de stabilité successifs. Aussi, il me paraît très important que le Haut Conseil motive son approche du PIB potentiel.
L'amendement est adopté.
L'article 8 bis est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Le Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques et de l’estimation du produit intérieur brut potentiel sur lesquelles repose le projet de loi de programmation des finances publiques. Au plus tard une semaine avant que le Conseil d’État soit saisi du projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement transmet au Haut Conseil ce projet, ainsi que tout autre élément permettant au Haut Conseil d’apprécier la cohérence de la programmation envisagée au regard de l’objectif à moyen terme retenu et des engagements européens de la France.
Le Haut Conseil rend un avis sur l’ensemble des éléments mentionnés au premier alinéa. Cet avis est joint au projet de loi de programmation des finances publiques lors de sa transmission au Conseil d’État. Il est joint au projet de loi de programmation des finances publiques déposé au Parlement et rendu public par le Haut Conseil lors de ce dépôt.
L'amendement n° 29, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Notre proposition de suppression de l’article 9 découle naturellement de notre opposition de fond à la création du Haut Conseil des finances publiques.
À la lecture de l’article 9, nous ne mesurons pas ce que ce Haut Conseil va bien pouvoir apporter à la loi de programmation.
Outre que la publicité de son avis ne sera effective qu’au moment où le projet de loi de programmation sera déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, on est même en droit de se demander si cet avis ne sera pas redondant avec les éléments que l’État lui-même pourra associer à son texte.
Je crois qu’aucun des anciens ministres des finances siégeant ici non plus qu’aucun des rapporteurs généraux chargés de défendre, quand ils étaient dans la majorité gouvernementale, le projet de budget n’a échappé à la facilité de croire que le cadre était bon et solidement établi, mais, même dans les lois de finances que nous avons connues depuis une bonne vingtaine d’années et qui surestimaient l’impact du cadrage macroéconomique sur les recettes et les dépenses, il y avait toujours une part de vérité.
La raison en est tout simplement que les prévisions de l’État s’appuient sur le travail des agents du ministère des finances – même si la révision générale des politiques publiques a sérieusement mis en question la direction de la prévision – et sur celui des techniciens, cadres et agents de l’INSEE, dont la compétence et l’indépendance, produits de leur statut de fonctionnaires, sont unanimement et internationalement reconnues.
La force de la prévision, en France, c’est l’indépendance des fonctionnaires de nos administrations fiscales et financières.
Ce qui nous a posé problème, sur la durée, ce sont les choix politiques, le choix stratégique de la défiscalisation compétitive, celui de la réduction des cotisations sociales, ces abandons successifs de recettes qui ont conduit notre pays à cumuler les déficits et la dette.
Autant dire qu’il importe de continuer à faire confiance aux services publics de la statistique et de la prévision. C’est bel et bien pour ces motifs que nous ne pouvons que proposer la suppression de l’article 9.
Comme cela a été dit hier, la commission des finances a validé le principe de ce texte et donc de l’ensemble de ses articles. Par conséquent, tout amendement visant à supprimer l’un d’entre eux ne peut que recevoir un avis défavorable de la commission des finances.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 47, présenté par MM. Placé, Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
en matière de finances publiques et de politiques publiques sur la base des éléments mentionnés au dernier alinéa de l'article 5 de la présente loi organique
La parole est à M. André Gattolin.
En ratifiant le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, la France a pris l’engagement vis-à-vis de ses cocontractants de respecter sa trajectoire de réduction du solde structurel, mais ce n’est pas là son seul engagement européen.
Par exemple, elle est également tenue par les objectifs stratégiques adoptés par le Conseil et le Parlement européens, qui fixent des seuils à atteindre en matière d’emploi, d’exclusion, d’éducation, de recherche, de climat, d’énergies, etc.
Or tous ces objectifs stratégiques sont potentiellement contradictoires avec celui de la maîtrise du solde budgétaire. En privilégiant uniquement ce dernier, le Haut Conseil donne indirectement des consignes au Parlement quant aux objectifs européens qu’il conviendrait de respecter et quant à ceux dont on pourrait s’affranchir.
Afin que le Parlement puisse se prononcer en toute connaissance de cause, nous demandons simplement, à travers cet amendement, que le Haut Conseil l’éclaire sur la pertinence de la trajectoire empruntée par la France pour atteindre ses objectifs européens, tous ses objectifs européens.
On pourrait m’objecter que le Haut Conseil des finances publiques ne saurait se préoccuper de climat ou d’éducation. Ce serait toutefois méconnaître l’évidence selon laquelle les finances ont une dimension éminemment transversale. Ce n’est pas au ministre du budget que je vais l’apprendre, lui qui éprouve quotidiennement la gratifiante transversalité de sa mission en allant porter dans les différents ministères la bonne nouvelle des crédits qu’il leur alloue...
On pourrait également rétorquer que le Haut Conseil ne pourra se prévaloir d’une compétence technique que dans le seul domaine de la macroéconomie et des comptes publics. Cela, je ne le conteste pas, et je n’y vois pas de contradiction avec cet amendement.
À travers celui-ci, nous ne demandons en effet pas au Haut Conseil d’entrer dans le détail de chaque politique publique, de se prononcer sur les meilleures mesures à mettre en œuvre pour atteindre tel objectif d’économie d’énergie ou tel taux de pauvreté. Non, nous lui demandons seulement de regarder le rapport annexé par le Gouvernement au projet de loi de programmation prévu à l’article 5, et plus particulièrement les éléments mentionnés à l’alinéa 10, qui, précisément, présentent la situation de la France au regard de ses objectifs européens.
Sur la seule base des éléments fournis par le Gouvernement et mentionnés à cet alinéa 10 de l’article 5 du présent projet de loi organique, le Haut Conseil aura alors simplement à émettre un avis permettant d’apprécier si la trajectoire présentée pour atteindre les objectifs est globalement pertinente.
Ainsi, s’il constate qu’après écoulement de la moitié du délai, 10 % seulement du chemin menant à l’objectif a été parcouru, il pourra facilement déduire que cet objectif semble négligé.
À l’inverse, il pourra constater si l’évolution des indicateurs autorise à être confiant dans la réalisation en temps utile de tel autre objectif.
Cet amendement ne méconnaît en aucune manière le rôle du Haut Conseil, n’en fait pas un arbitre des politiques publiques, ne préjuge pas son expertise. Il vise simplement à donner aux avis du Haut Conseil une ouverture de champ permettant d’éclairer plus largement, plus précisément et, surtout, plus objectivement le Parlement.
Monsieur Gattolin, vous soulignez à juste titre qu’il est important d’éclairer le Parlement sur l’ensemble des aspects des politiques publiques.
Pour autant, il convient de distinguer entre l’information demandée au Gouvernement, notamment dans les annexes à l’appui de la loi de programmation des finances publiques, et l’information que le Haut Conseil fournit au Parlement pour éclairer son champ décisionnel.
À cet égard, mon cher collègue, j’attire votre attention sur le fait que, sur l’initiative des députés écologistes, a été intégré à l’article 5 un alinéa 10 qui donne effectivement injonction au Gouvernement de fournir dans les annexes à la loi de programmation tout élément indispensable sur la situation de la France « au regard des objectifs stratégiques européens ». C’est, me semble-t-il, une avancée à laquelle on ne peut que souscrire.
En revanche, s’agissant du Haut Conseil, puisque c’est de lui que nous débattons ici, je souligne que c’est un organisme technique qui doit émettre un avis technique sur les aspects conjoncturels, macroéconomiques et sur les finances publiques. Par conséquent, demander au Haut Conseil de se prononcer sur les domaines économiques et environnementaux, c’est sans doute aller au-delà de la philosophie qui a conduit à la création du Haut Conseil.
Eu égard aux avancées déjà obtenues à l’Assemblée nationale et à la finalité même du Haut Conseil, je vous suggère donc, monsieur Gattolin, de retirer votre amendement, contre lequel je ne pourrai sinon qu’émettre un avis défavorable.
La finalité du Haut Conseil est, clairement, de donner un avis sur les conséquences des politiques menées dans notre pays en matière d’équilibre budgétaire et de respect de la trajectoire des finances publiques. Je ne crois pas que cet avis doive aller au-delà de ce champ, et il ne doit certainement pas être une appréciation de la politique du Gouvernement au regard de ses engagements européens.
Le Gouvernement n’est responsable de sa politique que devant le Parlement et, le cas échéant, devant ses partenaires. Donner à un Haut Conseil indépendant le pouvoir d’émettre un jugement qui ne serait pas une injonction mais dont on sait quelle force il aurait néanmoins reviendrait à confier à cet organisme un rôle que ses membres seraient probablement très gênés d’avoir à exercer et qu’en toute hypothèse ni le Gouvernement ni le Parlement ne pourraient accepter.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, je vous suggère de retirer cet amendement.
L'amendement n° 47 est retiré.
L'amendement n° 60, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Si son avis est défavorable dans le cas de l’estimation du produit intérieur brut potentiel, il indique, pour la période couverte par la programmation, celle qu’il retiendra pour l’application du I de l’article 16.
La parole est à M. Jean Arthuis.
Cet amendement a pour objet de renforcer le jalonnement de la trajectoire en précisant que, si le Haut Conseil exprime un avis défavorable sur l’estimation du produit intérieur brut potentiel, il indique lui-même celle qu’il retiendra pour l’application de l’article 16. Aux mêmes fins, j’ai déposé également un amendement n° 65 à l’article 16.
Mon souhait est d’éviter tout abus manifeste de la part du Gouvernement qui priverait le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de même que le présent projet de loi organique de toute portée en cassant, en quelque sorte, le thermomètre.
Le texte que nous examinons doit répondre à deux impératifs : la trajectoire du PIB potentiel servant à calculer le solde structurel doit être fixée une fois pour toutes au début de la programmation et ne pas pouvoir être remise en cause par le Haut Conseil, mais il faut aussi absolument prévenir toute tentation de biaiser la programmation et les hypothèses de PIB potentiel. C’est peu dire que, depuis une quinzaine d’années, les gouvernements successifs ont fait preuve d’optimisme et de volontarisme à propos des données macroéconomiques qu’ils ont retenues pour établir les lois de finances et les programmes de stabilité transmis à Bruxelles.
Il suffit d’ailleurs de lire le rapport de M. Marc pour en être convaincu.
Dans ces conditions, il me paraît indispensable de demander au Haut Conseil, s’il devait constater un abus manifeste, de préciser sa propre trajectoire de PIB potentiel et de la prendre en compte dans l’appréciation qu’il portera sur les lois de règlement et lors de la reddition des comptes de la sécurité sociale.
La procédure serait donc la suivante.
Lors de l’examen du projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, le Haut Conseil rendrait, comme le prévoit le texte adopté par la commission des finances, un avis sur la trajectoire du PIB potentiel du rapport annexé.
En cas d’avis défavorable, qu’il ne rendrait qu’en cas d’abus manifeste, le Haut Conseil fixerait lui-même la trajectoire du PIB potentiel, qu’il utiliserait pour estimer le solde structurel. C’est la différence introduite par le présent amendement.
Enfin, l’amendement n° 65 à l’article 16 prévoit, par coordination, que la trajectoire du PIB potentiel utilisée par le Haut Conseil pour la mise en œuvre du mécanisme de correction serait celle qui figure dans le rapport annexé au projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, sauf dans le cas où il émettrait un avis défavorable ; dans ce cas, le Haut Conseil utiliserait la trajectoire qu’il aurait annoncée dans son avis sur le projet de loi de programmation.
M. Arthuis, avec l’expertise qui le caractérise, se penche sur le « cœur du réacteur » du projet de loi organique, car il s’agit bien là du sujet majeur sur lequel nous devons nous prononcer aujourd'hui, mais il y a entre nous une différence d’appréciation notable.
Mon cher collègue, il me semble en effet, et la commission des finances a suivi mon analyse, que votre proposition revient à transférer au Haut Conseil des finances publiques la détermination du montant des mesures à prendre pour respecter la trajectoire des finances publiques. Le Gouvernement et le Parlement seraient ainsi, en quelque sorte, dessaisis de l’un des éléments essentiels de la politique des finances publiques.
Ce ne serait pas conforme à la position adoptée par la commission des finances, qui a préféré, pour s’assurer que l’hypothèse de PIB potentiel sur laquelle repose la programmation est réaliste, que le Gouvernement comme le Haut Conseil soient obligés de motiver leurs avis et propositions de sorte que le Parlement puisse se prononcer en étant éclairé par un débat contradictoire.
Sur le plan politique, nous doutons que, dans le système prévu par le projet de loi organique, le Gouvernement ou le Parlement puissent beaucoup s’écarter de l’avis du Haut Conseil.
En outre, le Conseil constitutionnel a indiqué, dans sa décision du 9 août dernier, que la manière dont seraient pris en compte les avis du Haut Conseil constituerait l’un des éléments de son appréciation de la sincérité des textes financiers. C’est pourquoi on peut penser que le Gouvernement ne prendra en réalité aucun risque et négociera en amont avec le Haut Conseil.
Monsieur Arthuis, dès lors que vos préoccupations sont déjà prises en compte dans le dispositif prévu par le texte, notamment avec les modifications qu’y a apportées la commission des finances, mieux vaudrait que vous retiriez votre amendement, contre lequel j’émettrai à défaut un avis défavorable.
Peut-être aussi pourriez-vous vous rallier à l’amendement n° 72, qui va être examiné à l’article 16, car il satisfait un autre des objets de votre amendement, à savoir la nécessité de clarifier les conditions dans lesquelles le Haut Conseil des finances publiques constate les écarts par rapport à la trajectoire des soldes structurels.
Monsieur le sénateur, je comprends votre intention : au fond, tout en admettant que le Haut Conseil aura un poids réel, vous souhaiteriez qu’il en ait plus encore. Tel est, me semble-t-il l’objet de votre amendement, qu’au demeurant vous assumez parfaitement.
Pour ma part, j’estime que le texte qu’a proposé le Gouvernement et qui a été accepté, dans son esprit, par l’Assemblée nationale comme, je le crois, par la commission des finances du Sénat donne un poids incontestable au Haut Conseil, mais ne va pas au-delà de ce que nous estimons possible pour assurer le respect des institutions de notre pays et, surtout, pour ne « rogner » en rien tant les prérogatives du Gouvernement que la souveraineté du Parlement lorsque nous définissons ses missions et ses moyens pour les accomplir.
Il me semble que, par votre amendement, vous franchissez la ligne que nous avons voulu ainsi tracer, de la façon la plus loyale à l’égard du Parlement, conformément au choix qui est le nôtre. En effet, nous n’estimons pas – c’est une divergence entre nous – qu’il faille à ce point se méfier du gouvernement de la France et du Parlement de la République que l’on doive donner au Haut Conseil des prérogatives que, je le répète, ses propres membres seraient probablement gênés d’avoir à exercer.
L’article 3 est très clair au sujet des missions confiées au Haut Conseil : il est exact que ce dernier n’a pas à élaborer sa propre trajectoire ni ses propres hypothèses, puisqu’il juge celles qui lui sont soumises par le Gouvernement avant que ne se prononce le Parlement, lequel est libre d’accepter ou non et les hypothèses et la trajectoire.
Or, et M. le rapporteur général a eu raison d’insister sur ce point, si votre amendement était adopté, le vote du Parlement, quel qu’il soit, serait soit subordonné à l’avis du Haut Conseil, soit censuré par le Conseil constitutionnel s’il décidait de s’affranchir de cette subordination.
Je comprends votre chemin, monsieur Arthuis, mais ce n’est pas le nôtre, qui, je voudrais vous en convaincre, ne comporte pas les dangers que vous craignez et qui motivent votre amendement.
Dans son considérant 27, le Conseil constitutionnel a bien indiqué que, lorsqu’il aurait à juger des lois de finances, il tiendrait compte de l’avis donné par le Haut Conseil sur, précisément, les politiques publiques visant à respecter la trajectoire des finances publiques menées par le Gouvernement et, le cas échéant, adoptées par le Parlement.
Ce contrôle que vous souhaitez voir instaurer ex ante, le présent projet de loi organique le prévoit ex post. Il me semble que c’est cela le bon équilibre qui permet de responsabiliser tout le monde, le Gouvernement lorsqu’il soumet ses hypothèses de trajectoire, le Haut Conseil lorsqu’il rend ses avis ainsi, bien évidemment, que le Parlement lorsqu’il émet un vote.
J’imagine mal en effet un Parlement s’affranchissant gaillardement – pardonnez-moi cette expression – de cet avis, votant des dispositions et adoptant une trajectoire se différenciant largement de celle qu’aurait validée le Haut Conseil tout en sachant que, votant cela, il encourt la censure du Conseil constitutionnel. Aucun élu, qu’il siège dans cette enceinte ou à l’Assemblée nationale, et quelle que soit l’inspiration politique du Gouvernement en place, n’aime se faire censurer par le Conseil constitutionnel !
Je crois donc, monsieur Arthuis, que l’équilibre que nous avons trouvé est le bon. Votre amendement et les amendements de cohérence ou de conséquence que vous avez proposés s’affranchissent de cet équilibre. Pour cette raison, il ne m’est pas possible de les accepter et j’apprécierai beaucoup, connaissant votre combat pour faire œuvre de pédagogie à propos du nécessaire équilibre de nos finances publiques, que vous le retiriez, car, à défaut, je devrai demander au Sénat de voter contre.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, j’ai bien entendu vos observations. Vous avez fait le choix d’un texte souple. C’est d’ailleurs le sens de la réponse que vous avez faite à mes collègues du groupe CRC pour repousser hier la question préalable : au fond, la loi organique ne nous engagera que très modérément…
Pour ma part, je n’oublie pas l’état du malade. Nous avons à combattre une triple addiction : addiction aux déficits publics, à la dépense publique et à l’endettement public. Ne nous laissons donc pas aller à des ersatz !
Dans le cas particulier, je souhaite aussi responsabiliser le Haut conseil des finances publiques. Si ce dernier émet un avis défavorable, s’il juge qu’il y a abus manifeste, il doit mettre sur la table sa propre projection et tenir compte de la trajectoire qu’il aura définie pour apprécier les projets de loi de règlement et la sincérité des comptes. Mon amendement est en somme une incitation à renforcer la responsabilité pleine et entière du Haut Conseil des finances publiques.
La disposition que je propose, monsieur le ministre, ne porte en aucune façon la marque d’un doute quelconque à l’égard de l’actuel gouvernement – elle vaut aussi pour les gouvernements à venir –, mais nous avons poussé trop loin une sorte de laisser-aller collectif, nous racontant sans cesse des histoires pour différer les réformes structurelles et les arbitrages courageux que nous étions incapables de prendre.
Pour ma part, ayant voté le projet de loi instituant une « règle d’or » que nous n’avons pas pu, faute de majorité au Congrès, consacrer dans la Constitution, je ne suis pas prêt à consentir à un écart si important entre cette règle d’or et le projet de loi organique que l’on nous propose. C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.
Ce débat sur ce que le rapporteur général de la commission des finances qualifiait à l’instant de « cœur du réacteur » est particulièrement utile, et il faut remercier Jean Arthuis de l’avoir suscité.
Je m’adresse à vous, monsieur le ministre, afin que vous nous expliquiez comment vous concevez la phase d’échange et de dialogue désignée comme la négociation « en amont » entre le Gouvernement et le Haut conseil des finances publiques.
À mon sens, si le Haut conseil devait formuler une estimation du PIB potentiel, dessiner une vision de la convergence sensiblement en décalage par rapport à l’évaluation du Gouvernement, son avis aurait une très grande portée et induirait des sanctions quasi immédiates, sur les marchés peut-être, mais aussi dans l’esprit des responsables de la Commission de l’Union européenne.
N’oublions pas que, dans le cadre des règles européennes existantes, la Commission a le pouvoir, non pas de réformer ce que les États membres votent, mais de renvoyer un programme de stabilité à son auteur, en mettant en question la plausibilité de la courbe de croissance et certaines des hypothèses de base. Si le Haut conseil formulait une estimation s’écartant sensiblement de celle du Gouvernement, il me semble que cela attirerait l’attention des institutions communautaires. En effet, ces dernières exerceront sur les documents budgétaires des différents États de l’Union, mais surtout de la zone euro, ce que nous appelions, dans différents documents, une surveillance multilatérale.
À la vérité, la Commission exercera son contrôle pour le compte de l’ensemble des États solidairement responsables au sein de la zone euro. Pouvons-nous donc réellement croire à la survenance d’un réel décalage entre l’estimation du Haut Conseil et celle du Gouvernement ?
Monsieur le ministre, peut-on seulement concevoir un décalage entre l’estimation du Gouvernement et celle du Haut Conseil, sachant que, comme il l’a indiqué par avance dans l’avis que vous avez cité, le Conseil constitutionnel se fondera sur l’opinion du corps indépendant qu’est le Haut Conseil pour procéder à son examen de sincérité, donc de constitutionnalité ?
C’est de la réponse que vous m’apporterez que dépendra ma capacité à m’orienter vraiment quant au vote à émettre sur l’amendement de Jean Arthuis.
Je souhaite ardemment répondre à M. Marini, au regard de l’enjeu qu’il vient lui-même de définir.
Monsieur le président de la commission des finances, l’indépendance du Haut Conseil ne signifie pas son enfermement, et la souveraineté du Gouvernement ne signifie pas son isolement. Le premier ne sera pas enfermé dans je ne sais quelle tour d’ivoire, et le second n’a pas à s’isoler d’un Haut Conseil dont il a demandé la création, et dont il sait pertinemment qu’il s’apprête à jouer un rôle majeur. L’un n’étant pas enfermé et l’autre n’étant pas isolé, comment concevoir qu’aucune discussion n’intervienne ? Évidemment, des discussions interviendront !
Et qui mettrait en doute l’indépendance du Conseil constitutionnel au motif que le secrétariat général du Gouvernement, précisément au nom de celui-ci, discute avec ses membres lorsque celui-ci s’interroge sur la régularité, au regard de notre loi suprême, de telle disposition adoptée par le Parlement sur l’initiative du Gouvernement ?
Nul n’a jamais contesté l’indépendance du Conseil constitutionnel, alors même que, pour l’examen de chaque texte qui lui est soumis, il consulte, ou oralement ou par écrit, demande des avis, écoute soit le secrétariat général du Gouvernement, soit telle ou telle personnalité.
La procédure de l’amicus curiae connaît un incontestable succès auprès de la juridiction suprême. Pour autant, je le répète, personne ne remet en cause son indépendance. Je considère qu’il s’agit d’un heureux précédent qui permet d’exciper du respect de l’indépendance du Haut Conseil des finances publiques, tout en reconnaissant volontiers que, très en amont, le Gouvernement négociera ou discutera peut-être davantage. Néanmoins, lorsque l’on discute, ne négocie-t-on pas d’une certaine manière, dans la mesure où l’on tente de faire prévaloir son point de vue, et donc de développer des arguments ?
Vous me demandez de vous convaincre, monsieur Marini : je discute avec vous et, d’une certaine manière, je négocie votre rejet ou votre acceptation de cet amendement. Il n’y a là rien d’infâmant, ni de votre part à me demander de vous convaincre, ni de la mienne à tenter de le faire. Personne n’abdique la moindre parcelle d’indépendance – ni vous, ni moi ! – et encore moins de conviction.
Je vous réponds donc clairement : oui, très en amont, il est hautement probable que les autorités de ce pays, quelles qu’elles soient, discutent avec le Haut Conseil, tant il est vrai qu’il vaudrait mieux que les choses se passent bien. En d’autres termes, mieux vaut que le Haut Conseil valide, de la manière la plus objective et la plus indépendante qui soit, les hypothèses du Gouvernement, plutôt que d’être conduit à émettre un avis qui démontrerait que les choix de celui-ci ne conviennent pas au regard des engagements de trajectoire de finances publiques qu’il a pris. Chacun conviendra que cette discussion en amont est préférable au formidable désordre qui naîtrait d’un avis défavorable ou d’une appréciation sévère, …
… avis et appréciation qui seraient transmis au Parlement, dont la majorité se trouverait dès lors fort embarrassée, partagée qu’elle serait entre la loyauté qu’elle doit au Gouvernement qu’elle soutient et le devoir qui lui commande de veiller scrupuleusement à ce que notre pays ne soit pas sanctionné.
Je crois donc que ce processus sera vertueux et qu’il poussera les uns ou les autres, quel qu’ait été leur passé, monsieur Arthuis – le vôtre d’ailleurs est particulièrement peu répréhensible, et chacun se souvient des efforts que vous avez accomplis entre 1995 et 1997 –, à tenir compte, lorsqu’ils gouverneront, de cette nouvelle procédure et de l’impératif qu’elle impose : rompre, justement, avec le passé et avec ce que vous appeliez l’« addiction » à l’endettement et à la dépense incontrôlée.
Monsieur Marini, je me suis efforcé de vous répondre du mieux que je le pouvais pour emporter l’enjeu que vous avez vous-même signalé et j’espère bien sincèrement vous avoir convaincu.
M. Philippe Marini acquiesce.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 61, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Est insincère une loi de programmation des finances publiques dont le Haut Conseil n’a pas avalisé les prévisions macroéconomiques.
La parole est à M. Jean Arthuis.
L'article 9 est adopté.
(Non modifié)
Le Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent le projet de loi de finances de l’année et le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année. Au plus tard une semaine avant que le Conseil d’État soit saisi du projet de loi de finances de l’année, le Gouvernement transmet au Haut Conseil les éléments permettant à ce dernier d’apprécier la cohérence de ce projet, notamment de son article liminaire, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques.
Le Haut Conseil rend un avis sur l’ensemble des éléments mentionnés au premier alinéa. Cet avis est joint au projet de loi de finances de l’année lors de sa transmission au Conseil d’État. Il est joint au projet de loi de finances de l’année déposé à l’Assemblée nationale et rendu public par le Haut Conseil lors de ce dépôt.
L'amendement n° 30, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, nous ne croyons pas à l’utilité du Haut Conseil des finances publiques.
Il est donc logique que nous soyons opposés, au moins par principe, au contenu des articles qui en décrivent les pouvoirs et compétences.
En l’occurrence, le mot « pouvoir » est d’ailleurs pour le moins excessif, étant donné que le Haut Conseil rendra un avis sur tout projet de loi de caractère budgétaire ou assimilé, mais seulement un avis.
Cet article porte précisément sur l’avis que le Haut Conseil serait habilité à exprimer à la fois sur le projet de loi de finances et sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
L’avis du Haut Conseil présente un double caractère : il s’agit, d’une part, de valider le cadrage macroéconomique des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale – en quelque sorte, de retenir comme sensés les chiffres clés des lois concernées – et, d’autre part, de mesurer la cohérence de ces deux textes.
Les études de conjoncture de l’INSEE et du ministère des finances lui-même, voire la documentation produite par la Banque de France, sont autant d’éléments aujourd’hui accessibles à tout député ou sénateur, pour peu qu’il s’intéresse aux questions relatives aux finances publiques. Les informations qu’elles contiennent suffisent amplement pour juger de la fiabilité des hypothèses de cadrage retenues par le projet de loi.
Quant à la cohérence entre ces deux textes, elle procède, une fois encore, non d’une approche présumée indépendante mais d’une méthode toute technocratique, alors que la cohérence d’un texte de cette nature est d’abord politique.
Nous nous sommes systématiquement opposés aux projets de loi de finances déposés sous la précédente législature quant aux choix qui y étaient opérés et quant aux mesures fiscales qu’ils pouvaient contenir, mais loin de nous l’idée que le moindre de ces projets de loi n’ait pas eu une cohérence et des objectifs précis !
Que nos collègues de l’opposition actuelle soient restés convaincus, de 2002 à 2012, que la baisse des impôts dus par les entreprises ou par les ménages les plus aisés pouvait constituer une solution structurelle aux problèmes de la société et de l’économie françaises est un fait ! Laissons donc au débat parlementaire et aux débats d’idées toute leur pertinence. Nous croyons beaucoup, nous, au rôle du politique dans ce domaine.
La commission émet un avis défavorable, pour la raison qui a déjà été invoquée : le présent amendement a pour objet de supprimer un des articles du projet de loi organique, sur l’ensemble duquel elle s’est prononcée favorablement.
L'amendement n'est pas adopté.
L’amendement n° 9, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Au plus tard une semaine avant que le Conseil d’État soit saisi du projet de loi de finances de l’année, le Gouvernement transmet au Haut Conseil les éléments du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale permettant à ce dernier d’apprécier la cohérence de l’article liminaire du projet de loi de finances au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à permettre un avis du Haut Conseil sur la cohérence entre les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques et le contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année.
Nous sommes en effet soucieux d’assurer un certain parallélisme entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 51, présenté par MM. Placé, Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le Gouvernement précise si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel de l'année sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.
La parole est à M. André Gattolin.
Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 49 rectifié bis, que nous avons adopté à l’article 6.
En effet, étant donné qu’il n’y a pas nécessairement de loi de programmation des finances publiques tous les ans, il est très important de savoir si les soldes que l'on compare sont fondés sur les mêmes hypothèses.
Cet amendement apporte une précision utile. En effet, un solde structurel donné peut correspondre à des réalités différentes selon l’estimation de PIB potentiel retenue.
La proposition de notre collègue nous semble aller dans le bon sens : la commission émet un avis favorable.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 62, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Est insincère une loi de finances de l’année ou une loi de financement de la sécurité sociale de l’année dont le Haut Conseil n’a pas avalisé les prévisions macroéconomiques.
Cet amendement a été précédemment retiré par son auteur.
Je mets aux voix l’article 10, modifié.
L'article 10 est adopté.
(Non modifié)
Lorsque le Gouvernement prévoit de déposer à l’Assemblée nationale un projet de loi de finances rectificative ou un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, il informe sans délai le Haut Conseil des finances publiques des prévisions macroéconomiques qu’il retient pour l’élaboration de ce projet. Le Gouvernement transmet au Haut Conseil les éléments permettant à ce dernier d’apprécier la cohérence du projet de loi de finances rectificative, notamment de son article liminaire, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Le Haut Conseil peut rendre un avis public sur l’ensemble des éléments mentionnés au présent article.
L'amendement n° 31, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Cet amendement s’inscrit dans le droit fil des amendements que nous avons déposés sur la thématique du rôle de l’autorité indépendante qu’est appelé à devenir le Haut Conseil des finances publiques.
Voici en effet que l’article 11 ouvre la faculté, pour le Haut Conseil, de donner un avis sur le contenu et la cohérence de toute loi de finances rectificative.
Nul doute qu’entre 2008 et 2010 le Haut Conseil, si tant est qu’il eût déjà été créé, aurait eu de quoi faire avec les lois de finances à répétition que nous avons pu connaître – un jour pour sauver les banques avec l’argent public, un autre pour sauver les banques engagées en Grèce avec l’argent public, mais jamais pour sauver l’argent public de la prédation bancaire...
Plus « sérieusement », je ne suis pas certain de l’absolu bien-fondé de l’avis du Haut Conseil, là encore. Même si la situation a quelque peu évolué, comment qualifier ce qui est un collectif budgétaire ?
Dans la « norme budgétaire antérieure », si l’on peut dire, l’année civile se terminait assez souvent par un collectif de fin d’année, sorte de collectif de « constatation », où, de fait, au regard de la date de promulgation de ce type de loi, assez peu de choses étaient susceptibles de changer, notamment du point de vue des recettes fiscales.
L’autre hypothèse, c’est celle des collectifs faisant suite à une alternance politique.
Là, les données du débat sont claires : il s’agit d’affirmer, comme un manifeste, ce qui fait la différence entre l’équipe qui arrive au pouvoir et celle qui vient d’en être privée. En l’occurrence, la cohérence du texte est toute trouvée, même si elle n’a sans doute qu’assez peu à voir avec ce que pourrait, « objectivement », penser un organisme indépendant. La cohérence est politique, même si le désastre est ensuite au rendez-vous du point de vue des comptes publics.
Je fais enfin observer à la Haute Assemblée que des lois n’ayant pas le caractère de lois de finances peuvent fort bien incarner la cohérence d’une politique, et donc ne pas être assimilables à un collectif budgétaire.
Ôtez-moi d’un doute, mes chers collègues : pour peu que je me souvienne, ni la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier d’août 1997 ni la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat de l’été 2007 n’étaient des lois de finances rectificatives, quand bien même elles étaient toutes les deux dotées d’une cohérence politique et largement constituées par des mesures de caractère fiscal.
C’est-à-dire que rien n’empêchera demain le Gouvernement de se dispenser de tout collectif budgétaire, et donc de l’avis du Haut Conseil : il suffit pour cela de soumettre au Parlement un texte contenant des dispositions fiscales, mais pas seulement, et qui ne présente donc pas, de fait, le strict caractère d’une loi de finances. Après tout, le dispositif Dutreil a bien été ajouté au code général des impôts à travers une loi très ordinaire sur l’entreprise individuelle…
Pour tous ces motifs, mes chers collègues, nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement de suppression de l’article 11.
L’avis est défavorable, pour les raisons que nous avons évoquées précédemment.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 52 rectifié, présenté par MM. Placé, Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le Gouvernement précise dans l'exposé des motifs du projet de loi si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel dans le projet de loi de finances rectificative ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.
La parole est à M. André Gattolin.
Nous avons déjà adopté tout à l’heure l’amendement qui se trouve à la source de cette coordination.
En conséquence, la commission est favorable à l’amendement n° 52 rectifié.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 15, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Dernière phrase
Remplacer les mots :
peut rendre
par le mot :
rend
La parole est à M. Philippe Marini.
Cet amendement ne porte que sur un seul mot, mais qui me semble important dans le cadre de notre discussion.
Nous avons examiné les conditions de constitution – on en reparlera peut-être en commission mixte paritaire, au moins sur un aspect des choses… – et, surtout, les compétences du Haut Conseil des finances publiques.
Nous avons vu que ces compétences s’exerçaient sur les lois de programmation et les lois financières annuelles – lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.
Mais nous savons, mes chers collègues, que des phénomènes importants peuvent se produire dans la vie économique et budgétaire de notre pays en cours d’exercice budgétaire. Ils se traduisent par des lois de finances rectificatives, voire par des lois de financement de la sécurité sociale rectificatives.
Au cours des années passées, depuis la crise de 2008-2009, les occasions de nous retrouver sur des collectifs budgétaires se sont multipliées : 2009, 2010, 2011, 2012… L’année 2013 viendra-t-elle interrompre cette liste ? Nous le verrons bien…
Je trouve cependant contestable, et même dangereux à la vérité, que la compétence du Haut Conseil soit purement optionnelle en ce qui concerne les lois de finances rectificatives et les lois de financement de la sécurité sociale rectificatives. En effet, ces textes pourraient servir de « points de fuite » au Gouvernement pour s’écarter de son objectif. Voilà en tout cas un sérieux défaut de la cuirasse, raison pour laquelle j’ai cru devoir le signaler.
Il serait très préférable de rétablir la symétrie entre les compétences et les prérogatives du Haut Conseil, pour les lois rectificatives comme pour les lois initiales.
Au demeurant, s’il peut exister des lois de finances rectificatives n’ayant pas d’impact budgétaire – nous l’avons vu en 2008 avec les mesures de soutien aux banques, mais c’est tout de même très exceptionnel –, il serait facile pour le Haut Conseil, dans ce cas, de répondre qu’il n’y a pas lieu de formuler des observations, puisque le texte ne modifie nullement les conditions de l’équilibre général des finances publiques.
En revanche, toute loi rectificative comportant un article d’équilibre modifiant les conditions établies dans la loi de finances ou la loi de financement prévisionnelle me semble, par souci de rigueur, devoir être soumise, dans les mêmes conditions que les lois initiales, au Haut Conseil des finances publiques. Tel est le but du présent amendement.
Voilà un important amendement de fond, intéressant en ce sens qu’il tend à supprimer un « point de fuite » potentiel du dispositif.
En effet, les collectifs budgétaires se justifient souvent par la volonté de tirer les conséquences d’une évolution de la conjoncture. En sens inverse, il importe que tous les collectifs, quelles que soient les raisons pour lesquelles ils sont déposés, adaptent leur cadrage aux prévisions les plus récentes.
On peut imaginer que le Haut Conseil se saisira de tous les collectifs, puisqu’il en aura la faculté, de par la rédaction actuelle. Toutefois, la dissymétrie entre le régime des lois de finances et celui des lois de finances rectificatives peut étonner. Certes, il peut y avoir des collectifs qui ne justifient pas d’avis du Haut Conseil sur le fond. Mais on peut envisager que le Haut Conseil rende alors un avis formel indiquant qu’il n’a pas d’observation à formuler.
En tout état de cause, si nous adoptions cet amendement, il faudrait que le Haut Conseil mette tout en œuvre pour être en mesure de se prononcer dans les délais les plus rapides. Il ne faudrait pas, en effet, que l’obligation de consulter le Haut Conseil soit susceptible de freiner un processus législatif urgent. Souvenons-nous du PLFR de septembre 2008, conçu en urgence en pleine crise bancaire, et sur lequel nous avons dû nous prononcer très vite.
Si cet amendement était adopté, il serait, nous semble-t-il, opportun de prévoir également dans le règlement intérieur du Haut Conseil une procédure d’intervention en urgence à cet effet, de manière à éviter toute difficulté.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances a émis un avis favorable sur cet amendement.
Ce débat, dont les termes sont passionnants, a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale.
Le texte prévoit que le Haut Conseil « peut rendre » un avis. Autrement dit, on laisse toute latitude au Conseil, en vérité à ses membres et probablement à son président, de décider, selon la nature de la loi de finances rectificative, s’il doit rendre ou non cet avis.
M. le rapporteur général a raison lorsqu’il indique que, pour certaines lois de finances, cet avis n’est probablement pas indispensable. Souvenez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs : au cours des cinq dernières années, certaines lois de finances, notamment destinées à fournir une aide d’urgence à des pays membres de la zone euro, n’auraient pas nécessairement requis l’avis du Haut Conseil.
Si votre amendement est adopté, monsieur le sénateur, le Haut Conseil devra néanmoins rendre un avis y compris dans ces cas, mais M. le rapporteur général vient d’indiquer ce que pourrait être alors la position du Haut Conseil, lequel pourrait aller jusqu’à dire que, sur la loi considérée, il n’a pas d’avis pertinent, décisif ou différent à donner, notamment par rapport au dernier avis qu’il a rendu.
Quant au frein éventuel, monsieur le rapporteur général, il me semble qu’il existe en toute hypothèse. En effet, dès lors que le Haut Conseil décide de rendre un avis, il s’autosaisit. L’argument du ralentissement de la procédure est donc valable dans tous les cas, le délai étant laissé à la libre appréciation du Haut Conseil et de ses membres.
Je vois bien ce que vous souhaitez, monsieur le sénateur : crédibiliser cette institution, ce qui va exactement dans le sens voulu par le Gouvernement.
Dans ces conditions, même si j’avais émis un avis défavorable à l’Assemblée nationale en demandant le rejet de l’amendement, ici, au regard du débat qui prend une certaine ampleur et dont l’intérêt ne se dément pas, au regard aussi des arguments développés, auxquels – je dois le reconnaître – je suis en partie sensible, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Il n’est pas inutile de rappeler que cet amendement a été adopté à l’unanimité de la commission des finances.
Monsieur le ministre, le Gouvernement accepterait-il encore un sous-amendement ?... Au lieu de : « Lorsque le Gouvernement prévoit de déposer à l’Assemblée nationale… », ne serait-il pas plus judicieux d’écrire : « au Parlement », c'est-à-dire de revenir au texte initial de l’article 11 ? En effet, si un projet de loi concerne le financement des collectivités locales, constitutionnellement, c’est le Sénat qui est saisi prioritairement depuis la réforme dite « Raffarin ».
Je comprends votre intention, monsieur le sénateur, mais le Gouvernement ne pourrait émettre un avis favorable sur un tel sous-amendement ! Vous savez comme moi que la Constitution donne la prérogative à l’Assemblée nationale pour les lois de finances…
Qui trop embrasse mal étreint ! Nous faisons déjà un travail important et je suggère, monsieur le sénateur, que nous en restions à l’étreinte de M. Marini ! §
Monsieur Delattre, la réponse de M. le ministre délégué vous satisfait-elle ?
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 63, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Est insincère une loi de finances rectificative ou une loi de financement rectificative de la sécurité sociale dont les prévisions macroéconomiques ont fait l’objet d’un avis défavorable du Haut Conseil.
Cet amendement a été précédemment retiré par son auteur.
Je mets aux voix l'article 11, modifié.
L'article 11 est adopté.
(Non modifié)
Lorsque, au cours de l’examen par le Parlement d’un projet de loi de programmation des finances publiques, d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement entend réviser les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposait initialement son projet, il informe sans délai le Haut Conseil des finances publiques du nouvel état de ses prévisions. Le Haut Conseil peut rendre un avis public sur celles-ci.
L'amendement n° 32, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Puisqu’il faut prévoir tous les cas de figure, j’en viens à me demander s’il ne faut pas prévoir quelque chose lorsqu’un événement politique de première importance vient perturber la tranquille discussion de la loi de finances…
Toujours est-il que cet article 12 continue de renforcer la vocation du Haut Conseil des finances publiques à arbitrer les débats entre conjoncturistes sur le cadrage des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, un arbitrage qui va au-delà du simple examen du cadrage si l’on en croit cependant nos collègues qui sont intervenus dans le débat.
Voici en effet que, plutôt que de débattre à l’infini sur le caractère somme toute assez formel de l’avis du Haut Conseil, nous tirons parti de la présentation de la suppression de cet article pour évoquer, encore une fois, l’analyse qu’en font certains.
M. le président de la commission des finances entend, pour sa part, faire de l’avis du Haut Conseil un passage obligé et cherche à lui accorder toute la publicité requise.
Nous verrons probablement à terme de nombreux journaux spécialisés qui auront de quoi alimenter des débats sans fin, puisque les considérations macroéconomiques sont autant de controverses, on l’a vu de nombreuses fois à l’occasion de la présentation des projets de lois de finances.
Les notions de solde structurel comme d’effort structurel ne sont pas stabilisées, loin s’en faut, et on mesure donc ce qui pourra être dit au moment de leur mise en œuvre.
En matière de sincérité des comptes, la difficulté est grande ! La loi de finances pour 1996 prévoyait, par exemple, 277 milliards de francs de déficit budgétaire, mais nous avions atteint 295 milliards de francs en exécution ; la loi de finances pour 1997 fut fort heureusement corrigée !
Il s’agit de faire en sorte que l’avis du Haut Conseil ait une vertu impérative, nous dit-on. Si le Gouvernement ne tenait pas compte de cet avis, le budget serait déclaré insincère.
On peut toujours se demander en vertu de quelle objectivité scientifique le Haut Conseil serait en situation d’avoir raison contre l’orientation politique imprimée par le Gouvernement, mais on n’a pas à s’interroger sur le sens que notre collègue entend donner à son action : celui de faire du Haut Conseil des finances publiques le gardien du temple de l’austérité budgétaire imposée par la construction européenne telle qu’elle se conduit aujourd’hui, c’est-à-dire contre les peuples.
Plutôt que de voter ce type d’amendement, nous préférons, pour notre part, supprimer purement et simplement l’article 12.
Il s’agit une nouvelle fois d’un amendement visant à supprimer un article. Nous estimons que l’article 12 est une disposition utile, qui contribuera à la sincérité des débats économiques, et nous émettons donc, là encore, un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 16, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Dernière phrase
Remplacer les mots :
peut rendre
par le mot :
rend
La parole est à M. Philippe Marini.
Cet amendement n° 16 est de même esprit que le précédent. Il s’agit de prévoir qu’en cas de modification des prévisions macroéconomiques en cours d’examen d’un projet de loi de programmation des finances publiques, d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Haut Conseil des finances publiques rend nécessairement un avis.
C’est, me semble-t-il, une lacune du texte qu’il faudrait combler.
Le sous-amendement n° 82, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 16
Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :
et compléter cette phrase par les mots :
dans un délai utile pour éclairer le Gouvernement en vue de l'adoption de la loi
La parole est à M. le ministre délégué.
Comprenant l’intention de M. Marini, je souhaiterais qu’il accepte que son amendement soit complété. À défaut, la disposition risquerait d’être vaine.
Je vous remercie, monsieur le sénateur !
La commission est favorable au sous-amendement et à l’amendement puisqu’il s’agit, là encore, de compléter notre démarche de suppression des « points de fuite ».
En effet, c’est précisément dans des circonstances inhabituelles, telles que celles dans lesquelles le Gouvernement prend une décision aussi importante que la modification des prévisions économiques en cours de discussion, que l’avis du Haut Conseil pourrait être utile aux parlementaires.
En adoptant cet amendement sous-amendé, on apporte donc des éléments de précision qui seront utiles lorsqu’une décision lourde devra être prise au Parlement.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 64, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Est insincère un texte dont les prévisions macroéconomiques révisées en cours de discussion ont fait l’objet d’un avis défavorable du Haut Conseil.
Cet amendement a été précédemment retiré par son auteur.
Je mets aux voix l'article 12, modifié.
L'article 12 est adopté.
(Non modifié)
Le Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de programme de stabilité établi au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l’Union européenne. Il rend public son avis au moins deux semaines avant la date limite de transmission du programme de stabilité au Conseil de l’Union européenne et à la Commission européenne. Il est joint au programme de stabilité lors de cette transmission.
L'amendement n° 33, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Voici maintenant que l’avis du Haut Conseil est requis dans les relations que nous entretenons avec la Commission européenne, notamment dans le cadre du programme de stabilité pensé en vertu de la coordination des politiques budgétaires européennes. Il en est d’ailleurs de ce pacte de stabilité comme du reste en matière européenne.
Je ne sais pas si cela fait le bonheur des ministres des finances, mais toujours est-il que, pour le moment, le pacte de stabilité tel qu’il est se traduit par la généralisation de politiques d’austérité comportant grosso modo le même type de dispositions et de mesures fiscales et sociales.
Quel avis rendrait donc, de ce point de vue, le Haut Conseil des finances publiques ? Celui de voir la France se conformer, abstraction faite des différences politiques naturelles qui peuvent exister entre politiques budgétaires et fiscales de gauche et politiques budgétaires et fiscales de droite, au respect et à la mise en œuvre du même type de mesures et, in fine, de politique ?
Le pacte de stabilité n’est rien d’autre que le nivellement de la démocratie et son remplacement pur et simple par une technocratie agissant pour le compte d’une classe extrêmement réduite, composée de responsables des plus grandes entités économiques de l’Europe actuelle et de quelques dizaines de milliers de familles aux revenus très importants, qui forment une sorte – oserai-je le mot ? – de « technoploutocratie ».
Pour la grande masse des Européens, le pacte de stabilité se traduit par la précarisation du travail, la non-reconnaissance des qualifications et des acquis, pour un grand nombre par le chômage et, pour beaucoup, par la réduction des acquis sociaux et la détérioration des conditions de vie.
Ce qui gagne aujourd’hui en Europe, ce n’est pas le sentiment européen, celui d’appartenir à une grande aventure historique qui nous aurait offert la paix depuis cinquante ans ; c’est la crainte du déclassement, l’appréhension de l’avenir pour la jeunesse, le sentiment que demain sera moins heureux à vivre que le temps présent.
Il est grand temps que cela cesse.
Outre le fait que l’avis du Haut Conseil sur le programme de stabilité importe finalement bien peu, nous sommes aussi opposés à ce qui constitue le programme de stabilité, lequel pèse négativement pour la grande majorité de la population du continent européen.
Puisqu’il s’agit de supprimer un article, la commission des finances émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
L'amendement n° 58, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des comptes provisoires des administrations publiques de l’année close dès leur transmission à la Commission européenne. Le Haut Conseil rend un avis sur ces informations au regard du programme de stabilité.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Les procédures de déficit excessif s’appliquent, notamment concernant les sanctions, au regard des comptes exécutés et non des comptes prévisionnels. C’est pourquoi il est indispensable que le Haut Conseil rende un avis sur ceux-ci si nous voulons qu’il remplisse les missions qui lui sont confiées.
J’ajoute que cet amendement est plus précis que l’article 16, qui ne prévoit de surveillance qu’au regard des orientations pluriannuelles et non de l’exécution.
La commission demande le retrait de l’amendement. À défaut, elle ne pourra qu’y être défavorable.
S’il poursuit un objectif tout à fait légitime, cet amendement pourrait être source de confusion.
Tout d’abord, il concerne l’exécution des programmes de stabilité et non des lois de programmation, qui sont le sujet sur lequel nous travaillons. Multiplier les rapports relatifs à l’exécution des programmations différentes risque de rendre les programmations illisibles.
Ensuite, il concerne, semble-t-il, l’exécution en solde effectif. Or, nous sommes appelés à travailler en solde structurel. C’est l’un de nos grands sujets de débat et, si l’on multiplie les concepts, on risque d’introduire de la confusion.
Enfin, si l’on comprend bien, l’exécution concernée serait celle du programme de stabilité en vigueur l’année précédente. On peut donc en déduire qu’elle ne porterait que sur une seule année. Les programmes de stabilité, on le sait, sont désormais publiés en avril. Faudrait-il dès lors prendre pour référence le programme de stabilité en vigueur de janvier à avril ou celui de mai à décembre ?
Bref, si l’on adoptait une telle disposition, un certain nombre d’imprécisions apparaîtraient assez vite.
Le Gouvernement transmet au Haut Conseil des finances publiques les autres projets de documents publics devant être adressés à une institution de l’Union européenne et comprenant ou reposant sur des prévisions macroéconomiques. Le Haut Conseil peut rendre un avis public sur ces prévisions. –
Adopté.
(Non modifié)
Le Haut Conseil des finances publiques peut procéder à l’audition des représentants de l’ensemble des administrations compétentes dans le domaine des finances publiques, de la statistique et de la prévision économique.
Il peut faire appel à des organismes ou des personnalités extérieurs à l’administration.
Le Gouvernement répond aux demandes d’information que lui adresse le Haut Conseil dans le cadre de la préparation de ses avis.
L'amendement n° 34, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cet amendement clôt, pour l’essentiel, la série d’amendements que nous avons déposés pour nous opposer au Haut Conseil des finances publiques. Je renouvelle ici l’exercice en formulant quelques remarques simples à propos du recours éventuel du Haut Conseil aux services d’organismes ou de personnalités extérieurs à l’administration.
On peut évidemment se poser la question de savoir pourquoi il existe une telle défiance a priori à l’encontre des fonctionnaires de l’INSEE et à ceux de la direction du Trésor notamment, dont l’indépendance est, je le rappelle, statutairement consubstantielle à leur mode de recrutement.
Un fonctionnaire est certes soumis à l’obligation de réserve – cela me donne l’occasion de répondre à nos collègues du groupe écologiste –, mais il jouit, par son statut, d’une neutralité et d’une objectivité qui ne se discutent même pas. Or tel n’est pas le cas des « experts » que le Haut Conseil serait éventuellement amené à consulter.
D’ailleurs, cette situation pose un certain nombre de problèmes déontologiques.
Ainsi, au regard de la période au cours de laquelle intervient le Haut Conseil dans le processus de rédaction et de confection de la loi, c'est-à-dire, en pratique, bien avant le dépôt du projet de loi de finances, se pose le problème de la qualité de l’information qui peut être transmise par le Haut Conseil aux experts qu’il interroge. Ceux-ci devraient au moins être soumis au principe du secret des consultations, pour éviter que des informations d’une certaine importance ne « fuitent », comme on dit, de ces consultations.
Or aucune précaution déontologique n’encadre précisément les consultations que pourrait organiser le Haut Conseil ; de la même manière, le projet de loi organique ne semble pas avoir défini les règles de fonctionnement, de publicité des débats ou de simple réserve applicables aux membres du Haut Conseil.
Considérant le mouvement détestable que nous avons connu cette année avec les « ballons d’essai » et les informations diverses divulguées au mois de septembre dernier à propos du projet de loi de finances, il ne nous semble pas utile de courir le risque de voir toute l’année civile marquée, d’une manière ou d’une autre, par des échanges contradictoires sur les hypothèses macroéconomiques et les mesures contenues dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Nous préférons mille fois la transparence d’une loi de programmation à l’utilisation de moyens détournés, aux bruits et aux rumeurs à visée politicienne ou politique.
Tel est le sens de cet amendement de suppression de l’article 14 du projet de loi organique.
L’article 14 est indispensable à l’économie du dispositif prévu dans ce projet de loi organique. En conséquence, la commission ne peut qu’être défavorable à cet amendement de suppression.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment pour apprécier les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d’endettement des administrations publiques et de chacun de leurs sous-secteurs
La parole est à M. Philippe Marini.
Nous souhaitons un Haut Conseil des finances publiques crédible et indépendant. À cette fin, il importe que cette instance dispose des moyens d’expertise nécessaires ou qu’elle ait la possibilité de les créer ou de les acquérir en commandant des études économiques ou statistiques.
Aussi cet amendement vise-t-il à préciser que le Haut Conseil doit pouvoir s’appuyer sur des compétences extérieures pour procéder notamment…
Il est vrai qu’il s’agit d’une commodité de langage.
Je pensais donc, en particulier, à l’estimation des produits fiscaux prévisionnels, sujet qui est, bien sûr, inhérent au débat budgétaire et que le Haut Conseil aura sans doute à traiter.
En effet, à considérer les écarts – comme nombre de mes collègues, je parle ici d’expérience ! – qui existent entre les estimations réalisées par les services du Gouvernement et celles qui sont faites par des tiers, il serait souhaitable que le Haut Conseil ait les moyens de se forger sa propre opinion sur des sujets dont l’ampleur justifierait des études complémentaires.
J’ai pris l’exemple des produits fiscaux prévisionnels, mais je pourrais en citer d’autres à l’appui de cette demande de précision, car il ne s’agit en fait que de cela ; dès lors que le Gouvernement souhaite – comme c’est, tout au moins je l’espère, le cas – que le Haut Conseil soit véritablement un corps indépendant et crédible, cette demande devrait pouvoir être acceptée.
La portée de l’article 14 du projet de loi organique est très large dans la mesure où le Haut Conseil des finances publiques peut « faire appel à des organismes ou personnalités extérieurs à l’administration ».
Dès lors, il pourra solliciter des prestataires extérieurs chaque fois qu’il le jugera utile pour l’exercice de ses missions, cela sans qu’il soit besoin de dresser une liste limitative de ces prestataires.
S’il s’agit uniquement de préciser que, pour exprimer des avis indépendants, le Haut Conseil pourra faire appel à une information indépendante, le compte rendu de nos débats attestera que nous partageons cette préoccupation.
Mais peut-être serait-il utile de l’inscrire dans la loi, comme le prévoit l’amendement de notre collègue Philippe Marini ? Si le Gouvernement juge cette proposition opportune, nous nous rallierons à sa position.
L'amendement est adopté.
L'article 14 est adopté.
L'amendement n° 71 rectifié, présenté par M. Leconte, Mme M. André, MM. Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Haut Conseil des finances publiques et le Parlement sont informés par le Gouvernement, à chaque examen d’un projet de loi de finances, des engagements financiers publics significatifs nouvellement souscrits n’ayant pas d’implication immédiate sur le déficit structurel, au sens de l’article 5 de la présente loi organique.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Par cet amendement, nous voulons nous assurer que le Haut Conseil des finances publiques et le Parlement seront informés par le Gouvernement, à chaque examen d’un projet de loi de finances, des engagements financiers publics significatifs nouvellement souscrits n’ayant pas, a priori, d’implications immédiates sur le déficit structurel.
Nous avons déjà évoqué hier l’« asphyxie » qui pourrait compromettre certaines missions de l’État. S’ils devaient devenir très importants, ces engagements constitueraient en effet des facteurs de risque pour l’établissement de la trajectoire des déficits publics à moyen ou long terme.
Cet amendement, qui est complémentaire de celui qui a été adopté à l’article 5, vise donc à assurer au Parlement et au Haut Conseil des finances publiques un suivi annuel de l’ensemble des engagements hors bilan de l’État.
Comme vient de le préciser notre collègue Jean-Yves Leconte, cet amendement est le pendant de l’amendement n° 67 rectifié adopté à l’article 5. Par coordination, nous y sommes donc favorables.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 14.
Le président du Haut Conseil des finances publiques est entendu à tout moment à la demande des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat.
L'amendement n° 35, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Conformément à notre position de fond sur le Haut Conseil des finances publiques, nous demandons la suppression de l’article 14 bis du projet de loi organique. Outre l’inutilité de cet outil supplémentaire, une autre considération nous pousse à défendre le présent amendement.
Aux termes de l’article 14 bis, les commissions des finances des deux assemblées peuvent auditionner le président du Haut Conseil, qui ne sera autre, on le sait bien, que le Premier président de la Cour des comptes. Or nous pouvons déjà auditionner cette personnalité quand nous le voulons. Je ne vois donc pas l’utilité de l’auditionner obligatoirement en tant que président du Haut Conseil, sauf à prévoir que l’ensemble des membres du Haut Conseil le seront également.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 14 bis est adopté.
Le Haut Conseil des finances publiques se réunit sur convocation de son président. Il délibère valablement s’il réunit, outre son président, sept de ses membres, dont deux ont été désignés dans les conditions prévues aux 2° et 3° de l’article 8. Il se prononce à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix, celle de son président est prépondérante.
Ses membres sont tenus au secret sur ses délibérations. Il ne peut publier d’opinion dissidente.
Il ne peut délibérer ni publier d’avis dans d’autres cas ou sur d’autres sujets que ceux prévus par la présente loi organique.
Il établit et rend public son règlement intérieur, qui précise les conditions dans lesquelles son président peut déléguer ses attributions.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités du tirage au sort prévu à l’article 8. Il peut préciser les rapports entre le Haut Conseil et le Gouvernement.
L'amendement n° 36, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cet article porte sur la question du règlement intérieur et de la déontologie au sein du Haut Conseil.
Que le secret des délibérations soit inscrit dans la loi est la moindre des choses, attendu que le Haut Conseil, si tant est qu’il existe, prendra très en amont les textes qui lui seront soumis, intervenant même, de fait, à un stade et à un moment où nous serons fort loin de la formule achevée d’une loi de finances ou d’une loi de financement de la sécurité sociale.
Dès lors, on peut s’interroger, comme le font d’ailleurs plusieurs de nos collègues, sur le fait qu’aucune position différente ne soit exprimée par un ou des membres du Haut Conseil sur un texte donné ou sur un avis donné.
À dire vrai, cela ne coûterait pas grand-chose d’inscrire une telle disposition dans la loi, d’autant que nous n’avons strictement aucun doute sur le fait que les membres du Haut Conseil seront des personnes acquises au bien-fondé de la convergence des politiques européennes, c'est-à-dire qu’elles sont en quelque sorte « eurocompatibles ».
Je ne serais de plus pas étonnée que les conditions de nomination des membres du Haut Conseil soient telles qu’elles conduisent à choisir des personnalités, certes qualifiées, mais partageant une pensée économique par trop monocolore…
De surcroît, ce sera le Haut Conseil lui-même qui fixera ses propres règles de fonctionnement. Certes, on peut penser que cela se fera dans un large esprit de compromis, mais la gestion des affaires publiques, la qualité et la qualification de cette institution méritent, je le répète, autre chose qu’un simple accord entre initiés ou experts. Pour notre part, nous estimons que cette responsabilité revient au politique.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 45 rectifié bis, présenté par MM. Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. André Gattolin.
Cet amendement revient sur la question de la publication d’opinions dissidentes de membres du Haut Conseil.
L'objet des avis de cette instance, à savoir les prévisions économiques et le PIB potentiel, est, par définition, sujet à des débats contradictoires complexes. Il serait donc fallacieux, scientifiquement aussi bien que politiquement, de faire mine d'ignorer ce débat, en le réduisant, par défaut, à une position unique. Cela pourrait même faire peser des soupçons sur l'indépendance de l'institution, qui se trouverait incapable d’assumer la complexité intrinsèque de ses débats.
La mention de débats contradictoires, dans un domaine où leur existence est naturelle, n’ôtera rien à la force de l’avis du Haut Conseil des finances publiques, dont la décision sera légitimée par un vote.
En outre, la préservation du secret des délibérations, que nous ne voulons absolument pas remettre en cause, garantit la liberté d’expression et l’indépendance des membres du Haut Conseil.
Au Parlement, les commissions d’enquête, pourtant parfois sensibles, fonctionnent sur ce mode ; il en va de même de la Cour suprême des États-Unis, qui, lorsqu’elle est critiquée, l’est pour sa puissance et non pour sa faiblesse.
Le Comité de politique monétaire, organe décisionnaire de la Réserve fédérale des États-Unis en charge de la politique monétaire – rien que cela –, procède lui aussi de la sorte, sans que ses décisions soient davantage critiquées que celles d’autres institutions.
En commission des finances, M. le rapporteur général a fait remarquer avec raison que le projet de loi organique, dans sa rédaction résultant des travaux de l’Assemblée nationale, ne respectait pas tout à fait l’indépendance du Haut Conseil, dans la mesure où il renvoyait la définition de ses règles de fonctionnement à un futur décret en Conseil d’État.
Le parti a donc été pris, à juste titre, de fixer dans l’article 15 du projet de loi organique les règles essentielles du fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques.
La commission des finances ne s’est pas attardée particulièrement sur la publication des opinions dissidentes qui ne représentait qu’un élément, parmi d’autres, des dispositions proposées.
À la réflexion, l’interdiction de la publication des opinions dissidentes nous est apparue problématique pour les raisons que je viens d’exposer. Aussi avons-nous déposé un amendement visant à autoriser explicitement la publication de ces opinions.
Toutefois, après avoir entendu les arguments du rapporteur général de la commission des finances, nous avons rectifié notre amendement de telle sorte que, s’il était adopté, l’article 15 du projet de loi organique serait muet sur la question des opinions dissidentes : celles-ci ne seraient ni autorisées de façon explicite ni interdites.
Cette solution aurait l’avantage de laisser au Haut Conseil la latitude de décider lui-même ce qui lui paraît plus pertinent pour son propre fonctionnement.
Sans préjuger de votre avis, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, il me semble que nous devrions pouvoir nous accorder sur cette position médiane qui vise à garantir, comme d’autres dispositions que vous avez fait adopter en commission, une meilleure transparence et une meilleure indépendance du Haut Conseil des finances publiques, lequel serait laissé libre de statuer sur ce point de son fonctionnement.
Cet amendement touche à un sujet particulièrement sensible.
Il est contraire à l’amendement que la commission des finances a adopté sur mon initiative pour interdire la publication des opinions dissidentes. La commission a adopté cette position parce qu’elle considère que le Haut Conseil ne devant avoir qu’un pouvoir d’influence, il deviendrait inaudible s’il étalait ses divisions.
Les exemples mentionnés à l’appui de l’amendement n° 45 rectifié bis sont peu convaincants à nos yeux.
Dans le cas des commissions d’enquête parlementaires, les opinions dissidentes sont un élément de démocratie.
Quant à la Cour suprême des États-Unis et au Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale, il s’agit d’institutions qui peuvent se permettre de rendre publiques, pour la première, des opinions dissidentes ou, pour la seconde, des minutes parce qu’elles exercent un véritable pouvoir de décision.
Tel ne sera pas le cas du Haut Conseil des finances publiques qui, au contraire, aura besoin de parler d’une seule voix pour acquérir une légitimité et une crédibilité fortes.
Dans la nouvelle version de son amendement, que M. Gattolin vient de présenter, le groupe écologiste propose que la question des opinions dissidentes ne soit pas tranchée dans la loi ; elle le serait par le Haut Conseil des finances publiques lui-même dans son règlement intérieur.
L’adoption de cet amendement conduirait à confier au Haut Conseil une lourde responsabilité.
On perçoit bien qu’en évacuant de la loi la question des opinions dissidentes, on ferait évoluer de manière importante le dispositif proposé par la commission.
La commission des finances était défavorable à la version précédente de l’amendement. Cependant, comme elle n’a pas examiné la version rectifiée, je ne peux émettre qu’un avis de sagesse.
Les exemples donnés par les auteurs de l’amendement et rappelés à l’instant par le rapporteur général sont éclairants, dans la mesure où ils sont empruntés à un système politique qui est tout de même assez radicalement différent du nôtre.
Au demeurant, pourquoi les défenseurs de cet amendement vont-ils chercher des exemples outre-Atlantique, alors qu’ils pourraient en trouver bien plus près du Sénat ? Il est vrai que ceux-là ne vont pas dans leur sens…
A-t-on jamais vu un membre du Conseil constitutionnel faire état d’un quelconque désaccord une fois qu’une décision a été rendue ? Cela ne se fait pas !
Certes, l’autorité du Haut Conseil des finances publiques ne repose pas seulement sur l’absence de publication des opinions dissidentes ; mais elle tient en partie à ce principe et à l’impossibilité de savoir, après qu’une décision aura été prise, qui l’aura approuvée et qui l’aura regrettée ou combattue.
Je ne crois pas que l’autorité du Haut Conseil des finances publiques puisse de quelque manière se diviser, ni que l’on puisse laisser au Haut Conseil la possibilité de décider que son autorité puisse se diviser.
Monsieur Gattolin, le Gouvernement est donc opposé à votre amendement.
Monsieur Gattolin, je comprends vos arguments mais la plupart des exemples que vous avez pris dans le système américain sont ceux de juridictions qui prennent des décisions et élaborent une doctrine.
Dans le cas de la Cour suprême des États-Unis, il y a quelque chose de positif à rendre publics les raisonnements qui ont conduit à une décision.
Dans le domaine économique et financier, en revanche, tout est très fragile. Mes chers collègues, imaginons un instant que le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne rende publics ses débats ! Quelle panique ne s’ensuivrait-elle pas sur les marchés financiers ?
Votre souhait, monsieur Gattolin, est légitime ; malheureusement, il serait dangereux de l’exaucer dans le domaine économique et financier, où une trop grande transparence n’est pas souhaitable.
Je me range donc à l’avis du rapporteur général de la commission des finances.
Je m’apprête, à titre personnel, à voter cet amendement.
En effet, il me semble que laisser le Haut Conseil des finances publiques définir lui-même sa règle du jeu dans son règlement intérieur est la position la plus respectueuse de cette institution.
D’ailleurs, il est tout à fait possible que le Haut Conseil adopte la même ligne de pensée que le ministre et le rapporteur général, en considérant qu’il serait risqué que des opinions dissidentes soient publiquement exprimées ; dans notre culture, c’est même assez vraisemblable – mais peut-être serai-je démenti par la décision du Haut Conseil, si l’amendement n° 45 rectifié bis est adopté.
Cher collègue Richard Yung, je ne crois pas véritablement qu’un avis dissident puisse avoir une incidence sur les marchés financiers ou sur le comportement de tel ou tel agent économique.
S’il ne s’agit que d’expliciter des raisonnements au sein d’un organisme dont le rôle est précisément méthodologique et consultatif, le pluralisme n’est pas nécessairement un handicap.
S’il apparaît que des objections ont été formulées mais qu’une approche majoritaire a nettement prévalu, il n’y a aucune raison que le Haut Conseil soit affaibli ; en tout cas, il n’y a aucun motif d’affaiblissement automatique.
Je vous confie que c’est avec un peu d’hésitation que je voterai cet amendement. Mais je pense qu’il ouvre le jeu et qu’il est respectueux de l’indépendance du corps que nous allons créer.
Il me semble que l’amendement n° 45 rectifié bis est de toute façon sans objet.
En effet, si nous supprimons dans l’article 15 du projet de loi organique la seconde phrase de l’alinéa 2 « Il ne peut publier d’opinion dissidente », le Haut Conseil ne pourra pas publier d’opinion dissidente puisque l’alinéa suivant dispose qu’« il ne peut […] publier d’avis dans d’autres cas ou sur d’autres sujets que ceux prévus par la présente loi organique ».
Autrement dit, si les auteurs de l’amendement voulaient vraiment que la publication d’opinions dissidentes soit possible, il faudrait qu’ils proposent cette formulation : « Il peut publier des opinions dissidentes ». Si cette disposition n’est pas introduite, le Haut Conseil ne pourra pas publier d’opinions dissidentes, même si nous supprimons la seconde phrase de l’alinéa 2 de l’article 15.
Mes chers collègues, qu’attendons-nous de ce Haut Conseil ? Qu’il donne un avis circonstancié après un délibéré.
Ce délibéré sera naturellement secret, comme c’est la tradition dans notre pays.
L’avis du Haut Conseil résultera de ce délibéré, non de la juxtaposition d’opinions forcément différentes. Autrement dit, c’est la synthèse d’opinions respectables dans leurs différences qui donnera l’avis du Haut Conseil.
Je crois qu’il ne s’agit pas d’un organe académique, au sein duquel on pourrait défendre des thèses contradictoires et en discuter à l’infini comme dans un colloque.
Le Haut Conseil donnera un avis après délibéré, sans opinion dissidente. Il doit y avoir l’avis du Haut Conseil, pas l’avis de chacun des membres du Haut Conseil.
Je ne voterai donc pas cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 15 est adopté.
L'amendement n° 18, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le président du Haut Conseil des finances publiques gère les crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Ces crédits sont regroupés au sein d’une dotation spécifique de la mission « Pouvoirs publics ». Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à leur gestion.
La parole est à M. Philippe Marini.
Dans la mesure où le Haut Conseil des finances publiques, dont nous devons veiller à assurer l’indépendance pleine et entière, sera présidé par le Premier président de la Cour des comptes et lié à cette juridiction, je me suis interrogé sur le moyen de garantir son autonomie budgétaire.
C’est la raison pour laquelle je propose que les crédits permettant au Haut Conseil d’accomplir ses missions fassent l’objet d’une dotation spécifique au sein de la mission « Pouvoirs publics ».
Ce dispositif montrerait que le Haut Conseil se situe à la place la plus élevée dans la hiérarchie de nos institutions.
En outre, il éviterait des problèmes budgétaires internes à la Cour des comptes ou des décisions de gestion que la Cour des comptes serait susceptible de prendre pour sauvegarder ses propres missions au détriment, le cas échéant, des moyens de travail du Haut Conseil.
Monsieur le ministre, je serais heureux que vous puissiez me rassurer sur l’indépendance matérielle et fonctionnelle du Haut Conseil des finances publiques.
Il est évident que l’amendement n° 18 vise à garantir l’indépendance du Haut Conseil des finances publiques.
Son auteur considère que cette indépendance serait plus grande si les crédits du Haut Conseil faisaient partie de la mission « Pouvoirs publics ».
On peut bien sûr comprendre cette préoccupation. J’observe toutefois que de nombreuses institutions, dont certaines sont même citées dans la Constitution, comme le Conseil supérieur de la magistrature, n’ont pas leurs crédits au sein de la mission « Pouvoirs publics ».
Comme on le voit pour les autorités administratives indépendantes – le CSA, la CNIL, etc. –, l’autonomie financière n’est pas une condition de l’indépendance.
Monsieur le ministre, il s'agit là d’une question non pas de fond, mais d’organisation budgétaire, sur laquelle vous nous donnerez certainement votre sentiment. Avant de se prononcer, la commission des finances souhaite donc entendre l’avis du Gouvernement sur ce problème qui, je le répète, relève de l’architecture budgétaire et non du fonctionnement du Haut Conseil.
Les autorités administratives indépendantes – je n’évoque pas le cas de juridictions comme le Conseil constitutionnel – ne disposent pas d’un budget identifié au sein de la mission « Pouvoirs publics ». Il n'y a aucune raison pour que le Haut Conseil en ait un. Toutefois, – je veux rassurer le Sénat sur ce point – comme toutes les autres autorités, il sera soumis à la JPE, la justification au premier euro.
Monsieur le président de la commission des finances, je crois qu’il n'y a pas de raison de distinguer le Haut Conseil des autres autorités administratives, même si tel n’est pas le statut que vous auriez aimé lui donner.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
La commission avait considéré qu’il fallait recueillir l’avis du Gouvernement sur cette question, qui est d’architecture budgétaire. Dès lors qu’il n’est pas favorable à l’amendement, elle se rallie à cette position.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 15.
Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.
Merci pour le Haut Conseil !
Chapitre III
DISPOSITIONS RELATIVES AU MÉCANISME DE CORRECTION
I. – En vue du dépôt du projet de loi de règlement, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants, au sens du II, que fait apparaître la comparaison des résultats de l’exécution de l’année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques.
Cet avis est rendu public par le Haut Conseil des finances publiques et joint au projet de loi de règlement. Il tient compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles définies à l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité, de nature à justifier les écarts constatés.
Lorsque l’avis du Haut Conseil identifie de tels écarts, le Gouvernement expose les raisons de ces écarts lors de l’examen de la loi de règlement par chaque assemblée. Il présente les mesures de correction envisagées dans le rapport mentionné à l’article 48 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée.
II. – Un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l’ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu’il représente au moins 0, 5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0, 25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives.
III. – Le Gouvernement tient compte d’un écart important au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l’année ou de loi de financement de la sécurité sociale de l’année.
Un rapport annexé au prochain projet de loi de finances de l’année et au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année analyse les mesures de correction envisagées, qui peuvent porter sur l’ensemble des administrations publiques ou sur certains sous-secteurs seulement, en vue de retourner aux orientations pluriannuelles de solde structurel définies par la loi de programmation des finances publiques. Le cas échéant, ce rapport justifie les différences apparaissant, dans l’ampleur et le calendrier de ces mesures de correction, par rapport aux indications figurant dans la loi de programmation des finances publiques en application du 5° de l’article 2.
L’avis du Haut Conseil des finances publiques mentionné à l’article 10 comporte une appréciation de ces mesures de correction et, le cas échéant, de ces différences.
IV
Le Haut Conseil répond sans délai, par un avis motivé et rendu public.
B. – L’article liminaire du premier projet de loi de finances, autre que la loi de règlement des comptes, suivant la publication de cet avis, peut déclarer une situation de circonstances exceptionnelles.
C. – Lorsque les circonstances exceptionnelles ont disparu, le Gouvernement dépose un projet de loi de programmation des finances publiques en cohérence avec les obligations européennes de la France, au plus tard lors du dépôt du prochain projet de loi de finances.
L'amendement n° 37, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Avec cet article 16, nous examinons la question du mécanisme de correction automatique qui se mettra en place dès lors que la France se trouvera – passez-moi l’expression, mes chers collègues – « en dehors des clous » s'agissant de la trajectoire de ses comptes publics. Il s'agit là, nous dit-on, de traduire nos engagements européens, ceux-ci se révélant supérieurs à toute considération de politique économique et budgétaire intérieure.
Le dispositif est connu et identifié : il s'agit de donner sens à la loi de règlement en faisant du rapport du Haut Conseil annexé à ce texte le juge de paix, l’élément de mesure, j’allais dire le maître étalon, du respect éventuel de l’objectif de moyen terme des écarts de trajectoire causés par la conjoncture – nous nous perdrons demain en conjectures sur la conjoncture ! –, et des mesures correctrices devant être prises pour remédier aux décalages les plus marquants avec le solde structurel.
Il est d'ailleurs indiqué, au cas où cela nous aurait échappé, que le Gouvernement sera en quelque sorte mis en demeure de prendre les mesures correctrices dès le premier texte de nature budgétaire qu’il pourra présenter.
Nous avons donc une situation dans laquelle le Haut Conseil jouera un tout autre rôle que celui qui consiste à émettre un avis sur les lois de finances : il préemptera en amont les orientations budgétaires profondes que le Gouvernement sera amené à prendre en fonction de l’exécution budgétaire. Or cela, nous sommes désolés de le rappeler, c’est, en principe et de A à Z, le travail des parlementaires !
C’est bien pour cette raison, aussi, que nous ne pouvons que proposer la suppression de cet article.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
En vue du dépôt du projet de loi de règlement
par les mots :
Avant le 15 juin de chaque année
II. - Alinéas 2 et 3
Rédiger ainsi ces alinéas :
Cet avis est rendu public par le Haut Conseil des finances publiques. Il tient compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles définies à l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité, de nature à justifier les écarts constatés.
Lorsque l’avis du Haut Conseil identifie de tels écarts, le débat prévu à l’article 48 de la loi organique n° 2001–692 du 1er août 2001 précitée et à l’article L.O. 111-5-2 du code de la sécurité sociale est obligatoire. Dans le rapport mentionné aux deux articles précités, le Gouvernement expose les raisons de ces écarts et présente les mesures de correction envisagées.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à donner au Haut Conseil la possibilité de disposer du projet de loi de règlement et du rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale pour émettre son avis sur les écarts importants entre l’exécution de l’année écoulée et les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques.
La commission des comptes rend son rapport entre le 15 avril et le 15 juin chaque année.
Le dispositif proposé aujourd’hui fait du projet de loi de règlement le support des discussions sur la constatation d’un éventuel écart par rapport aux orientations pluriannuelles des finances publiques. Or ce texte, qui arrête les comptes du seul État, conformément à la Constitution et à la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, n’est pas le bon vecteur. Mieux vaut viser le débat d’orientation des finances publiques, qui est, par nature, consolidé et couvre l’ensemble des administrations publiques.
Afin de permettre au Parlement tout entier de se saisir de cet avis, il est proposé, en cas d’écart important, que le débat d’orientation des finances publiques soit obligatoire. Dans le rapport préparatoire à cette discussion, le Gouvernement exposerait les raisons de ces écarts et présenterait les mesures de correction envisagées.
Les dispositions de cet amendement, dont la logique est convaincante, posent deux difficultés, et non des moindres.
Tout d'abord, apparaît un problème de principe : les transformations de la gouvernance des finances publiques conduisent effectivement à faire évoluer la loi de règlement vers une loi de règlement de l’exécution de la programmation « toutes APU », c'est-à-dire concernant toutes les administrations publiques. Tel est d'ailleurs le sens de l’article 6 bis, que nous avons adopté et qui crée un article liminaire dans les lois de règlement.
Ensuite, se pose une difficulté politique : la revalorisation de la loi de règlement constitue l’un des axes importants mis en avant par l’Assemblée nationale. Au Sénat, nous avons toujours considéré que la loi de règlement n’intéressait personne, précisément parce qu’elle ne porte que sur l’État et n’aborde pas la programmation de l’ensemble des administrations publiques. L’initiative prise par MM. Carrez et Eckert au Palais-Bourbon nous a semblé répondre à cette préoccupation, que nous avions exprimée à maintes reprises, et nous avons donc considéré qu’elle était tout à fait utile.
Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Je reprendrai l’argumentation de M. le rapporteur général, parce que je la crois bonne.
Monsieur Daudigny, je comprends votre souci, qui est tout à fait légitime et respectable, de revaloriser l’examen des finances sociales. Toutefois, un consensus s’est dégagé pour que ce débat ait lieu lors de la discussion de la loi de règlement, dont c’est là, sinon le rôle majeur, du moins l’une des fonctions les plus importantes.
Il est vrai, comme vous le signalez, que la loi de règlement arrête les seuls comptes de l’État, mais celle-ci contient un article liminaire qui vise l’ensemble des administrations publiques. De même, l’avis du Haut Conseil portera sur la totalité des administrations publiques et se fondera sur les comptes provisoires publiés par l’INSEE à la fin du mois de mars. Avec ces informations et les dispositions adoptées pour la loi de règlement, vous avez en réalité satisfaction, me semble-t-il.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. Si tel n’était pas le cas, il serait préférable que le Sénat le rejette, pour ne pas compliquer inutilement l’examen des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale.
Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 10 rectifié est-il maintenu ?
J’ai écouté l’argumentation du rapporteur général et de M. le ministre, mais je ne suis pas totalement convaincu...
La loi de règlement n’est pas à ce jour, me semble-t-il, une loi de règlement des comptes publics. Elle est encore un texte partiel, et elle le restera à moins que la Constitution ne soit modifiée. Le projet de loi de règlement prononce donc bien l’arrêté des comptes de l’État, et non de ceux de la sécurité sociale.
Il me semble bien que c’est le débat d’orientation des finances publiques qui devrait être le cadre de la mise en œuvre du mécanisme de correction, car il est consolidé et couvre les trois administrations publiques, à savoir l’État, les collectivités territoriales et la sécurité sociale.
Toutefois, compte tenu de la position exprimée par M. le ministre et M. le rapporteur général, et dans une perspective d’apaisement de ce débat, je retire cet amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 10 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 72, présenté par M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson et Botrel, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
, telle qu’elle résulte de la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à cette même loi
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
Le présent amendement est non plus de fond, mais de précision, dès lors que M. Arthuis a retiré l'amendement n° 65, ce qui était d'ailleurs tout à fait logique puisque ce dernier était un amendement de coordination avec une disposition qu’il avait présentée à l’article 9.
Nous avons eu tout à l'heure un débat de fond entre deux visions du Haut Conseil : celle de M. Arthuis, qui voulait donner à cette instance la possibilité de définir les règles selon lesquelles elle évaluerait la trajectoire des finances publiques du Gouvernement, ratifiée par le Parlement, et celle du rapporteur général et du président de la commission des finances, éclairés par les explications que le ministre avait données sur la manière dont il entendait nouer le dialogue avec le Haut Conseil.
Dès lors que le Sénat a tranché entre ces deux visions, en retenant celle qui est commune au rapporteur général, au président de la commission des finances et au ministre, on voit mal sur quelles hypothèses pourrait être évaluée la trajectoire des finances publiques, sinon sur celles que le Gouvernement a lui-même retenues en amont, c'est-à-dire lors de l’élaboration de ce cadre.
J'ajoute que si tel n’était pas le cas, nous serions confrontés à un problème majeur : il y aurait une modification des règles du jeu entre, d'une part, l’élaboration, la fixation et le vote d’une trajectoire politique, et, d'autre part, le moment où l’on évalue celle-ci. C’est un peu comme si, lors d’un concours, un candidat se voyait attribuer la note zéro à une épreuve de mathématiques au motif que le correcteur a changé l’énoncé du problème au moment où il a corrigé la copie. Il y aurait de quoi être particulièrement surpris !
Mais si cela arrivait, il y aurait de quoi concevoir une certaine amertume.
Cet amendement est donc désormais de précision, de bon sens. Il vise tout simplement à spécifier que les règles suivies par le Haut Conseil pour évaluer la trajectoire des finances publiques reposent sur les hypothèses figurant initialement dans la loi de programmation.
L'amendement n° 65, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Pour ce calcul, le Haut Conseil utilise la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques ou, s’il a exprimé un avis défavorable à son sujet dans l’avis prévu à l’article 9, celle qu’il a annoncée à cette occasion. Dans le cas de la loi de programmation des finances publiques en vigueur au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi organique, la trajectoire de produit intérieur brut potentiel prise en compte par le Haut Conseil est celle figurant dans le rapport annexé à cette même loi.
Cet amendement a été précédemment retiré par son auteur.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 72 ?
Pour la commission des finances, les dispositions proposées ici vont dans le bon sens.
Comme l’a souligné Jean-Pierre Caffet, il s'agit d’un amendement de précision, que je qualifierai même, pour bien caractériser l’œuvre législative du Sénat, d’amendement de bon sens.
À ce titre, la commission des finances demande au Sénat de l’adopter.
Le solde structurel présente l’avantage, par rapport au solde effectif, de prendre en compte la conjoncture. Toutefois, il introduit une difficulté : il repose par nature sur des hypothèses et son estimation pour une même année s’affine à mesure que le temps passe et que les données concernant le cycle économique en cours s’accumulent.
Comme différentes lois de finances, de règlement et de programmation peuvent comporter des mentions du solde structurel d’une même année, mais établies à des époques différentes, la comparaison de ces différentes lois, sur laquelle repose le déclenchement du mécanisme de correction, n’est pas évidente.
Cet amendement tend à résoudre le problème par la manière forte, en figeant à jamais l’hypothèse de PIB potentiel pour une année donnée, telle qu’elle apparaît dans la loi de programmation. Peu importe ce qui pourra se passer ensuite !
Cette démarche nous semble tout d’abord heurter le bon sens, …
… en ce qu’elle interdit par principe de considérer les données les plus à jour pour éclairer les problèmes qui se posent au Haut Conseil.
À cet égard, nous ne sommes probablement déjà plus dans le cadre de la « sincérité » évoquée à l’article 5 bis de ce projet de loi organique, que nous avons adopté et aux termes duquel cette notion « s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Il ne faudrait pas que le Conseil constitutionnel trouve à redire à cet amendement en matière de sincérité !
On peut même se demander sur quelle base se fera le dialogue avec la Commission européenne, qui réévalue quant à elle tous les ans, sinon plus souvent, ses estimations. Or, je le rappelle, après l’adoption de l’amendement n° 70 rectifié de M. Caffet, nous faisons désormais référence à ces évaluations de la Commission européenne à l’article 8 bis du projet de loi organique.
Ensuite, cette démarche nous semble contradictoire avec le sens même du concept de solde structurel, qui vise à prendre en compte la conjoncture. La méthode ici proposée procède en effet à l’inverse, puisqu’elle fait abstraction de la conjoncture postérieure au vote de la loi de programmation...
L’exposé des motifs de l’amendement indique que le fait de ne pas figer l’hypothèse de PIB potentiel de la loi de programmation pourrait aboutir soit à un contournement de la règle et à un effort minoré, soit au déclenchement abusif de la correction. C’est vrai, mais l’argument est parfaitement symétrique !
En effet, admettons que l’on fige l’hypothèse de la loi de programmation, comme le suggèrent les auteurs de cet amendement. Si la conjoncture s’améliore, cela veut dire que l’effort ayant été demandé en programmation est donc finalement sous-estimé, ce qui revient tout autant à contourner la règle, car la réévaluation a très bien pu intervenir après la loi de programmation, mais avant l’élaboration du projet de loi finances de l’année concernée. Si la conjoncture se détériore, cela signifie, à l’inverse, que l’effort demandé en loi de programmation est surévalué par rapport à une dégradation du contexte qui n’est paradoxalement pas prise en compte dans le solde structurel, que cet effort risque donc de ne pas être réalisé et, finalement, on aboutit là aussi au déclenchement abusif de la correction.
Nous pensons vraiment qu’il ne s’agit pas là de la bonne méthode. À nos yeux, la loi organique doit non pas imposer le choix de l’hypothèse de référence, mais simplement demander la transparence sur la manière dont le Gouvernement et le Haut Conseil appréhendent, à chaque fois, cette difficulté de comparaison, revers de la médaille du concept de solde structurel.
C’est précisément tout l’intérêt de se doter d’une institution à la fois indépendante et consultative que de lui permettre de contrôler une cohérence ne coulant pas de source. S’il s’agit de tout figer par avance, sans prendre en compte la conjoncture ni seulement considérer les données à jour, s’il s’agit de faire de simples comparaisons arithmétiques, alors, la question de l’intérêt du Haut Conseil vient à se poser !
Parce que la disposition qui nous est proposée au travers de l’amendement n° 72 pose un problème de sincérité, parce qu’elle est contradictoire avec le sens même du solde structurel et, enfin et surtout, parce qu’elle ne permet pas d’aboutir aux objectifs qui lui sont assignés, le groupe écologiste sera forcé de voter contre.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 53 rectifié bis, présenté par MM. Placé, Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans son avis, le Haut Conseil indique si la prise en compte de la réactualisation des différentes hypothèses ayant permis l'estimation du solde structurel de l'année considérée aurait produit des écarts sensiblement différents.
La parole est à M. André Gattolin.
Cet amendement peut être considéré comme un amendement de repli, après que l’amendement n° 72 a été adopté.
En effet, nous avons expliqué en nous exprimant sur l’amendement n° 72 pourquoi nous considérons qu’il est profondément dommageable que l’hypothèse de PIB potentiel de référence pour la comparaison soit figée, sans que l’évolution de la conjoncture puisse être prise en compte, comme cela semblerait pourtant naturel dans le cadre d’un dispositif visant précisément à considérer celle-ci.
Compte tenu du fait que l’amendement précédent a été adopté, avec l’inconvénient que, contrairement aux objectifs affichés, la mesure permettra un effort minoré ou une correction abusive, nous souhaiterions simplement, au travers de l’amendement n° 53 rectifié bis, que le Haut Conseil puisse, dans son avis, informer le Parlement des analyses alternatives qu’il aurait pu produire s’il n’avait pas été contraint d’utiliser l’hypothèse du PIB potentiel de la loi de programmation des finances publiques.
Interdire à une institution consultative d’utiliser des données à jour pour simplement éclairer la représentation nationale serait pour le moins curieux. Donner cette information n’interférera pas avec le jugement que le Haut Conseil sera amené à porter au regard de l’hypothèse de la loi de programmation, telle que l’amendement n° 72 l’a imposée.
À mon sens, rien ne devrait s’opposer à l’adoption de l’amendement n° 53 rectifié bis, dont l’objectif est purement informatif.
Mon argumentation sera des plus sommaires. Comme l’a d’ailleurs souligné lui-même M. Gattolin dans son explication de vote sur l’amendement précédent, l’adoption de ce dernier bat en brèche l’argumentation du groupe écologiste sur le sujet. La commission des finances ayant incité le Sénat à voter l’amendement de Jean-Pierre Caffet, elle ne peut qu’être défavorable à l’amendement n° 53 rectifié bis.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 20, présenté par Mme Des Esgaulx et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 7
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
III. – Un rapport annexé au plus prochain projet de loi de finances de l’année et au plus prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année analyse les mesures proposées par le Gouvernement pour corriger un écart important. Ces mesures peuvent porter sur l’ensemble des administrations publiques ou sur certains sous-secteurs seulement, en vue du retour aux orientations pluriannuelles de solde structurel définies par la loi de programmation des finances publiques. Le cas échéant, ce rapport expose et justifie les différences apparaissant, dans l’ampleur et le calendrier de ces mesures, avec les indications figurant dans la loi de programmation des finances publiques en application du 5° de l’article 2. L’avis du Haut Conseil des finances publiques mentionné à l’article 10 comporte une appréciation de ces mesures et, le cas échéant, de ces différences.
La plus prochaine loi de finances de l’année ou loi de financement de la sécurité sociale de l’année comprend les mesures, qui relèvent de leur domaine, visant à corriger un écart important.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Il convient de remplacer les alinéas cinq à sept de l’article 16 par une autre rédaction, car, en l’état, le texte ne crée pas d’obligation de résultat concernant la correction de l’écart.
Or je rappelle que le traité, dans son article 3, dispose : « Un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif à moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement propre à permettre sa réalisation. Ce mécanisme comporte l’obligation pour la partie contractante concernée – c’est-à-dire l’État – de mettre en œuvre des mesures visant à corriger ces écarts sur une période déterminée. »
Monsieur le ministre, sans doute avec un peu de malice, permettez-moi tout de même de vous rappeler que le recours à la loi organique, de préférence à la Constitution – vous savez ce que j’en pense ! –, ne vous dispense pas de respecter une disposition essentielle du traité, qui consiste à faire de la correction des écarts par rapport à l’objectif une obligation, sauf à le priver d’effet et à être en contradiction avec nos engagements européens.
Cet amendement a donc toute son importance. Il appartiendra au Gouvernement de présenter l’ensemble des mesures tendant à corriger l’écart et au Parlement de décider de celles qui relèvent des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
L'amendement n° 59, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le Haut Conseil des finances publiques peut demander qu’il lui soit présenté un rapport sur les comptes prévisionnels des administrations publiques locales, selon les modalités de la comptabilité publique et de la comptabilité nationale, ainsi qu’un tableau récapitulatif des comptes prévisionnels agrégés des administrations publiques afin de vérifier leur correspondance avec le programme de stabilité.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Le corps existant de règles prévoit des comptes prévisionnels pour les sous-secteurs de l’État et de la protection sociale, mais pas encore pour les administrations locales – c’est un sujet sur lequel je suis revenu à plusieurs reprises, sans succès. Des transferts de dépenses et de ressources entre les trois principaux sous-secteurs s’opérant souvent d’une année sur l’autre, il est légitime que le Haut Conseil puisse disposer de l’information financière nécessaire pour anticiper les effets que pourraient produire ces transferts, lesquels aboutissent souvent à la déconnexion entre l’administration qui prescrit et celle qui paie.
Concernant l’amendement n° 20, présenté par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, nous avons le sentiment que son adoption ne permettrait pas d’atteindre le but qui lui est assigné dans son objet, à savoir rendre obligatoire la correction des écarts.
En effet, il maintient la disposition selon laquelle le Gouvernement expose et justifie les différences apparaissant, dans l’ampleur et le calendrier, avec les indications figurant dans la loi de programmation des finances publiques.
Si de telles différences sont possibles, c’est bien que la correction des écarts importants n’est pas une obligation. §
Le second argument – le plus important, me semble-t-il – à opposer à cet amendement, c’est que le fait de rendre le mécanisme de correction juridiquement contraignant serait contraire à la Constitution.
En conséquence, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.
Madame Goulet, la commission des finances exprime ses regrets de ne pouvoir vous suivre…
… sur les multiples propositions que vous avez bien voulu nous faire.
S’agissant de l’amendement n° 59, je vous opposerai trois arguments.
Tout d’abord, à nos yeux, l’amendement est déjà satisfait, …
… puisque l’article 14 du projet de loi organique dispose : « Le Gouvernement répond aux demandes d’information que lui adresse le Haut Conseil dans le cadre de la préparation de ses avis. »
Ensuite, on ne comprend pas bien à quoi serviraient les informations visées par l’amendement, en particulier les comptes des administrations locales. On sait que ces comptes sont structurellement proches de l’équilibre. En quoi s’agirait-il d’un enjeu essentiel pour le Haut Conseil ? Il ne nous a pas paru utile d’aller chercher si loin.
Enfin, il ne semble pas opportun de charger le Haut Conseil d’examiner le respect des programmes de stabilité. Sa fonction est simplement d’exprimer un avis sur les prévisions macroéconomiques et d’examiner le respect de la règle de solde du TSCG. Si en plus on lui demandait de se prononcer sur la conformité des textes financiers au programme de stabilité, ses avis deviendraient fort complexes, parfois même inaudibles.
Dans ces conditions, la commission des finances vous suggère de retirer cet amendement.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Madame Goulet, vous avez craint de terminer par un échec, mais vous terminez par un succès éclatant, puisque, avant même d’avoir pris connaissance de votre amendement, le Gouvernement vous avait donné satisfaction
Ah ! sur les travées de l'UMP.
S’agissant de l’autre point, le nombre d’administrations locales ne rend pas l’exercice que vous suggérez praticable. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous aviez accepté hier de retirer un de vos précédents amendements. Aussi, je vous suggère de faire de même pour celui-ci. À défaut, je demanderais au Sénat de voter contre.
Madame Des Esgaulx, M. le rapporteur général de la commission des finances vous a clairement indiqué qu’il n’est pas possible de contraindre le pouvoir budgétaire annuel. Si cette disposition était adoptée, elle serait immanquablement censurée. Je ne crois pas que ce soit de bonne pratique législative de prendre ce risque de manière aussi avérée.
J’ajoute que le Gouvernement, vous le savez, a deux possibilités devant l’avis du Haut Conseil : le suivre en se soumettant ou ne pas le suivre, mais en disant pourquoi. Il y a donc bien une relation de cause à effet, entraînant l’automaticité, à laquelle vous faisiez référence, qui n’est pas une relation d’immédiateté. L’automaticité ne suppose pas une chronologie particulière, comme vous sembliez le penser. Telle est la raison pour laquelle j’appelle le Sénat à rejeter l’amendement n° 20. Croyez bien que j’en suis désolé.
Pour que le débat soit bien clair, je souhaiterais interroger le Gouvernement sur la base de cet amendement présenté par le groupe UMP.
Monsieur le ministre, en cas de survenance d’un écart important, que se passerait-il ? Ce débat étant très technique et les arguments n’étant pas nécessairement simples à assembler les uns aux autres, pourriez-vous faire montre de pédagogie – je suis sûr que vous allez y parvenir avec brio – pour nous dérouler le scénario d’un écart important mis en évidence par les analyses du Haut Conseil ? Comment respecterions-nous le e de l’article 3, qui dispose : « Un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif à moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement propre à permettre sa réalisation » ?
Il serait sans soute utile qu’au-delà du formalisme de cet amendement, qui, au demeurant, ainsi que cela a été dit, ne crée pas vraiment d’obligation de résultat, vous puissiez nous expliquer ou plutôt nous réexpliquer – pardonnez-moi si j’ai été inattentif – quel serait le déroulement de la situation en cas de survenance d’un écart important.
Monsieur Marini, vous connaissez aussi bien que moi le principe du « chaînage vertueux », d’ailleurs introduit par la loi organique relative aux lois de finances : c’est dans la loi de règlement que l’on constate ce qu’il en est, c’est dans le cadre du débat d’orientation budgétaire que le Gouvernement indique au Parlement les orientations fixées, et c’est dans la loi de finances qui suit que ces dernières sont mises en œuvre.
Reconnaissons-le, il se trouve que ce chaînage vertueux a peu fonctionné au cours des dernières années. Nul doute que le Haut Conseil contribuera puissamment à ce qu’il soit réellement mis en œuvre, car, en vérité, il ne l’est pas encore.
Voilà la façon à la fois la plus explicite et la plus simple de répondre à vos interrogations. Si cela pouvait vous convaincre de m’aider à obtenir de Mme Des Esgaulx le retrait de son amendement, j’en serais très heureux. §
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
La question est importante, ne serait-ce que sur le plan juridique : comme je l’ai dit, la commission des finances a jugé qu’une telle disposition, si elle était adoptée, serait frappée d’inconstitutionnalité.
Il y a un autre aspect à souligner. Sur le plan économique, il nous faut être attentifs au fait que corriger l’écart en une seule fois pourrait avoir des conséquences récessives particulièrement lourdes. §
S’il convient de déclencher le mécanisme de correction en cela qu’il est automatique, il doit être possible de lisser la prise de décision dans le temps, au maximum en trois étapes. Dans ces conditions, le dispositif aura toute sa cohérence.
Il s’agit donc bien d’une problématique de nature juridique, mais elle comporte cette dimension économique à laquelle nul ne peut être insensible. Tous les débats qui ont eu lieu récemment sur le solde structurel et la dimension conjoncturelle l’ont montré, le dispositif prévu doit nous mettre en capacité de répondre, tant aux préoccupations relatives aux finances publiques qu’aux nécessités de préserver un certain nombre d’équilibres liés à l’économie et à l’emploi.
Sous ces deux angles, il paraît tout à fait souhaitable que l’amendement n° 20 ne soit pas adopté. C’est ce que je tenais à redire d’une façon encore plus précise.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Monsieur le président, je maintiens, pour le principe, l’amendement n° 20. Les réponses qui viennent d’être apportées, particulièrement celles de M. le rapporteur général, montrent le flou artistique qui règne dans cette opération.
Toutes les inquiétudes que nous avons dénoncées sont fondées. Au travers de cette notion d’écart, vous envisagez de faire ce que vous voudrez, comme vous le voudrez. Nous ne sommes donc plus du tout dans le cadre des obligations du traité européen et de l’article 3.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Placé, Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer le mot :
peut
par les mots :
ou soixante députés ou soixante sénateurs peuvent
La parole est à M. Jean Desessard.
Il s’agit de renforcer le rôle du Parlement en lui permettant de saisir le Haut Conseil pour que soit constatée la situation de circonstances exceptionnelles. Le nombre de députés ou de sénateurs retenu correspond à celui qui est nécessaire à une saisine du Conseil constitutionnel.
Cet amendement vise à modifier un alinéa introduit au texte initial du projet de loi organique par le biais d’un amendement adopté en commission, avec l’avis favorable du Gouvernement. Il s’agirait donc de modifier une disposition validée en commission des finances et qui fait désormais partie intégrante du texte.
Faut-il aller encore plus loin en permettant au Parlement, ne serait-ce que par une saisine pour avis consultatif du Haut Conseil des finances publiques, de « contribuer » au déclenchement de la procédure de circonstances exceptionnelles ?
Point n’est besoin de pousser l’analyse juridique très loin pour comprendre que répondre « oui » à cette question nous ferait avancer sur un terrain très incertain. Il ne faudrait pas que puisse être remis en cause, même indirectement, le monopole du Gouvernement en matière d’initiative des lois de finances.
Il est plus sage d’en rester à la formulation retenue en commission des finances et de rejeter la modification qui nous est proposée. Tel est, mes chers collègues, l’avis que la commission des finances vous propose de suivre.
L’avis est défavorable. Monsieur Desessard, vous avez bien expliqué d’où vous puisiez votre inspiration : dans la mesure où possibilité est donnée aux parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel pour faire de celui-ci une forme de structure d’appel après le vote du Parlement, vous souhaitez faire de même avec le Haut Conseil pour ce qui est des dispositions adoptées en loi de finances.
Selon moi, le Haut Conseil des finances publiques n’a pas vocation à jouer ce rôle de structure d’appel. Ce n’est pas une juridiction, contrairement au Conseil constitutionnel.
Par conséquent, ne serait-ce que sur le plan juridique, votre amendement n’est pas recevable. Il ne l’est pas davantage sur le plan des institutions et de leur fonctionnement. Le Gouvernement propose, le Parlement dispose. Une fois que ce dernier a voté la loi de finances, imaginez que quelques membres de l’Assemblée nationale ou du Sénat puissent demander au Haut Conseil des finances publiques d’être cette structure d’appel susceptible de s’opposer à ce qu’aurait décidé, au fond, une majorité de parlementaires en vue de rétablir nos finances publiques selon une trajectoire votée par le législateur.
Voilà qui ne contribuerait pas à rehausser le crédit de notre pays, objectif que nous cherchons justement à atteindre au travers des dispositions qui sont en train d’être adoptées.
Monsieur Desessard, le Gouvernement appelle vraiment au rejet de cet amendement, dans l’hypothèse où vous ne le retiriez pas.
Monsieur Desessard, c’est, me semble-t-il, au Bundestag que vous et vos collègues ont puisé leur inspiration pour nous proposer cet amendement qui n’est pas sans intérêt. En Allemagne, en effet, il revient à une majorité de députés de décider si sont réunies les conditions permettant de définir les circonstances exceptionnelles. Cette règle figure dans la loi fondamentale allemande, mais justement pas dans la Constitution française.
Bien sûr, nous pourrions tous souhaiter ici, en tant que parlementaires français, avoir les mêmes prérogatives que nos homologues du Bundestag dans le cadre des délibérations et des décisions à prendre sur la politique économique et financière. Tel n’est pas le cas.
Par conséquent, il me paraît difficile de vous suivre.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre précision. Monsieur Yung, vous avez trouvé quelle était notre source d’inspiration, je vous en félicite ! Il est vrai que nous regardons attentivement et avec un grand intérêt tout ce qui se passe en Allemagne, notamment les succès électoraux que les Verts y ont obtenus au cours des dernières années.
Pour en finir avec cette histoire, je vous ai bien entendu, monsieur le rapporteur général, nous dire combien l’adoption de cet amendement risquerait de nous emmener sur un terrain incertain. Rassurez-vous, il ne saurait en être question !
Sourires. – MM. Claude Dilain et Richard Yung applaudissent.
Pour le moment, nous voulons rester sur un chemin que nous cernons bien pour l’avoir tracé, soucieux que nous sommes de la réussite économique de notre pays. Nous retirons donc évidemment notre amendement.
L’article 16 est adopté.
Mes chers collègues, voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République :
Mme Éliane Assassi a obtenu 130 voix.
Mme Éliane Assassi, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, est proclamée juge suppléante à la Cour de justice de la République. §
En conséquence, elle va être appelée à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
Je vais donner lecture de la formule du serment, telle qu’elle figure dans la loi organique. Je prie Mme Éliane Assassi, juge suppléante, de bien vouloir se lever et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure ».
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat ».
Mme Éliane Assassi, juge suppléante, se lève et dit, en levant la main droite : « Je le jure ».
Nous reprenons la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
Nous poursuivons la discussion des articles.
Chapitre IV
DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES
I. – La loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 34 est ainsi rédigé :
« Outre l’article liminaire mentionné à l’article 6 de la loi organique n° …du … relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, la loi de finances de l’année comprend deux parties distinctes. » ;
2° Au début de l’article 37, il est ajouté un I A ainsi rédigé :
« I A. – La loi de règlement comprend l’article liminaire mentionné à l’article 6 bis de la loi organique n° …du … précitée. » ;
2° bis (nouveau) L’article 42 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les première et seconde parties d’un projet de loi de finances peuvent toutefois être mises en discussion devant une assemblée sans que l’article liminaire ait été adopté. »
3° Le premier alinéa de l’article 50 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce rapport comporte, en outre, les éléments mentionnés au I de l’article 7 de la loi organique n° …du … précitée. » ;
4° Après le 4° bis de l’article 51, il est inséré un 4° ter ainsi rédigé :
« 4° ter Le cas échéant, le rapport mentionné au III de l’article 16 de la loi organique n° …du … précitée ; »
5° L’article 54 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° L’avis du Haut Conseil des finances publiques mentionné au I de l’article 16 de la loi organique n° …du … précitée. »
II. – L’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport comporte, en outre, les éléments mentionnés au II de l’article 7 de la loi organique n° …du … relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. » ;
2° Le III est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Présentant le rapport mentionné au III de l’article 16 de la loi organique n° … du … précitée. »
L'amendement n° 66 rectifié, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le 9° du I de l'article 34, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Fixe la variation des engagements correspondant à la dette garantie par l’État, aux baux emphytéotiques et aux contrats de partenariat par lesquels l'État ou un de ses établissements publics confie à un tiers, pour une période déterminée, la gestion ou le financement de biens nécessaires au service public ; ».
La parole est à M. Jean Arthuis.
La proposition que je formule au travers de cet amendement devrait répondre à certaines de vos préoccupations, monsieur le ministre.
L’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que la loi de finances de l’année comprend deux parties distinctes, tout en précisant le contenu de la première partie : celle-ci fixe notamment la variation de la dette monétaire de l’État à plus d’un an, mais pas la dette implicite que constitue le recours à des financements innovants, tels que les partenariats public-privé ou les baux emphytéotiques administratifs.
Il serait judicieux, pour parfaire la rédaction de cet article 34, d’y faire figurer la mention selon laquelle, dans la première partie, au sein de l’article d’équilibre, est fixée la variation des engagements correspondant à cette dette garantie par l’État.
Tel est l’objet de mon amendement. Vous-même, monsieur le ministre, avez déclaré récemment ceci à propos des partenariats public-privé : « Pour prendre une image maritime, après avoir eu le vent en poupe, les partenariats public-privé ont le vent dans le nez. Ces contrats qui permettent aux ministères et collectivités de confier un investissement public à un groupe privé en le remboursant pendant quinze ou trente ans coûtent trop cher sur le long terme. Cette façon de masquer l’impécuniosité de l’État est dangereuse à terme. »
Quoi de mieux pour prévenir ce danger que de faire apparaître, à l’instar de la variation de la dette résultant du recours à l’emprunt, la dette implicite correspondant à ces engagements ?
La commission des finances s’interroge encore au sujet de cet amendement. Certes, l’objectif recherché est tout à fait légitime, mais est-il vraiment approprié de faire figurer de telles informations, qui n’ont pas, reconnaissons-le, d’incidence sur le solde budgétaire, dans un article de la loi de finances ?
En outre, les préoccupations de notre collègue sont déjà partiellement satisfaites, à la suite de l’adoption, aux articles 5 et 14, des amendements présentés par Jean-Yves Leconte.
Monsieur le ministre, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement : peut-être sera-t-il de nature à nous faire pencher vers un positionnement favorable.
Je crains que non, monsieur le rapporteur général.
Monsieur Arthuis, le problème que vous posez est absolument essentiel, je n’en méconnais pas l’intérêt. Vous souhaitez que le Parlement puisse se prononcer sur l’ensemble des engagements hors bilan de l’État.
La parole est à M. Jean Arthuis, avec l’autorisation de M. le ministre délégué.
Monsieur le ministre, j’ai rectifié mon amendement pour proposer que le Parlement fixe la variation de l’endettement implicite correspondant à des opérations de partenariats public-privé ou de baux emphytéotiques administratifs.
La précision est effectivement très importante, mais je ne suis pas sûr qu’elle soit de nature à contrecarrer l’argumentation que je m’apprêtais à vous exposer. Cette argumentation est la suivante : cet état récapitulatif serait d’ordre purement informatif et n’aurait donc pas de portée normative. Sommes-nous bien d’accord, monsieur le sénateur ?
Monsieur le ministre, si vous me le permettez, ce n’est pas une récapitulation des engagements pris, ce sont les engagements qui seraient pris dans l’année qui vient. Ce qui est en cause, c’est la variation des engagements, c’est-à-dire la possibilité, plutôt que d’être en maîtrise d’ouvrage directe, de recourir à des partenariats public-privé pour dissimuler en quelque sorte la dette et, en tout cas, pour ne pas prendre en compte le montant de l’investissement dans la dépense publique.
Il paraît de première importance d’apporter cette précision et de laisser au Parlement la prérogative de fixer l’enveloppe de variation.
Je comprends mieux votre amendement. Pour autant, je voudrais tout de même vous faire remarquer que les éléments qui seraient ainsi portés à la connaissance du Parlement seraient de nature très diverse. Les partenariats public-privé sont soumis à des autorisations d’engagement. Les garanties de l’État sont soumises à un article en loi de finances. Les pensions des agents de l’État sont soumises à un plafond d’emplois déterminé à l’occasion de lois de finances. Vous le voyez donc, ces variations, à supposer qu’elles soient agrégées – et je suppose que vous souhaitez qu’elles le soient – regrouperaient des variations d’engagements de nature extrêmement diverse et, je le crains, difficilement agrégeables. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas sûr que l’information que le Parlement en retirerait serait forcément et obligatoirement pertinente, et peut-être même aurait-on un résultat contraire.
Telle est la réflexion que le Gouvernement se permet d’avoir devant le Sénat. Pour autant, je comprends l’intérêt de votre amendement, monsieur Arthuis. J’espère que vous me comprenez quand j’indique que l’agrégat qui serait ainsi disponible pour le Parlement recouvrirait des engagements de nature extraordinairement différente, d’ailleurs pris à l’occasion de procédures elles-mêmes tout à fait différentes.
Les choses changeraient-elles fondamentalement dès lors que cet agrégat serait porté à la connaissance des parlementaires ? Je n’en suis pas certain. Quoi qu’il en soit, s’agissant de votre amendement rectifié, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Je pense que la rédaction est certainement perfectible, par exemple, en commission mixte paritaire.
Cesderniers peuvent être effectués en direct, en maîtrise d’ouvrage, auquel cas le montant de l’investissement passe dans les autorisations d’engagement.
Dans l’hypothèse de recours à des partenariats public-privé ou à des baux emphytéotiques administratifs, il y a autorisation d’engagement, mais, dans ce cas, la variation de dette implicite n’apparaît pas.
Cette précision des autorisations d’engagement, nous l’avons introduite lors de la réforme de 2005 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001
MM. Philippe Marini et Jean-Paul Emorine opinent.
Je le redis une fois encore, il s’agit simplement des financements innovants. Je ne souhaite pas qu’on y agrège les engagements au titre des retraites, au titre des cautions que l’on donnerait demain au Mécanisme européen de stabilité ou que sais-je encore ? Il s’agit uniquement des financements alternatifs d’investissement.
Il est trop commode pour un gouvernement de se soustraire à l’image fidèle en ayant recours à de telles opérations ! C’est de cela qu’il s’agit. Et cela vaut aussi bien pour l’État que pour les collectivités territoriales. Je souhaiterais que cette disposition puisse être mise en discussion devant la commission mixte paritaire.
Monsieur Arthuis, je partage totalement votre préoccupation. Les deux amendements que j’ai déposés avec mon groupe sur cette question ont pour objet de permettre au Parlement et au Haut Conseil des finances publiques d’être totalement informés de ces engagements financiers qui méritent d’être mieux contrôlés.
En effet, comme vous le signalez, il peut arriver que des recours à des partenariats public-privé soient un peu incontrôlés. Je suis revenu hier sur ce sujet que j’avais évoqué plus longuement l’année dernière lors de la discussion du budget de la justice. Il pèse, en effet lourdement, sur le financement et la construction des prisons, en particulier.
Toutefois, à partir du moment où nos deux amendements ont été adoptés, nous aurons déjà, à la fois au Parlement et au Haut Conseil des finances publiques, une information quasi exhaustive des engagements financiers publics significatifs.
Compte tenu de la difficulté à mettre cette disposition en œuvre, cela me semble être une première étape qui permettra plus tard, éventuellement, de préciser les choses. Dans la situation actuelle, avoir droit à une information complète sur ces engagements financiers, c’est déjà une avancée.
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 38, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 8 à 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Je ne vais pas entrer dans les détails des différents éléments de cet amendement, notamment des alinéas dont nous souhaitons la suppression.
Il s’agit, en effet, d’un amendement de pure cohérence avec notre position de fond, puisque nous avons proposé la suppression de l’ensemble des articles relatifs à l’existence et à l’activité du Haut Conseil des finances publiques.
Je profite cependant de cette occasion pour indiquer le relatif intérêt contenu dans l’amendement de notre collègue Jean Arthuis sur le traitement des contrats de partenariat.
Peut-être la Mayenne, comme de nombreux départements, s’est-elle lancée dans la réalisation d’établissements scolaires par le biais du partenariat public-privé ?
Ce qui est certain, c’est que la proposition de notre collègue n’est que la reconnaissance d’un fait que nous avons contesté dès l’origine du développement des contrats de partenariat public-privé.
Cette formule de gestion d’équipement est parfois très coûteuse pour les collectivités locales comme pour l’État. Elle tend quelque peu à rigidifier une dépense et à stériliser des ressources de plus en plus significatives pour les administrations concernées.
Pour autant, sans soutenir l’amendement de notre collègue, il me semble nécessaire que notre assemblée se penche sérieusement sur la question. En effet, les partenariats public-privé peuvent de plus en plus être présentés comme de véritables bombes à retardement nichées dans les comptes publics.
L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 13
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… - La première phrase du deuxième alinéa du II de l'article L. O. 111-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :
« Outre l’article liminaire mentionné à l’article 6 de la loi organique n° …du … relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, la loi de financement rectificative comprend deux parties distinctes. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Il s’agit d’un amendement de conséquence relatif aux lois de financement rectificatives.
Concernant l’amendement n° 38, présenté par M. Bocquet, l’avis est bien sûr défavorable, car il tend à supprimer des dispositions. L’argumentation est la même.
Sur l’amendement n° 11 rectifié, l’avis est favorable, car il s’agit de tirer les conséquences de choses qui ont été prises en compte précédemment.
Je suis défavorable à l’amendement n° 38. En revanche, je suis favorable à l’amendement n° 11 rectifié, car il s’agit d’un amendement de coordination avec un amendement sur lequel le Gouvernement avait émis un avis favorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 17 A est adopté.
I. – Le second alinéa de l’article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Ce rapport retrace l’ensemble des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques ainsi que leur évolution. Il comporte l’évaluation financière, pour l’année en cours et les deux années suivantes, de chacune des dispositions, de nature législative ou règlementaire, relatives aux prélèvements obligatoires et envisagées par le Gouvernement.
« Ce rapport analyse les relations financières de l’État avec les autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques centrales définies par le règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil, du 25 juin 1996, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté et détaille les dépenses, les recettes, les soldes, l’endettement et les autres engagements financiers de ces organismes.
« Ce rapport présente les dépenses, les recettes, les soldes et l’endettement du régime général et des autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques de sécurité sociale définies par le même règlement.
« Ce rapport présente les dépenses, les recettes, les soldes et l’endettement des collectivités territoriales et des autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques locales définies par ledit règlement.
« Sont joints à cette annexe les rapports sur les comptes de la Nation, qui comportent une présentation des comptes des années précédentes.
« Ce rapport peut faire l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. »
II. – L’article 52 de la même loi organique est abrogé.
L'amendement n° 12, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
I. - L’article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 50. - En vue de l’examen et du vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année suivante par le Parlement, le Gouvernement présente à l’ouverture de la session ordinaire un rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Le présent amendement prévoit que le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation est un rapport d’intérêt conjoint pour l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année.
Le sous-amendement n° 83, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 12, alinéa 4
1° Remplacer les mots :
à l’ouverture de la session ordinaire
par les mots :
avant le premier mardi d’octobre
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il comprend notamment la présentation des hypothèses, des méthodes et des projections sur la base desquels sont établis le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La parole est à M. le ministre délégué.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 17 B est adopté.
(Non modifié)
L’article 54 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par les mots : « et le montant des dépenses fiscales » ;
2° Le 4° est complété par un e ainsi rédigé :
« e) Le montant des dépenses fiscales ; ». –
Adopté.
L'amendement n° 13, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 17 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° du B du V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, les mots : « modifiant les règles relatives aux cotisations » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à réparer une erreur matérielle commise lors de la modification du code de la sécurité sociale par la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale.
Afin d’élargir le champ des dispositions susceptibles de figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale, le c du 1° de l’article 2 de cette loi organique a modifié le 3° du B du V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Une erreur dans l’établissement du texte final a cependant conduit à ajouter les nouvelles dispositions aux dispositions existantes, au lieu de les y substituer, rendant la rédaction totalement inintelligible.
Notre avis, c’est que dans toutes les commissions, il y a de l’excellent travail qui est fait. Dès lors, l’expertise, révélée à l’instant, de la commission des affaires sociales mérite d’être encouragée et suivie. Aussi, j’émets un avis favorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 17 C.
(Non modifié)
La présente loi organique s’applique à compter du 1er mars 2013 ou, si l’entrée en vigueur du traité, signé le 2 mars 2012, précité est plus tardive, un mois après son entrée en vigueur.
Jusqu’à la publication de la première loi de programmation des finances publiques adoptée postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, pour l’application des articles 6, 7, 10 et 16, les orientations pluriannuelles des finances publiques sont celles définies dans la loi de programmation des finances publiques applicable à cette date.
L'amendement n° 39, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La présente loi organique s'applique à compter du 1er mars 2013.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Comme rien ne semble, et ne semblait au départ, nous faire obligation de promulguer une date d’application de ladite loi organique par trop précoce – elle impose une ratification du texte du TSCG par quelques pays qui ne l’ont pas fait, notamment –, nous avons, compte tenu de nos positions sur les autres dispositions du texte, proposé, au travers de cet amendement, une date claire et compréhensible par tous, celle du 1er mars 2013, date butoir choisie par les auteurs du TSCG, pour peu que ma mémoire soit bonne.
Compte tenu de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Dans cet amendement, très clairement cohérent avec la position adoptée par nos collègues du groupe CRC sur le TSCG lui-même, on comprend la volonté de ses auteurs de restreindre le champ d’application et de modifier les dates d’application. Ces propositions sont, bien entendu, en contradiction totale avec notre philosophie sur le TSCG. Par conséquent, je demande le rejet de l’amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 17 est adopté.
Monsieur le président, je sollicite, au nom du groupe UMP et afin que ses membres puissent se concerter, une suspension de séance de dix minutes.
Le Sénat va bien sûr accéder à cette demande.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Richard Yung, pour explication de vote.
Mes chers collègues, nous voilà parvenus au terme de nos débats, au cours desquels nous avons accompli, je crois, un important travail de simplification et d’amélioration du présent projet de loi organique. Ainsi, nous avons prévu une meilleure prise en compte des dépenses, intégré la publication et la motivation des hypothèses de croissance du PIB – n’est-ce pas, monsieur Marini ? –, ainsi que les dépenses et les soldes de tous les comptes sociaux, en particulier ceux de l’assurance vieillesse et des allocations familiales. Nous avons également prévu la publication de ce que l’on appelle les hypothèses d’élasticité. Autrement dit, nous avons introduit beaucoup de clarté.
Nous avons accompli un travail de fond. Il s’agit également d’un travail consensuel. La plupart du temps en effet, il convient de le souligner, nous sommes parvenus à un accord, et nous nous en réjouissons.
Nous avons débattu de la composition du Haut Conseil des finances publiques et des conditions de nomination de ses membres, sans changer l’architecture qui nous était proposée, mais en prévoyant une mesure révolutionnaire : nous avons introduit la parité, …
… sans toutefois en donner complètement le mode d’emploi au Gouvernement, …
Nous n’avons pas suivi les propositions de M. Gattolin sur la publication des avis dissidents et sur l’introduction d’une plus grande transparence.
Cela m’a fait penser aux propos qu’avait tenus M. Greenspan lorsqu’il dirigeait la Fed : « Si vous m’avez compris, c’est que je me suis mal exprimé ». §C’est M. Greenspan qu’il faut applaudir, mes chers collègues.
Pour conclure, tout notre travail a été une longue quête de sincérité, cette valeur suprême qui est édictée à l’article 5 bis du projet de loi organique et qui ressort de tout notre débat.
Puis-je faire une seconde citation ? §Tristan Bernard disait : « Les hommes sont toujours sincères.
Nous l’avons annoncé hier, le groupe écologiste dans son ensemble votera ce projet de loi organique.
Si nous avons pu parfois émettre des avis contrastés sur le TSCG, force est de constater qu’il est désormais entériné. Il s’agit donc de l’appliquer dans les meilleures conditions.
Le travail accompli par le Sénat, qui comprend aussi nos échanges avec le Gouvernement, consécutifs au débat à l’Assemblée nationale, nous a permis d’améliorer le texte initial sur le plan de l’application de la loi organique et de la constitution des organes qui y sont liés.
En tant qu’écologistes, si nous avons subi quelques déconvenues sur certains de nos amendements qui pouvaient paraître trop audacieux, près de la moitié des amendements que nous avons proposés ont été adoptés, notamment celui qui tendait à introduire la parité ainsi que d’autres, plus techniques. Cela nous semble un point très positif.
Certains estimeront peut-être que ce projet de loi organique ainsi que l’institution des organes qui y sont liés entraînent la dépossession d’une partie de la souveraineté nationale. J’y vois d’abord, pour ma part, un changement de culture et la « dérégalisation » du fonctionnement étatique français. Il est en effet important que nous nous dotions d’instances consultatives capables de produire leurs propres jugements. Tout dépendra ensuite de ce que nous en ferons et des membres qui seront nommés, par les représentants du Parlement, par la Cour des comptes et par le Conseil économique, social et environnemental.
La balle est désormais dans le camp de tous ces partenaires. Ce sont eux qui feront du Haut Conseil des finances publiques l’autorité la plus intelligente, la plus ouverte et la plus compétente possible, sachant porter les débats importants pour l’économie de notre pays dans le cadre contraint de l’Union européenne.
Quelle que soit la forme que peut prendre aujourd’hui l’Europe, c’est en effet à son avenir que nous pensons. Selon nous, c’est dans le cadre de l’Union européenne que la puissance française peut s’incarner le mieux. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà parvenus au terme de cette discussion sur le projet de loi organique. Elle succède à celle que nous avons eue sur le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, et arrive avant nos travaux sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et sur le projet de loi de finances pour 2013.
Nous ne pouvons bien évidemment séparer ces débats et les aborder isolément, tant ils interagissent et interfèrent. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 comme le projet de loi de finances pour 2013 sont présentés comme une sorte de mise en œuvre anticipée du projet de loi de programmation et, de fait, des dispositions contenues dans le présent texte organique.
Appréhender cette solidarité et cette cohérence entre les cinq textes que je viens d’énumérer donne, de fait, une indication sur le comportement que nous, élus, pouvons adopter concernant leur contenu et, donc, leur adoption.
Au regard de l’analyse que nous avons menée et des attentes que les Français ont exprimées lors de la campagne présidentielle, notre action politique est guidée par des principes. Nous avons voté sans la moindre ambiguïté contre le TSCG qui, à l’instar du traité de Lisbonne, foule malheureusement aux pieds l'avis donné par le peuple français au mois de mai 2005 à l’occasion du référendum sur le traité constitutionnel.
Ce projet de loi organique procède de la logique interne du TSCG et en traduit l’une des exigences. Il s’agit, au nom de la convergence des politiques des États membres de l’Union européenne, de contraindre ces États à opter pour des politiques budgétaires tendant à assurer deux finalités essentielles : d’une part, la réduction des déficits publics et la réduction de la dette publique des États ; d'autre part, l'ouverture de nouvelles perspectives de croissance des profits commerciaux et financiers, en tirant parti des efforts de réduction des dépenses publiques avec son lot de mise à mal des acquis sociaux des salariés, des garanties collectives des ménages les plus modestes, des services publics et des libertés publiques.
Le débat n'a pas apporté de modifications à la logique de la loi organique fondée sur le solde structurel des finances publiques. La création d'un Haut Conseil des finances publiques ne nous semble pas de nature à apporter des outils pour mieux répondre aux besoins de notre pays. Selon nous, la loi organique est un nouveau carcan, qui ne donnera pas au Parlement les moyens d'être plus efficace dans les choix politiques qu’il doit affirmer très clairement.
Voilà pourquoi nous voterons contre ce projet de loi organique. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite m’exprimer à deux titres.
J’interviens d’abord au nom du groupe Union pour un mouvement populaire. Après mûres réflexions et compte tenu du bon climat dans lequel se sont déroulés nos travaux, nous avons décidé de voter ce texte
M. André Gattolin applaudit.
… et ce pour trois raisons.
En premier lieu, ce projet de loi organique résulte du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, que nous assumons. §
En deuxième lieu, ce texte traduit notre volonté de réduction du déficit public, condition indispensable de préservation de notre souveraineté nationale.
En troisième lieu, ce texte est un outil d'intérêt général, un instrument de travail que nous avons forgé ensemble.
Monsieur le ministre, vous avez été à l'écoute des différents groupes. Beaucoup d’amendements ont été adoptés, notamment plusieurs amendements auxquels notre groupe attachait de l'importance. C’est pourquoi, malgré les oppositions politiques très fermes et très claires qui sont les nôtres et qui vont se manifester tout au long de la session budgétaire, nous devons savoir dépasser les attitudes de politique politicienne.
La question est trop grave et trop importante, …
… comme le soulignait Jean-Pierre Raffarin ce matin dans une autre enceinte, pour que l'on puisse se livrer à de tels petits jeux.
Je le répète : ce texte est un outil d'intérêt général. C'est ainsi qu'il a été présenté par le rapporteur général de la commission des finances comme par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et je tiens à les en remercier. Tous deux ont bien explicité les choix qui s’offraient à nous et ont fait prévaloir la pédagogie sur les méfiances que peuvent très légitimement susciter des mécanismes nouveaux.
Tous les groupes politiques ont tenu leur rôle, défendant et développant leur conception, en particulier sur ces questions tellement délicates d'acclimatation des nouvelles notions macroéconomiques dans notre droit des finances publiques : solde structurel, déficit structurel, produit intérieur brut potentiel. Nous avons commencé à cheminer avec ces notions et nous comprenons mieux, au terme de cette discussion, le degré d'innovation auquel nous accédons à présent.
Mes chers collègues, je m’adresse maintenant à vous au nom de la commission des finances. Sans préjuger des propos que vous tiendra dans quelques instants notre excellent rapporteur général, je vous remercie de ce débat pluraliste, qui éclairera les conditions de mise en place et de fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques. §
La majorité des membres du RDSE apportera donc son soutien à ce projet de loi organique qui comporte une série d’innovations, certes procédurales, mais non moins importantes. Ces dernières contribueront à améliorer le pilotage et la maîtrise de nos finances publiques. Ce n’est pas rien !
Le renforcement de la programmation des finances publiques mais aussi la revalorisation des lois de règlement, qui résulte d’un amendement adopté par nos collègues députés, constituent des avancées très importantes. Mon collègue Alain Bertrand l’a expliqué hier dans la discussion générale.
Au cœur du débat, le redressement des comptes publics est un objectif que nous devrions tous partager. C’est en effet une question de responsabilité. Il s’agit de ne pas faire supporter à nos enfants et petits-enfants le poids de notre endettement. C’est aussi un impératif pour dégager des marges de manœuvre qui nous permettront de mener des politiques publiques ambitieuses pour nos concitoyens et nos territoires.
Ce projet de loi organique, enrichi par les différents amendements adoptés à l’Assemblée nationale et au Sénat, renforcera l’information et les prérogatives du Parlement, et nous ne pouvons que nous en réjouir, mes chers collègues. Le Parlement sera également mieux associé aux procédures budgétaires européennes.
Ce projet de loi organique découle, comme vous le savez, du TSCG. Ces deux textes sont en quelque sorte un gage du sérieux budgétaire de notre pays, la garantie du respect de nos engagements. Il s’agit là d’un point essentiel, car la crédibilité que nous apportent la ratification du TSCG et l’adoption de ce projet de loi organique est la clef de la confiance qui nous est accordée. Or, sans confiance, il n’y a pas de croissance.
Par nos votes identiques sur le TSCG et sur le présent texte, nous exprimons notre soutien aux efforts de François Hollande et du gouvernement de Jean-Marc Ayrault pour remettre la France et l’Europe sur le chemin de la croissance.
Des progrès importants ont été réalisés depuis le Conseil européen des 28 et 29 juin dernier. Je tiens à souligner en particulier l’avancée majeure que constitue l’engagement d’une coopération renforcée pour la mise en place d’une taxe européenne sur les transactions financières, qui a obtenu le feu vert de la Commission européenne le 23 octobre dernier et que le groupe du RDSE appelle de ses vœux depuis le dépôt d’une proposition de loi en février 2010.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, grâce aux efforts de la France et de ses partenaires, nous avançons vers une Europe plus forte, plus solidaire et plus démocratique. La majorité des membres du RDSE et les sénateurs radicaux de gauche assument leurs responsabilités et accompagnent le Gouvernement sur le chemin du retour de la croissance. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a été constructif. Un dialogue a eu lieu entre le Gouvernement et l'ensemble des composantes de notre assemblée. De ce point de vue, la discussion a été positive. Elle ne dissipe pas pour autant les réserves que j'ai exprimées au cours de la discussion générale. Certes, ce n'est pas la règle d'or, mais c'est un ensemble de procédures pour nous aider à canaliser nos volontés et à tendre vers l'équilibre des finances publiques.
Je ne suis pas sûr que l'on ait là l'instrument qui prévienne notre addiction à la dépense publique, au déficit public et à l'endettement. Eût-on voté une règle d'or que ce n’aurait pas non plus été une garantie absolue.
Tout dépendra de la volonté politique, du Gouvernement, de la majorité qui le soutient et de l'ensemble des acteurs publics. Il y a là un effort culturel à accomplir et, si nous le négligions, ne doutons pas que les marchés se chargeraient de nous le rappeler. C'est de l'intérêt national qu'il s'agit.
J’observe que ce projet de loi organique nous a permis de progresser sur un point et, monsieur le ministre, je vous remercie de vous en être remis à la sagesse du Sénat.
Je pense que le recours aux partenariats public-privé comme aux baux emphytéotiques administratifs a pu constituer une facilité pour certains gouvernements ; je ne dis pas que c’est le cas du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre. §Ilétait bien commode de dissimuler, par le recours à ces outils, une partie de l’endettement et de la dépense publique, en les reportant sur les budgets à venir. Nous avons donc réalisé un progrès.
Tenant compte de ce progrès, et accomplissant un acte de confiance – car les procédures que vote le Parlement sont comparables aux instruments de cuisine, qui peuvent être aussi bien ce qu’il y a de mieux pour préparer un repas familial que l’instrument d’un crime : il appartiendra à l’exécutif de faire le meilleur usage de ces procédures et au Parlement d’assumer la plénitude de ses prérogatives –, l’UDI-UC apportera son appui à ce projet de loi organique, qui constitue un dispositif d’application d’un traité européen que nous avons ratifié. §
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
Je me félicite du travail accompli, au niveau tant qualitatif que quantitatif. La commission des finances a travaillé pendant plusieurs jours sur ce projet de loi organique. Elle a adopté une dizaine d’amendements portant sur le fond, pour enrichir le texte qui nous avait été transmis par l’Assemblée nationale.
Pendant les deux jours de séance publique consacrés à l’examen de ce texte, le Sénat a adopté trente-trois amendements sur les quatre-vingt-deux qui avaient été déposés, ce qui constitue un taux d’adoption significatif. Qui plus est, nous avons voté au moins un amendement de chacun des groupes qui en ont déposé. Cela démontre, si besoin était, que ce texte porte bien sur la règle du jeu, sur les modalités d’organisation du travail parlementaire à venir et, surtout, sur le fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques, qui jouera un rôle d’information du Parlement. Nous avons tous veillé à contribuer à l’amélioration du dispositif.
Qu’il me soit donc permis de remercier les membres de la commission des finances, son président, Philippe Marini, tous les intervenants du débat, qui ont démontré la grande technicité du Sénat sur ces sujets – vous en conviendrez, je pense, monsieur le ministre
M. le ministre délégué acquiesce.
Il appartiendra maintenant à la commission mixte paritaire – je me tourne vers ceux de nos collègues qui attendent peut-être de voir comment les choses vont évoluer – de préserver les avancées réalisées par le Sénat. Les représentants de notre assemblée s’y emploieront. Dès lors, j’ose espérer que nous aboutirons à un texte permettant une gouvernance plus efficace de nos finances publiques. Nous en verrons d'ailleurs la traduction dès demain en commission, mes chers collègues, puisque nous allons examiner le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. Cet examen va nous conduire à mettre tout de suite en musique le dispositif que nous nous préparons à adopter.
Je remercie également les collaborateurs de la commission des finances et les différents administrateurs qui se sont penchés activement sur ces sujets fort techniques : ils nous ont éclairés de leurs analyses. §
Ce discours de remerciement est traditionnel, mais la tradition n’empêche pas la sincérité. Je remercie tous les présidents de séance et en particulier, vous-même, monsieur président, ainsi que la direction de la séance, d’avoir permis à nos débats de se dérouler dans d’excellentes conditions.
Des amendements très utiles et intéressants ont été adoptés. Le rapporteur général de la commission des finances a présenté un dispositif améliorant la transparence. Le groupe écologiste et le groupe socialiste, ce dernier par la voix de Jean-Pierre Caffet, ont également œuvré en ce sens.
Je remercie le rapporteur général de la commission des affaires sociales, M. Yves Daudigny, qui s’est battu avec beaucoup de constance et de conviction pour une meilleure prise en compte des finances sociales ; vous avez eu raison de le faire, monsieur le rapporteur général.
Je vous remercie, monsieur le président de la commission des finances. Selon votre vœu, le Haut Conseil des finances publiques devra obligatoirement rendre un avis à certains moments clés. L’Histoire dira si vous aviez raison de faire preuve d’enthousiasme, ou si je n’avais peut-être pas tort de manifester quelque scepticisme ; l’Histoire tranchera, mais je ne doute pas que les choses se passeront bien quoi qu’il en soit.
Je remercie M. Arthuis d’avoir contribué au renforcement de la transparence. Par ses interventions – que ses amendements aient été adoptés ou non –, il a été de ceux qui ont permis à notre débat d’atteindre cette qualité dont nous nous félicitons tous.
Je tiens à remercier l’ensemble des parlementaires qui ont participé à ce débat. Ce fut, je crois, un débat intéressant, qui s’est déroulé dans un climat de respect mutuel.
Je remercie enfin celles et ceux – le rapporteur général de la commission des finances les a mentionnés – qui travaillent à nos côtés de nous avoir aidés à nous forger les opinions les plus utiles et les plus sincères. Place au vote désormais ! Mesdames, messieurs les sénateurs, merci encore pour le débat que vous nous avez permis d’avoir ! §
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du comité de préfiguration des modalités d’instauration du profil biologique des sportifs.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre (proposition n° 19, rapport n° 70 et avis n° 51).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre répond à trois urgences.
D’abord, l’urgence sociale. L’enquête rendue publique aujourd’hui par le médiateur national de l’énergie et la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, confirme la préoccupation croissante de nos concitoyens pour leur facture énergétique. Ainsi, huit Français sur dix sont inquiets devant la hausse des tarifs de l’énergie. Près d’un foyer sur deux dit s’être privé de chauffage durant l’hiver dernier. Comme moi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez bien ces cas de figure, en particulier en milieu rural.
Selon le médiateur, et comme en témoigne l’évolution de ses saisines, le nombre de consommateurs faisant face à des difficultés de paiement ne cesse d’augmenter, de même que celui des ménages en situation de précarité énergétique. C’est pourquoi les Français attendent de nous une réponse immédiate.
La deuxième urgence est énergétique.
Je reviendrai ultérieurement sur ce point, la France est en retard par rapport aux objectifs qu’elle s’est assignés en matière d’économie d’énergie. Et, surtout, chaque année, la pointe électrique – c’est-à-dire les pics de consommation qui coûtent le plus cher et polluent le plus – augmente environ de 3 % ; elle a enregistré une hausse de 28 % en dix ans. J’insiste sur le fait que la pointe progresse plus vite que la consommation électrique : elle augmente de 3 %, alors que, dans le même temps, la consommation électrique connaît une hausse de 0, 6 %. Il est donc nécessaire d’agir vite en la matière.
Enfin, notre politique vise aussi à répondre à une urgence planétaire.
Le réchauffement climatique dû aux activités humaines est désormais un fait tangible, comme le montrent le record de fonte de la banquise arctique ou encore la succession de plus en plus rapprochée d’événements climatiques exceptionnels.
Le Président de la République a donc fixé le cap : c’est celui de la transition énergétique, objectif qui doit mobiliser la Nation, fédérer et impliquer les territoires comme les citoyens.
Cette ambition répond non seulement à un impératif planétaire, mais aussi à des enjeux fondamentaux : l’indépendance énergétique de la France, la sécurité de son approvisionnement, la compétitivité de son économie, ou encore l’emploi et le pouvoir d’achat de nos concitoyens, qui sont des enjeux sociaux considérables.
À la suite de la conférence environnementale, la transition énergétique fera l’objet d’un grand débat national, auquel le Parlement sera pleinement associé et qui aboutira à la présentation d’un projet de loi de programmation au cours du second semestre de l’année prochaine.
Ce débat national devra permettre de répondre aux quatre questions suivantes.
Quelle évolution de la consommation, quelle sobriété et quelle efficacité énergétiques pour ce qui concerne les modes de vie, de transport, de production ?
Quelle trajectoire et quels scénarios d’évolution du mix énergétique d’ici à 2025 ?
Quelle stratégie de développement des énergies renouvelables et des filières industrielles correspondantes ?
Quid du coût et du financement de cette transition ?
Non seulement ce débat national engagera la politique du présent quinquennat, mais il devra tracer bien au-delà des orientations stratégiques pour la Nation.
La proposition de loi qui vous est présentée aujourd’hui s’inscrit dans ce contexte, dans cette perspective.
Elle est une première étape nécessaire et urgente, parce qu’il s’agit d’un texte de justice sociale et d’efficacité énergétique.
Les mesures qu’elle comporte sont attendues, notamment l’extension des tarifs sociaux de l’énergie.
Elles sont attendues afin que soit donné un coup d’arrêt à l’augmentation de la pointe électrique.
Elles sont attendues parce que la mise en œuvre effective d’un mécanisme encourageant les comportements vertueux nécessite du temps.
Elles sont attendues parce que les acteurs du secteur des énergies renouvelables souhaitent des mesures de relance immédiate.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais revenir devant vous sur chacun de ces aspects.
Pour ce qui concerne, tout d’abord, l’urgence sociale, j’évoquais en préambule le rapport du médiateur national de l’énergie. Aujourd’hui, plus de 8 millions de Français sont en situation de précarité énergétique, c’est-à-dire qu’ils consacrent plus de 10 % de leurs revenus à leur facture d’énergie.
Nombre de nos concitoyens sont amenés soit à renoncer à se chauffer, soit à subir des coupures d’énergie. L’actuel périmètre des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz ne répond pas à leurs besoins.
La présente proposition de loi permettra l’élargissement rapide du nombre des bénéficiaires des tarifs sociaux : de 1, 2 million de foyers actuellement concernés pour l’électricité et 450 000 pour le gaz, nous passerons, dès l’application de la future loi, à 4 millions de foyers. Autrement dit, 8 millions de Français bénéficieront de tarifs réduits pour l’électricité et le gaz.
Très concrètement, en votant ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez décider de l’extension des tarifs sociaux, soit un gain de pouvoir d’achat annuel de 200 euros pour une famille se chauffant au gaz et de 90 euros pour une famille se chauffant à l’électricité.
De surcroît, la proposition de loi comporte une disposition attendue depuis longtemps, que les sénateurs avaient eux-mêmes proposée, à savoir l’instauration d’une trêve hivernale.
J’en viens maintenant à l’efficacité énergétique.
Du point de vue du Gouvernement, on ne peut pas séparer l’extension des tarifs sociaux d’une ambition nouvelle en matière d’économie d’énergie fondée sur l’incitation et la responsabilisation.
Le Gouvernement souhaite ainsi que l’économie énergétique franchisse une nouvelle étape déterminante de son histoire.
Depuis le choc pétrolier survenu en 1973, nous savons que les politiques d’économie d’énergie sont un levier décisif. La France importait alors plus de 70 % de l’énergie nécessaire à son économie, majoritairement du pétrole.
À l’époque, notre pays avait réagi en mettant en œuvre plusieurs mesures destinées à réduire les consommations de pétrole et la demande en énergie, en particulier auprès des industriels.
En 1974 avait été créée l’Agence pour les économies d’énergie, au moment même, d’ailleurs, où le programme électronucléaire était relancé. La première réglementation thermique pour les bâtiments neufs date de 1975.
Après le deuxième choc pétrolier, l’Agence pour les économies d’énergie lançait une vaste campagne de « chasse au gaspi », dont beaucoup ici se souviennent.
À la suite à l’élection présidentielle de 1981, un nouveau programme de réduction de la consommation d’énergie était mis en place. L’Agence française pour la maîtrise de l’énergie était créée. En 1991, elle deviendra l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME.
La prise de conscience internationale de l’importance de l’effet de serre conduisit à la conférence de Rio sur le changement climatique en 1992, préalablement à la signature du protocole de Kyoto en 1997.
Ce protocole fut un tournant majeur : à l’époque, un large consensus s’était dégagé sur le fait que la maîtrise de l’énergie et le développement des énergies renouvelables constituaient la réponse aux risques climatiques.
C’est pourquoi, dès 1999, les pouvoirs publics français ont relancé la politique de maîtrise de l’énergie.
De ce fait, un programme national de lutte contre le changement climatique comportant un volet « maîtrise de l’énergie » a été publié au début de l’année 2000 ; il a été suivi d’un programme national d’efficacité énergétique. Toujours en 2000, la réglementation thermique a été une nouvelle fois renforcée et étendue aux bâtiments tertiaires.
La suite de l’historique énergétique nous est plus familière. C’est la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, de 2005, puis les lois Grenelle de 2009 et 2010, suivies, dès 2011, d’une table ronde nationale pour l’efficacité énergétique.
Les lois Grenelle ont repris l’objectif européen de réduction de 20 % de nos consommations d’énergie d’ici à 2020 établi par le paquet énergie-climat européen de 2008.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telle est donc l’histoire dans laquelle le texte qui vous est présenté aujourd’hui s’inscrit. Malgré la trajectoire que je rappelais, c’est un fait, si la France n’a pas une ambition nouvelle en matière d’économie d’énergie, elle n’atteindra pas l’objectif qu’elle s’est assigné d’une réduction de 20 % de sa consommation énergétique. Si celle-ci se poursuit au même rythme que celui des cinq dernières années, notre pays n’atteindra même pas la moitié de l’objectif : il ne sera même pas à la moitié du chemin tracé pour 2020.
D’ailleurs, le poids de la facture énergétique dans notre balance commerciale est sans appel : 61, 4 milliards d’euros, soit l’équivalent de 3 % du PIB en 2011.
Une grande politique publique de sobriété et d’efficacité énergétiques est indispensable. Bien sûr, c’est en premier lieu l’affaire de l’État. Mais cette politique doit être accompagnée aussi par un changement des comportements, qui concerne chaque citoyen.
C’est pour cette raison que, lors de la campagne présidentielle, François Hollande avait repris l’idée d’un élargissement des tarifs sociaux liée à une réforme structurelle visant à instaurer un système de tarification vertueux du point de vue écologique, conforme au principe simple selon lequel plus l’on consomme, plus l’on doit payer.
C’est l’engagement n° 42 du projet présidentiel, qui prévoit la mise en œuvre d’« une nouvelle tarification progressive de l’eau, de l’électricité et du gaz afin de garantir l’accès de tous à ces biens essentiels et d’inciter à une consommation responsable. »
Et c’est l’objet de la présente proposition de loi, présentée par les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen de l’Assemblée nationale, texte qui reprend aussi des dispositions législatives adoptées par la majorité sénatoriale à la fin de l’année 2011.
Au travers d’un mécanisme dont le principe est comparable aux bonus-malus qui existent dans bien d’autres domaines, il s’agit de donner une valeur aux économies d’énergie et aux « négawatts ».
Le mécanisme du bonus-malus a fait l’objet d’un intense travail du côté tant de l’Assemblée nationale que du Sénat, où Roland Courteau, à qui je rends hommage, s’est beaucoup impliqué.
Il est de l’essence même de chaque étape du débat parlementaire d’améliorer le texte en discussion. Le Gouvernement est attentif aux débats et ouvert à des éléments de simplification, à condition de conserver l’esprit et l’efficacité du dispositif.
J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer, notamment, que le bonus-malus doit être établi sur la base de critères simples et limités : le type de chauffage, le nombre d’occupants du logement et la localisation géographique à l’échelle de la commune.
Sans anticiper sur ces aspects techniques, je souhaite souligner que ce dispositif vise avant tout à inciter le consommateur à maîtriser sa consommation.
Le bonus récompensera et encouragera les économies d’énergie, tandis que le malus signifiera au consommateur qu’il consomme trop. Le Gouvernement est attaché à ce que le système repose sur ces deux piliers.
Le mécanisme proposé ne comporte pas davantage de contraintes que, par exemple, celui qui est en vigueur dans le domaine de l’assurance automobile et qui encourage les conducteurs les plus prudents.
C’est exactement le même type de système incitatif, même si sa rédaction reflète, c’est vrai, la complexité du système énergétique. Ceux qui dénoncent une usine à gaz oublient un peu vite la complexité extrême des réformes dont ils sont à l’origine, à commencer par la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite « loi NOME ».
En pratique, qu’il s’agisse du dispositif adopté par l’Assemblée nationale ou de celui qui a été imaginé par Roland Courteau, la volonté affichée est, avant tout, de donner un signal au consommateur dès lors que sa consommation dépasse un volume moyen.
Par conséquent, il s’agit bien d’une incitation. Un bonus-malus unitaire de plus ou moins 5 euros par mégawattheure se traduira, sur la facture annuelle, par 30 euros de bonus ou de malus, soit environ 2 % du montant total. Alors qu’un ménage qui consomme peu bénéficiera d’un bonus sur sa facture, celui qui consomme beaucoup paiera un malus qui sera faible au début, mais qui augmentera progressivement dans le temps.
En fait, il s’agit de dresser un pont entre la détection des consommations trop importantes par rapport à un volume de référence et le service public de la performance énergétique, dont la création figure dans la présente proposition de loi, et qui sera complété par le plan de rénovation thermique préparé par le Gouvernement.
Moins l’on consomme, moins l’on paie : ce principe constitue bien une révolution par rapport à la tarification existante, qui récompense proportionnellement aujourd’hui les plus gros consommateurs d’énergie.
Pour la même raison, lors de la lecture de la présente proposition de loi à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé d’étendre ce système à la tarification de l’eau ; il souhaite inciter les collectivités territoriales à s’engager dans cette voie, tout en respectant, bien sûr, leur libre administration.
L’entrée en application de la future loi – un certain nombre de décrets doivent être rédigés – sera précédée par le lancement d’un vaste plan de rénovation thermique des logements existants.
En effet, le bâti absorbe près de 40 % de la consommation d’énergie et l’on recense près de 4 millions de passoires énergétiques.
L’objectif, très ambitieux, fixé par le Président de la République est d’atteindre 500 000 rénovations de logements anciens par an, soit trois fois plus que le rythme actuel.
Dans le cadre du dispositif élaboré par le Gouvernement, notamment par Cécile Duflot, le produit des enchères ETS du marché carbone viendra abonder le budget de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH.
Les 4 millions de passoires thermiques seront ciblées en priorité par les mécanismes d’aide mis en place.
Ce plan massif de rénovation thermique du bâti est une opération vertueuse à trois titres.
Sur le plan écologique, d’abord, cette opération permettra d’économiser massivement l’énergie et de réduire de façon significative nos émissions de gaz à effet de serre.
Sur le plan social, ensuite, elle allégera la facture énergétique des ménages et contribuera donc à l’amélioration du pouvoir d’achat des Français.
Sur le plan économique, enfin, elle relancera l’activité dans le secteur du bâtiment et offrira un gisement d’emplois très important – au moins 50 000 emplois non délocalisables à court terme – à nos TPE, nos PME, nos artisans, partout dans l’ensemble de nos territoires.
Lors de sa discussion à l’Assemblée nationale, le texte a été complété par des dispositions très attendues concernant le mécanisme de capacité et l’effacement.
Le mécanisme de capacité consiste à obliger les fournisseurs d’énergie à disposer de capacités de production ou d’effacement permettant de couvrir les besoins de leurs clients, notamment lors des périodes de pointe.
Il doit donc s’accompagner d’un développement des possibilités d’effacement. Il s’agit de permettre aux acteurs économiques d’agir, eux aussi, sur leurs factures d’énergie en pratiquant l’effacement ou la possibilité de reporter dans le temps des consommations afin de les payer moins cher.
Cette mesure est très attendue, notamment par les acteurs du secteur industriel, tout comme le cadre permettant de développer l’effacement diffus que prévoit la proposition de loi.
Enfin, sur l’initiative du Gouvernement, la proposition de loi comporte des mesures d’urgence pour les énergies renouvelables.
Les filières d’énergies renouvelables ont été fragilisées par des changements récurrents de politique tarifaire et d’encadrement réglementaire, en particulier le photovoltaïque et l’éolien. Près de 10 000 emplois ont été ainsi détruits dans la filière photovoltaïque.
Quant au développement de l’éolien terrestre, il a été « obstrué » par une réglementation inadaptée, alors que cette énergie renouvelable est la plus compétitive !
Au final, par rapport à l’engagement européen d’atteindre l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie d’ici à 2020, nous étions, en 2011, à plus de 9 % en deçà de la trajectoire fixée.
S’agissant en particulier de l’éolien terrestre, nous en sommes seulement à 6 870 mégawatts, pour un objectif fixé à 19 000 mégawatts de puissance installée !
Surtout, depuis plus d’un an, nous assistons à un effondrement des projets d’implantation d’éoliennes, avec seulement 200 mégawatts de puissance installée depuis le début de l’année 2012.
Le Gouvernement a donc présenté à l’Assemblée nationale plusieurs amendements prenant en considération la situation des 180 entreprises et des 11 000 emplois du secteur de l’éolien terrestre.
Le premier amendement vise à répondre à une situation particulière : il est plus difficile de développer l’énergie éolienne outre-mer, alors que le coût de l’électricité produite par des éoliennes est deux fois et demie moins cher que celui de l’électricité produite par des énergies fossiles !
Un deuxième amendement vise à résoudre le problème lié au raccordement des installations éoliennes offshore, une disposition essentielle en particulier s’agissant de la situation que nous connaissons dans la baie de Saint-Brieuc.
Un troisième amendement du Gouvernement vise, pour faciliter les projets d’implantation d’éoliennes, à supprimer l’obligation d’implantation au sein des zones de développement de l’éolien, les ZDE. Les schémas régionaux éoliens, les SRE, sont un outil de planification territoriale stratégique qui permet déjà de prendre notamment en compte la préservation des paysages.
Par ailleurs, la procédure des installations classées pour la protection de l’environnement, ICPE, garantit toujours une étude d’impact et une enquête publique, qui offrent toutes les garanties d’informations et de consultations, non seulement des élus locaux, mais aussi des citoyens. Il convient seulement de mettre fin à certains empilements administratifs.
Hier, j’étais dans l’Oise avec votre collègue Laurence Rossignol pour inaugurer une usine de mâts en béton pour éoliennes, Enercon, qui va permettre de créer immédiatement soixante emplois et sans doute davantage à terme. Comme beaucoup d’autres entreprises, Enercon attend pour se développer l’adoption de ces dispositions législatives.
Selon nous, l’écologie et le développement des énergies renouvelables sont un levier pour créer des emplois dans cette période de crise économique que nous connaissons aujourd’hui. J’illustrerai ce propos avec un exemple assez significatif : parmi les soixante salariés de l’entreprise Enercon, cinq sont d’anciens de l’entreprise Continental. C’est assez symbolique de ce que le développement de la transition énergétique permet !
Du fait du vote en commission d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, le texte qui vous est soumis en séance est celui de l’Assemblée nationale. Mais, mesdames et messieurs les sénateurs, je souhaite, pour conclure, que le débat soit constructif, fructueux, et qu’il permette au Sénat d’apporter sa pierre à l’édifice, la création d’un mécanisme de tarification sociale et progressive de l’énergie.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, des circonstances un peu particulières me conduisent à intervenir en tant que rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre.
En effet, ce texte aurait dû vous être présenté par notre collègue Roland Courteau, que notre commission des affaires économiques avait nommé rapporteur et qui a mené des travaux de qualité : il a reçu plus de quatre-vingts personnes au cours de trente-trois auditions, auxquelles étaient invités tous les membres de notre commission, et il a travaillé en collaboration avec les différentes institutions concernées. Elles se reconnaîtront !
Notre collègue a, d’une part, approfondi les questions les plus urgentes qui sont posées dans la proposition de loi : l’extension de l’application des tarifs sociaux, la généralisation de la trêve hivernale pour l’approvisionnement en énergie, questions que nous avons déjà évoquées dans cet hémicycle.
Conscient que certains sujets avaient été abordés assez rapidement à l’Assemblée nationale, via des amendements de commission ou de séance, Roland Courteau a approfondi les questions liées à l’effacement, au marché de capacité, ou encore des questions spécifiques propres à l’éolien, sujet auquel notre commission des affaires économiques est tout particulièrement sensible, sans doute en raison de l’implication d’un certain sénateur de l’Aude...
Mais notre collègue a surtout étudié de près le dispositif central de la proposition de loi, à savoir le mécanisme de bonus-malus que vous avez évoqué, madame la ministre, et qui permet, sur un principe d’équité, d’inciter les consommateurs à réduire leur consommation d’énergie.
Constatant que ce dispositif suscitait de multiples difficultés, notre collègue a souhaité, en se fondant sur les nombreuses concertations qu’il a menées, proposer une adaptation du mécanisme adopté par l’Assemblée nationale.
Pour toutes ces raisons, je souhaite rendre hommage au travail considérable que notre collègue Roland Courteau a réalisé tout au long de l’examen de ce texte.
Toutefois, l’adoption par notre commission, contre l’avis du rapporteur, par vingt voix contre dix-neuf, d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité a entraîné le rejet du texte et a donc empêché la commission d’examiner au fond les propositions très sages du rapporteur et celles des autres membres de la commission, quelles que soient les travées sur lesquels ils siègent, bloquant ainsi le travail parlementaire.
La situation n’est pas commune ; elle est même peut-être paradoxale, reconnaissons-le ! Il serait important de revisiter notre règlement intérieur. Pourquoi ne pas nous « caler » sur l’article 89 du règlement de l’Assemblée nationale ? En effet, pouvoir bloquer le travail parlementaire au stade de l’examen en commission, sans avoir écouté ni même entendu le rapporteur, me pose problème.
À la suite de ce vote, notre collègue Roland Courteau n’a pas souhaité – et c’est bien compréhensible ! – conserver sa charge de rapporteur en vue de l’examen du texte en séance publique ce soir. C’est donc à moi, en tant que président, que la commission des affaires économiques a confié la mission de présenter le rapport.
Cher Roland Courteau, je serai donc, si vous me le permettez, votre porte-parole. Je ne ferai que commenter les principales dispositions de cette proposition de loi, dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, car c’est en effet ce dernier qui sera discuté tout à l’heure par notre assemblée si elle n’adopte pas la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Le dispositif de bonus-malus défini à l’article 1er constitue le point central et le plus commenté de cette proposition de loi. Sur le fond, il correspond à un mécanisme de tarification progressive. Le terme de « tarification » a été retiré afin d’éviter toute confusion avec les tarifs réglementés ou les tarifs d’utilisation des réseaux. Ce mécanisme, indépendant en effet des tarifs actuellement définis dans la loi, s’applique de manière identique aux clients de tous les fournisseurs.
Concrètement, trois tranches de consommation sont définies. La première tranche correspond à un « volume de base » défini à partir d’un « volume de référence » couvrant les besoins essentiels des ménages. Le volume de base est modulé en fonction de nombreux critères, dont le nombre de membres du foyer fiscal et leur âge, la localisation géographique, le mode de chauffage, le mode de production de l’eau chaude sanitaire et la présence d’équipements spécifiques au domicile. C’est bien là que le problème commence à se compliquer...
La première tranche de consommation est subventionnée – c’est le bonus – et la troisième fait, au contraire, l’objet d’un malus, c’est-à-dire d’une augmentation de la facture pour chaque kilowattheure consommé dans cette tranche.
La tranche intermédiaire peut faire l’objet d’un bonus ou d’un malus, selon les catégories de population et le niveau de bonus et de malus décidé par le pouvoir réglementaire. Un barème spécifique plus favorable pour les consommateurs qui bénéficient des tarifs sociaux pourrait être défini par décret, madame la ministre.
Selon le texte adopté par les députés, la collecte des informations nécessaires à l’application des critères relèverait de nouvelles rubriques ajoutées sur la déclaration de revenus. Vous avez tous entendu quelques commentaires sur cet aspect des choses ; je ne m’appesantirai donc pas. Il y a sans doute là une difficulté, en particulier un problème de fichier.
L’équilibrage des bonus et des malus passe par la création d’un fonds de compensation géré par la Caisse des dépôts et des consignations.
Des mesures spécifiques sont prévues pour les immeubles alimentés par des installations de chaleur communes.
Enfin, selon des modalités à préciser par décret – je vous souhaite bien du plaisir, madame la ministre ! –, les locataires pourraient déduire de leur loyer une partie du malus correspondant à la mauvaise performance énergétique du logement qu’ils occupent. L’objectif est tout à fait louable, mais la mise en application me paraît très difficile… Sans doute y a-t-il là une justification. En effet, le locataire ne devrait pas « bénéficier » d’un malus parce que son propriétaire ne fait aucun effort pour améliorer les performances énergétiques du logement.
Enfin, aux termes de l’article 2, le dispositif doit faire l’objet de différents rapports du Gouvernement qui permettront d’en préciser les modalités, voire de l’étendre. Là encore, je ne ferai pas trop de commentaires. Vous connaissez mon appétence pour ces rapports qui sont demandés à tout propos à l’occasion de la discussion des textes que nous examinons, indépendamment de l’intérêt de chacun de ces documents, bien entendu. Alors, n’en rajoutons pas !
Ce dispositif ne représente toutefois qu’un tiers de la proposition de loi. Un titre II, intitulé « Mesures d’accompagnement », comprend des dispositions dont certaines ont en fait vocation à s’appliquer beaucoup plus vite que le bonus-malus.
C’est le cas de l’article 3, qui permet une meilleure application des tarifs sociaux. Il mobilise l’ensemble des organismes sociaux, ainsi que l’administration fiscale, pour identifier les 4 millions de foyers ayant droit au tarif de première nécessité pour l’électricité ou au tarif social de solidarité pour le gaz. C’est une extension de la situation actuelle.
L’article 4 élargit les compétences du médiateur national de l’énergie, d’une part aux litiges avec les distributeurs, d’autre part aux litiges concernant des micro-entrepreneurs. L’action du médiateur national de l’énergie est largement reconnue : elle mérite d’être encouragée.
L’article 5 étend par ailleurs le collège de la Commission de régulation de l’énergie. Cet article a été introduit afin que cette commission puisse mieux prendre en compte les enjeux spécifiques posés par le mécanisme de bonus-malus en termes de droit des consommateurs et de protection des données personnelles. Il a ensuite été réécrit par les députés pour prendre en compte les enjeux environnementaux et des zones non interconnectées.
L’article 6 instaure un service public de la performance énergétique. Il s’agit surtout d’un cadre pour un véritable service public qui devra être identifié par les citoyens comme une aide personnalisée à l’amélioration de la performance énergétique de leur habitation.
Aux articles 7 et suivants sont abordées des questions plus techniques : l’effacement et le mécanisme de capacité.
Je vous rappelle que le mécanisme de capacité, lancé par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, a pour objet de garantir l’approvisionnement en électricité dans les périodes de forte demande à l’horizon 2016. On ne peut pas dire que nous ayons voté cette loi avec beaucoup d’enthousiasme, en tout cas pour une minorité d’entre nous devenue majorité... Ce mécanisme permettra de donner une rentabilité aussi bien aux nouveaux moyens de production qu’à la mise en place de capacités d’effacement.
Nous sommes en effet sensibles aux avantages de l’effacement, qui consiste à réduire temporairement la consommation afin d’équilibrer très rapidement le réseau, au même titre que si une nouvelle unité de production avait été nécessaire et mise en fonctionnement. Je pense en particulier à nos concitoyens de l’ouest de la France et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui pourraient, si l’on ne parvenait pas à soulager les réseaux dans les années qui viennent, subir les conséquences de délestages, voire d’un black-out complet !
À l’article 7 de la proposition de loi, il est proposé de donner une priorité aux capacités d’effacement dans le mécanisme de capacité.
À l’article 7 bis, il est proposé de définir un mode de valorisation de l’effacement qui permette son développement harmonieux, compte tenu de sa nature économique très particulière. Il s’agit en quelque sorte d’une « non-consommation » ou d’une consommation décalée dans le temps, sans pour autant que le producteur soit forcément informé que l’électricité qu’il produit sera « effacée ».
Il est aussi proposé, aux articles 7 ter à 7 sexies, d’adapter à la marge les règles du marché de capacité pour les gros consommateurs, les électro-intensifs et les producteurs d’électricité bénéficiant de l’obligation d’achat.
L’article 8, sans doute l’un des plus importants de la proposition de loi, prévoit l’extension à tous de la « trêve hivernale ». De même que les expulsions de logement sont interdites l’hiver, la coupure d’électricité, de gaz et de chaleur serait également prohibée pendant la même période.
Le Sénat, rappelons-le, a déjà adopté une telle mesure le 21 décembre 2011, dans le cadre de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, texte qui n’est pas allé jusqu’au terme de son parcours parlementaire : il s’est perdu dans les catacombes, au cours de la navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale ! Nous avions également, à cette occasion, adopté le principe d’une tarification progressive. Mais les positions semblent avoir évolué au sein de notre assemblée concernant ces deux points.
L’article 9 reprend également une précision, déjà votée par les deux assemblées dans le cadre du projet de loi précité, relative à l’indication du prix dans les offres de fourniture d’électricité ou de gaz naturel.
Les articles 10 et 11 visent à adapter les règles de fonctionnement de la Commission de régulation de l’énergie, d’une part, à une décision du Conseil constitutionnel concernant l’exercice du pouvoir de sanction par les autorités administratives indépendantes – ou prétendument indépendantes, si vous me permettez ce commentaire personnel ! –, d’autre part, à la publication du règlement européen concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’électricité. Je n’ai jamais beaucoup cru aux autorités administratives indépendantes, considérant qu’elles avaient parfois pour rôle d’« alléger » le pouvoir du Parlement, alors que les commissions feraient tout aussi bien que certaines de ces AAI. (N’ayez crainte, monsieur Lenoir, vous n’êtes pas visé !
Enfin, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs dispositions importantes concernant les normes d’implantation des éoliennes et j’estimerais regrettable, à titre personnel, que notre assemblée ne consacre pas à ces dispositions le débat qu’elles méritent.
Je vous rappelle que notre assemblée, dans le cadre du projet de loi Grenelle 2, a déjà adopté un amendement concernant l’installation des éoliennes, déposé par M. Ollier – rendons à César ce qui appartient à César –, qui portait à cinq le nombre de mâts nécessaires pour le rachat de l’électricité produite.
Les députés ont d’abord supprimé à l’article 12 bis les zones de développement de l’éolien, lesquelles, définies au niveau local, conditionnent actuellement l’accès au tarif d’achat de l’électricité. Il faut dire que ces ZDE pouvaient conduire à un certain nombre de recours. À ce propos, j’attends toujours le décret – je ne sais pas quel est aujourd’hui le ministre concerné –, promis par M. Apparu, concernant les recours abusifs.
Quels que soient les domaines concernés, nous avons tous été confrontés, dans nos collectivités, à des recours n’ayant qu’un seul but, celui de retarder les opérations et d’augmenter ainsi la facture de différentes constructions ou aménagements ; je pense ici aux ZAC, les zones d’aménagement concerté.
Outre la suppression de ces ZDE, qui étaient des nids à contentieux potentiels, les députés ont également proposé des solutions pour permettre le raccordement au continent des éoliennes en mer – c’est l’objet de l’article 12 ter –, ainsi que l’implantation d’éoliennes dans les départements d’outre-mer, traitée à l’article 12 quater. Il est vrai que le potentiel de développement dans ces départements est relativement important, et je comprends que l’on ait prévu un traitement spécifique pour ces départements d’outre-mer au regard de la loi Littoral.
L’article 15 vise pour sa part à supprimer la règle interdisant la réalisation d’unités de production comprenant moins de cinq mâts. Cette disposition aurait été mieux placée à l’article 12 bis, mais nous aurons peut-être l’occasion de revenir sur ce point.
Je n’ai pas mentionné les articles 13 et 14, qui concernent la fourniture en eau : ils vous seront en effet présentés par notre collègue Michel Teston, rapporteur pour avis de la commission du développement durable.
En conclusion, je rappelle que la commission des affaires économiques a adopté, sur l’ensemble de ce texte, et à mon corps défendant, une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission du développement durable a décidé de se saisir pour avis des quatre articles nouveaux de cette proposition de loi relatifs à l’énergie éolienne. Elle est saisie au fond des deux articles nouveaux relatifs à la tarification de l’eau.
Les dispositions relatives à l’éolien visent à relancer le développement de cette forme d’énergie renouvelable, en desserrant certaines des contraintes administratives qui gênent son développement.
L’article 12 bis, qui résulte de l’adoption d’un amendement déposé par le Gouvernement, tend à supprimer les zones de développement de l’éolien. En effet, les ZDE, qui paraissent redondantes par rapport aux schémas régionaux éoliens, se sont en outre révélées très fragiles juridiquement. Plusieurs ZDE ont déjà été annulées par le juge administratif, pour des raisons soit de forme, comme l’absence de participation du public, soit de fond, comme l’insuffisance de potentiel éolien. Or l’annulation d’une ZDE est lourde de conséquences, puisqu’elle entraîne la perte du bénéfice de l’obligation d’achat.
La commission du développement durable a donné un avis favorable à cette mesure de simplification, qui ne privera pas les communes concernées de leur implication dans les projets de parcs éoliens. En effet, les communes sont consultées non seulement en amont, conjointement par le préfet de région et le président du conseil régional, lors de l’élaboration des schémas régionaux éoliens, mais aussi en aval, par l’administration lors de la double instruction de la demande d’autorisation ICPE et de la demande de permis de construire.
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. En outre, l’adoption d’un amendement déposé par Roland Courteau, que je salue à mon tour
M. Ronan Kerdraon applaudit.
La commission du développement durable n’a pas remis en cause les dispositions de l’article 15, qui tend à supprimer l’obligation, pour les parcs éoliens, de comporter au minimum cinq éoliennes. Elle vous propose cependant, mes chers collègues, un amendement de pure forme, qui vise, dans un souci de cohérence rédactionnelle, à supprimer cet article, pour en regrouper les dispositions avec celles de l’article12 bis.
Les deux autres articles relatifs à l’éolien, qui résultent de l’adoption d’amendements déposés par le Gouvernement, concernent des dérogations à la loi Littoral.
L’article 12 ter tend à autoriser le passage en souterrain dans les sites et espaces remarquables du littoral des câbles nécessaires au raccordement aux réseaux d’électricité des installations marines utilisant les énergies renouvelables. Sont ici visées principalement les éoliennes offshore, mais aussi d’autres installations, comme les hydroliennes.
En effet, les règles protectrices des sites et espaces remarquables du littoral risquent de contraindre les exploitants d’éoliennes en mer à contourner ces espaces, parfois sur des dizaines de kilomètres, avec pour conséquence non seulement un surcoût économique, mais aussi, paradoxalement, un plus fort impact environnemental que celui qui résulterait d’un tracé plus direct mais souterrain à travers les espaces remarquables.
Cette dérogation, limitée, à la loi Littoral a paru acceptable à la commission du développement durable, pour plusieurs raisons. Premièrement, elle concerne uniquement les canalisations électriques, à l’exclusion des transformateurs ou ouvrages d’interconnexion plus volumineux. Deuxièmement, l’autorisation fait l’objet d’une enquête publique préalable. Troisièmement, la réalisation des travaux doit recourir à des techniques exclusivement souterraines, du type tunnelier.
L’article 12 quater tend à autoriser, dans les communes littorales des départements d’outre-mer, l’implantation d’éoliennes, en dérogation au principe d’urbanisation en continuité. En effet, la loi Littoral prévoit que, sur tout le territoire des communes littorales, l’urbanisation doit se faire en continuité ave les agglomérations et villages existants. Par ailleurs, la loi Grenelle 2 impose désormais une distance d’éloignement d’au moins 500 mètres entre les éoliennes et les habitations. Les installations éoliennes étant considérées comme des éléments d’urbanisation, la combinaison de ces deux principes contradictoires interdit de fait l’implantation de toute éolienne dans les communes littorales, ce qui est particulièrement gênant dans les départements d’outre-mer, dont la quasi-totalité du territoire est soumis à la loi Littoral.
La commission du développement durable a donc émis un avis favorable sur la dérogation à la loi Littoral proposée à l’article 12 quater pour les seuls départements d’outre-mer, où les éoliennes pourront être implantées sans tenir compte du principe d’urbanisation en continuité. Cette dérogation lui a paru acceptable, pour les raisons suivantes : d’abord, elle ne concerne pas les espaces proches du rivage ; ensuite, la commission départementale, compétente en matière de nature, de paysages et de sites, sera consultée ; enfin, les ministres chargés de l’urbanisme, de l’environnement et de l’énergie seront également consultés pour avis.
Il convient de souligner que le droit commun relatif aux installations éoliennes s’applique outre-mer, où les installations éoliennes sont soumises au schéma régional éolien, à la procédure ICPE et à la demande de permis de construire.
J’en viens aux articles 13 et 14, relatifs à la tarification sociale de l’eau. Il s’agit de la mise en œuvre concrète de l’article 1er de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, qui consacre le droit d’accès à l’eau pour tous.
À l’heure actuelle, toutefois, aucune disposition législative ne prévoit explicitement la possibilité pour les collectivités de mettre en place un système de tarification sociale. Plusieurs dispositifs existent pour corriger les inégalités d’accès à l’eau, comme la prise en charge des impayés d’eau des ménages les plus démunis par le Fonds de solidarité pour le logement, le FSL. Mais le volet préventif de la tarification sociale est quasi inexistant.
Quelques collectivités ont tenté l’expérience de la tarification sociale. L’exemple de Dunkerque est généralement cité. Le syndicat mixte pour l’alimentation en eau de la région de Dunkerque a instauré une tarification de l’eau selon des critères sociaux. La grille tarifaire mise en place est non seulement progressive, avec un prix du mètre cube croissant avec la consommation d’eau de l’abonné, mais également sociale : le tarif appliqué aux soixante-quinze premiers mètres cube consommés est très bas pour les bénéficiaires de la CMU complémentaire.
Dans ce contexte, les articles relatifs à l’eau de la présente proposition de loi visent à sécuriser juridiquement la possibilité de mettre en place une tarification sociale.
L’article 13 tend à compléter le code général des collectivités territoriales pour prévoir explicitement la tarification sociale du service de l’eau. Il ouvre ainsi la possibilité aux collectivités organisatrices du service public de moduler les tarifs pour les ménages en fonction des revenus ou de la composition du foyer.
L’article 14 prévoit le lancement d’une grande expérimentation nationale, sur cinq ans, permettant aux collectivités territoriales qui le souhaitent de mettre en place un système de tarification sociale de l’eau. Il organise le suivi et l’évaluation de l’expérimentation. Ce système doit permettre de déterminer si une extension du dispositif de tarification sociale à l’échelle nationale est souhaitable.
La commission du développement durable vous propose, mes chers collègues, trois amendements relatifs à l’expérimentation prévue à l’article 14.
Le premier amendement vient combler un oubli : il nous a semblé nécessaire de préciser que l’expérimentation prévue ne concerne que la tarification sociale de l’eau.
Les deux autres amendements partent d’un constat : avec une date limite de dépôt des projets fixée au 31 décembre 2013, l’expérimentation ne prenait pas en compte la tenue d’élections municipales en mars 2014. La commission du développement durable vous propose donc, par un deuxième amendement, de repousser ce délai limite au 31 décembre 2014, afin de permettre aux nouvelles équipes élues en mars 2014 de s’engager, si elles le souhaitent, dans le dispositif.
Par cohérence, et c’est l’objet du troisième amendement, compte tenu d’un report de la date limite au 31 décembre 2014, il convient de repousser également d’un an les échéances prévues pour la remise des rapports de suivi et d’évaluation de l’expérimentation.
En conclusion, ces deux articles sur l’eau constituent une avancée importante. Aujourd’hui, l’accent est essentiellement mis sur une réparation a posteriori des inégalités d’accès à l’eau, avec les aides aux impayés versées par les départements. Peu de dispositifs interviennent dès la facturation du service à l’usager. Cette lacune est désormais comblée.
Le système proposé dans ce texte ne remet pas en cause le principe d’égalité des usagers devant le service public, j’insiste sur ce point, puisqu’il prend en compte des situations de revenus diverses justifiant une tarification adaptée. L’objectif final est bel et bien l’intérêt général avec la mise en œuvre du droit à l’eau pour tous.
La tarification sociale envisagée est combinée avec une tarification progressive. Elle devra ainsi permettre à la fois de prendre en compte les inégalités d’accès à l’eau, mais également de respecter l’objectif d’utilisation efficace et responsable de la ressource.
Le recours à une expérimentation nous a semblé être une solution de sagesse. Les spécificités locales des services publics de l’eau justifient des traitements adaptés à chaque collectivité. Le texte laisse ainsi cinq ans pour analyser les solutions trouvées et décider de l’opportunité ou non de généraliser la tarification sociale à l’échelle nationale.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, telle est la position qu’a adoptée la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le débat qui s’ouvre aujourd’hui n’est qu’une première étape dans la mise en place d’un dispositif législatif cohérent pour mener à bien cette transition énergétique qui fait partie des grands engagements de campagne du Président de la République.
En attendant le lancement de ce débat national sur l’énergie dont notre pays a grand besoin, la proposition de loi qui nous est aujourd’hui présentée répond à un certain nombre d’urgences, et il serait donc dommageable que le Sénat ne s’y attelle pas.
Première urgence, urgence vitale alors que le froid s’installe dans notre pays, c’est bien sûr la lutte contre la précarité énergétique. Les chiffres sont connus et ils sont très inquiétants : aujourd’hui, selon l’INSEE, ce sont 3, 8 millions de ménages qui sont en situation de précarité énergétique et qui consacrent plus de 10 % de leurs revenus à leurs factures d’énergie.
Ce chiffre est en augmentation constante et, aujourd’hui, ce sont aussi 79 % des Français qui considèrent l’énergie comme étant dans leur vie quotidienne un sujet de préoccupation important. C’est le résultat, publié ces jours-ci, de la dernière enquête qu’a fait réaliser le médiateur national de l’énergie.
Il faut donc agir vite, envoyer un signal politique fort qui réponde évidemment a des situations sociales préoccupantes, mais participe aussi de la réduction de cette anxiété générale qui caractérise aujourd’hui notre pays.
En élargissant l’accès des tarifs sociaux réglementés pour l’électricité et le gaz à environ 8 à 9 millions de personnes, cette proposition de loi s’inscrit dans les grands principes qui doivent guider un gouvernement de gauche, ceux de la solidarité et de la lutte contre l’augmentation de la précarité, un mal redoutable qui gangrène aujourd’hui ce pays. La majorité de gauche de cet hémicycle devrait ici se rassembler.
Autre urgence qui justifie la procédure accélérée : la destruction programmée, soutenue par le précédent gouvernement, des filières industrielles des énergies renouvelables.
Il faudrait sans doute approfondir les raisons de cette vindicte – le mot est faible – de la précédente majorité contre le développement de l’éolien terrestre, lequel permet de produire une électricité pourtant déjà concurrentielle au niveau européen, ainsi que l’a confirmé le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le coût réel de l’électricité. À cet égard, je salue Jean Desessard, son rapporteur.
M. Jean Desessard applaudit. – Rires.
On estime aujourd’hui que les décisions erratiques du précédent gouvernement ont coûté plus de 10 000 emplois à la filière photovoltaïque et que, si nous n’agissons pas très vite, ce sont 11 000 autres emplois qui disparaîtront rapidement dans les filières de l’éolien.
Ainsi, des dizaines de milliers d’emplois disparaissent en France, alors que, dans le même temps, l’Allemagne chiffre à 1 million le nombre d’emplois supplémentaires qui pourraient être créés dans le domaine des industries vertes dans les quinze prochaines années, lesquels s’ajoutent au 1, 4 million d’emplois existants.
Là aussi, stopper la casse industrielle est une urgence. Sauver et développer des emplois industriels doit être aujourd’hui une priorité de la majorité de gauche.
Celle-ci devrait donc se retrouver unie pour voter une proposition de loi qui a pour principal objet de supprimer les obstacles administratifs créés sciemment pour stopper le développement des champs d’éoliennes terrestres.
Il faut aujourd’hui dix ans environ en France pour ériger un champ d’éoliennes, alors que la moyenne en Europe est de quatre ans. Adopter cette proposition de loi, c’est donc sauver des dizaines de milliers d’emplois.
Reste un autre sujet, qui semble faire difficulté : le principe d’un bonus-malus appliqué à la consommation d’électricité.
En tant qu’écologistes, nous avons toujours défendu le principe de la tarification progressive, les surconsommations coûtant plus cher à la communauté nationale que les consommations de base. C’est particulièrement le cas pour l’électricité : les pics de consommation coûtent très cher et nécessitent des moyens d’appoint onéreux.
Chercher à réduire cette consommation de pointe est donc un enjeu fort, car ce sont tous les consommateurs, notamment les plus petits d’entre eux, qui payent, dans le cadre d’un tarif unique, les surconsommations de certains. Il y a là une injustice sociale que cette proposition de loi tend à réduire par le bonus-malus, mais également par d’importantes dispositions techniques sur l’effacement de pointe.
Je n’y reviens pas, mais, pour nous, écologistes, l’intégration dans cette proposition de loi de l’approche « négawatt » est une avancée majeure.
Concernant le bonus-malus, il faut bien sûr tenir compte de l’état des logements des uns et des autres et du temps qu’il fait. Se chauffer à l’électricité n’aura pas la même incidence sur la facture selon que l’on habite dans une HLM de Mulhouse, fût-elle construite par Jean Nouvel, ou à Nice, dans un appartement de grand standing.
Le climat et la qualité de l’habitat sont des injustices que cette proposition de loi tente aussi de corriger.
Il y a évidemment matière à amélioration. En tant qu’écologistes, nous proposerons, par exemple, d’augmenter le bonus et le malus, en les équilibrant, pour renforcer le caractère incitatif du dispositif. Mais vous conviendrez qu’il serait dommage de se priver d’un débat dont la finalité est justement de réduire les inégalités sociales face à la consommation d’énergie.
Dans ce cadre, nous défendrons notamment une tarification progressive sur l’abonnement, proportionnelle à sa puissance nominale, rejoignant ainsi la préoccupation qu’avait exprimée en 2009, dans une question écrite, le député communiste André Chassaigne, qui dénonçait – c’est intéressant – l’augmentation des prix de l’abonnement.
Sa remarque, fort pertinente, mérite d’être citée : « Cette disparité dans l’évolution tarifaire fait supporter une partie croissante du prix de l’électricité sur les petits consommateurs qui ne se chauffent pas à l’électricité, habitent dans des logements anciens ou ont des faibles revenus ».
Nous le rejoignons dans ce constat et l’amendement proposé par le groupe écologiste sur cette tarification progressive pourrait donc trouver ici quelques soutiens, au nom de l’égalité réelle entre citoyens.
Cet exemple, parmi d’autres, atteste l’intérêt d’une vraie discussion entre nous sur cette proposition de loi introduisant, à l’occasion de questions urgentes, le vaste débat sur l’énergie qui est encore devant nous.
Le groupe écologiste soutient donc les grands principes de ce texte. Nous rejoignons Mme la ministre quand elle déclare que l’urgence est devant nous. Le réchauffement climatique s’accélère, la facture de nos importations de gaz et d’hydrocarbures « plombe » notre balance commerciale et notre compétitivité.
Sans une forte mobilisation, nous n’atteindrons pas les objectifs du paquet énergie-climat de l’Union européenne, un « trois fois vingt » que nous estimons pourtant insuffisant quant à ses objectifs.
Il y a urgence et nous ne pouvons pas perdre de temps. Il serait donc fâcheux que le seul signal adressé ce soir par le Sénat soit son refus d’améliorer un texte qui va dans le bon sens…
M. Ronan Dantec. … et que la Haute Assemblée ne participe pas à la mobilisation générale en faveur de la transition énergétique et écologique.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Jean Desessard. Bravo, monsieur Dantec ! Votre intervention comportait en particulier un passage très intéressant, au début…
Rires.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord vous alerter sur la manière de procéder du Gouvernement, qui tient de façon récurrente un discours alambiqué, transformant des textes de loi essentiels pour nos compatriotes en textes de circonstance, souvent et manifestement mal préparés.
La proposition de loi de M. Brottes que nous examinons aujourd’hui n’en est qu’un nouvel exemple ; présentée sans vision stratégique, elle fait fi de toute concertation approfondie, alors qu’elle est censée modifier les comportements et les dépenses énergétiques des Français.
Il n’est de surcroît pas anodin que la commission des affaires économiques du Sénat, réunie le 23 octobre dernier, ait voté une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, considérant le système de bonus-malus contenu dans la proposition de loi comme « une rupture d’égalité devant l’accès à l’énergie, sur la base de critères contestables ».
Cependant, ce texte part de bonnes intentions.
Les hausses passées, fortes et répétées, des prix de l’énergie pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat des Français, et plus encore lorsqu’ils sont en situation de précarité.
Par ailleurs, l’usage des sources d’énergie fossile, qui conduit à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, contribue au réchauffement climatique, contre lequel nous devons lutter.
Vouloir agir en faveur de l’efficience environnementale tout en assurant l’équité sociale et en favorisant l’attractivité et la compétitivité économique est une ambition qui ne peut être que saluée et partagée par tous. §Néanmoins, sa traduction législative se caractérise ici par l’incohérence et la complexité.
Vous prenez le risque de ne pas diminuer certaines iniquités sociales et, a contrario, de les développer.
En ce qui concerne les conditions d’habitat, les ménages les plus précaires, qui habitent souvent les logements les plus mal isolés, seront les premiers à être soumis au malus.
Par ailleurs, la collecte des données inscrites sur les feuilles d’imposition aboutira à des décalages entre les informations recueillies et la réalité des consommations d’énergie.
En outre, seules les énergies de réseaux seront touchées, alors que les énergies qui impactent le plus gravement l’environnement, à savoir le fioul, le propane et les poêles à pétrole, sont exclues du dispositif.
Enfin, je constate que l’iniquité territoriale est aussi patente, puisque de nombreux ménages économes, en milieu rural, ne sont pas connectés aux énergies de réseaux, beaucoup plus développées en milieu urbain.
Au nom de l’égalité des territoires, on s’interroge : comment Mme Duflot peut-elle cautionner un tel projet ?
Enfin, si le bonus-malus concerne les ménages, les entreprises du secteur tertiaire, dont les consommations d’énergie sont pourtant très proches, y échappent. Où est la cohérence ?
Il est également important de relever des incohérences environnementales. Ainsi, certains ménages dont le logement est mal isolé pourraient être tentés d’utiliser des poêles à pétrole, dont nous mesurons aujourd’hui la nocivité sur la santé et l’environnement.
Il paraît donc difficile, pour ne pas dire impossible, d’imposer un cadre unique sans avoir réalisé une étude d’impact préalable et sans concertation.
Qu’est devenue ici la démocratie participative que vous appelez si souvent de vos vœux ? Pourquoi généraliser les besoins, si différents selon les ménages et le logement qu’ils occupent, avec des critères dont la fiabilité, dans l’état actuel du texte, n’est pas avérée ?
Pour conclure
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
Ce manque de vigilance, qui amène aujourd’hui le Gouvernement à proposer un dispositif alternatif, montre bien l’incohérence technique et la maladresse méthodologique qui prévalent dans ce texte.
Le Gouvernement, qui voulait ainsi faire de la sobriété énergétique un des axes forts de la conférence environnementale, passe, avec ce dispositif, de la complexité à l’inutilité.
Compte tenu de ces éléments, vous comprendrez que je voterai la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
M. Gérard Longuet applaudit.
M. Jean-Claude Lenoir . Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Sourires.
Cette vieille maxime des célèbres Shadoks, portés par la voix de Claude Piéplu, a fait des émules à l’Assemblée nationale mais risque de provoquer aussi quelques victimes collatérales.
Si c’était simple, nous aurions pu vous rejoindre. En disant cela, je me tourne vers ceux qui devraient a priori soutenir le Gouvernement quand il s’agit de maîtriser la demande d’énergie et d’étendre le dispositif du tarif social.
Cela étant, la première erreur de notre collègue François Brottes, député de l’Isère et président de la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale, a été de vouloir courir deux lièvres à la fois : la maîtrise de l’énergie et l’extension du régime au bénéfice des plus démunis. Je dois dire qu’un troisième lièvre a été levé dans cette affaire : l’éolien.
La situation s’est un peu compliquée, et les lièvres sont devenus tortues ! En effet, bien que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée et ait ensuite présenté ce texte à l’Assemblée nationale à la fin du mois de septembre, nous sommes, à quelques heures près, à la fin du mois d’octobre, et je ne pense pas que le rythme connaisse une forte accélération dans les jours qui viennent.
Pourquoi en est-on là aujourd’hui ?
Tout d’abord, François Hollande avait pris un engagement pendant la campagne électorale…
… et, au lieu de le mettre en œuvre aussitôt, il a préféré s’en remettre à un expert en la matière, François Brottes, qui, je le dis sans fard, connaît bien ces sujets. Notre collègue député m’a dit avoir beaucoup travaillé durant l’été avec quelques collaborateurs pour être en mesure de déposer une proposition de loi au début du mois de septembre.
Évidemment, en choisissant la forme d’une proposition de loi, le Gouvernement non seulement échappait à l’avis du Conseil d’État, mais aussi réussissait à se soustraire à l’obligation de joindre au texte une étude d’impact mesurant les conséquences des dispositions envisagées.
Donc, point d’avis du Conseil d’État, point d’étude d’impact, et c’est tout à fait dommage, car cette proposition de loi est, pour nous, très obscure.
À l’évidence, la proposition de loi a été improvisée. Le rapporteur a commencé ses auditions le jour même de sa nomination. Pour avoir rencontré bon nombre des interlocuteurs qu’a reçus notre ami Roland Courteau, je constate qu’aujourd’hui, et contrairement à ce qui s’était passé au mois de septembre, quand certains étaient curieux de savoir ce qui allait résulter des travaux de l’Assemblée nationale, on ne manifeste pas un grand enthousiasme, et c’est un euphémisme.
D’ailleurs, madame la ministre, je peux dire sans risquer de passer pour un petit rapporteur que, sur les rangs de la gauche, on n’a pas été très prompt ici à appuyer le Gouvernement et que certains de nos collègues ont même manifesté une très grande retenue dans leur soutien à la proposition de loi…
Rires.
M. Jean-Claude Lenoir. On connaît les péripéties : à l’Assemblée nationale, des votes interviennent à deux heures et demie du matin – les députés se couchent tard ; au Sénat, après un certain nombre d’épisodes très chaotiques sur lesquels je ne reviendrai pas, Roland Courteau démissionne de son mandat de rapporteur. Cela étant, notre collègue a beaucoup travaillé et mérite sincèrement toute notre reconnaissance.
Applaudissements.
Mais examinons le contenu de ce texte.
La proposition de loi comporte trois volets.
D’abord, elle prône la sobriété énergétique, avec un système de bonus-malus que vous avez vanté, madame la ministre. Honnêtement, si vous avez comme moi une voiture, vous avez un contrat d’assurance comportant sans doute une clause de malus-bonus : avez-vous jamais vu des bonus ? Moi, pas, mais les malus…
Les Français commencent à être un peu inquiets, et je doute que votre proposition ait des précédents. En Californie et au Japon, exemples cités en général, on n’est pas du tout dans le même cas de figure, car ces deux pays ont dû prendre des mesures urgentes pour faire face à une crise consécutive à une pénurie d’énergie électrique : une très forte hausse des prix a rapidement permis une diminution de la consommation d’électricité. Quant à suivre l’exemple de l’Italie, qui est parfois érigée en modèle, cela nous exposerait tout de même au risque de disparition de la péréquation tarifaire pour l’acheminement de l’électricité.
Je ne pense pas que ce soit ce système que vous souhaitiez privilégier.
Finalement, ce texte pose le principe de l’attribution à chaque foyer d’un volume de base qui serait calculé sur des critères kafkaïens, pour ne pas dire ubuesques : la surface occupée, le nombre de personnes, la commune de résidence. M. Courteau, le rapporteur qui ne l’est plus, a entendu les représentants des services fiscaux expliquer qu’une telle disposition était absolument impossible à mettre en œuvre.
Mais, au-delà de ces problèmes pratiques, ce qui est inacceptable pour nous, c’est la rupture de l’égalité des consommateurs devant la fourniture d’électricité et de gaz. §Comme l’ont dit nos collègues communistes, le Conseil national de la Résistance a posé un principe important qui a été codifié dans la loi de 1946. Or, je le dis sans détour, le présent texte tourne le dos à cette loi de nationalisation et aux acquis qu’elle contient.
Les premières victimes seront les familles démunies logées dans des habitations mal isolées et vivant dans des conditions de précarité énergétique avérées, elles qui sont par exemple obligées d’adopter le seul mode de chauffage disponible dans le logement mis à disposition par le propriétaire.
Les personnes qui habitent un logement collectif seront également victimes d’inégalités invraisemblables. Comment pourront-elles mesurer leur consommation réelle d’électricité et, a fortiori, de gaz ? Or la moitié des habitats collectifs relèvent du logement social.
Je vois d’autres victimes potentielles dans les inégalités entre le monde rural et les zones urbaines, les surfaces habitées à la campagne étant sensiblement plus grandes que dans les villes. Allez expliquer qu’une personne vivant dans un appartement du VIIe arrondissement de Paris recevra un bonus, quand une famille qui aura réussi à se loger dans une grande maison située, je prends une ville au hasard, ...
Sourires.
… à Mortagne-au-Perche, dans l’Orne, devra payer un malus !
C’est que la rupture de l’égalité n’existe pas simplement entre citoyens, elle concerne aussi les territoires, selon qu’ils sont ruraux ou urbains.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Il faut évoquer aussi le mode de vie. Lorsqu’un couple en activité prend sa retraite, il s’apprête à passer plus de temps dans son logement, et donc à consommer plus d’électricité. Qu’en sera-t-il alors du volume de référence initial ? Et quid des personnes handicapées ayant recours à des appareils qui consomment beaucoup d’énergie électrique ? Comment allez-vous traiter ces problèmes ?
Ce ne sont que quelques exemples, mais je pourrais en citer bien d’autres.
Le comble est atteint lorsque vous nous proposez de tenir compte de la commune d’implantation. Mais comment apprécier les différences entre le nord, le sud, l’est ou l’ouest ? Même pour un aussi petit territoire que celui de la France, les conditions peuvent varier du tout ou tout, et même au sein d’une commune si elle est assez étendue. À Paris, ceux qui résident près des Buttes-Chaumont ne sont pas dans la même situation que les habitants de la rue de la glacière. §En montagne – je salue au passage les élus de ces régions –, il faudra distinguer entre l’adret et l’ubac, sans oublier ces stations de montagne qui s’étagent entre 1 600, 1 800 ou 2 000 mètres d’altitude.
Tous ces exemples témoignent bien de l’impréparation de ce dossier et du côté kafkaïen du système proposé.
Madame la ministre, je vous ai interrogée en commission sur la compatibilité de ces dispositions avec le droit de l’Union européenne, et vous avez répondu un peu rapidement qu’elles ne soulevaient aucun problème. Avec tout le respect que je vous dois, j’aimerais tout de même savoir qui a demandé quoi et quelles sont les réponses qui ont été apportées par Bruxelles, en ce qui concerne aussi bien le respect de la concurrence et du droit des consommateurs que la compatibilité de la proposition de loi avec des directives qui interdisent la généralisation des tarifs pourtant prévue dans le texte d’origine.
La lutte contre la précarité fait l’objet du deuxième volet de la proposition de loi. Dans le rapport qu’il vient de publier, le médiateur national de l’énergie préconise d’appliquer un tarif social à 20 % des ménages. Sur ce point, je vais être obligé d’élever un peu la voix.
Vous nous dites qu’il y a urgence sur ce texte en raison de la précarité sociale…
Mme la ministre s’étonne.
Madame la ministre, permettez-moi deux observations.
D’abord, en ce qui concerne la tarification sociale, l’UMP et l’UDI-UC n’ont aucune leçon à recevoir, et je vais vous expliquer pourquoi.
La tarification sociale a été inscrite dans la loi du 10 février 2000 et le dispositif prévoyait un décret d’application. Les années 2000 et 2001 ont passé – je rappelle, pour ceux qui l’auraient oublié, que le Gouvernement était dirigé alors par Lionel Jospin –, …
… mais aucun décret d’application n’a été pris.
Au moment de l’élection présidentielle de 2002, rien n’avait bougé, et c’est finalement le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a mis en œuvre des dispositions datant de trois ans. De plus, lorsqu’un texte sur le gaz a été déposé, le gouvernement de l’époque, dirigé par François Fillon, a également instauré un tarif social.
Ensuite, sur l’urgence, permettez-moi de vous dire que cette proposition de loi n’apporte rien, puisque vous pouvez tout à fait instituer un tarif social élargi au profit des 3, 5 millions de bénéficiaires potentiels en prenant demain un décret.
La seule nouveauté de ce texte concerne la collecte des données : elle est aujourd’hui assurée par les caisses régionales d’assurance maladie ; vous comptez l’étendre à l’administration fiscale, alors que la caisse régionale peut très bien transmettre les fichiers comme elle l’a fait pour, je le rappelle, 1, 8 million de personnes. Du fait de l’automaticité voulue par l’ancien gouvernement, appuyé par le Parlement, le tarif social est accordé automatiquement sans qu’il soit besoin de le demander.
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Je m’exprime ici avec fermeté, car j’ai entendu un certain nombre de dirigeants socialistes affirmer - propos ensuite relayés par la presse - qu’il y avait urgence et que, si le Sénat « plombait » ce texte, des personnes ne pourraient pas bénéficier du tarif social.
Madame la ministre, vous pouvez d’ores et déjà agir, par décret, par voie réglementaire. Retravaillez le décret qui avait été pris par Jean-Pierre Raffarin puis complété par François Fillon et élargissez le nombre des bénéficiaires du tarif social.
Alors, surtout, que personne ne vienne nous dire qu’à cause de nous certaines personnes ne pourront pas bénéficier du tarif social !
M. Jean Desessard rit.
Voilà quelques mois déjà que vous pouviez agir, madame la ministre, et, sachant que vous n’avez même pas mis à profit ce temps pour mettre en œuvre le tarif social de l’électricité lorsque c’était possible, on peut effectivement s’inquiéter pour la suite.
Je passerai très rapidement sur le troisième volet : l’éolien. Disons tout simplement que nous en parlerons, le cas échéant, au Conseil constitutionnel. Les conditions dans lesquelles ce volet a été ajouté au présent texte – à deux heures et demie du matin ! – sont parfaitement inadmissibles.
M. Gérard Longuet acquiesce.
Nous aurons des arguments à invoquer pour solliciter la censure du Conseil constitutionnel, si toutefois ce texte parvient jusqu’à lui.
C’est ici qu’il faut s’interroger : que va devenir ce texte ? On peut penser que nous n’irons pas très loin ce soir. On peut penser qu’une commission mixte paritaire se réunira mais n’aboutira pas. Je crois pouvoir me faire l’interprète de nombreux sénateurs, bien au-delà des travées du groupe auquel j’appartiens, en sollicitant du Gouvernement un peu de patience : qu’il commence par régler le problème du tarif social en adoptant rapidement un décret, cela ne pose pas problème.
M. Jean-Claude Lenoir. En revanche, pour ce qui concerne le reste des dispositions, qui anticipent le grand débat relatif à la transition énergétique, je le dis franchement : il n’y a aucune urgence !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Puisqu’il me reste quelques instants, je tiens à dénoncer, en toute sincérité, ce que je décèle derrière cette opération, …
… et que je n’ai pas souvent entendu évoquer.
Le problème des années qui viennent, c’est celui du prix de l’énergie, notamment de l’électricité et du gaz.
Je le sais, des personnes attentives à ces questions redoutent qu’un gouvernement qu’elles soutiennent – surtout un gouvernement de gauche, quand elles-mêmes sont de gauche – soit conduit à prendre trop fréquemment des arrêtés pour augmenter les prix de l’électricité et du gaz.
M. Jean Desessard rit.
Je saisis bien la technique employée : on enveloppe d’un épais brouillard le système des tarifs de l’énergie en France. Ainsi, il n’y aura plus un seul tarif comme à l’heure actuelle pour les usagers domestiques : il y en aura des quantités, on en comptera autant que de communes ! Au total, le ministre se contentera d’afficher le prix du kilowattheure pour les plus démunis, qui ne subira guère d’augmentations. En revanche, derrière cette épaisse fumée, la grande majorité des tarifs sera déterminée via les mécanismes que vous êtes en train d’élaborer.
Je vous le dis : la tentative apparaît aujourd’hui beaucoup plus clairement.
Madame la ministre, pour conclure, je dresserai un constat.
Au cours des dernières semaines, le Gouvernement a vécu des moments assez éprouvants. Un certain nombre de substantifs ont pu être employés pour désigner tel ou tel dirigeant, notamment « amateur » ou « apprenti ».
M. Jean-Claude Lenoir. Malheureusement, avec ce texte, c’est une autre catégorie d’apprentis qui tend à émerger : celle des apprentis sorciers !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-et-une heures cinquante, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.