Cet amendement s’inscrit dans le droit fil des amendements que nous avons déposés sur la thématique du rôle de l’autorité indépendante qu’est appelé à devenir le Haut Conseil des finances publiques.
Voici en effet que l’article 11 ouvre la faculté, pour le Haut Conseil, de donner un avis sur le contenu et la cohérence de toute loi de finances rectificative.
Nul doute qu’entre 2008 et 2010 le Haut Conseil, si tant est qu’il eût déjà été créé, aurait eu de quoi faire avec les lois de finances à répétition que nous avons pu connaître – un jour pour sauver les banques avec l’argent public, un autre pour sauver les banques engagées en Grèce avec l’argent public, mais jamais pour sauver l’argent public de la prédation bancaire...
Plus « sérieusement », je ne suis pas certain de l’absolu bien-fondé de l’avis du Haut Conseil, là encore. Même si la situation a quelque peu évolué, comment qualifier ce qui est un collectif budgétaire ?
Dans la « norme budgétaire antérieure », si l’on peut dire, l’année civile se terminait assez souvent par un collectif de fin d’année, sorte de collectif de « constatation », où, de fait, au regard de la date de promulgation de ce type de loi, assez peu de choses étaient susceptibles de changer, notamment du point de vue des recettes fiscales.
L’autre hypothèse, c’est celle des collectifs faisant suite à une alternance politique.
Là, les données du débat sont claires : il s’agit d’affirmer, comme un manifeste, ce qui fait la différence entre l’équipe qui arrive au pouvoir et celle qui vient d’en être privée. En l’occurrence, la cohérence du texte est toute trouvée, même si elle n’a sans doute qu’assez peu à voir avec ce que pourrait, « objectivement », penser un organisme indépendant. La cohérence est politique, même si le désastre est ensuite au rendez-vous du point de vue des comptes publics.
Je fais enfin observer à la Haute Assemblée que des lois n’ayant pas le caractère de lois de finances peuvent fort bien incarner la cohérence d’une politique, et donc ne pas être assimilables à un collectif budgétaire.
Ôtez-moi d’un doute, mes chers collègues : pour peu que je me souvienne, ni la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier d’août 1997 ni la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat de l’été 2007 n’étaient des lois de finances rectificatives, quand bien même elles étaient toutes les deux dotées d’une cohérence politique et largement constituées par des mesures de caractère fiscal.
C’est-à-dire que rien n’empêchera demain le Gouvernement de se dispenser de tout collectif budgétaire, et donc de l’avis du Haut Conseil : il suffit pour cela de soumettre au Parlement un texte contenant des dispositions fiscales, mais pas seulement, et qui ne présente donc pas, de fait, le strict caractère d’une loi de finances. Après tout, le dispositif Dutreil a bien été ajouté au code général des impôts à travers une loi très ordinaire sur l’entreprise individuelle…
Pour tous ces motifs, mes chers collègues, nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement de suppression de l’article 11.