Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 30 octobre 2012 à 14h30
Transition vers un système énergétique sobre — Rejet d'une proposition de loi en procédure accélérée

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul, rapporteur :

À la suite de ce vote, notre collègue Roland Courteau n’a pas souhaité – et c’est bien compréhensible ! – conserver sa charge de rapporteur en vue de l’examen du texte en séance publique ce soir. C’est donc à moi, en tant que président, que la commission des affaires économiques a confié la mission de présenter le rapport.

Cher Roland Courteau, je serai donc, si vous me le permettez, votre porte-parole. Je ne ferai que commenter les principales dispositions de cette proposition de loi, dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, car c’est en effet ce dernier qui sera discuté tout à l’heure par notre assemblée si elle n’adopte pas la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Le dispositif de bonus-malus défini à l’article 1er constitue le point central et le plus commenté de cette proposition de loi. Sur le fond, il correspond à un mécanisme de tarification progressive. Le terme de « tarification » a été retiré afin d’éviter toute confusion avec les tarifs réglementés ou les tarifs d’utilisation des réseaux. Ce mécanisme, indépendant en effet des tarifs actuellement définis dans la loi, s’applique de manière identique aux clients de tous les fournisseurs.

Concrètement, trois tranches de consommation sont définies. La première tranche correspond à un « volume de base » défini à partir d’un « volume de référence » couvrant les besoins essentiels des ménages. Le volume de base est modulé en fonction de nombreux critères, dont le nombre de membres du foyer fiscal et leur âge, la localisation géographique, le mode de chauffage, le mode de production de l’eau chaude sanitaire et la présence d’équipements spécifiques au domicile. C’est bien là que le problème commence à se compliquer...

La première tranche de consommation est subventionnée – c’est le bonus – et la troisième fait, au contraire, l’objet d’un malus, c’est-à-dire d’une augmentation de la facture pour chaque kilowattheure consommé dans cette tranche.

La tranche intermédiaire peut faire l’objet d’un bonus ou d’un malus, selon les catégories de population et le niveau de bonus et de malus décidé par le pouvoir réglementaire. Un barème spécifique plus favorable pour les consommateurs qui bénéficient des tarifs sociaux pourrait être défini par décret, madame la ministre.

Selon le texte adopté par les députés, la collecte des informations nécessaires à l’application des critères relèverait de nouvelles rubriques ajoutées sur la déclaration de revenus. Vous avez tous entendu quelques commentaires sur cet aspect des choses ; je ne m’appesantirai donc pas. Il y a sans doute là une difficulté, en particulier un problème de fichier.

L’équilibrage des bonus et des malus passe par la création d’un fonds de compensation géré par la Caisse des dépôts et des consignations.

Des mesures spécifiques sont prévues pour les immeubles alimentés par des installations de chaleur communes.

Enfin, selon des modalités à préciser par décret – je vous souhaite bien du plaisir, madame la ministre ! –, les locataires pourraient déduire de leur loyer une partie du malus correspondant à la mauvaise performance énergétique du logement qu’ils occupent. L’objectif est tout à fait louable, mais la mise en application me paraît très difficile… Sans doute y a-t-il là une justification. En effet, le locataire ne devrait pas « bénéficier » d’un malus parce que son propriétaire ne fait aucun effort pour améliorer les performances énergétiques du logement.

Enfin, aux termes de l’article 2, le dispositif doit faire l’objet de différents rapports du Gouvernement qui permettront d’en préciser les modalités, voire de l’étendre. Là encore, je ne ferai pas trop de commentaires. Vous connaissez mon appétence pour ces rapports qui sont demandés à tout propos à l’occasion de la discussion des textes que nous examinons, indépendamment de l’intérêt de chacun de ces documents, bien entendu. Alors, n’en rajoutons pas !

Ce dispositif ne représente toutefois qu’un tiers de la proposition de loi. Un titre II, intitulé « Mesures d’accompagnement », comprend des dispositions dont certaines ont en fait vocation à s’appliquer beaucoup plus vite que le bonus-malus.

C’est le cas de l’article 3, qui permet une meilleure application des tarifs sociaux. Il mobilise l’ensemble des organismes sociaux, ainsi que l’administration fiscale, pour identifier les 4 millions de foyers ayant droit au tarif de première nécessité pour l’électricité ou au tarif social de solidarité pour le gaz. C’est une extension de la situation actuelle.

L’article 4 élargit les compétences du médiateur national de l’énergie, d’une part aux litiges avec les distributeurs, d’autre part aux litiges concernant des micro-entrepreneurs. L’action du médiateur national de l’énergie est largement reconnue : elle mérite d’être encouragée.

L’article 5 étend par ailleurs le collège de la Commission de régulation de l’énergie. Cet article a été introduit afin que cette commission puisse mieux prendre en compte les enjeux spécifiques posés par le mécanisme de bonus-malus en termes de droit des consommateurs et de protection des données personnelles. Il a ensuite été réécrit par les députés pour prendre en compte les enjeux environnementaux et des zones non interconnectées.

L’article 6 instaure un service public de la performance énergétique. Il s’agit surtout d’un cadre pour un véritable service public qui devra être identifié par les citoyens comme une aide personnalisée à l’amélioration de la performance énergétique de leur habitation.

Aux articles 7 et suivants sont abordées des questions plus techniques : l’effacement et le mécanisme de capacité.

Je vous rappelle que le mécanisme de capacité, lancé par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, a pour objet de garantir l’approvisionnement en électricité dans les périodes de forte demande à l’horizon 2016. On ne peut pas dire que nous ayons voté cette loi avec beaucoup d’enthousiasme, en tout cas pour une minorité d’entre nous devenue majorité... Ce mécanisme permettra de donner une rentabilité aussi bien aux nouveaux moyens de production qu’à la mise en place de capacités d’effacement.

Nous sommes en effet sensibles aux avantages de l’effacement, qui consiste à réduire temporairement la consommation afin d’équilibrer très rapidement le réseau, au même titre que si une nouvelle unité de production avait été nécessaire et mise en fonctionnement. Je pense en particulier à nos concitoyens de l’ouest de la France et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui pourraient, si l’on ne parvenait pas à soulager les réseaux dans les années qui viennent, subir les conséquences de délestages, voire d’un black-out complet !

À l’article 7 de la proposition de loi, il est proposé de donner une priorité aux capacités d’effacement dans le mécanisme de capacité.

À l’article 7 bis, il est proposé de définir un mode de valorisation de l’effacement qui permette son développement harmonieux, compte tenu de sa nature économique très particulière. Il s’agit en quelque sorte d’une « non-consommation » ou d’une consommation décalée dans le temps, sans pour autant que le producteur soit forcément informé que l’électricité qu’il produit sera « effacée ».

Il est aussi proposé, aux articles 7 ter à 7 sexies, d’adapter à la marge les règles du marché de capacité pour les gros consommateurs, les électro-intensifs et les producteurs d’électricité bénéficiant de l’obligation d’achat.

L’article 8, sans doute l’un des plus importants de la proposition de loi, prévoit l’extension à tous de la « trêve hivernale ». De même que les expulsions de logement sont interdites l’hiver, la coupure d’électricité, de gaz et de chaleur serait également prohibée pendant la même période.

Le Sénat, rappelons-le, a déjà adopté une telle mesure le 21 décembre 2011, dans le cadre de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, texte qui n’est pas allé jusqu’au terme de son parcours parlementaire : il s’est perdu dans les catacombes, au cours de la navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale ! Nous avions également, à cette occasion, adopté le principe d’une tarification progressive. Mais les positions semblent avoir évolué au sein de notre assemblée concernant ces deux points.

L’article 9 reprend également une précision, déjà votée par les deux assemblées dans le cadre du projet de loi précité, relative à l’indication du prix dans les offres de fourniture d’électricité ou de gaz naturel.

Les articles 10 et 11 visent à adapter les règles de fonctionnement de la Commission de régulation de l’énergie, d’une part, à une décision du Conseil constitutionnel concernant l’exercice du pouvoir de sanction par les autorités administratives indépendantes – ou prétendument indépendantes, si vous me permettez ce commentaire personnel ! –, d’autre part, à la publication du règlement européen concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’électricité. Je n’ai jamais beaucoup cru aux autorités administratives indépendantes, considérant qu’elles avaient parfois pour rôle d’« alléger » le pouvoir du Parlement, alors que les commissions feraient tout aussi bien que certaines de ces AAI. (N’ayez crainte, monsieur Lenoir, vous n’êtes pas visé !

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