Intervention de Michel Teston

Réunion du 30 octobre 2012 à 14h30
Transition vers un système énergétique sobre — Rejet d'une proposition de loi en procédure accélérée

Photo de Michel TestonMichel Teston, rapporteur pour avis :

Les deux autres articles relatifs à l’éolien, qui résultent de l’adoption d’amendements déposés par le Gouvernement, concernent des dérogations à la loi Littoral.

L’article 12 ter tend à autoriser le passage en souterrain dans les sites et espaces remarquables du littoral des câbles nécessaires au raccordement aux réseaux d’électricité des installations marines utilisant les énergies renouvelables. Sont ici visées principalement les éoliennes offshore, mais aussi d’autres installations, comme les hydroliennes.

En effet, les règles protectrices des sites et espaces remarquables du littoral risquent de contraindre les exploitants d’éoliennes en mer à contourner ces espaces, parfois sur des dizaines de kilomètres, avec pour conséquence non seulement un surcoût économique, mais aussi, paradoxalement, un plus fort impact environnemental que celui qui résulterait d’un tracé plus direct mais souterrain à travers les espaces remarquables.

Cette dérogation, limitée, à la loi Littoral a paru acceptable à la commission du développement durable, pour plusieurs raisons. Premièrement, elle concerne uniquement les canalisations électriques, à l’exclusion des transformateurs ou ouvrages d’interconnexion plus volumineux. Deuxièmement, l’autorisation fait l’objet d’une enquête publique préalable. Troisièmement, la réalisation des travaux doit recourir à des techniques exclusivement souterraines, du type tunnelier.

L’article 12 quater tend à autoriser, dans les communes littorales des départements d’outre-mer, l’implantation d’éoliennes, en dérogation au principe d’urbanisation en continuité. En effet, la loi Littoral prévoit que, sur tout le territoire des communes littorales, l’urbanisation doit se faire en continuité ave les agglomérations et villages existants. Par ailleurs, la loi Grenelle 2 impose désormais une distance d’éloignement d’au moins 500 mètres entre les éoliennes et les habitations. Les installations éoliennes étant considérées comme des éléments d’urbanisation, la combinaison de ces deux principes contradictoires interdit de fait l’implantation de toute éolienne dans les communes littorales, ce qui est particulièrement gênant dans les départements d’outre-mer, dont la quasi-totalité du territoire est soumis à la loi Littoral.

La commission du développement durable a donc émis un avis favorable sur la dérogation à la loi Littoral proposée à l’article 12 quater pour les seuls départements d’outre-mer, où les éoliennes pourront être implantées sans tenir compte du principe d’urbanisation en continuité. Cette dérogation lui a paru acceptable, pour les raisons suivantes : d’abord, elle ne concerne pas les espaces proches du rivage ; ensuite, la commission départementale, compétente en matière de nature, de paysages et de sites, sera consultée ; enfin, les ministres chargés de l’urbanisme, de l’environnement et de l’énergie seront également consultés pour avis.

Il convient de souligner que le droit commun relatif aux installations éoliennes s’applique outre-mer, où les installations éoliennes sont soumises au schéma régional éolien, à la procédure ICPE et à la demande de permis de construire.

J’en viens aux articles 13 et 14, relatifs à la tarification sociale de l’eau. Il s’agit de la mise en œuvre concrète de l’article 1er de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, qui consacre le droit d’accès à l’eau pour tous.

À l’heure actuelle, toutefois, aucune disposition législative ne prévoit explicitement la possibilité pour les collectivités de mettre en place un système de tarification sociale. Plusieurs dispositifs existent pour corriger les inégalités d’accès à l’eau, comme la prise en charge des impayés d’eau des ménages les plus démunis par le Fonds de solidarité pour le logement, le FSL. Mais le volet préventif de la tarification sociale est quasi inexistant.

Quelques collectivités ont tenté l’expérience de la tarification sociale. L’exemple de Dunkerque est généralement cité. Le syndicat mixte pour l’alimentation en eau de la région de Dunkerque a instauré une tarification de l’eau selon des critères sociaux. La grille tarifaire mise en place est non seulement progressive, avec un prix du mètre cube croissant avec la consommation d’eau de l’abonné, mais également sociale : le tarif appliqué aux soixante-quinze premiers mètres cube consommés est très bas pour les bénéficiaires de la CMU complémentaire.

Dans ce contexte, les articles relatifs à l’eau de la présente proposition de loi visent à sécuriser juridiquement la possibilité de mettre en place une tarification sociale.

L’article 13 tend à compléter le code général des collectivités territoriales pour prévoir explicitement la tarification sociale du service de l’eau. Il ouvre ainsi la possibilité aux collectivités organisatrices du service public de moduler les tarifs pour les ménages en fonction des revenus ou de la composition du foyer.

L’article 14 prévoit le lancement d’une grande expérimentation nationale, sur cinq ans, permettant aux collectivités territoriales qui le souhaitent de mettre en place un système de tarification sociale de l’eau. Il organise le suivi et l’évaluation de l’expérimentation. Ce système doit permettre de déterminer si une extension du dispositif de tarification sociale à l’échelle nationale est souhaitable.

La commission du développement durable vous propose, mes chers collègues, trois amendements relatifs à l’expérimentation prévue à l’article 14.

Le premier amendement vient combler un oubli : il nous a semblé nécessaire de préciser que l’expérimentation prévue ne concerne que la tarification sociale de l’eau.

Les deux autres amendements partent d’un constat : avec une date limite de dépôt des projets fixée au 31 décembre 2013, l’expérimentation ne prenait pas en compte la tenue d’élections municipales en mars 2014. La commission du développement durable vous propose donc, par un deuxième amendement, de repousser ce délai limite au 31 décembre 2014, afin de permettre aux nouvelles équipes élues en mars 2014 de s’engager, si elles le souhaitent, dans le dispositif.

Par cohérence, et c’est l’objet du troisième amendement, compte tenu d’un report de la date limite au 31 décembre 2014, il convient de repousser également d’un an les échéances prévues pour la remise des rapports de suivi et d’évaluation de l’expérimentation.

En conclusion, ces deux articles sur l’eau constituent une avancée importante. Aujourd’hui, l’accent est essentiellement mis sur une réparation a posteriori des inégalités d’accès à l’eau, avec les aides aux impayés versées par les départements. Peu de dispositifs interviennent dès la facturation du service à l’usager. Cette lacune est désormais comblée.

Le système proposé dans ce texte ne remet pas en cause le principe d’égalité des usagers devant le service public, j’insiste sur ce point, puisqu’il prend en compte des situations de revenus diverses justifiant une tarification adaptée. L’objectif final est bel et bien l’intérêt général avec la mise en œuvre du droit à l’eau pour tous.

La tarification sociale envisagée est combinée avec une tarification progressive. Elle devra ainsi permettre à la fois de prendre en compte les inégalités d’accès à l’eau, mais également de respecter l’objectif d’utilisation efficace et responsable de la ressource.

Le recours à une expérimentation nous a semblé être une solution de sagesse. Les spécificités locales des services publics de l’eau justifient des traitements adaptés à chaque collectivité. Le texte laisse ainsi cinq ans pour analyser les solutions trouvées et décider de l’opportunité ou non de généraliser la tarification sociale à l’échelle nationale.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, telle est la position qu’a adoptée la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

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