Ce texte comprend un volet social et un volet environnemental, sans cependant avoir les moyens de ses ambitions. C’est à se demander si ces deux objectifs sont les buts réels du mécanisme proposé !
En effet, le bonus-malus prévu à l’article 1er, qui ne s’appliquera qu’aux ménages et non au secteur tertiaire, pourtant extrêmement énergivore, est à la fois injuste et impraticable.
Ce dispositif est injuste car, pour « économiser massivement l’énergie » un système de bonus-malus est instauré sur la base de critères complexes, voire arbitraires : zones climatiques, nombre d’occupants du foyer fiscal, données relatives au mode de chauffage et autres raffinements, le volume de base à tarif subventionné étant calculé sur la base d’un logement bien isolé.
Trop éloigné des réalités multiples de nos concitoyens, ce système nécessiterait un inventaire à la Prévert pour garantir une prise en compte égale de toutes les situations existantes.
L’incitation par l’argent pour consommer moins n’est pas juste. Il s’agit non de punir, mais de continuer d’informer, de sensibiliser et d’accompagner. Le dispositif proposé frappera les plus modestes, déjà victimes de la précarité énergétique, ainsi que la majorité des classes moyennes, trop aisées pour bénéficier des tarifs sociaux mais pas assez fortunées pour procéder aux travaux d’isolation qui les feraient échapper à la sanction instituée via le malus.
Pourtant, si l’on passe en revue l’ensemble des services publics, on observe qu’aucun d’eux n’opère de différentiation de tarifs suivant le mode de consommation du service. On ne paie pas plus cher après cinq visites chez le médecin, et le tarif du timbre-poste est le même quelle que soit la distance parcourue par le pli affranchi, sur le territoire français.
Par ailleurs, ce texte est impraticable car empreint d’une trop grande complexité. Il reste très imprécis, et manque d’une étude d’impact préalable, comme nous l’avons dit en commission. Pour s’en convaincre, il suffit de relever tous les renvois faits soit au pouvoir réglementaire, soit à des études qui viendront éclairer la décision du législateur a posteriori.
Madame la ministre, nous sommes loin d’une revalorisation du Parlement et du travail parlementaire !
De surcroît, comment définir les zones climatiques et le volume de consommation autorisé ? Comment résoudre la question du chauffage collectif ou celle des relations entre propriétaires et locataires ? Comment pourra-t-on discerner ce qui relève du « mauvais » comportement ou de la vétusté du logement pour répartir les responsabilités en cas de location ? Les diagnostics énergétiques, qui ne sont ni fiables ni opposables, loin de résoudre les contentieux, pourront peut-être en susciter de nouveaux.
Cependant, Bercy nous informe que 30 % des foyers passeront au travers du mécanisme, tant il sera malaisé de récolter et de recouper des informations fiables. Sans compter que ce texte est assorti de sanctions pénales.
Ce ne sont là que quelques éléments, mais nous les connaissons bien : les médias et les associations de consommateurs ont suffisamment relevé les incohérences de ce texte, qualifié à juste titre d’« usine à gaz ». C’est pourquoi nous demandons la suppression de ce dispositif à l’article 1er.
Sur le volet environnemental, nous pensons qu’il faut effectivement donner priorité à l’utilisation de l’électricité existante, mais non consommée. En en ce sens, l’effacement s’inscrit dans une logique vertueuse.
Toutefois, pour nous, l’effacement doit être intégré à une action de maîtrise de la demande d’électricité pour réduire la pointe initiée et pilotée par RTE, ERDF et l’État. Il faut garder à l’esprit que l’effacement consiste à décaler, et non pas à systématiquement annuler une consommation d’énergie. C’est donc un système public cohérent organisé autour de la maîtrise de la demande d’électricité qu’il faut mettre en place.
Or le mécanisme des articles 7 et suivants crée un système de spéculation sur l’effacement. Ces articles n’ont pas leur place dans cette proposition de loi.
Il n’est pas admissible de construire un marché concurrentiel au profit d’opérateurs privés comme Voltalis, qui sera de plus en situation de quasi-monopole sur ce marché de l’effacement diffus.
C’est pourquoi nous avons déposé des amendements tendant à supprimer ces dispositions.
Enfin, l’introduction, en pleine nuit, de cavaliers législatifs destinés à modifier profondément la réglementation régissant l’implantation des champs d’éoliennes, offrir une manne financière aux opérateurs privés du secteur et programmer une nouvelle hausse de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, payée par tous les usagers domestiques, n’est pas tolérable. L’éolien, filière industrielle aujourd’hui en difficulté, mérite à notre avis mieux qu’un semblant de débat en catimini !
Ce texte arrive donc dans la précipitation, avant même que le débat national sur l’énergie ait eu lieu. Il aurait été opportun, sur des enjeux de cette ampleur, que l’ensemble des élus de gauche soient associés à la réflexion.
Nous avons pu lire et entendre que les sénateurs communistes ne permettraient pas au Sénat de s’exprimer, alors même que les possibilités de débats étaient tronquées dès le départ. Ainsi, il apparaît que les propositions de réécriture avancées par le rapporteur, dont nous saluons de nouveau les efforts, n’étaient de toute façon pas admissibles par vous-même, madame la ministre, puisque vous auriez émis un avis défavorable sur l’article 1er réécrit par notre commission.