La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Mireille Schurch.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, passer à une économie durable, assurer une véritable transition énergétique et s’inscrire dans une politique de sobriété énergétique, tels sont les défis que notre pays doit relever : cela n’est pas discutable.
L’énergie, facteur déterminant de notre développement économique, doit faire l’objet d’une consommation raisonnée et raisonnable, tant l’urgence écologique est réelle, la course effrénée au plus grand profit ayant bouleversé un écosystème planétaire fragile.
La transition dont notre pays a besoin passera avant tout par la réduction de notre consommation d’énergies fossiles, par la diminution des émissions de gaz à effet de serre, par la transparence tarifaire, mais aussi par la rénovation thermique, le renforcement du mix énergétique, soutenu par des filières structurées, cohérentes et pérennes, ainsi que par des investissements substantiels en faveur de la recherche.
C’est dans ce contexte qu’il convient de garantir à chacun l’accès à l’énergie en tout point du territoire.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui se présente comme la première étape d’un changement de modèle, mais elle se fonde sur des présupposés que nous ne partageons pas.
Le présent texte part notamment de l’idée selon laquelle les ménages gaspillent. Or de nombreuses études d’opinion l’attestent, nos concitoyens sont sensibles aux enjeux environnementaux et prêts à agir. Toutefois, parallèlement, de nombreuses dépenses énergétiques sont contraintes : logement mal isolé, incapacité à acquérir des matériels à basse consommation énergétique vendus trop cher, manque d’information... L’énergie peut représenter jusqu’à 30 % du budget des ménages.
Cette proposition de loi traduit d’autres postulats auxquels nous ne souscrivons pas, et qui apparaissent en filigrane : une gestion décentralisée de l’énergie serait plus performante ; l’effacement constituerait un marché concurrentiel comme un autre.
À nos yeux, il aurait été plus efficace d’agir rapidement – comme nous l’avons demandé – non seulement sur la fixation des tarifs de l’électricité et du gaz, mais aussi sur les prix d’autres énergies, comme le bois ou le fioul, en associant les usagers, les élus et les salariés à la révision du calcul des tarifs du gaz, ou en revenant sur la loi NOME.
Par ailleurs, il est indispensable d’étendre au plus vite la trêve hivernale et d’augmenter le nombre de bénéficiaires de tarifs sociaux, ce que le pouvoir réglementaire, c’est-à-dire le Gouvernement, peut faire immédiatement.
Mme la ministre fait des signes de dénégation.
Ce texte comprend un volet social et un volet environnemental, sans cependant avoir les moyens de ses ambitions. C’est à se demander si ces deux objectifs sont les buts réels du mécanisme proposé !
En effet, le bonus-malus prévu à l’article 1er, qui ne s’appliquera qu’aux ménages et non au secteur tertiaire, pourtant extrêmement énergivore, est à la fois injuste et impraticable.
Ce dispositif est injuste car, pour « économiser massivement l’énergie » un système de bonus-malus est instauré sur la base de critères complexes, voire arbitraires : zones climatiques, nombre d’occupants du foyer fiscal, données relatives au mode de chauffage et autres raffinements, le volume de base à tarif subventionné étant calculé sur la base d’un logement bien isolé.
Trop éloigné des réalités multiples de nos concitoyens, ce système nécessiterait un inventaire à la Prévert pour garantir une prise en compte égale de toutes les situations existantes.
L’incitation par l’argent pour consommer moins n’est pas juste. Il s’agit non de punir, mais de continuer d’informer, de sensibiliser et d’accompagner. Le dispositif proposé frappera les plus modestes, déjà victimes de la précarité énergétique, ainsi que la majorité des classes moyennes, trop aisées pour bénéficier des tarifs sociaux mais pas assez fortunées pour procéder aux travaux d’isolation qui les feraient échapper à la sanction instituée via le malus.
Pourtant, si l’on passe en revue l’ensemble des services publics, on observe qu’aucun d’eux n’opère de différentiation de tarifs suivant le mode de consommation du service. On ne paie pas plus cher après cinq visites chez le médecin, et le tarif du timbre-poste est le même quelle que soit la distance parcourue par le pli affranchi, sur le territoire français.
Par ailleurs, ce texte est impraticable car empreint d’une trop grande complexité. Il reste très imprécis, et manque d’une étude d’impact préalable, comme nous l’avons dit en commission. Pour s’en convaincre, il suffit de relever tous les renvois faits soit au pouvoir réglementaire, soit à des études qui viendront éclairer la décision du législateur a posteriori.
Madame la ministre, nous sommes loin d’une revalorisation du Parlement et du travail parlementaire !
De surcroît, comment définir les zones climatiques et le volume de consommation autorisé ? Comment résoudre la question du chauffage collectif ou celle des relations entre propriétaires et locataires ? Comment pourra-t-on discerner ce qui relève du « mauvais » comportement ou de la vétusté du logement pour répartir les responsabilités en cas de location ? Les diagnostics énergétiques, qui ne sont ni fiables ni opposables, loin de résoudre les contentieux, pourront peut-être en susciter de nouveaux.
Cependant, Bercy nous informe que 30 % des foyers passeront au travers du mécanisme, tant il sera malaisé de récolter et de recouper des informations fiables. Sans compter que ce texte est assorti de sanctions pénales.
Ce ne sont là que quelques éléments, mais nous les connaissons bien : les médias et les associations de consommateurs ont suffisamment relevé les incohérences de ce texte, qualifié à juste titre d’« usine à gaz ». C’est pourquoi nous demandons la suppression de ce dispositif à l’article 1er.
Sur le volet environnemental, nous pensons qu’il faut effectivement donner priorité à l’utilisation de l’électricité existante, mais non consommée. En en ce sens, l’effacement s’inscrit dans une logique vertueuse.
Toutefois, pour nous, l’effacement doit être intégré à une action de maîtrise de la demande d’électricité pour réduire la pointe initiée et pilotée par RTE, ERDF et l’État. Il faut garder à l’esprit que l’effacement consiste à décaler, et non pas à systématiquement annuler une consommation d’énergie. C’est donc un système public cohérent organisé autour de la maîtrise de la demande d’électricité qu’il faut mettre en place.
Or le mécanisme des articles 7 et suivants crée un système de spéculation sur l’effacement. Ces articles n’ont pas leur place dans cette proposition de loi.
Il n’est pas admissible de construire un marché concurrentiel au profit d’opérateurs privés comme Voltalis, qui sera de plus en situation de quasi-monopole sur ce marché de l’effacement diffus.
C’est pourquoi nous avons déposé des amendements tendant à supprimer ces dispositions.
Enfin, l’introduction, en pleine nuit, de cavaliers législatifs destinés à modifier profondément la réglementation régissant l’implantation des champs d’éoliennes, offrir une manne financière aux opérateurs privés du secteur et programmer une nouvelle hausse de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, payée par tous les usagers domestiques, n’est pas tolérable. L’éolien, filière industrielle aujourd’hui en difficulté, mérite à notre avis mieux qu’un semblant de débat en catimini !
Ce texte arrive donc dans la précipitation, avant même que le débat national sur l’énergie ait eu lieu. Il aurait été opportun, sur des enjeux de cette ampleur, que l’ensemble des élus de gauche soient associés à la réflexion.
Nous avons pu lire et entendre que les sénateurs communistes ne permettraient pas au Sénat de s’exprimer, alors même que les possibilités de débats étaient tronquées dès le départ. Ainsi, il apparaît que les propositions de réécriture avancées par le rapporteur, dont nous saluons de nouveau les efforts, n’étaient de toute façon pas admissibles par vous-même, madame la ministre, puisque vous auriez émis un avis défavorable sur l’article 1er réécrit par notre commission.
Vous n’en savez rien, puisque le débat n’a pas eu lieu !
Sans parler des cavaliers législatifs sur l’éolien, introduits en pleine nuit à l’Assemblée nationale.
D’autres nous rappellent que l’hiver arrive… Notre groupe a bien conscience, et depuis de nombreuses années, de cet aspect de la question. Je vous renvoie, madame la ministre, aux différentes propositions de loi que nous avons déjà déposées par le passé sur le sujet.
Le service public, tel que nous le concevons et tel qu’il a été construit, fait de l’égalité de traitement et de la solidarité nationale des exigences incontournables. Tout simplement parce que l’ensemble des Français supportent le pacte nucléaire. Tout simplement parce que l’ensemble des Français ont participé et participent à l’effort de construction et de maintien d’un réseau de transport et de distribution performant via le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE – entre autres dispositifs – et au développement des énergies renouvelables via la CSPE.
Nous réaffirmons donc la nécessité de la création d’un véritable service public de la performance énergétique, avec l’organisation d’une filière de l’évaluation et de la rénovation thermique, ainsi que l’urgence tant de l’extension du nombre des bénéficiaires de tarifs sociaux de l’énergie que de l’interdiction des coupures durant la trêve hivernale.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents des commissions, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, à ce stade de la discussion, et à cette heure, je ne vais pas reprendre toutes les critiques que l’on peut opposer à cette proposition de loi, combattue par une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. Cette motion, déposée par un groupe de la majorité, a été adoptée par la commission et sera discutée à la suite de la discussion générale.
Cette proposition de loi est aussi, indirectement, fortement battue en brèche par l’ancien rapporteur, Roland Courteau – je le salue - qui, avant de démissionner de sa fonction de rapporteur, a indiqué que le texte était « trop complexe, inapplicable et [qu’il] n’attei[gnait] pas ses objectifs de maîtrise de la consommation et d’économies d’énergie ».
Notre collègue a, en conséquence, proposé de modifier le dispositif. Sa démarche a semblé très significative au groupe UDI-UC : elle témoigne, mieux que toute autre, de l’incohérence de la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale. Elle nous a semblé aussi, malgré tout l’intérêt de cette première démonstration, ne pas parvenir à substituer une solution viable à un dispositif qu’il fallait de toute façon … débrancher !
Nous saluons tous la qualité du travail de notre collègue Roland Courteau, qui a tenté de suggérer un mécanisme de bonus-malus plus simple et plus lisible.
Toutefois, ce n’est pas en quelques jours, avec les seuls moyens du Parlement, que l’on peut imaginer un système opérationnel sur cette question particulièrement complexe, qui demande des évaluations, des chiffrages et une expérimentation.
Bref, madame la ministre, vous venez devant nous plaider pour un texte mal en point, un texte dont tout le monde vous dit, plus ou moins ouvertement mais de manière non ambiguë, qu’il est mal ficelé.
Le débat au Sénat a davantage porté sur la question de savoir si ce texte était rattrapable ou s’il fallait tout reprendre à zéro. Cette deuxième position est celle du groupe centriste : il faut reprendre à zéro un travail jusqu’ici bâclé sur un vrai sujet, qui mérite une autre méthode.
Sur la forme, nous proposons l’expérimentation et une vraie concertation, et nous croyons à l’incitation plus qu’à la contrainte. Sur le fond, la consommation excessive d’énergie est un vrai problème contre lequel il faut lutter. Malheureusement, ce texte étant une mauvaise façon d’y répondre, il enterre quasiment le sujet.
Nous partageons également la volonté de prendre des mesures pour lutter contre la précarité énergétique. Nous pensons que cette partie du texte, tout comme celle qui est consacrée à la trêve hivernale, peut être isolée dans un dispositif spécifique. Je pointerai quand même le risque de faire porter le poids de l’augmentation à venir des tarifs de l’énergie sur les classes moyennes. Où l’on voit que la solution réside sans doute dans une vraie progressivité des tarifs !
Ces considérations générales étant posées, je voudrais, dans le bref temps qui m’est imparti, résumer notre position en trois points.
Premièrement, cette proposition de loi est une occasion gâchée. Deuxièmement, son adoption conduirait à des effets inattendus, voire même potentiellement contraires à ceux qui étaient visés initialement. Troisièmement, une autre logique est et reste possible, afin d’avoir une vraie politique de tarification progressive de l’énergie et de lutte contre la précarité énergétique, une politique qui laisse sa place au Sénat, et à la discussion sereine et constructive.
Une occasion gâchée, d’abord. Beaucoup a été dit et dénoncé. On aimerait comprendre la logique et la cohérence du Gouvernement sur ce texte.
Comment, en effet, soutenir cette proposition de loi tout en annonçant le lancement d’un débat national sur la transition énergétique dès la fin de la discussion, ou presque ?
Comment examiner ce texte sérieusement quand on nous annonce pour le premier semestre 2013 un grand projet de loi de programmation sur la transition énergétique, avec un vaste plan de rénovation thermique des logements ?
C’est, selon vos propos, madame la ministre, le premier pilier de votre politique en matière de transition énergétique. Alors, oui, construisons autour de ce pilier !
Pour nous, la réhabilitation thermique des bâtiments et des logements est une priorité. Pour de très nombreux ménages, c’est le seul moyen de réduire leur consommation d’énergie et de faire baisser leur facture.
Il faut traiter la tarification progressive de l’énergie au cours du débat national et dans le cadre du projet de loi de programmation à venir. Plutôt que d’aborder le sujet de façon partielle, il serait plus pertinent de mettre le présent texte entre parenthèses pour appréhender la transition énergétique de façon globale, en proposant au Parlement un dispositif expérimenté, juste et efficace.
Nous ne comprenons pas non plus cette précipitation à présenter ce texte selon la procédure accélérée, alors que le dispositif de bonus-malus ne s’appliquera pas avant 2014 !
Ce projet, mal préparé, n’a pas la maturité nécessaire. Je déplore l’absence d’un avis du Conseil d’État sur un tel dispositif, l’absence d’une étude d’impact préalable, l’absence d’estimation des montants précis des bonus et des malus qui s’ajouteront sur les factures des consommateurs et du nombre de ménages concernés par ce système.
Les insuffisances globales dont souffre le texte ne permettent pas d’aboutir à un compromis satisfaisant pour répondre aux objectifs, que nous partageons, d’une meilleure maîtrise de la consommation énergétique.
Inapplicable à la fois pour l’administration fiscale, mais aussi pour les fournisseurs, en termes de croisement des fichiers, le texte est également intrusif, en ce qu’il prévoit de collecter les informations personnelles des ménages via la déclaration d’impôts.
La logique de contrainte, que sous-tend ce texte, pose question. Modifier les habitudes de consommation par la contrainte obligera l’administration à entrer dans l’intimité et dans les choix de vie des consommateurs, en fixant de manière abstraite une consommation qui serait « normale ».
J’arrête ici la chronique des incohérences de cette proposition de loi.
Mais, et c’est mon deuxième point, si elle était adoptée, cette proposition de loi aurait des effets inattendus, voire pour certains contraires à ceux que l’on escomptait initialement.
Ce dispositif conduirait en effet à des injustices. Je ne reviendrai pas ici sur la définition du volume de base et des critères pour le calculer, tant le nombre d’exemples concrets que nous pourrions évoquer démontre l’iniquité du système.
Jean-Claude Lenoir en a cité certains. J’en ajouterai deux : selon que l’on habite ou non au dernier étage d’un bâtiment collectif, et selon que ses voisins sont absents ou non, on doit se chauffer plus ou moins.
Plus globalement, nombre de foyers, souvent parmi les plus modestes, seraient piégés et pénalisés par des logements énergivores. Ils risqueraient de subir un malus, alors qu’ils ne peuvent quasiment pas agir sur leur consommation : en effet, ils habitent une « passoire thermique » et n’ont pas les moyens d’entreprendre des travaux d’isolation de leur logement.
Il y a aussi un vrai risque pour les classes moyennes. Je voudrais en dire un mot.
François Brottes a reconnu – cela figure dans les documents de l’Assemblée nationale – que l’extension des tarifs sociaux aux ménages les plus modestes et le bonus-malus constituaient une manière de faire accepter la hausse des factures d’électricité pour l’ensemble des consommateurs. En effet, face à l’augmentation des tarifs de l’électricité, les ménages modestes seront protégés par le tarif social – une chose parfaitement normale – et les plus aisés auront, eux, les moyens d’isoler leur logement. En revanche, les classes moyennes verront leurs factures s’alourdir et n’auront pas les moyens d’isoler leurs logements.
Elles seront victimes de la hausse du coût de l’énergie et de la tarification mise en place, faute d’une vraie progressivité dans la tarification. Chacun sait que l’heure approche où les tarifs de l’énergie devront se rapprocher du vrai coût de production. Vous nous y préparez, sans le dire ouvertement. C’est dommage, et dommageable, car cette question mériterait d’être au centre d’un vrai débat.
Il est un autre effet induit potentiel, attendu celui-ci : cette proposition de loi pourrait avoir pour conséquence d’inciter les catégories les plus aisées à se considérer exonérées de tout effort pour lutter contre leur surconsommation, dès lors qu’elles auraient les moyens de payer le malus.
Le temps m’étant compté, j’en viens à mon troisième point : une autre politique est possible, et il faut la mettre en œuvre.
La transition énergétique est une nécessité. Pour nous, la performance énergétique des logements est la question prioritaire, avant celle du bonus-malus. Il faut inciter plus fortement les ménages à mieux isoler leurs habitations.
Ce grand chantier de la performance énergétique, nous devons le conduire avec l’aide des principaux acteurs dans ce domaine : l’ANAH, qui a l’expérience avec le programme « Habiter mieux », l’ADEME bien entendu, mais également les collectivités territoriales. À la pénalisation des consommateurs, nous préférons l’incitation, la pédagogie et l’accompagnement.
Surtout, il faut prendre la mesure de l’échéance à venir, pas si lointaine, quand le vrai prix de l’électricité deviendra, contrainte européenne oblige, le prix tout court, c’est-à-dire le prix de production. Ne pas voir cette échéance, c’est pratiquer la politique de l’autruche.
Mais j’invite ici à tout reprendre et je constate que tel n’est pas l’esprit de la proposition de loi qui nous est présentée. J’en viens donc à ma conclusion, en m’adressant à vous, madame la ministre.
Madame la ministre, on peine aujourd’hui à savoir quelle est votre position sur ce texte. À l’Assemblée nationale, vous avez soutenu le « dispositif Brottes ». Vous l’avez quasiment soutenu à l’instant, avec quelques réserves.
Le rapporteur du Sénat sur ce texte jusqu’à vendredi, notre collègue Roland Courteau, a totalement réécrit le dispositif du bonus-malus en allant presque jusqu’à condamner, avec une bonne part des sénateurs, la version issue des travaux de l’Assemblée nationale. Et notre collègue affirme, dans un communiqué, qu’il a recueilli, si ce n’est votre soutien, madame la ministre, du moins votre intérêt attentif et celui de vos services.
Dès lors, une question se pose : quelle est réellement la position du Gouvernement sur cette proposition de loi ? Soutenez-vous, madame la ministre, le « dispositif Brottes » ou approuvez-vous le « dispositif Courteau » ?
Enfin, s’agissant de la procédure, la commission des affaires économiques du Sénat a rejeté ce texte en adoptant une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Nous ne privons pas, ainsi, le Sénat de son rôle dans l’amélioration de la loi. Par ce vote, nous préfigurons l’échec de la CMP. Nous permettons une lecture supplémentaire de cette proposition de loi par chacune des deux chambres et la possibilité d’élaborer un nouveau dispositif plus satisfaisant, que le Sénat prendrait le temps d’étudier, alors qu’il n’était prévu qu’une lecture par assemblée du fait de l’engagement de la procédure accélérée. À défaut, un calendrier plus raisonnable pourrait être fixé, pour engager enfin un vrai débat dans le cadre d’une transition énergétique voulue et partagée.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l’UDI-Union centriste s’opposera à l’adoption de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
M. Jean-Claude Requier . Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur ancien, monsieur le rapporteur nouveau
Sourires.
… monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, nul ne peut contester que la préparation de la transition énergétique doit être une priorité et qu’il convient d’anticiper le nouveau modèle énergétique français. C’est la raison pour laquelle il est difficile de ne pas partager les objectifs de la présente proposition de loi, texte voté – il faut le dire – péniblement, nuitamment et dans la douleur par nos collègues députés.
Car, mes chers collègues, ce texte part d’un bon sentiment et d’une idée séduisante :…
… inciter nos concitoyens à réaliser des économies d’énergie et à participer ainsi activement à la protection de l’environnement par l’adoption d’un comportement sobre et respectueux de nos ressources.
En proposant ainsi d’instaurer un système de bonus-malus sur l’électricité, le gaz et la chaleur, de permettre d’appliquer un prix au kilowattheure plus élevé selon que l’on consomme plus, et un prix au kilowattheure plus bas lorsque la consommation se limite aux besoins essentiels d’un ménage, ce texte vise à récompenser les bons comportements et à pénaliser le gaspillage. Jusque-là, nous sommes d’accord et nous partageons l’objectif.
Trois tranches sont alors prévues correspondant, premièrement, aux besoins essentiels, deuxièmement, à un dépassement limité de ces besoins et, troisièmement, à un niveau de « gaspillage ».
Les économies d’énergie sont indispensables si l’on veut diversifier le bouquet énergétique français, assurer la sécurité des réseaux électriques et garantir l’indépendance énergétique de la France, ce qui doit être notre priorité. Or cette indépendance passe aujourd’hui, et pour encore longtemps, par la production nucléaire d’une grande partie de notre électricité.
Dans le même temps, les économies d’énergie doivent être une priorité, surtout si l’on décide de réduire la part du nucléaire dans le bouquet électrique français et de clore – sans débat – le dossier sur les gaz de schiste, comme le Gouvernement l’a affirmé, un peu vite selon nous, lors de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre.
Cependant, si le principe du bonus-malus est simple en théorie, il est particulièrement complexe à mettre en œuvre. Et c’est là que les difficultés commencent et que, partis d’une belle idée, on se retrouve avec un meccano compliqué, que d’autres ont qualifié à juste titre d’« usine à gaz » ! L’enfer, dit le dicton, est souvent pavé de bonnes intentions !
M. Jean-Claude Requier. Mes chers collègues, essayons d’y voir un peu plus clair
Sourires.
: chaque ménage se verrait attribuer un volume de base calculé à partir d’un volume de référence correspondant aux besoins essentiels d’un ménage, modulé en fonction du nombre de membres du foyer, de la localisation géographique du logement et du mode de chauffage.
Nouveaux sourires.
M. Jean-Claude Requier. Afin de ne pas pénaliser certains utilisateurs, il est prévu un renvoi au pouvoir réglementaire pour fixer les équipements concernés, comme les appareils respiratoires ou l’utilisation d’une voiture électrique. Les utilisateurs feront l’objet d’une majoration de leur volume de base. Il en est de même pour les personnes âgées, plus frileuses et plus consommatrices de calories.
Rires.
En ce qui concerne le chauffage ou l’eau chaude pour les immeubles collectifs, les volumes de base seront modulés en fonction de la surface du logement, de sa localisation géographique, de son mode de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire. Le bonus-malus peut alors se révéler inéquitable, car la répartition des charges dans un immeuble est loin d’être facile.
Ainsi, le texte tente d’apporter une réponse à toutes les situations particulières pour que les ménages ne soient pas pénalisés par une consommation dont ils ne seraient pas responsables. Toutefois, il est évident que ce texte n’embrasse pas et ne pourra jamais embrasser toutes les situations possibles, d’autant moins que les actuels diagnostics énergétiques ne sont pas fiables.
Une enquête de l’UFC-Que Choisir a prouvé que, pour cinq diagnostics réalisés dans cinq maisons différentes réparties sur tout le territoire français, les estimations de consommation varient du simple au triple !
Le bonus-malus énergétique exigera donc un grand nombre de calculs tous les ans pour s’assurer que le système sera neutre, pour réaliser un équilibre entre les bonus et les malus. Des moyens humains et financiers seront indispensables pour mettre en œuvre le dispositif, notamment pour contenir une fraude assez tentante, car le fraudeur n’encourt, selon le texte, qu’une peine de 1 500 euros d’amende.
Par ailleurs, la proposition de loi opère un renvoi systématique au pouvoir réglementaire, ce qui ne permet pas de procéder à des simulations. Je serais plutôt favorable à la fixation des seuils par la loi.
Ce texte manque de lisibilité aux yeux non seulement du législateur, mais aussi et surtout aux yeux du consommateur.
Si le texte venait à être adopté en l’état, il faudrait alors faire œuvre d’une grande pédagogie pour essayer de rendre simple un mécanisme bien compliqué.
Cependant, je tiens à saluer le travail remarquable de notre cher collègue et ex-rapporteur Roland Courteau, qui a porté ce texte avec beaucoup de sérieux et de réalisme.
Homme de bon sens, il a tenté de simplifier un dispositif particulièrement complexe pour ne retenir que le facteur climatique et supprimer le bonus. Cette version simplifiée n’a pourtant pas suffi à rassurer.
Si le malus énergétique est vertueux, il reste prématuré, car il ne peut être appliqué équitablement et simplement qu’à condition de procéder à la rénovation thermique massive des logements et à la généralisation des compteurs individuels.
Certains pays ont déjà appliqué la tarification progressive de l’électricité, notamment l’Italie, …
… mais, dans ce pays, les compteurs individuels sont limités en puissance et il faut dire aussi que le chauffage électrique y est peu répandu, contrairement à ce qui est constaté en France.
Le bonus-malus énergétique dépend avant tout d’investissements préalables. À ce titre, la France enregistre un grand retard dans la modernisation des réseaux électriques, notamment dans le développement des réseaux intelligents.
Toutefois, les membres du RDSE constatent avec regret l’échec vers lequel nous semblons nous diriger, car ce texte contient ou contenait de nombreuses mesures importantes et autant d’avancées véritables.
En effet, il aurait permis d’étendre l’éligibilité aux tarifs sociaux du gaz et de l’électricité, le nombre de foyers éligibles passant de 2 millions à 4 millions. Aujourd’hui, seuls 650 000 ménages en bénéficient de manière effective, car il n’est pas toujours sollicité.
L’automatisation de l’attribution de ces tarifs permettrait ainsi à ces foyers de sortir de la précarité énergétique.
Tout cela néanmoins a un coût…
… et le prochain débat national sur la transition énergétique devra être l’occasion de réfléchir à la réforme de la contribution au service public de l’électricité, la fameuse CSPE, qui connaît actuellement un déficit de 4 milliards d’euros et qui pèse sur les tarifs de l’électricité.
Le volet social de ce texte a été renforcé par l’Assemblée nationale avec la consécration législative de la tarification sociale de l’eau, ce qui sécurise des pratiques qui existent déjà au niveau local. L’article 13 permet aux collectivités territoriales qui le souhaitent de moduler les tarifs selon le nombre de personnes qui composent le foyer ou selon ses revenus.
Par ailleurs, l’article 7 vise à favoriser l’effacement, c’est-à-dire l’arrêt pendant un temps donné de la consommation en électricité lorsque la demande est supérieure à l’offre. C’est la fameuse pointe de dix-neuf heures l’hiver. Il limiterait ainsi le recours à des moyens de production polluants tels que les centrales thermiques. Il s’agirait donc d’un élément essentiel de gestion de cette pointe électrique.
Enfin, des mesures sur l’éolien simplifient les démarches administratives, condition indispensable pour que les projets soient viables. Il convient également de saluer certaines dérogations apportées à la loi Littoral. Le raccordement des éoliennes offshore est ainsi facilité et le développement de l’éolien terrestre dans les départements ultramarins, favorisé.
Ces mesures sont d’autant plus urgentes que l’éolien terrestre connaît un net ralentissement et que les objectifs fixés lors du Grenelle de l’environnement sont compromis : madame la ministre, vous l’avez dit tout à l’heure, moins de 7 000 mégawatts sont actuellement raccordés, alors que l’objectif était de 19 000 mégawatts de puissance installée d’ici à 2020.
Madame la ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE auquel j’appartiens est très attentif au développement des énergies renouvelables. Notre position est déjà connue : l’indépendance énergétique de la France est un objectif incontournable qui doit reposer sur la recherche et le développement concomitant de deux filières d’excellence : le nucléaire, d’une part, et les énergies renouvelables, d’autre part.
Aussi, pour nous, ces énergies renouvelables supposent une stratégie nationale claire et compréhensible par tous les acteurs – à commencer par les ménages – qui rendrait confiance aux industriels et qui permettrait les investissements nécessaires pour mener une véritable politique énergétique.
C’est donc à ce consensus et à cette volonté politique commune qu’il nous faut parvenir, si nous voulons réussir tous ensemble la transition énergétique !
Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire – chacun peut le constater ici ce soir –, c’est que cette discussion générale se déroule dans des conditions atypiques et presque « surréalistes », …
… pour reprendre le terme de l’un de nos collègues. C’est que plane encore et toujours sur ce texte – de plus en plus, à mesure que l’heure avance – la menace d’une motion d’irrecevabilité, qui, si elle est adoptée, risque de nous priver par la suite de tout débat et de disqualifier du même coup le travail réalisé en amont. Je pense ici aux très nombreuses auditions qui ont été menées pendant plus de quinze jours et qui ont, en toute logique, servi de support aux amendements rédigés par la suite.
Je tiens donc à ce propos, et à mon tour, à saluer la qualité du travail réalisé par notre excellent collègue Roland Courteau, qui n’a pas ménagé ses efforts et qui a mis à contribution son talent et son expérience de parlementaire – elle est grande – pour améliorer le texte issu de l’Assemblée nationale, tout simplement parce qu’au fur et à mesure des auditions nous nous sommes rendu compte que cela correspondait à une véritable nécessité.
Le but recherché était de proposer un texte, notamment en ce qui concerne le titre Ier, plus simple dans sa rédaction, et surtout moins compliqué à mettre en œuvre.
Je pense, d’ailleurs, et nous sommes un certain nombre à partager cette idée, que ce but restait à portée et je demeure persuadé que le débat en commission - s’il avait eu lieu - puis dans l’hémicycle - s’il a lieu -, pouvaient nous permettre d’aller encore plus loin dans l’amélioration de cette proposition de loi.
La finalité, on l’a dite : à partir d’un diagnostic pourtant partagé, il s’agirait de la première étape d’une réforme qui, comme vous l’avez dit, madame la ministre, consisterait à engager un tournant dans notre politique énergétique, en faveur de plus d’efficacité et de sobriété, et ce en prenant soin, au préalable, de relever un formidable paradoxe, mais également une formidable injustice sociale.
Il y a en effet dans notre pays, quatrième ou cinquième puissance mondiale, un nombre considérable de personnes qui ne peuvent pas se chauffer tout simplement parce qu’elles n’en ont pas les moyens financiers. De fait, elles appréhendent chaque année l’arrivée des premiers froids. Ici, nous sommes bien évidemment dans l’actualité.
Aujourd’hui même, un grand quotidien évoquant ce sujet explique que, au cours de l’hiver précédent, un Français sur deux a été contraint de restreindre son chauffage pour échapper à des factures trop élevées.
Ce n’est pas tolérable et c’est la raison pour laquelle le caractère social du dispositif proposé devrait permettre, à travers l’instauration d’un bonus-malus simplifié, de dresser un indispensable état des lieux permettant d’y voir plus clair sur l’état du parc de logements de notre pays, en évaluant au cas par cas les performances thermiques de ces logements. Ce travail serait effectué à partir du niveau de consommation de chaque foyer, comparé à un volume de référence local défini pour chaque type d’énergie.
Cela reviendrait à mettre en place un dispositif d’alerte pour les consommateurs dépassant deux fois le volume de référence, dispositif qui leur permettrait ainsi d’accéder à un diagnostic, mené à bien par un organisme désigné par décret. Ce bilan serait suivi de travaux améliorant la performance énergétique du logement.
D’ailleurs, en plus des aides existantes et grâce aussi au renforcement des moyens de l’ANAH, les aides accordées dans le cadre de ces travaux seraient également issues du produit de l’application du malus, en prenant en compte les revenus des ménages et donc en ciblant, bien sûr, les foyers les plus modestes.
Afin de ne pas pénaliser ces familles, un malus spécifique, plus symbolique qu’effectif, quasiment neutre financièrement, s’appliquerait aux bénéficiaires des tarifs sociaux, ainsi qu’aux familles nombreuses.
Nous le voyons bien, il s’agit donc de mettre en place un dispositif à caractère social, qui permettrait de mener une politique d’isolation thermique ambitieuse, tout en affichant comme priorité la réhabilitation, le plus rapidement possible, des logements considérés comme étant de véritables passoires thermiques. On en compte au moins 4 millions dans notre pays !
D’après les simulations réalisées, les sommes ainsi obtenues pourraient atteindre 180 millions d’euros par an, et ce dès la deuxième année de fonctionnement du dispositif. Dans le même temps, les travaux d’isolation et de réhabilitation permettraient la création de nombreux emplois, ce qui est loin d’être négligeable dans le contexte que nous connaissons.
Je pense très sincèrement, madame la ministre, que cet exemple précis ne contredit pas – bien au contraire ! – votre conception de la transition énergétique, qui sera au cœur du projet de loi de programmation que vous soumettrez à notre examen dans les mois à venir.
J’ai choisi de parler de ce fameux système de bonus-malus parce que ce sont sa définition initiale et sa mise en œuvre qui ont suscité le plus d’interrogations, lesquelles pourraient d’ailleurs être levées par le texte de Roland Courteau, si du moins on le laisse vivre…
Chacun aura pu le constater, j’emploie le conditionnel dans mon intervention. En effet, si se déroule, à l’issue de la discussion générale, le même scénario qu’en commission des affaires économiques, le débat dans cette enceinte sera clos, n’en déplaise à ceux qui voudraient démontrer le contraire, ce qui nous privera de la possibilité d’améliorer le texte.
Pour des raisons complètement différentes, le groupe CRC et le groupe UMP ont choisi, en commission, de sanctionner le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Pour défendre sa motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, le groupe CRC a déployé des arguments exagérément décalés, à notre sens, par rapport à la réalité du sujet, …
… invoquant – excusez du peu ! – les principes posés par le programme du Conseil national de la Résistance, et même ceux qui prévalaient en 1789 !
Quant à nos collègues de l’UMP et de l'UDI-UC, ils ont profité en quelque sorte de l’effet d’aubaine que constituait la présentation de cette fameuse motion pour faire un coup politique ; nous commençons à y être habitués ! §
M. Lenoir a évoqué des risques de distorsions en termes d’égalité territoriale : c’est un peu fort de café quand on l’a cassée pendant cinq ans à grands coups de RGPP !
Dois-je le redire, en adoptant la motion en séance publique, vous détruirez le travail sénatorial : c’est le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale qui reviendra, comme on dit dans les jeux télévisés, en deuxième semaine.
Comprenne qui pourra !
Puis-je me permettre de vous faire également remarquer que, ce faisant, vous porterez atteinte non seulement au travail sénatorial, mais aussi à la crédibilité de notre institution.
En ce qui nous concerne, nous avons encore la faiblesse de penser que, fidèle à son habitude, notre assemblée, forte de son expérience, pourrait apporter une plus-value à ce texte, qui en a sûrement besoin.
Mais il y a plus grave !
Tous les orateurs ont évoqué les 8, 5 millions de personnes se trouvant en situation de précarité énergétique, qui attendent la mise en place d’un dispositif leur permettant, à court terme, de pouvoir, tout simplement, se chauffer correctement.
Or les dispositions du titre II du texte seraient de nature à répondre à ce qu’il faut bien appeler une urgence sociale, puisque l’extension des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz à 4, 2 millions de foyers satisferait cette attente, n’en déplaise aux champions du recours aux décrets !
Parallèlement, ouvrir à tous la possibilité de bénéficier de la trêve hivernale protègerait ceux qui, à la suite d’un accident de la vie, se retrouvent, du jour au lendemain, sans ressources.
Ces deux mesures propres à protéger les plus vulnérables et les plus exposés correspondent d’ailleurs à un engagement de campagne du Président de la République.
Ce débat n’est donc pas si précipité que ne le prétendent certains !
Tous ceux qui prendront le risque de différer la mise en place de ces mesures en renvoyant sans examen le texte dans le circuit parlementaire auront vraisemblablement des comptes à rendre aux 8, 5 millions de personnes qui, actuellement, se demandent comment elles vont passer l’hiver ! §
Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, les remarques que je voulais formuler sur cette proposition de loi, qui a manifestement soulevé plus de problèmes de forme que de fond, les arrière-pensées étant, à l’évidence, omniprésentes.
La gauche gouvernementale au Sénat, consciente à la fois des véritables enjeux et de l’urgence sociale, a su se rassembler et prendre ses responsabilités. Elle avait fait le pari du débat, du dialogue et du nécessaire travail parlementaire. Elle a investi, notamment grâce à Roland Courteau, beaucoup d’énergie dans cette perspective.
En conclusion, j’en appelle de nouveau à une prise de conscience du plus grand nombre d’entre nous, afin que cette discussion générale ne constitue pas un acte manqué. §
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre est au cœur d’une problématique globale dont trop peu ont conscience qu’elle recouvre une véritable révolution.
Le dispositif essentiel de cette proposition de loi repose sur la mise en place d’un système de bonus-malus.
J’apprécie l’auteur de ce projet, qui est un voisin. Je dois avouer que je ne retrouve pas vraiment, au travers du mécanisme qui nous est présenté comme simple et sans coût, alors que sa mise en œuvre paraît tout au contraire compliquée et onéreuse, si l’on en croit Bercy, le sens du concret et le pragmatisme que je lui reconnais.
J’en resterai donc à ma première impression.
Si, comme cela nous est annoncé pour nous rassurer, ce malus sera non pas une pénalité, mais un simple signal, je crains alors que la mesure ne soit d’une utilité toute relative et incertaine.
Si, pour le rendre incitatif – un tel système a été mis en œuvre, dans un tout autre contexte, par un État américain –, le malus est fixé à un niveau élevé, la mesure deviendra alors injuste, en ce qu’elle touchera, pour une part importante, des populations qui subissent déjà leur environnement énergétique plus qu’elles ne le maîtrisent : je veux parler des personnes âgées, des familles nombreuses ou des personnes à faibles revenus disposant d’un habitat insuffisamment isolé, celles qui vivent la précarité énergétique, dont le journal télévisé de 20 heures vient de parler fort clairement. Je renvoie, sur ce point, à l’intervention éloquente de notre collègue Jean-Claude Lenoir.
Pour ma part, j’évoquerai plutôt, madame la ministre, les dispositions relatives à l’effacement, qui relèvent de l’article 7 ; je sais tout l’intérêt que leur porte également l’auteur de la proposition de loi.
Pour le coup, il s’agit d’un thème faisant l’objet d’un large consensus. Le rapport Poignant-Sido l’avait analysé avec une grande pertinence, tandis que la loi NOME avait posé les principes et le cadre de la mise en œuvre du dispositif, dans la perspective de la création d’un marché capacitaire.
Or nous sommes loin d’une mobilisation significative d’une capacité d’effacement qui est pourtant réelle, importante et, pour une grande partie, déjà disponible.
Les États-Unis, que l’on sous-estime souvent dans ce domaine, ont atteint depuis déjà plusieurs années une capacité d’effacement de 10 % à 12 %, contre à peine 3 % ou 4 % pour la France, alors que la capacité d’effacement de notre pays était quasiment du double il y a dix ou quinze ans.
Or, au même moment, plusieurs autorités européennes et RTE soulignent la situation dans laquelle se trouverait « l’Europe du Centre-Ouest » en cas de vague de froid, considérant que des délestages sur le réseau électrique ne seraient pas impossibles.
S’agissant de la puissance manquante en France, le bilan prévisionnel de 2011 l’avait estimée à 2, 2 gigawatts en 2014 et à 7, 2 gigawatts en 2016. Dans le bilan prévisionnel de 2012, elle est passée à 3, 1 gigawatts en 2014 et à 7, 5 gigawatts en 2016. La gestion de la pointe n’est donc plus une option, elle est devenue une nécessité.
L’une des réponses, c’est bien évidemment l’effacement diffus, dont on peut raisonnablement attendre une capacité de 4 à 5 gigawatts, mais celle-ci ne pourra être obtenue avant que ne soit équipé le parc national des particuliers.
Malgré cela, la France dispose dès aujourd’hui, avec les gros consommateurs, d’un gisement de capacité d’effacement pouvant atteindre de 4 à 5 gigawatts d’ici à 2016, avec une progression de 0, 5 à 1 gigawatt chaque année.
Atteindre cet objectif relève plus de l’affirmation d’une volonté politique des différents acteurs que du règlement d’une difficulté technique ou du développement du gisement.
Si je me permets d’attirer votre attention sur cette question avec une telle insistance, madame la ministre, c’est que la mobilisation de la capacité d’effacement des gros consommateurs permettrait à la fois de répondre aux besoins de notre pays et d’assurer une juste rémunération des acteurs concernés, qui, pour une part importante, sont des entreprises électro-intensives, pour lesquelles la valorisation de leur capacité d’effacement représente, sur les plans industriel et financier, un gain significatif, voire indispensable.
Il est donc important que l’article 7 puisse être adopté et mis en œuvre conformément à l’esprit de la loi NOME, qui avait fait de l’effacement tant un défi en matière de développement durable qu’un enjeu économique.
Toutefois, un système énergétique sobre doit aussi être optimisé et équilibré.
À cet égard, permettez-moi d’évoquer rapidement le volet particulièrement sensible de la cogénération, plus précisément celui de la biomasse forestière, que l’actualité illustre par l’émergence de maints projets. Ainsi, le groupe E.ON se félicite d’ouvrir, dans le Sud, une centrale « verte » d’une capacité de 700 000 à 900 000 tonnes, au moment même où il ferme des centrales thermiques, ce que nous ne pouvons qu’approuver.
Or le grand Sud-Est, qui comprend la région Rhône-Alpes, concernée par ce projet, se trouve déjà dans une situation d’approvisionnement insuffisant, et le déséquilibre, s’aggravant rapidement, met aujourd'hui plusieurs entreprises en difficulté, sans parler de la déstabilisation du marché et de ses conséquences.
Votre cabinet, madame la ministre, a bien voulu recevoir tout récemment la direction de Cascades, pour évoquer la situation particulière de cette papeterie, reprise avec un vrai succès, il y a quelques années, par des industriels canadiens.
Le maintien, et plus encore le développement, de cette entreprise, comme de bien d’autres industries, est directement lié aux réponses qui seront apportées quant à la mobilisation des plaquettes, du bois-énergie, et à la valorisation de la biomasse, qui constituent un enjeu capital.
De toute évidence, les autorisations de la CRE et les études de disponibilité de la ressource soulèvent aujourd'hui des questions qui deviennent cruciales.
La transition vers un système énergétique sobre relève donc non pas d’une mesure isolée, mais de la mobilisation d’un système particulièrement complexe, dans lequel tous les acteurs et opérateurs ont un rôle – une mission, allais-je dire –, une responsabilité à assumer.
Jeremy Rifkin considère que l’énergie et les technologies de la communication sont à la base de la troisième révolution industrielle, vision à laquelle j’adhère volontiers.
En matière d’efficacité énergétique, il revient donc au Parlement et au Gouvernement d’arrêter une politique volontariste et ambitieuse. Il incombe en outre au Gouvernement d’en définir le cadre, qui doit être clair, simple et stable. Or, vous en conviendrez, madame la ministre, ce n’est pas le cas avec ce texte. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer à mon tour notre ancien rapporteur, Roland Courteau, qui, dans un temps extrêmement limité, avait procédé à de nombreuses auditions et effectué un travail considérable empreint d’écoute, d’attention, de patience aussi. Merci, cher Roland Courteau, d’avoir honoré notre assemblée par ce formidable travail !
Nous abordons aujourd’hui une problématique qui est au cœur de notre société. Des millions de Français victimes de la précarité énergétique sont confrontés au dilemme suivant : avoir froid ou dépenser trop pour se chauffer.
En effet, plus de 13 % des ménages sont considérés comme étant en situation de précarité énergétique. Cela signifie qu’ils sont obligés de consacrer au moins 10 % de leurs revenus, parfois même 20%, à l’achat d’énergie pour pouvoir se chauffer correctement.
Ce phénomène résulte principalement de la combinaison de trois facteurs : la vulnérabilité des foyers à faible revenu, la mauvaise qualité thermique des logements occupés et le coût croissant de l’énergie.
La conjugaison de ces éléments entraîne certains de nos concitoyens dans une spirale infernale : impayés, endettement progressif, coupures d’énergie, puis restriction et privation de chauffage, engendrant des problèmes de santé, voire un isolement social. Cet enchaînement est d’autant plus pervers qu’un logement en mauvais état et mal chauffé se dégrade, ce qui aggrave les difficultés sanitaires et sociales de ses occupants.
Ce problème ne cesse de croître ; les chiffres parus ce jour le démontrent, puisqu’un foyer sur deux n’a plus les moyens de se chauffer et que 42 % des ménages ont restreint leur chauffage au cours de l’hiver dernier.
Il était donc particulièrement urgent d’agir, avant qu’un nouvel hiver ne vienne plonger nombre de nos concitoyens dans la précarité. C’est à l’urgence sociale qu’il convient de répondre d’abord ! Telle est la finalité du présent texte.
Cette proposition de loi vise à apporter des solutions en s’attaquant à chacun des facteurs de la précarité énergétique : le problème des ressources insuffisantes des ménages, d’une part, en étendant le champ des tarifs sociaux et en généralisant la trêve hivernale, le manque d’isolation des logements, d’autre part, en favorisant la réalisation de travaux.
S’agissant des tarifs sociaux, il est unanimement reconnu que leur mise en place par le gouvernement précédent a été un échec.
À la fin de l’année 2010, en effet, 650 000 foyers seulement bénéficiaient du tarif de première nécessité et 307 000 du tarif social de solidarité. Pourtant, on estime que près de 2 millions de foyers sont éligibles au premier de ces tarifs et près de 800 000 au second. Cherchez l’erreur…
Grâce à la présente proposition de loi, le tarif de première nécessité sera mis en œuvre par l’ensemble des fournisseurs d’électricité et de gaz, ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent. Désormais, ce seront l’administration fiscale et la sécurité sociale qui transmettront la liste des bénéficiaires aux fournisseurs d’énergie.
En fin de compte, c’est bien l’efficacité qui est recherchée, et non un simple effet d’annonce, comme cela a pu être le cas ces dernières années.
L’une des principales mesures prévues par la proposition de loi est l’extension des tarifs sociaux aux ménages en situation de précarité énergétique. Cette mesure de justice sociale, qui permettra d’aider 8, 5 millions de personnes, était particulièrement attendue.
En outre, la proposition de loi instaure la généralisation de la trêve hivernale à l’ensemble des consommateurs, afin d’empêcher les coupures entre le 1er novembre et le 15 mars. Cette nouvelle disposition évitera aux usagers en situation de vulnérabilité qui n’auraient pas été repérés par les services compétents de souffrir du froid.
Aujourd’hui, nous examinons le premier acte d’un engagement de long terme pour lutter contre la précarité énergétique et contre le réchauffement climatique.
Un million de logements seront rénovés chaque année par le biais de différents mécanismes, dont le tiers-investissement : ce dispositif, qui devrait concerner 500 000 logements, dispensera les particuliers de devoir avancer de l’argent.
Je me félicite de ce que le Gouvernement prenne la question de la transition énergétique à bras-le-corps : notre avenir et celui de nos enfants, mais également notre vie quotidienne et la baisse de nos factures d’énergie, dépendent de la réussite de cette transition.
La présente proposition de loi répond à une double urgence sociale : de court terme, par l’extension de l’application des tarifs sociaux et la généralisation de la trêve hivernale ; de moyen terme, par la mise en place des aides à l’isolation des logements, qui permettront de diminuer la facture d’énergie des ménages.
Mes chers collègues, nous savons que le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, à la suite des états généraux de la démocratie territoriale, souhaite une simplification des normes, en vue de faciliter le fonctionnement de notre démocratie.
Il n’est donc pas inutile de suggérer, voire de réclamer, la mise en œuvre d’un principe simple au travers de l’application de cette proposition de loi : une meilleure lisibilité, pour une plus grande efficacité. Tel était, mes chers collègues, le sens de la démarche de Roland Courteau.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui l’examen de la très controversée proposition de loi de notre collègue député François Brottes, qui vient d’ailleurs d’être déclarée irrecevable par notre commission des affaires économiques.
Ce texte est pourtant inspiré par un bon sentiment.
Il s’agit d’abord d’inciter nos concitoyens à réaliser des économies d’énergie. Qui peut s’y opposer ?
Il s’agit ensuite de lutter contre la précarité énergétique. On ne peut que souscrire à cet objectif, dans la mesure où l’énergie, en particulier l’électricité, est un bien vital, de première nécessité, et restera durablement chère.
Je rappelle d’ailleurs que le précédent gouvernement avait institué l’automaticité de l’application des tarifs sociaux aux foyers éligibles, mesure adoptée par notre assemblée sur ma proposition.
Mais pour traduire efficacement ces bonnes intentions dans la réalité, les mesures prises doivent être simples et lisibles.
Il faut bien reconnaître que c’est loin d’être le cas en l’occurrence : le dispositif de la proposition de loi soumise à notre examen est très compliqué, bureaucratique, éloigné des réalités de terrain. Si l’on n’y prend garde, sa mise en œuvre risque de déboucher sur la mise en place d’une usine à gaz inefficace – c’est à dessein que je reprends cette expression, car je l’ai entendue employer sur toutes nos travées, à cette tribune comme en aparté…
On peut en outre être surpris par la précipitation avec laquelle ce dispositif nous est soumis, alors que le Gouvernement a annoncé son intention d’organiser prochainement sous votre responsabilité, madame la ministre, un grand débat national sur la transition énergétique qui pourrait déboucher sur la présentation d’un projet de loi d’orientation mieux étudié et élaboré.
Il eût donc été logique d’attendre les résultats de cette concertation. Malheureusement, les auteurs de cette proposition de loi ont voulu brûler les étapes, pour aboutir au final à un texte quasiment inapplicable, sans qu’aucune étude d’impact n’ait été réalisée au préalable.
Dès lors, comment s’étonner que le modèle de tarification proposé soulève plus de questions qu’il n’apporte de solutions ?
En particulier, comment peut-on soutenir la mise en place d’une inégalité de traitement entre les consommateurs individuels et les consommateurs collectifs ? Les premiers verront leur volume de base modulé en fonction du nombre de personnes au domicile, les seconds en fonction de la surface du local chauffé par la copropriété.
En outre, comment sera compensé l’éventuel manque à gagner pour les opérateurs historiques, alors que, comme le Conseil d’État ne cesse de le rappeler, les tarifs réglementés doivent refléter leurs coûts réels ? Baisser les prix sur les volumes de base alors que les prix réglementés sont déjà contestés et sanctionnés exposera l’État à de nouvelles poursuites.
Surtout, l’auteur de cette proposition de loi a-t-il conscience qu’en introduisant le zonage climatique dans le dispositif tarifaire, il met fin, de facto, à la péréquation tarifaire ?
En effet, les consommateurs ne paieront plus leur électricité au même prix selon qu’ils habitent Lille ou Marseille : en l’occurrence, ils risquent de la payer plus cher à Marseille qu’à Lille, et dans une même ville le prix variera d’un lieu d’habitation à un autre.
En mettant fin à la péréquation tarifaire pour l’électricité, ce texte supprime de fait le service public de l’énergie, auquel nos concitoyens sont particulièrement attachés. Sommes-nous prêts, alors que les Français sont très sensibles à tout ce qui touche à leur pouvoir d’achat, à abandonner notre système de tarification régulé, simple et équitable ?
Jusqu’à nouvel ordre, le prix du kilowattheure est le même pour tous sur tout le territoire, et le prix de l’électricité, toutes charges comprises, reste en France le moins élevé d’Europe.
Par ailleurs, madame la ministre, êtes-vous certaine que le système de bonus-malus est bien conforme à nos obligations européennes, c’est-à-dire à la concurrence organisée par les directives européennes sur le gaz et l’électricité ?
M. Vincent Capo-Canellas acquiesce.
Au moment où l’Union européenne nous impose l’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz, sera-t-il juridiquement possible de soumettre les fournisseurs en concurrence à un cadre tarifaire rigide comprenant des volumes de tranches de consommation imposés et des rabais ou des majorations de prix prédéfinis ?
Enfin, le rôle des collectivités territoriales est le grand oublié du dispositif compliqué imaginé par l’auteur de la proposition de loi. Dans sa rédaction initiale, celle-ci ne comportait pas la moindre référence aux autorités organisatrices de la distribution d’énergies de réseaux. Pourtant, il me semble qu’elles peuvent donner à ce dispositif, notamment pour ce qui concerne la maîtrise de la demande d’énergie, une vraie souplesse opérationnelle, au plus près du terrain.
En conclusion, je voudrais appeler à la raison : cette proposition de loi ne doit pas être discutée en l’état, en dépit du bon travail accompli par les rapporteurs. Il faut se donner le temps de mener une véritable concertation, celui de bien soupeser toutes les hypothèses, bref d’étudier toutes les solutions à apporter pour relever des défis énergétiques qui sont bien réels. Ce sujet mérite mieux que les mesures expéditives que l’on nous propose d’adopter aujourd’hui.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les économies d’énergie et la lutte contre la précarité énergétique comptent parmi les objectifs prioritaires pour la majorité de nos concitoyens.
Il s’agit de répondre à une urgence sociale préoccupante, près de 4 millions de ménages étant en situation de précarité énergétique dans notre pays. La situation est encore plus dramatique dans ma région, le Nord-Pas-de-Calais, où un foyer sur cinq est touché par la précarité énergétique et où deux problèmes se cumulent : un grand nombre de foyers ne disposent que de faibles ressources et il existe un important parc de logements anciens à faible performance énergétique.
Certes, les collectivités territoriales ont développé des programmes volontaristes pour la promotion des économies d’énergie et d’eau, pour l’amélioration de l’habitat et pour l’accompagnement social des familles, mais nous évoluons dans un contexte très dégradé, marqué par la crise économique et la production d’une énergie chère, à partir de ressources souvent rares et polluantes.
Pour de nombreux foyers, cette situation n’est plus acceptable, d’autant que la hausse des prix de l’énergie est continue. En outre, notre consommation ne devrait pas baisser, en raison de l’accroissement des besoins nouveaux liés, par exemple, aux nouvelles technologies et à l’utilisation de véhicules électriques.
Selon la Commission de régulation de l’énergie, la facture d’électricité annuelle d’un ménage type devrait encore progresser de 30 % d’ici à 2016.
Pourtant, les Français bénéficient actuellement de l’un des prix les plus bas du marché européen, notamment par rapport à nos voisins Allemands, qui veulent pourtant nous donner des leçons en matière énergétique.
Alors que la lutte contre l’effet de serre, parfois perçue comme un effet de mode, était une préoccupation prioritaire, notamment lors du Grenelle de l’environnement, le combat des opposants au nucléaire et aux recherches sur le gaz de schiste est désormais passé au premier plan.
C’est une erreur, car l’effet de serre et le réchauffement climatique représentent à terme une menace reconnue par la quasi-totalité des scientifiques. Les risques, surtout l’élévation du niveau des mers et le bouleversement climatique, sont très élevés à long terme.
La présente proposition de loi a pour objet de réglementer et d’encadrer la distribution des énergies de réseaux, comme l’électricité et le gaz. Si elle prévoit un dispositif d’effacement pour les consommations électriques, nous devons toutefois aussi nous intéresser aux sources d’énergie les plus polluantes au regard des émissions de CO2 et du réchauffement climatique, comme les produits pétroliers et le charbon.
En effet, il serait paradoxal de vouloir limiter l’utilisation des énergies qui contribuent le moins à l’effet de serre, comme l’électricité et même le gaz, qui est une source d’énergie moins polluante que les hydrocarbures.
Pour définir notre politique énergétique, nous avons besoin aujourd’hui de mener une réflexion à un horizon d’au moins cinquante ans.
Pour sa part, cette proposition de loi s’inscrit dans le court terme, car, à l’approche de l’hiver, nous devons répondre très vite aux besoins immédiats de nombreuses familles. Il est essentiel de détecter les logements mal isolés, véritables passoires énergétiques, pour pouvoir améliorer leur performance et réaliser des économies d’énergie.
La proposition de loi prévoit avant tout des mesures de justice sociale : l’élargissement du nombre de bénéficiaires des tarifs sociaux de l’énergie, l’extension du champ de la trêve hivernale ou encore des adaptations concernant les pouvoirs du médiateur national de l’énergie et de la CRE.
Hélas, le système complexe du bonus-malus suscite de nombreuses interrogations, car sa mise en œuvre présente des difficultés avérées.
C’est pourquoi notre collègue Roland Courteau, dont je veux saluer le travail remarquable et auquel j’apporte mon entier soutien, avait approfondi la réflexion sur ce dispositif et proposé une rédaction plus simple, plus équilibrée et plus efficace de la proposition de loi.
Eu égard aux difficultés sociales de nombreuses familles qui vivent très modestement, il est difficile de comprendre les motivations de ceux qui, par le vote d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, en reviendraient au texte initial qu’ils souhaitent rejeter.
N’oublions pas que, au-delà de la contestation politicienne, le problème qui nous occupe ici est d’une importance vitale pour les familles de notre pays et pour notre industrie.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, il nous appartient donc de mener à son terme la discussion générale de cette proposition de loi, avant d’avoir à nous prononcer sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je voudrais tout d’abord saluer, à mon tour, le travail remarquable qu’a réalisé notre collègue et ami Roland Courteau.
Il n’est jamais simple d’être le rapporteur d’un texte où la complexité des dispositifs techniques n’a d’égale que la diversité des domaines abordés. Un tel texte suscite beaucoup d’attentes et son examen nécessite une capacité d’écoute et de synthèse considérable.
Roland Courteau, fort de sa maîtrise du sujet, a su, pendant des semaines, se rendre disponible pour entendre les uns et les autres, au cours d’une quarantaine d’auditions. Cela lui a permis de formuler des propositions conformes aux objectifs initiaux de la proposition de loi.
Ce travail de fond n’a finalement pas été récompensé, et je le déplore profondément, d’autant que, si nous en sommes arrivés là, cela est dû, pour une large part, à des postures politiciennes. En définitive, ni le texte ni les Français n’en sortent renforcés.
En effet, nous avons hérité, ici au Sénat, d’une proposition de loi au dispositif extrêmement complexe, notamment sur la question du bonus-malus.
Des propositions avaient donc été faites à la commission pour revenir à l’essentiel, si je puis dire. Je pense notamment à celles qui simplifiaient le système du bonus-malus, pour en faciliter la mise en place, ainsi qu’à celles qui, à propos de l’éolien, tendaient à en revenir aux « trois mâts ». Au total, je crois que nous aurions gagné à les examiner, car elles étaient plus adaptées à la situation actuelle.
Dans ce contexte, les mesures d’urgence sociale que contient cette proposition de loi sont reléguées au second plan et sont même, en quelque sorte, déjà passées par pertes et profits. Pourtant, faut-il rappeler qu’est prévue dans le texte l’extension du bénéfice du tarif social à plusieurs millions de personnes ? Est-il besoin de souligner également que la trêve hivernale est étendue à chacun ? Qui pourrait contester qu’il s’agit là de mesures indispensables, qui répondent aux besoins des Français ?
En effet, alors que nous discutons de cette proposition de loi, l’hiver s’installe sur la France, et nous prenons le risque de ne pas permettre à des millions de nos compatriotes de l’affronter dans de bonnes conditions.
Je ne puis concevoir que les parlementaires que nous sommes manquent l’occasion d’agir au plus près des préoccupations des Français.
Je ne nie pas, pour autant, que ce texte comporte des imperfections ; elles sont nombreuses.
Je considère toutefois que nous pouvions, grâce aux propositions de Roland Courteau et du président Daniel Raoul, répondre de manière satisfaisante à l’urgence sociale.
J’estime que, si un texte nous semble perfectible, et celui-ci l’est, il nous appartient de l’améliorer. Il vaut mieux travailler dès maintenant sur une proposition de loi existante pour répondre à l’urgence énergétique et sociale, plutôt que de renvoyer l’examen de cette question à un texte ultérieur, alors qu’il sera trop tard.
Je souhaite que nous nous donnions véritablement les moyens d’examiner les amendements qui ont été déposés sur ce texte. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je voterai, en conscience, contre cette motion d’irrecevabilité, et j’appelle chacun d’entre vous à prendre ses responsabilités. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, déjà votée en commission il y a quelques jours, devait l’être de nouveau tout à l'heure, je crains que notre assemblée ne se prive d’une belle occasion de procéder, comme elle sait pourtant très bien le faire, à un beau et bon travail législatif.
J’avoue en ressentir une certaine frustration. Le Sénat est un bon législateur, qui, d’habitude, ne rechigne pas au travail d’amendement, à la confrontation des opinions. Au sein même des groupes politiques qui le composent, il y a des débats, des arbitrages, et des majorités se forment, qui sont souvent de bon sens et de projet.
Aujourd'hui, ce n’est pas cette voie que notre assemblée emprunte.
Opposer l’exception d’irrecevabilité, c’est refuser de discuter des objectifs sous-tendant ce texte, et j’avoue ne pas avoir été convaincue par l’ensemble des arguments entendus cette après-midi.
Mme Laurence Rossignol. Ils ne m’ont pas non plus convaincue de la bonne foi de ceux qui les ont maniés.
Mmes Annie David et Mireille Schurch s’exclament.
Je me méfie des sophistes qui jouent avec le principe d’égalité pour mieux laisser perdurer les inégalités. Nous avons entendu parler pendant deux heures d’inégalités supplémentaires, mais, dans le contexte actuel, avec 4, 5 millions de familles en situation de précarité énergétique et 42 % de Français qui se chauffent moins aujourd'hui, où sont les vraies inégalités ? Est-ce le vote d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, marque de conservatisme, ou le travail législatif que nous proposions de réaliser qui permettra d’y remédier ?
Ce travail visait à rapprocher tarifs et besoins, égalité et sobriété. Nous avons entendu des arguments fallacieux, en particulier celui selon lequel nous porterions atteinte aux principes de la péréquation et de l’égalité tarifaire en prenant en compte des différences géographiques. C’est faux ! Ce n’est pas le prix du kilowattheure qui change ; ce n’est pas l’évaluation en fonction des besoins qui met un terme à la péréquation tarifaire.
Beaucoup de larmes de crocodile ont été versées ce soir sur les ménages en situation de précarité énergétique, mais je crois que nous ne sommes pas tous d'accord. En fin de compte, nombre de nos collègues se satisferaient que nous étendions ad libitum l’application des tarifs de première nécessité, au fur et à mesure que la pauvreté et la précarité augmentent, que les passoires énergétiques se multiplient. En fait, ils dissocient maîtrise de la consommation et accès à l’énergie. Or, aujourd'hui, ces deux aspects sont inséparables dans la réflexion que nous devons mener sur la révolution énergétique à conduire.
Il y a quelques semaines, ceux-là mêmes que j’entends aujourd'hui tergiverser sur ce texte acquiesçaient sans broncher quand des énergéticiens annonçaient une hausse inévitable des tarifs d’au moins 30 % devant la commission d’enquête sur le coût réel de l’électricité !
Pourquoi vous sentez-vous visé, mon cher collègue ?
Leur seule réponse face à l’augmentation des tarifs, c’est qu’il suffit d’étendre sans fin le champ d’application des tarifs sociaux !
Dans ces conditions, la consommation globale d’électricité ne baissera jamais.
C’est le vrai débat !
On continue de soutenir une politique qui a conduit à ce que l’on ne maîtrise plus, aujourd'hui, ni la consommation ni l’accès à l’électricité.
Enfin, il existe une autre raison de s’émouvoir du vote de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, qui tient à la partie de ce texte consacrée à l’éolien.
Les dispositions qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale sont absolument nécessaires.
Pour atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement, il faudrait raccorder au réseau chaque année, en moyenne, une puissance de production éolienne de 1 400 mégawatts. Or nous n’en sommes qu’à 500 mégawatts en 2012, soit près de moitié moins qu’en 2011, et un tiers de moins qu’en 2010.
Les mesures qui ont été supprimées par l’Assemblée nationale avaient été, je le rappelle, des cavaliers à la loi Grenelle 2. Ils ont survécu, alors qu’ils changeaient pourtant considérablement l’esprit de ce texte.
En effet, issus d’un rapport parlementaire, ils avaient pour seule finalité de limiter le développement en France des énergies renouvelables, en particulier de l’éolien. Aujourd'hui, il est urgent de permettre à l’éolien de se développer.
Je souhaite vivement que nous nous appuyions sur le travail qui a été réalisé par Roland Courteau, mais aussi par Michel Teston, …
Mme Laurence Rossignol. … afin que nous puissions produire dans les jours à venir, avec l’Assemblée nationale, un texte amélioré, propre à répondre à l’urgence en matière de transition énergétique, de lutte contre la précarité et de résorption des gaspillages d’énergie.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Tout d'abord, je souhaite remercier de leur contribution MM. les rapporteurs, ainsi que M. Roland Courteau, même s’il ne s’est pas encore exprimé, et l’ensemble des orateurs.
Monsieur Dantec, je vous remercie de votre soutien au texte, dont vous avez souligné qu’il vise à répondre à une urgence sociale, que sa mise en œuvre permettrait de créer des emplois dans le domaine des énergies renouvelables et qu’il s’inscrit dans une grande ambition, celle de garantir une réelle égalité. En effet, il existe aujourd’hui des inégalités face à la facture énergétique.
Monsieur Husson, cette proposition de loi n’est pas un texte de circonstance. Il me paraît difficile de taxer d’inutilité des dispositions permettant un gain de 200 euros de pouvoir d’achat pour des familles modestes qui deviendront demain, grâce à elles, éligibles aux tarifs sociaux de l’énergie. Ce texte est utile également parce que sa mise en application entraînera des créations d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables, parce qu’elle réduira la pointe de consommation électrique, parce qu’elle favorisera les comportements responsables en matière de consommation d’énergie.
Monsieur Lenoir, je tiens à vous répondre sur plusieurs points.
Tout d'abord, vous avez évoqué Ubu et Kafka pour dénoncer la complexité du texte. Vos observations s’adressaient-elles aussi au précédent gouvernement ? En effet, le Conseil d'État vient de rendre une décision annulant un arrêté tarifaire relatif à l’électricité…
Si ! En général, dans le domaine de l’énergie, les décrets et les arrêtés comptent entre vingt et trente pages !
La complexité est inhérente aux textes d’application de la loi NOME dont, je crois, vous avez été le rapporteur. On ne la découvre pas aujourd'hui avec le mécanisme du bonus-malus ! Quand je vois que le Conseil d'État a récemment rendu une décision annulant un arrêté tarifaire sur l’électricité parce que celui-ci n’était pas conforme au décret pris par le précédent gouvernement, je me dis que nous n’avons pas de leçons de simplicité à recevoir de vous !
Par ailleurs, vous reprochez au texte de courir deux lièvres à la fois : l’application des tarifs sociaux et la maîtrise de la consommation d’énergie.
Or l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas ! Pour le Gouvernement, il existe donc bien un lien entre pouvoir d’achat et économies d’énergie. Notre politique vise à l’extension du champ d’application des tarifs sociaux, mais en l’accompagnant d’une responsabilisation des consommateurs, y compris par le biais d’un système de bonus-malus adapté. Comme en matière d’assurance automobile, il y a aussi un bonus.
En ce qui concerne les amendements du Gouvernement relatifs à l’éolien, je rappelle qu’ils ont été déposés le lundi, pour être discutés le jeudi. La procédure parlementaire a été parfaitement respectée, et il ne s’agit en rien de cavaliers. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de citer les articles de référence de la Constitution.
Vous dites qu’il n’est pas besoin de mesure législative pour étendre l’application des tarifs sociaux.
Concernant les tarifs sociaux, l’intervention de la loi est nécessaire pour rendre effective l’augmentation du nombre de bénéficiaires. Sans elle, il ne peut y avoir d’automatisation de l’attribution des tarifs sociaux.
À cet égard, j’observe que la proposition de loi prévoit un mécanisme de croisement des données : il est étonnant de constater que la mise en jeu d’un tel mécanisme suscite beaucoup moins de réactions pour les tarifs sociaux que pour le système de bonus-malus.
La loi est également nécessaire pour permettre aux clients des fournisseurs alternatifs d’électricité ou aux habitants des foyers-logements de bénéficier eux aussi des tarifs sociaux. Un décret seul ne le permettrait pas, des mesures législatives sont indispensables.
En ce qui concerne la compatibilité avec les règles européennes, permettez-moi de rappeler que le système de bonus-malus ne modifie en rien la construction tarifaire et les tarifs réglementés. Ce dispositif ne fausse pas la concurrence, car il s’applique, pour les particuliers, aux tarifs réglementés comme aux offres de marché. Selon la direction générale de l’énergie et du climat, le système de bonus-malus pourrait tout au plus, le cas échéant, être considéré comme une obligation de service public s’appliquant aux fournisseurs, au sens de la directive de 2009 sur le marché intérieur de l’électricité. Dans ce cas, le mécanisme prévu est celui d’une obligation d’information après la promulgation de la loi. Cela ne pose pas de problème particulier.
Madame Schurch, vous contestez l’idée que les comportements individuels seraient un levier en matière d’économies d’énergie. C’est un point de débat entre nous, qui mériterait d’être approfondi.
Par ailleurs, la politique du Gouvernement concernant les réhabilitations et les rénovations de logements pour l’isolation thermique ne sera pas réservée aux plus fortunés, tant s’en faut, puisque nous allons au contraire cibler les personnes à revenus modestes dont le logement est une « passoire thermique ».
Vous avez également critiqué les dispositions du texte relatives à l’effacement. La logique de marché veut que l’on produise toujours plus pour accroître les profits. Il n’y a donc pas d’autre solution, aujourd’hui, que de donner une valeur aux économies d’énergie pour aller à l’encontre de cette logique du laisser-aller libéral.
Enfin, j’ai relevé dans vos remarques sur le travail parlementaire une contradiction entre votre volonté affirmée d’approfondir les débats et le vote en commission d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, qui vous amène aujourd’hui à examiner le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Monsieur Capo-Canellas, vous vous interrogez sur la position du Gouvernement. Je le redis, il soutient sans réserve cette proposition de loi.
J’ai aussi indiqué, en commission, qu’il était ouvert à des améliorations, conformément à la vocation du débat parlementaire.
Pourquoi ce texte est-il présenté maintenant, alors que le dispositif du bonus-malus n’est applicable que dans un an, contrairement aux dispositions relatives aux tarifs sociaux, d’application immédiate ? Nous avons tout simplement besoin de temps pour préparer les dispositions réglementaires. Je rappelle que, concernant les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité, il avait fallu deux ans au précédent gouvernement pour prendre les décrets…
S’agissant d’une telle réforme structurelle, nous avons besoin d’un certain temps pour étudier la question de la collecte des données ou celle du calcul des volumes de référence. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons toujours dit que cette réforme devait être faite en début de législature.
Concernant l’injustice que subiraient les occupants du dernier étage, je ferai observer qu’ils bénéficient déjà aujourd’hui d’une isolation moindre que leurs voisins des étages inférieurs : ce n’est donc pas le dispositif de cette proposition de loi qui les pénalise au regard de leurs dépenses de chauffage, contrairement à ce que vous laissez entendre.
M. Vincent Capo-Canellas s’étonne.
M. Requier a défendu l’idée d’une complémentarité entre le nucléaire et les énergies renouvelables. C’est aussi dans cette perspective que s’inscrit la volonté de François Hollande de faire évoluer notre mix électrique, avec une réduction de la part du nucléaire à 50 % et le développement des énergies renouvelables.
S’agissant du diagnostic de performance énergétique, sachez qu’il fait actuellement l’objet d’un plan de fiabilisation, car il est vrai qu’il existe de fortes disparités, pour ne pas dire plus.
Il faudra en tirer tous les enseignements, sans doute pour aller vers un dispositif beaucoup plus normé.
En ce qui concerne le partage entre le domaine de la loi et celui du règlement, nous avons suivi scrupuleusement les règles constitutionnelles lors de la discussion à l’Assemblée nationale.
Enfin, s’agissant de la réforme de la CSPE, dont vous avez rappelé le déficit, laissé par le précédent gouvernement, j’ai déjà eu l’occasion d’indiquer que ce serait un des éléments essentiels du débat sur la transition énergétique.
Je voudrais remercier Jean-Jacques Mirassou de sa volonté d’améliorer le texte et de son soutien.
Il a bien montré le paradoxe qu’il pouvait y avoir à vouloir couper court au débat en commission tout en affirmant une volonté d’améliorer un texte, par définition toujours perfectible.
Je remercie Jean-Pierre Vial de ses propos sur l’effacement. §Je signerai dans les prochaines semaines le décret relatif au mécanisme de capacité.
En ce qui concerne le problème de la ressource en biomasse, il fait l’objet, dans les cellules préfectorales, d’un travail portant sur le plan d’approvisionnement d’un certain nombre d’installations. Je rappelle en outre que la CRE ne recourt plus à des procédures d’appel d’offres pour des grandes centrales de cogénération biomasse. Aujourd’hui, les projets portent davantage sur l’utilisation de la biomasse pour produire de la chaleur, notamment en milieu rural, avec les réseaux de chaleur.
Je remercie Yannick Vaugrenard de son intervention. Il a notamment souligné que les dispositions portant sur les tarifs sociaux répondaient à une urgence sociale, en insistant sur la nécessité de garantir l’effectivité des dispositions adoptées. Cela renvoie à la question de l’automaticité de l’attribution des tarifs sociaux et à celle des échanges de données croisés, mesures nécessaires pour que les 8 millions de Français en situation de précarité énergétique bénéficient effectivement du dispositif.
Xavier Pintat a évoqué le caractère bureaucratique du dispositif. Je le renvoie au passif laissé par les gouvernements précédents.
Je ne peux pas laisser dire que ce texte tend à mettre fin à la péréquation tarifaire : c’est absolument faux ! Le prix de l’électricité ou du gaz restera le même sur tout le territoire national après le vote de cette proposition de loi, …
… et l’instauration d’un système de bonus-malus ne modifiera pas les tarifs réglementés.
Je remercie Delphine Bataille d’avoir rappelé les enjeux liés au réchauffement climatique, qui doivent être au cœur de nos préoccupations, comme le montrent un certain nombre d’événements météorologiques traumatisants survenus ces dernières heures.
Claude Bérit-Débat a eu raison de défendre la possibilité d’améliorer le texte.
Enfin, je remercie Laurence Rossignol de son soutien engagé et déterminé. J’ai notamment apprécié ses propos sur les dispositions relatives à l’éolien, qui sont très attendues. §
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je suis saisi par M. Raoul, au nom de la commission des affaires économiques, d'une motion n° 11.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre (n° 19, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, la commission des affaires économiques, réunie le mardi 23 octobre, a adopté une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité à la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre.
Cette motion, sur laquelle M. Courteau, notre vedette de ce soir
Sourires.
C’est donc cette motion que je vous présente maintenant au nom de la commission, avec une certaine sobriété énergétique. §
Il a été considéré que le dispositif central de la proposition de loi était contraire à l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au motif qu’il constituait une rupture d’égalité devant l’accès à l’énergie. Il se fonde en effet sur des critères contestables et risque de ne pas permettre d’atteindre les objectifs de réduction des consommations énergétiques envisagés.
En outre, comme le texte introduit une différenciation territoriale, selon des critères et des « volumes de base » difficiles à mettre en œuvre, la commission a considéré qu’il rompait avec le principe de la péréquation tarifaire.
Ainsi, la proposition de loi prend en compte certains critères, tels que le nombre de personnes dans le foyer, l’âge ou la localisation géographique, à l’exclusion d’autres situations particulières, par exemple la situation des logements anciens nécessitant des rénovations que les occupants ne peuvent assumer, faute de moyens. Ces usagers seront donc pénalisés par rapport à ceux qui ont les moyens de procéder aux travaux.
Il a également été rappelé qu’en application de l’article 34 de la Constitution il appartient au législateur de ne pas se déposséder de son pouvoir au profit, dans les domaines qui relèvent de sa compétence, d’un renvoi au pouvoir réglementaire. Or, il faut bien constater que le texte est souvent imprécis, par exemple dans la définition des « volumes de référence », qui, je cite, correspondent « aux consommations domestiques d’énergie permettant de couvrir les besoins essentiels des ménages ». En l’occurrence, il renvoie de manière sans doute exagérée au pouvoir réglementaire.
Enfin, il a été considéré que l’instauration d’une tarification progressive, qui s’apparente à une taxe, était contraire à l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, au motif que le dispositif proposé ne respecte pas le principe de proportionnalité de l’effort fiscal : certaines familles qui n’ont pas les moyens de procéder aux travaux d’isolation de leur maison subiront des malus « contraints ».
D’une manière générale, les grandes difficultés résultant de la mise en application de ce mécanisme de bonus-malus ont été soulignées : comment des données fiables pourront-elles être collectées pour plus de 30 millions de foyers ? Comment éviter les injustices ? Ont également été regrettés l’absence d’étude d’impact et le manque d’explications sur les effets concrets en termes d’économies d’énergie.
La commission des affaires économiques s’est enfin interrogée sur l’éventuel caractère de cavaliers législatifs de certains dispositifs ajoutés en cours de discussion par les députés, concernant notamment le mécanisme de capacité, la valorisation de l’effacement et les règles d’implantation des éoliennes.
En effet, en première lecture, tout amendement doit présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Mes chers collègues, la commission des affaires économiques vous propose donc, en application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, de déclarer irrecevable la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre.
Applaudissements sur diverses travées.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je suis plein d’admiration pour Daniel Raoul, car l’exercice auquel il vient de se livrer…
La commission des affaires économiques a adopté à une voix de majorité, mardi 23 octobre, une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité à la présente proposition de loi.
J’ai alors présenté ma démission du poste de rapporteur, car l’adoption de cette motion m’empêchait d’exposer à la commission le travail qu’elle m’avait demandé de réaliser.
Je remercie le président Raoul d’avoir accepté de reprendre cette charge et, d’une manière plus générale, de m’avoir apporté, tout au long de mon travail de rapporteur, un soutien constant et indispensable.
Présentée par les membres du groupe communiste républicain et citoyen, cette motion a également été votée par les sénateurs de l’UDI-UC et de l’UMP.
On pourrait en dire autant de vous pour ce qui est du vote du traité européen et du dernier projet de loi organique !
Cette majorité de circonstance ne facilite pas la compréhension des motivations qui ont conduit à l’adoption de cette motion. Je ne suis pas sûr, en effet, que tous l’aient votée pour les mêmes raisons.
Je partage, cela étant, l’insatisfaction ressentie par beaucoup devant le mécanisme proposé par l’Assemblée nationale, notamment à l'article 1er. Je n’insisterai pas davantage sur ce point, par respect pour nos collègues députés.
Ceux qui soutiennent cette motion ont toutefois oublié que les textes transmis au Sénat ne sont pas « à prendre ou à laisser ». Certains trouveraient sans doute plus simple que nous nous contentions soit d’adopter les textes sans modification, soit de nous abstenir purement et simplement de les discuter.
Ce n’est pas là ma conception du travail parlementaire. Ce n’est pas le rôle qu’a assigné au Sénat la Constitution, notamment son article 45, dont je rappelle les termes : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique. »
Curieux examen que celui qui conduit à déclarer que nous n’allons pas discuter du texte sur le fond !
Je connais les qualités de cette proposition de loi, ainsi que quelques-unes de ses imperfections. J’ai rencontré plus de quatre-vingts personnes, au cours de trente-trois auditions, qui ont été ouvertes à tous les membres de la commission des affaires économiques. Je remercie ceux qui, par leur présence, ont montré qu’ils cherchaient à être le mieux informés possible sur ce texte.
J’ai également échangé avec nos collègues de l’Assemblée nationale et les différents cabinets ministériels concernés. J’étais donc prêt à fournir tous les éléments nécessaires à la Haute Assemblée pour qu’elle puisse se déterminer en toute connaissance de cause et faire entendre sa voix sur une réforme qui concerne l’ensemble de nos concitoyens.
J’étais donc prêt, mes chers collègues, à vous présenter, à l’article 1er, un mécanisme de remplacement. Cela n’a pas été possible en commission, à la suite de l’adoption de la motion de procédure. Cela ne le sera pas non plus en séance publique si cette motion est de nouveau votée ce soir.
De surcroît, nous ne pouvons ignorer que l’adoption d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ne bloque la discussion que si elle intervient dans l’assemblée où le texte a été déposé. Si elle est adoptée dans la seconde assemblée saisie, en l’occurrence le Sénat, le processus n’est en rien interrompu. En fait, si le Sénat adoptait cette motion, nous laisserions simplement aux députés ou à la commission mixte paritaire le soin de discuter de nouveau du texte de l’Assemblée nationale : c’est comme si nous adoptions son texte sans le modifier ; est-ce là l'objectif recherché ?
Les auteurs de la motion rappellent les termes de l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel « tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, » à la formation de la loi.
Or, en votant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, nous réserverions en pratique la discussion à une moitié seulement de la représentation nationale, puisque seuls les députés participeraient à l’élaboration de la loi.
Quels sont donc les arguments énoncés par les auteurs de la motion ?
Ils invoquent, dans leur exposé des motifs, rien de moins que l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, …
… rien de moins que l’article XIII de celle-ci, rien de moins que le Préambule de 1946, rien de moins que l'article 34 de la Constitution, rien de moins que les acquis issus du programme du Conseil national de la Résistance.
Je partage, vous le savez bien, les valeurs qui sous-tendent ces textes, mais je ne comprends pas en quoi elles justifieraient de prononcer l’irrecevabilité de la présente proposition de loi.
Les auteurs de la motion mettent en cause une rupture du principe d’égalité dans le droit d’accès à l’énergie. Or le mécanisme du bonus-malus a ceci d’original qu’il va justement dans le sens d’une plus grande égalité dans ce domaine.
L’un des arguments les plus surprenants, qui relève, je l’espère, d’une mauvaise compréhension du mécanisme proposé, est en effet que le système du bonus-malus porterait atteinte au principe de péréquation, auquel le Sénat, représentant des territoires, est particulièrement attaché. Je ferai observer qu’un tel mécanisme n’opère pas, contrairement à ce qui a été dit et écrit, de différenciation des factures d’énergie sur le territoire national : il sera, au contraire, calibré pour que le montant des bonus et des malus inscrits sur les factures soit, pour des ménages similaires, identique à travers tout le pays.
La réalité, la voici : si l’on n’adaptait pas les volumes de base en fonction des conditions climatiques, les consommateurs du Midi, dont je fais partie, qui ont besoin d’un peu moins de chauffage l’hiver, bénéficieraient de bonus financés par les malus payés par les consommateurs des départements situés plus au Nord, où le climat, si j’en crois Météo France, est un peu moins clément pendant l’hiver… Je ne suis pas sûr que ces derniers soient tout à fait d’accord avec une telle conception de la péréquation.
Les nombreux cas particuliers que les débats à l’Assemblée nationale ont fait apparaître, qui ont conduit certains à craindre une rupture d’égalité dans l’application du dispositif, ne traduisent pas un vice inhérent au principe de la tarification progressive, de nature à justifier que le texte soit déclaré irrecevable au regard de notre Constitution.
À mon sens, les difficultés soulevées sont plutôt liées aux modalités retenues pour la mise en œuvre du mécanisme et à leur manque de flexibilité. Ainsi, la tranche intermédiaire retenue par les députés, au-delà de laquelle sont appliqués les malus, est sans doute beaucoup trop étroite.
C’est pourquoi j’ai travaillé sur un dispositif, que j’ai repris, par voie d’amendement, avec les membres du groupe socialiste et apparentés, dans lequel les malus seraient appliqués au-delà du triple du volume de référence, des dispositions spécifiques étant prévues, même à ce niveau de consommation, pour les ménages précaires et les familles nombreuses.
Je serais heureux, mes chers collègues, de pouvoir vous exposer comment un tel dispositif répondrait à la plupart des interrogations des opposants au principe du bonus-malus, mais cette motion de procédure risque de m’en empêcher…
Pour ce qui concerne la nécessité de définir plus précisément dans la loi elle-même la définition des volumes de référence, les auteurs de la motion ont raison : le Parlement ne peut, en effet, se reposer sur le pouvoir réglementaire. Cela étant, le dispositif que j’entendais proposer apporte, justement, une définition beaucoup plus précise du volume de référence, qui, à mon sens, satisfait pleinement aux critères définis par la Constitution.
D’après les études qu’a réalisées Bercy à ma demande, ce volume pourrait être – c’est un ordre de grandeur – de 6 mégawattheures pour l’électricité et de 15 mégawattheures pour le gaz.
C’est précisément pour tenir compte du poids que le mécanisme voté à l’Assemblée nationale ferait peser sur les ménages qui ne pourraient réaliser des travaux d’amélioration de la performance énergétique que je souhaitais proposer que les sommes dégagées grâce à l’application du malus soient utilisées pour l’amélioration de la performance énergétique des logements. En bénéficieraient en priorité les personnes à revenus modestes, et non celles qui ont la chance de vivre dans un logement déjà bien isolé, ces dernières comptant d’ailleurs rarement parmi les plus défavorisées.
Mieux vaut en effet, me semble-t-il, utiliser ces sommes de manière ciblée sur les ménages qui en ont besoin : cela leur apportera, à la fois, une réduction de leur facture et un bien-être supplémentaire
Je me réjouis d’ailleurs que certains sénateurs centristes partagent mes vues. Ceux-ci ont en effet déposé un amendement, à l’article 6, tendant à ce que le service public de la performance énergétique soit financé en partie par les recettes issues de la tarification progressive. Ils ne pourront malheureusement pas avoir satisfaction sur ce point si la motion est adoptée.
Mes chers collègues, alors que l’exposé des motifs de la motion, lors de son dépôt en commission, n’évoquait que l’article 1er, ses auteurs ont mentionné par la suite, lorsqu’ils l’ont présentée oralement, d’autres motifs d’irrecevabilité.
Selon eux, un certain nombre de dispositions ajoutées à l’Assemblée nationale, concernant notamment l’effacement, le marché de capacité et l’éolien, seraient des cavaliers législatifs.
On peut s’interroger : si ces dispositions n’ont pas de lien avec le texte déposé, comment peuvent-elles l’affecter au point de le rendre juridiquement irrecevable ? S’il s’agit de cavaliers, pourquoi ne pas avoir proposé simplement leur suppression en commission ?
C’est justement ce qui me gêne le plus dans cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité : pourquoi vise-t-elle l’ensemble du texte ?
Je le rappelle, la proposition de loi comprend – c’est bien la mesure la plus urgente à mes yeux – une extension de l’application des tarifs sociaux et la généralisation de la trêve hivernale, monsieur Lenoir !
Rappelons que le Sénat a déjà adopté, le 21 décembre dernier, le principe de cette généralisation de la trêve hivernale, sur proposition du groupe communiste républicain et citoyen.
Mais aujourd'hui, par le biais de cette motion de procédure, le Sénat est invité à reporter la mise en œuvre de cette disposition à une date indéterminée, alors que l’hiver approche à grands pas !
En effet, l’adoption de la présente motion signifierait probablement qu’aucun accord n’est possible entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur ce texte. Les termes de notre Constitution permettent, certes, à l’Assemblée nationale de l’adopter tout de même, mais au terme d’une procédure qui sera beaucoup plus longue que si un compromis avait pu être trouvé entre les deux assemblées.
L’adoption de la motion ne bloquera donc pas le processus qu’elle prétend combattre, notamment la mise en place du système de bonus-malus, mais elle retardera l’adoption de la proposition de loi, et donc des dispositions sociales les plus urgentes, en faveur des personnes les plus en difficulté, en situation de précarité énergétique.
En conclusion, je suis sensible à l’origine parlementaire de ce texte. J’aurais aimé que nous travaillions ensemble pour aboutir à un dispositif utile et reconnu par nos concitoyens. Telle a été l’unique motivation de mes efforts. Mais cette motion de procédure ne m’a pas laissé la possibilité, en commission, de présenter le mécanisme alternatif de bonus-malus sur lequel j’ai travaillé avec les services de la commission et qui avait, je le sais, suscité un certain intérêt parmi vous, mes chers collègues, y compris parmi les partisans de ladite motion.
Qu’en sera-t-il aujourd’hui, en séance publique ? Si cette motion est encore une fois adoptée, l’Assemblée nationale sera à nouveau saisie de son propre texte et le Sénat sera dans l’impossibilité de faire entendre sa voix.
Plus grave encore, la mise en œuvre de certaines des mesures sociales tendant à favoriser l’accès de tous à l’énergie sera considérablement retardée.
De surcroît, cette proposition de loi ne présente aucun défaut rédhibitoire qui la rendrait irrecevable. D’ailleurs, les griefs des auteurs de la motion portent sur une partie seulement de son dispositif.
Je propose donc au Sénat, avec les membres du groupe socialiste et apparentés, de rejeter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. §
J’ai déjà eu l’occasion de le dire en commission, le Gouvernement est tout à fait défavorable à cette motion. Son adoption priverait le Sénat d’un débat dont la discussion générale a montré tout l’intérêt.
En outre, j’avais déjà contesté, en commission, le fondement d’une telle motion. La proposition de loi que nous examinons est un texte de justice sociale, qui s’inscrit dans le prolongement de l’ambition qui inspirait le Conseil national de la Résistance. Elle vise aussi à l’efficacité écologique.
On peut certes considérer que le texte mérite d’être amélioré sur tel ou tel point ou même qu’il présente des imperfections, mais on ne saurait, à aucun titre, invoquer contre lui une remise en cause des principes inscrits dans le Préambule de 1946 ! L’objet de cette proposition de loi est, au contraire, de prolonger celui-ci, dans la lettre et dans l’esprit, en combattant les inégalités que subissent aujourd’hui nombre de nos concitoyens du fait de l’augmentation des prix de l’énergie.
Le Gouvernement est donc défavorable à cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité et souhaite que la discussion puisse se poursuivre au Sénat, afin d’améliorer le texte. §
Ce débat est tout simplement irréaliste. À l’origine, cette proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale portait sur la tarification progressive de l’électricité ; elle est devenue, en cours de route, une proposition de loi visant à préparer la transition énergétique.
Or le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, madame la ministre, avez annoncé qu’il y aurait un débat sur la transition énergétique au début de l’année prochaine, dans quelques semaines. Par conséquent, pourquoi voulez-vous que, dans des conditions invraisemblables, nous adoptions aujourd’hui des mesures faisant l’objet d’un tel désaccord ?
Nous allons, comme nous l’avons fait en commission, voter la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité qui a été déposée par nos collègues communistes.
Je réponds, dès à présent, à une observation que j’ai entendue, en particulier de votre part, madame la ministre : vous avez manifesté votre étonnement que les sénateurs des groupes CRC, UMP et UDI-UC votent ensemble une motion. Madame la ministre, mes chers collègues, comme je l’ai déjà indiqué en d’autres circonstances, il n’y a pas, dans cette assemblée, de pestiférés.
Dans ce débat, nous réaffirmons simplement – et je crois que nos collègues communistes sont exactement sur la même ligne à cet égard – que le présent texte remet en cause les principes fondamentaux posés par la loi de 1946, en particulier celui de la péréquation tarifaire.
Madame la ministre, vous avez dit tout à l’heure que le prix de l’électricité serait le même pour tout le monde, or cette proposition de loi vise précisément à instaurer des différences selon les situations géographiques, sociales, familiales des consommateurs !
Je le dis avec beaucoup de fermeté et de conviction, le dispositif de ce texte est incroyablement compliqué, kafkaïen, ubuesque – je reprends ces qualificatifs, même s’ils ne vous plaisent pas. Quel consommateur pourra comprendre quelque chose à sa facture d’électricité ou de gaz ? Aujourd’hui, ce n’est déjà pas très clair, j’en conviens, mais avec le dispositif que vous nous proposez, personne ne pourra s’y retrouver !
Je veux revenir, dans cette explication de vote, sur un point essentiel ; peut-être n’ai-je pas été suffisamment entendu tout à l’heure.
On invoque aujourd’hui l’urgence, parce que l’hiver arrive.
Le général Hiver est déjà là, on ne peut laisser des personnes démunies dans le froid, sans électricité ni gaz !
Ce texte arrive, tel le bon Samaritain, pour sauver la situation ! Eh bien non, je le dis avec fermeté, cette proposition de loi n’apporte rien !
Si elle devait être adoptée, les dispositions législatives actuelles, celles qui ont été prises par des gouvernements de droite quand la gauche n’avait rien fait, seraient modifiées sur un seul point : l’administration fiscale, et non plus seulement les caisses d’assurance maladie, fourniront les indications nécessaires à l’identification des personnes éligibles aux tarifs sociaux. Soit dit par parenthèse, l’administration fiscale a déjà informé M. Courteau qu’elle était absolument incapable d’apporter ces renseignements…
Aujourd’hui, on voudrait nous faire croire que les sénateurs des groupes CRC, UMP et UDI-UC se rendraient responsables, en votant cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, du report de l’application de dispositions relatives aux tarifs sociaux ! Franchement, il ne faut pas dépasser les bornes ! Les tarifs sociaux, c’est nous qui les avons mis en place, et leur application peut, je le rappelle, être élargie par décret. Madame la ministre, prenez donc votre plume, faites travailler vos services !
Vous ne m’avez absolument pas répondu !
Je le redis, cette loi n’apporte rien, si ce n’est que l’administration fiscale devra fournir des informations. En réalité, vous auriez pu traiter cette question depuis des mois.
Madame la ministre, j’espère que le vote qui interviendra sans doute tout à l’heure ne sera pas qualifié de « cafouillage parlementaire ». Non, ce ne sera pas un cafouillage : nous sommes résolument opposés à ce texte-là !
Je comprends que cette semaine est quelque peu éprouvante, mais, rassurez-vous, avec le pont du 1er novembre, les risques de couacs, de difficultés supplémentaires sont relativement limités…
Il est absolument nécessaire que s’ouvre une véritable concertation afin de répondre à certaines urgences, concernant notamment les plus démunis de nos concitoyens. Nous y sommes prêts.
Je conclurai en évoquant une fable de La Fontaine, Le Gland et la Citrouille, qui vous permettra de relativiser vos difficultés, madame la ministre.
Un villageois, se promenant dans la campagne percheronne, observe ce qu’il pense être une anomalie : les citrouilles sont posées sur des tiges fragiles, tandis que les glands sont accrochés aux grosses branches de chênes immenses. Il s’étonne de ce désordre de la nature et en fait reproche au bon Dieu, avant de s’endormir sous le chêne. Mais son sommeil est brutalement interrompu par la chute d’un gland sur son nez, et il se dit alors que la nature est finalement bien faite : mieux vaut recevoir un gland sur le nez qu’une citrouille ! §
Madame la ministre, mieux vaut prolonger la réflexion de quelques semaines que subir un nouvel échec ! §
Le groupe écologiste votera évidemment contre cette motion.
Le médiateur de l’énergie, qui n’est pas de ma sensibilité politique, vient de faire réaliser une enquête montrant que 79 % des Français expriment une profonde inquiétude à l’égard des questions énergétiques. Le Sénat risque de répondre ce soir à cette inquiétude en refusant d’examiner la proposition de loi et en la renvoyant sans modification à l’Assemblée nationale. Un tel message ne correspond absolument pas à l’état d’esprit actuel de nos compatriotes ! Cette situation m’inspire un certain malaise.
Un autre motif de malaise tient à l’argumentaire des partisans de la motion. On les entend invoquer 1789, 1936, 1946…
Cet accord sur le tout-nucléaire et la promotion du chauffage électrique figurent parmi les causes des situations de précarité énergétique que l’on connaît aujourd’hui !
Comme vient de le dire assez clairement, et avec raison, notre collègue Lenoir, vous vous apprêtez en fait à voter contre l’ouverture du débat sur la transition énergétique
Non ! sur les travées de l’UMP.
Avec le vote de ce soir, nous allons obligatoirement prendre du retard dans l’extension des tarifs sociaux, aux dépens des populations en situation de précarité énergétique. C’est une conséquence mécanique de ce vote. J’espère que le Gouvernement trouvera le moyen de réduire cette perte de temps au minimum.
Seconde conséquence, alors que les industriels de l’éolien s’étaient jusqu’à présent efforcés de tenir en espérant l’arrivée aux affaires d’un gouvernement qui les entendent enfin et qui ne soit pas « anti-éolien », comme l’était le précédent, nous prenons là aussi plusieurs semaines, voire plusieurs mois, de retard ! Vous adressez là un signal très négatif à une filière d’avenir qui représente des centaines de milliers d’emplois partout ailleurs dans le monde ! Il faut mettre un terme à l’obscurantisme dans notre pays ! §
Vous prendrez vos responsabilités, nous prendrons les nôtres. Il y avait pourtant de la place pour débattre et faire des propositions sur la base du travail réalisé par Roland Courteau, mais vous avez préféré adopter une posture politicienne. J’espère simplement que le Gouvernement fera preuve de détermination pour passer outre vos manœuvres d’obstruction ! §
J’observe que cette proposition de loi, jugée inutile et obsolète par certains de nos collègues, mobilise nos énergies depuis maintenant cinq heures !
Le travail de grande qualité réalisé par Roland Courteau, qui a répondu aux diverses objections de façon très précise, devrait faire regretter à ceux d’entre vous qui possèdent un tant soit peu d’honnêteté intellectuelle de ne pas pouvoir poursuivre le débat.
Certains, dans cet hémicycle, ont abordé le débat avec l’idée préconçue que la présente proposition de loi devait être rejetée sans examen, en cherchant d’ailleurs de nombreux prétextes pour justifier leur attitude.
Selon vous, monsieur Lenoir, il serait facile de procéder par décret pour étendre l’application des tarifs sociaux. Mais à l’heure où 8, 5 millions de nos concitoyens sont touchés par la précarité énergétique, vous conviendrez, mon cher collègue, que graver dans le marbre de la loi un tel dispositif lui donnerait tout de même un tout autre poids !
D’ailleurs, si prendre des mesures au moyen d’un décret est aussi simple et efficace que vous le dites, pourquoi ne l’avez-vous pas fait quand vous étiez au pouvoir ?
Je pourrais aisément démontrer que, avec les dispositions actuellement en vigueur, les tarifs sociaux sont en réalité très difficilement accessibles. Elles laissent sur le bord du chemin les deux tiers des personnes éligibles.
Que vous le vouliez ou non, ce sont, au moins pour partie, les conséquences sociales et économiques de votre gestion qui ont plongé 8, 5 millions de personnes dans une situation de précarité énergétique.
Vous avez évoqué Kafka et parlé d’irréalisme ; pour ma part, je soulignerai l’hyperréalisme de la situation de nos concitoyens en situation de précarité énergétique : comme vous l’avez dit vous-même, le général Hiver frappe à la porte !
Renvoyer ce texte dans les méandres du cheminement parlementaire nous fera incontestablement perdre du temps. Vous prenez le risque de retarder la généralisation de la trêve hivernale et l’extension des tarifs sociaux.
Permettez-moi de vous dire enfin que ce qui est irrecevable aujourd’hui, c’est de balayer d’un revers de main, comme vous le faites en obéissant à des arrière-pensées qui ne concernent que vous, nos concitoyens confrontés à la précarité énergétique ! §
Cette motion tendant à opposer l’exception l’irrecevabilité, que M. le président de la commission des affaires économiques a présentée sans doute à contrecœur, avait été défendue en commission par ma collègue Mireille Schurch. Sans revenir sur le détail des arguments que nous avions alors développés, je voudrais insister ce soir sur deux points qui revêtent, à nos yeux, une importance particulière.
Nous regrettons tout d’abord la présence, quoi qu’on en dise, de cavaliers législatifs dans ce texte, s’agissant en particulier des dispositions relatives aux éoliennes.
Nous sommes tous ici des gens honnêtes et responsables. On nomme « cavaliers » des amendements dépourvus de tout lien avec l’objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Or les articles relatifs à l’implantation d’installations de production d’énergie mécanique, introduits à l’Assemblée nationale par voie d’amendements gouvernementaux déposés durant la nuit, n’avaient pas de lien avec un texte relatif à la tarification progressive de l’énergie. C’est une réalité !
Malgré tous vos efforts, vous ne nous avez pas convaincus du contraire ! Le changement tardif de l’intitulé de la proposition de loi ne constitue à cet égard qu’une manœuvre tout à fait inopérante.
Nous regrettons également la façon dont ces amendements ont été présentés, sans avoir fait l’objet d’un examen par la commission, dans le mépris du travail d’analyse technique que peuvent accomplir les différents groupes parlementaires.
La procédure parlementaire n’est pas une affaire de pure forme ! Elle garantit l’expression démocratique des représentants du peuple.
Je ne m’attarderai pas sur certaines objections surréalistes entendues en commission. Figurez-vous que, l’électricité n’existant pas en 1789, les principes posés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen seraient donc inapplicables en l’occurrence… Je tiens néanmoins à insister sur le fait que le respect du principe d’égalité affirmé à l’article VI de ce texte fondamental, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, s’impose au législateur.
Le dispositif prévu au titre Ier de la proposition de loi rompt avec ce principe, en ce que sa mise en œuvre placera une partie de nos concitoyens, du fait des contraintes insurmontables imposées par leur condition sociale, dans l’impossibilité d’adopter le comportement vertueux visé par le texte. Il ne s’agit pas simplement ici des personnes bénéficiant des tarifs sociaux, mais de tous les foyers qui n’ont pas les moyens de financer les travaux d’isolation et de rénovation de leur habitation.
Certainement pas ce qui est prévu dans la proposition de loi !
Il s’agit aussi des locataires qui ne pourront, en raison d’un rapport de force déséquilibré en faveur des propriétaires, imposer la réalisation de travaux ou récupérer des malus dont ils ne sont pas responsables. §
Nous considérons que des risques non négligeables d’annulation pèsent sur cette proposition de loi, en raison de la violation de l’article 34 de la Constitution – encore un grand texte ! –, au regard de l’incompétence négative du législateur, au titre de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui pose le principe de la proportionnalité de l’effort fiscal, ainsi que du neuvième alinéa du Préambule de la Constitution du 17 octobre 1946, qui dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité », en raison notamment de la privatisation de l’effacement.
La proposition de loi qui nous est soumise pose donc de grandes difficultés sur le plan constitutionnel. C’est pourquoi nous voterons sans hésitation la motion présentée par la commission, d’autant que son adoption n’hypothèquera en rien les dispositions sociales importantes qu’elle contient.
Il serait vraiment malhonnête de faire accroire que le groupe CRC se rend responsable du report de la généralisation de la trêve hivernale. Je vous rappelle, madame la ministre, mes chers collègues, que nous étions seuls, l’hiver dernier, à proposer et à faire adopter par cette assemblée les dispositions que l’on retrouve à l’article 8 de cette proposition de loi !
Nous avons retravaillé ces dispositions depuis lors, afin d’interdire non seulement les coupures de fourniture, mais également les résiliations unilatérales de contrat par des opérateurs peu scrupuleux.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet de la motion qui a été adoptée la semaine dernière par la commission des affaires économiques et qui vient de nous être présentée en séance publique comporte plusieurs critiques à l’endroit de cette proposition de loi : rupture d’égalité devant l’accès à l’énergie, rupture du principe de péréquation tarifaire, incompétence négative du législateur et non-respect du principe de proportionnalité de l’effort fiscal.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble de ces critiques, même si je les reprends à mon compte.
Je l’ai dit lors de la discussion générale, les objectifs de cette proposition de loi sont défendables, et même louables.
Sur toutes les travées, nous sommes prêts à accélérer la transition énergétique en améliorant la performance des logements.
Sur toutes les travées, nous sommes prêts à accompagner la hausse inéluctable des tarifs de l’énergie en luttant contre la précarité énergétique et en instaurant une véritable progressivité des tarifs.
Néanmoins, rien n’a été fait, tant sur la forme que sur le fond, pour nous permettre de travailler dans la sérénité.
Tout d’abord, le choix de déposer une proposition de loi plutôt qu’un projet de loi nous prive d’une étude d’impact, de l’avis juridique du Conseil d’État ou encore de la possibilité de consulter la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur la gestion des fichiers de consommateurs d’énergie.
Mme la ministre le conteste.
Il aurait été préférable de recourir à un autre vecteur législatif pour traiter ce sujet si important, qui touche l’ensemble des ménages français. Je ne minimise pas l’importance des propositions de loi, mais le législateur a aussi besoin des expertises des administrations centrales pour établir la loi, pour qu’elle soit acceptée et applicable. Lorsqu’un texte est aussi complexe, c’est une nécessité.
Ensuite, le recours à la procédure accélérée traduit une fois de plus l’impréparation du Gouvernement dans l’organisation de ses réformes et sa désinvolture à l’égard du Parlement. Nous légiférons sur les outils visant à améliorer la consommation énergétique, alors qu’un débat national et un projet de loi de programmation sur la transition énergétique nous ont été promis.
Par ailleurs, sur un texte aussi technique, une seule lecture ne saurait évidemment permettre aux deux assemblées de trouver un accord. Mais peut-être souhaitez-vous passer en force, madame la ministre ?
Comme nous l’avons souligné lors de la discussion générale, le vote de cette motion annonce le rejet ultérieur des éventuelles conclusions de la commission mixte paritaire. Cela permettra, si le Gouvernement souhaite encore l’adoption de ce texte, une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat. Profitons du temps qui nous sépare de cette échéance pour approfondir les propositions du Sénat et perfectionner des dispositifs applicables, simples et surtout justes.
Le manque de justice du dispositif présenté est la critique majeure qui a retenu mon attention lors de la présentation de la motion. Les mesures proposées nous semblent très injustes et de nature à créer des distorsions entre les consommateurs, en pénalisant principalement les classes moyennes. Malheureusement, l’application du dispositif de bonus-malus aurait surtout pour effet de créer un malus-malus pour les classes moyennes, qui vivent dans des logements pas toujours neufs, pas toujours bien isolés et qui consomment déjà beaucoup d’énergie. Ce sont les mêmes ménages qui n’auront pas les moyens d’investir dans leur logement pour en améliorer la performance énergétique.
En ce qui concerne la question des tarifs sociaux et de la trêve hivernale, nous sommes prêts à examiner un texte spécifique.
S’agissant de l'arc républicain qui soutient la motion, je rappellerai que tous les orateurs ont exprimé leur scepticisme sur le texte. Vous avez pu les entendre voilà plus de quinze jours en commission, madame la ministre, mais vous avez préféré faire la sourde oreille et continuer votre chemin, malgré le court-circuit provoqué par l’adoption de la motion.
Vous nous enjoignez de voter ce texte parce que l’hiver est là, mais un tel argument vous renvoie à votre propre impréparation !
L’arrivée de l'hiver n’est une surprise pour personne !
Enfin, inviter à voter un mauvais texte, reconnu comme tel par beaucoup dans cet hémicycle, au prétexte que le Gouvernement n'a pas su faire mieux, voilà qui est tout de même absurde ! §
Le Parlement se respecte : il vote un texte s’il est bon, il le rejette s’il ne l’est pas. Pour notre part, nous considérons que le dispositif n’est pas améliorable dans les conditions qui nous sont proposées.
En conclusion, parce que le texte présenté ne permettra pas d’atteindre tous les objectifs assignés et que la réflexion doit être largement approfondie, le groupe UDI-UC votera cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. §
Plutôt qu’un texte ménageant une transition vers un système énergétique sobre, il nous faudra bientôt un texte de transition vers un système législatif sobre. §
À une très forte majorité, le groupe RDSE ne votera pas cette motion tendant à opposer l’exception d'irrecevabilité. En effet, nous partageons les objectifs généraux affichés au travers de cette proposition de loi, qu'il s'agisse de la recherche de la sobriété énergétique ou de la progressivité tarifaire, tandis que les quatre motifs avancés pour justifier le dépôt de la motion ne nous ont pas convaincus.
Premièrement, cette proposition de loi serait contraire à l'article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, car elle introduirait une rupture d'égalité dans l'accès à l'énergie. Nous ne considérons pas que ce soit le cas.
Deuxièmement, elle romprait avec le principe de la péréquation tarifaire. Cela n’est pas du tout évident à notre sens.
Troisièmement, elle remettrait en cause les acquis du Conseil national de la résistance, car il s'agirait, là encore, d'une rupture du principe d'égalité dans l'accès à l'énergie. Nous n’en sommes pas non plus tout à fait convaincus.
Quatrièmement, elle serait contraire à l'article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, car ses dispositions ne respecteraient pas le principe de proportionnalité de l'effort fiscal, faisant peser une large part des malus contraints sur les ménages qui n'ont pas les moyens de procéder aux travaux d'isolation de leur logement.
Si ces arguments ne nous ont pas convaincus, nous aurions pu comprendre le dépôt d’une motion tendant au renvoi à la commission. Cela aurait été possible, même après engagement de la procédure accélérée, en application des dispositions de l'article 44, alinéa 5, du règlement du Sénat, avec l'accord du Gouvernement.
Cela nous aurait donné du temps pour élaborer un meilleur texte. Je crois que nous sommes tous d’accord ici sur la nécessité de légiférer sur ce thème. Pour notre part, nous sommes de ceux qui considèrent qu'il faut maintenir, voire développer, la filière nucléaire, mais aussi les énergies renouvelables. Nous ne sommes pas pour la décroissance, nous sommes pour la croissance. Nous sommes aussi de ceux qui considèrent qu’il faut mettre en place des mesures importantes d'économie d'énergie, permettre un meilleur accès à l'énergie pour nos concitoyens les plus en difficulté. Voilà un véritable programme, et c'est celui que nous souhaitons voir appliquer.
Madame la ministre, à vouloir aller trop vite, on n’atteint pas toujours le résultat souhaité. Chi va piano va sano ! Nous avons déjà eu l’occasion de le dire à l’occasion d’autres débats : il faut reprendre un rythme normal, sans recourir systématiquement à des propositions de loi et à la procédure accélérée. Le sujet qui nous occupe aujourd'hui méritait davantage de temps. Pour autant, ne voulant pas contrarier l'action du Gouvernement et étant sensibles aux objectifs qu’il a esquissés, une grande majorité des membres de notre groupe voteront contre la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. Nous espérons toutefois, madame la ministre, que notre message sera enfin entendu. §
Je mets aux voix la motion n° 11, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 13 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement regrette l’adoption de cette motion tendant à opposer l'exception d’irrecevabilité, qui, en coupant court au débat, empêche le Sénat d'améliorer le texte. Je déplore que des élus de gauche aient pu être instrumentalisés par la droite
Vives protestations sur les travées du groupe CRC et sur celles de l'UMP
… pour bloquer la discussion d’un texte de justice sociale et d'efficacité écologique.
Faites un peu de politique ! Avec qui avez-vous voté le TSCG et la loi sur le terrorisme ? Avec la droite ! Arrêtez, à la fin !
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement est déterminé à faire aboutir rapidement cette proposition de loi, qui correspond à un engagement du Président de la République, en tenant compte des débats parlementaires ayant déjà eu lieu, y compris la discussion de ce soir. Je proposerai aux sénateurs et aux députés les plus impliqués sur ce sujet une réunion dans les prochains jours, en vue de rechercher les voies d’un compromis. Je pense que c'est la bonne méthode. Le vote de cette motion est un obstacle, c'est vrai, mais il ne me paraît pas indépassable.
Applaudissements
Monsieur le président, je souhaite préciser que, cet après-midi, je voulais voter contre le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 6 novembre 2012, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
Projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement (Procédure accélérée) (n° 7, 2012-2013) ;
Rapport de Mme Laurence Rossignol, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (n° 98, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 99, 2011-2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 31 octobre 2012, à zéro heure trente.