… rien de moins que l’article XIII de celle-ci, rien de moins que le Préambule de 1946, rien de moins que l'article 34 de la Constitution, rien de moins que les acquis issus du programme du Conseil national de la Résistance.
Je partage, vous le savez bien, les valeurs qui sous-tendent ces textes, mais je ne comprends pas en quoi elles justifieraient de prononcer l’irrecevabilité de la présente proposition de loi.
Les auteurs de la motion mettent en cause une rupture du principe d’égalité dans le droit d’accès à l’énergie. Or le mécanisme du bonus-malus a ceci d’original qu’il va justement dans le sens d’une plus grande égalité dans ce domaine.
L’un des arguments les plus surprenants, qui relève, je l’espère, d’une mauvaise compréhension du mécanisme proposé, est en effet que le système du bonus-malus porterait atteinte au principe de péréquation, auquel le Sénat, représentant des territoires, est particulièrement attaché. Je ferai observer qu’un tel mécanisme n’opère pas, contrairement à ce qui a été dit et écrit, de différenciation des factures d’énergie sur le territoire national : il sera, au contraire, calibré pour que le montant des bonus et des malus inscrits sur les factures soit, pour des ménages similaires, identique à travers tout le pays.
La réalité, la voici : si l’on n’adaptait pas les volumes de base en fonction des conditions climatiques, les consommateurs du Midi, dont je fais partie, qui ont besoin d’un peu moins de chauffage l’hiver, bénéficieraient de bonus financés par les malus payés par les consommateurs des départements situés plus au Nord, où le climat, si j’en crois Météo France, est un peu moins clément pendant l’hiver… Je ne suis pas sûr que ces derniers soient tout à fait d’accord avec une telle conception de la péréquation.
Les nombreux cas particuliers que les débats à l’Assemblée nationale ont fait apparaître, qui ont conduit certains à craindre une rupture d’égalité dans l’application du dispositif, ne traduisent pas un vice inhérent au principe de la tarification progressive, de nature à justifier que le texte soit déclaré irrecevable au regard de notre Constitution.
À mon sens, les difficultés soulevées sont plutôt liées aux modalités retenues pour la mise en œuvre du mécanisme et à leur manque de flexibilité. Ainsi, la tranche intermédiaire retenue par les députés, au-delà de laquelle sont appliqués les malus, est sans doute beaucoup trop étroite.
C’est pourquoi j’ai travaillé sur un dispositif, que j’ai repris, par voie d’amendement, avec les membres du groupe socialiste et apparentés, dans lequel les malus seraient appliqués au-delà du triple du volume de référence, des dispositions spécifiques étant prévues, même à ce niveau de consommation, pour les ménages précaires et les familles nombreuses.
Je serais heureux, mes chers collègues, de pouvoir vous exposer comment un tel dispositif répondrait à la plupart des interrogations des opposants au principe du bonus-malus, mais cette motion de procédure risque de m’en empêcher…
Pour ce qui concerne la nécessité de définir plus précisément dans la loi elle-même la définition des volumes de référence, les auteurs de la motion ont raison : le Parlement ne peut, en effet, se reposer sur le pouvoir réglementaire. Cela étant, le dispositif que j’entendais proposer apporte, justement, une définition beaucoup plus précise du volume de référence, qui, à mon sens, satisfait pleinement aux critères définis par la Constitution.
D’après les études qu’a réalisées Bercy à ma demande, ce volume pourrait être – c’est un ordre de grandeur – de 6 mégawattheures pour l’électricité et de 15 mégawattheures pour le gaz.
C’est précisément pour tenir compte du poids que le mécanisme voté à l’Assemblée nationale ferait peser sur les ménages qui ne pourraient réaliser des travaux d’amélioration de la performance énergétique que je souhaitais proposer que les sommes dégagées grâce à l’application du malus soient utilisées pour l’amélioration de la performance énergétique des logements. En bénéficieraient en priorité les personnes à revenus modestes, et non celles qui ont la chance de vivre dans un logement déjà bien isolé, ces dernières comptant d’ailleurs rarement parmi les plus défavorisées.
Mieux vaut en effet, me semble-t-il, utiliser ces sommes de manière ciblée sur les ménages qui en ont besoin : cela leur apportera, à la fois, une réduction de leur facture et un bien-être supplémentaire
Je me réjouis d’ailleurs que certains sénateurs centristes partagent mes vues. Ceux-ci ont en effet déposé un amendement, à l’article 6, tendant à ce que le service public de la performance énergétique soit financé en partie par les recettes issues de la tarification progressive. Ils ne pourront malheureusement pas avoir satisfaction sur ce point si la motion est adoptée.