Intervention de François Marc

Réunion du 29 octobre 2012 à 14h30
Programmation et gouvernance des finances publiques — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de François MarcFrançois Marc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis une dizaine d’années, les réformes ou projets de réforme de la gouvernance des finances publiques se sont multipliés. Entre 1959 et 2000, de nombreux projets de modification de notre ancienne ordonnance organique, plus ou moins ambitieux, avaient été imaginés, mais aucun de ces projets n’avait été sérieusement débattu.

Depuis les travaux engagés en 2000 et qui ont débouché en 2001 sur la loi organique relative aux lois de finances, le paysage des règles de gouvernance n’a cessé de s’enrichir.

Au niveau européen, le pacte de stabilité a pris de l’importance, surtout depuis 2003. Outre le TSCG, dont nous tirons aujourd’hui les conséquences, une importante réforme du pacte de stabilité a été adoptée en novembre 2011, et deux autres règlements européens, importants eux aussi, doivent être adoptés d’ici à la fin de l’année.

Au niveau national, nous avons, depuis 2005, une loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. En 2008, nous avons inscrit dans notre Constitution l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques, et créé l’instrument juridique devant concourir à cet objectif : les lois de programmation des finances publiques.

Depuis 2011, le programme de stabilité transmis chaque printemps à l’Union européenne est débattu au Parlement, qui s’exprime par un vote.

L’arsenal avait donc depuis de nombreuses années été largement doté. Il est évident que notre présence aujourd’hui pour discuter d’un projet de loi organique s’explique par l’accélération de la crise de la zone euro.

Sans cette crise, les États n’auraient pas décidé d’élaborer un traité intergouvernemental visant à demander aux pays membres qui le signeraient de transposer dans leur droit national une règle inscrite dans le droit européen quelques semaines auparavant.

Sans la crise de la zone euro, nous n’aurions peut-être pas pris l’initiative de transposer cette règle dans notre droit interne avec plus d’un an d’avance sur le calendrier permis par le traité. Nous reviendrons sur ces points. Mais, auparavant, je voudrais indiquer que nous avions semé, dès la loi organique relative aux lois de finances de 2001, des idées qui germent, en quelque sorte, dans le projet de loi organique.

En 2001, nous avions souhaité que soit annexée à la loi de finances une programmation pluriannuelle des finances publiques qui présente la cohérence entre les orientations de la loi de finances et les engagements européens de la France. Nous avions également souhaité, avant le début de la discussion des textes financiers de l’automne, pouvoir débattre de l’évolution consolidée des finances de l’ensemble des administrations publiques, sur la base d’un rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires.

Le texte dont nous discutons aujourd’hui constitue une concrétisation aboutie de cette démarche.

Nous allons nous doter d’une règle qui porte sur le périmètre de l’ensemble des administrations publiques et dont l’objet est de tendre vers l’équilibre des comptes publics, objectif déjà constitutionnel chez nous depuis 2008 et qui se justifie par la nécessité de contenir notre dette publique à un niveau soutenable.

Non seulement nous aurons un débat sur les finances publiques au sens large, en dépassant la segmentation entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale, mais nous allons voter sur les perspectives de solde de l’ensemble des administrations publiques, dans l’article liminaire des lois de finances.

Je me permets de faire ces rappels pour bien souligner que les évolutions de la gouvernance de nos finances publiques qui résulteront de ce projet de loi organique ne sont pas seulement les conséquences d’un traité européen ; elles rejoignent des préoccupations exprimées, au Sénat en particulier, depuis plus de dix ans.

À cet égard, en reprenant une règle qui se serait imposée à nous en tout état de cause en application du volet préventif du pacte de stabilité, le TSCG peut s’interpréter de deux manières.

Pour les uns, il s’agirait de l’un des exemples les plus emblématiques de la manière dont certains États influents en Europe ont cherché, ces dernières années, à court-circuiter la mécanique communautaire au profit de l’intergouvernementalisme.

Pour les autres, l’obligation d’inscrire une norme précise dans le droit interne serait un moyen de « nationaliser » une règle dont la mise en œuvre aurait été, à défaut, uniquement contrôlée par la Commission européenne. On peut donc y voir un rapprochement entre la règle et les citoyens, un renforcement de la légitimité de celle-ci.

Sans doute les deux interprétations contiennent-elles l’une et l’autre du vrai. Quoi qu’il en soit, nous sommes saisis aujourd’hui d’un projet de loi organique. Nous aurions pu être saisis d’un projet de loi constitutionnelle, si les résultats de l’élection présidentielle avaient été différents, ou si les interprétations du traité formulées immédiatement après sa signature avaient été confirmées par la Commission européenne puis, pour ce qui concerne notre ordre juridique interne, par le Conseil constitutionnel.

Dans ces conditions, pourquoi n’existe-t-il pas d’obligation juridique de réviser la Constitution ? Parce que, comme vous le savez, le Conseil constitutionnel comme la Commission européenne ont considéré qu’il n’était pas nécessaire que la règle figurant à l’article 3 du TSCG ait force contraignante dans l’ordre juridique national.

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