Séance en hémicycle du 29 octobre 2012 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • TSCG
  • solde
  • structurel
  • trajectoire

La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :

- en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ; il a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission des finances ;

- en application de l’article L. 4111-1 du code de la défense, le sixième rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire ; il a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

- en application de l’article 61 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012, le rapport sur le financement des établissements de santé ; il a été transmis à la commission des affaires sociales et à la commission des finances ;

- en application de l’article 40 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001, le rapport annuel du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés ; il a été transmis à la commission des affaires sociales ;

- l’avenant à la convention financière du 4 janvier 2011 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche pour la réalisation des actions relatives au programme d’investissements d’avenir ; il a été transmis à la commission des affaires économiques, ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et à la commission des finances.

Acte est donné du dépôt de ces documents.

Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

Mes chers collègues, il convient d’interrompre nos travaux quelques instants en attendant l’arrivée de M. le ministre de l’économie et des finances.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quatorze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures cinquante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

M. le président. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation de la chambre des représentants de Chypre.

Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Cette délégation est conduite par M. Averof Neofytou, président de la commission des affaires étrangères et européennes et du groupe d’amitié Chypre-France, et accompagnée par M. Marc Massion, président du groupe d’amitié France-Chypre, ainsi que par les membres de ce groupe.

Cette visite intervient alors que la République de Chypre exerce pour la première fois la présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne. Dans un contexte exigeant, nos collègues chypriotes s’attachent à poursuivre des objectifs ambitieux et à rendre l’Union plus efficace, plus proche de ses citoyens et plus performante sur le plan économique.

Nous formons le vœu que cette visite conforte les relations entre nos deux pays, relations qui se développent considérablement depuis l’entrée de Chypre dans l’Union européenne et son adhésion pleine à l’Organisation internationale de la francophonie.

Nous souhaitons aux membres de cette délégation la bienvenue au Sénat français.

Mmes et MM. les sénateurs applaudissent, ainsi que M. le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (projet n° 43 rectifié, texte de la commission n° 84, rapport n°83, avis n° 74).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à dire devant la Haute Assemblée la confusion qui est la mienne en cet instant. Sans doute l’excuse est-elle insuffisante, mais, il y a quelques minutes à peine, mal informé quant à l’heure de début de cette séance, j’étais encore aux côtés du Président de la République, qui rencontrait à l’OCDE un certain nombre de grands responsables d’organisations internationales.

Face à l’incongruité de la situation, je vous dis tous mes regrets d’avoir fait attendre le Sénat et espère que vous saurez pardonner ce retard, qui n’est ni dans mes habitudes, ni dans ma culture, d’autant que le texte dont nous commençons l’examen revêt une importance toute particulière.

Ce projet de loi organique participe en effet de la refondation du paysage des finances publiques que nous avons entamée cet automne, à la fois sur la forme et sur le contenu. Le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques et le présent texte visent à améliorer nos règles de gestion, pour donner des gages de crédibilité à nos engagements, sans nuire de quelque manière que ce soit à la souveraineté de la représentation nationale. Ils renforcent ainsi la gouvernance budgétaire autour d’un Parlement mieux informé et mieux associé.

Ces textes profondément structurants constituent une avancée non seulement pour nos comptes, mais aussi pour le Sénat et l’Assemblée nationale. Indépendamment de la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, dont ils sont aussi, il faut bien l’avouer, la conséquence, ils viennent utilement moderniser nos outils de pilotage des finances publiques. Je crois que nous pouvons collectivement nous en féliciter.

Je voudrais dire un mot du contexte national et européen dans lequel s’inscrit le projet de loi organique, avant d’en venir plus précisément à sa substance.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté à une large majorité le projet de loi autorisant la ratification du TSCG. Il faut à présent prolonger et parachever ce travail avec ce projet de loi organique, qui vise à mettre en œuvre l’article 3 du TSCG, ainsi que les règles communautaires dites du « six-pack » et du « two -pack », qui devraient être prochainement adoptées.

Au niveau communautaire, ainsi que les responsables de l’OCDE, du FMI, de la Banque mondiale et de l’OIT l’expliquaient tout à l’heure, et comme chacun le reconnaît, la dynamique progressiste qui s’est dessinée lors du Conseil européen de juin se confirme. Le premier conseil des gouverneurs du Mécanisme européen de stabilité, auquel j’ai participé, a eu lieu au début du mois d’octobre. Avec ce fonds de secours destiné aux pays fragiles de la zone euro, l’Union a franchi une étape dans la solidarité.

Le Conseil européen des 18 et 19 octobre a précisé le calendrier d’une union bancaire qui s’accompagnera, comme le souhaitait la France, d’un champ de supervision étendu.

Enfin, la mise en œuvre du plan de relance européen, du pacte de croissance, progresse.

Bref, le cadre se met progressivement en place.

C’est à l’aune de ces évolutions en matière de gouvernance des finances publiques et de rééquilibrages politiques au sein de l’Union que je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à examiner ce projet de loi organique.

J’en viens maintenant au contenu de ce texte, qui vous est à présent largement familier ; aussi, je me contenterai d’en souligner les principaux aspects, tout en rappelant la disponibilité du Gouvernement pour en enrichir le contenu, avec votre concours.

S’agissant de moyens nouveaux que le Gouvernement et le Parlement auront en partage pour le pilotage des finances publiques, nous nous sommes attachés à maintenir sans faille un dialogue étroit. Vous pouvez en témoigner, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs généraux.

Les travaux de l’Assemblée nationale et de la commission des finances du Sénat ont déjà permis d’apporter des précisions utiles ; c’est dans le même esprit d’ouverture que les suggestions qui seront formulées au cours de cet examen en séance publique seront considérées.

Avec ce projet de loi organique, nous nous dotons d’une « boîte à outils » commune et utile pour le pilotage des finances publiques partagée à la fois par l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale.

Je veux préciser de nouveau, car je sais que c’est fondamental pour nombre d’entre vous, que les innovations contenues dans ce projet de loi organique sont exclusivement – j’y insiste – d’ordre procédural. D’ailleurs, il ne pourrait en aller autrement aux termes de la Constitution : une loi organique fixe des règles, définit une procédure.

En aucun cas ce projet de loi organique ne fait de l’équilibre budgétaire un absolu. Certes, il est la conséquence du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, mais il pourrait exister par lui-même et de façon autonome. Il fixe des règles de bonne gestion en toute hypothèse.

Ce texte prend en compte les circonstances économiques qui contraignent les États et n’impose aucune correction automatique de la trajectoire de nos comptes. Il permet un pilotage des comptes publics qui évite les écueils d’un éventuel « surajustement » en période de croissance faible et laisse donc les pouvoirs exécutif et législatif libres de définir la voie à emprunter pour tendre vers l’équilibre.

Ce texte s’organise autour de trois grands chapitres : une révision de la structure des lois financières, la création d’un Haut conseil des finances publiques et l’introduction d’un mécanisme de correction.

Tout d’abord, il met en place des règles pour l’élaboration de nos lois financières – lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale. Il institue un pilotage structurel des finances publiques, c’est-à-dire que nos objectifs seront désormais exprimés en termes de solde structurel – c’est le souhait qu’a exprimé Mme Lagarde, ce matin, devant le Président de la République – ou, autrement dit, sur la base d’un solde corrigé des aléas de la conjoncture.

Je tiens à apporter une clarification : si nous pouvons progresser dans la précision du calcul de ce solde, celui-ci n’est pas pour autant un outil complaisant, car ni son taux effectif ni son évolution ne pourront masquer l’absence éventuelle de réformes de fond ou la dégradation de nos finances publiques, indépendamment des effets de la conjoncture. Néanmoins, il permet d’éviter ce que la conjoncture peut avoir d’excessif et autorise des corrections de nature procyclique ou contracyclique, pour reprendre le vocabulaire des économistes.

Les lois financières suivront désormais une structure différente, qui intégrera la question du respect d’un « objectif de moyen terme » pour les finances publiques, défini dans les lois de programmation des finances publiques.

Cet objectif prendra la forme d’une cible de solde structurel pour les comptes de l’ensemble des administrations publiques. Jérôme Cahuzac, qui nous rejoindra en fin d’après-midi, a eu l’occasion d’expliquer devant la commission des finances du Sénat pourquoi cette approche globale de nos comptes était fondamentale et a rappelé l’esprit de la décision du Conseil constitutionnel à ce sujet. Il connaît la sensibilité naturelle de votre assemblée sur toutes les questions touchant les collectivités locales. Néanmoins, c’est bien un raisonnement toutes administrations publiques confondues qu’il convient de tenir.

Cette approche est absolument nécessaire au pilotage effectif de la trajectoire de finances publiques que nous appelons de nos vœux.

Les lois de programmation décriront par ailleurs la trajectoire de retour à l’objectif de moyen terme des finances publiques et seront établies sur trois ans au moins. Le Gouvernement a proposé que chaque loi de finances intègre un tableau de bord qui permette au Parlement de vérifier le respect de cette trajectoire pour l’année à venir, l’idée étant, bien sûr, de soumettre à son examen une information à la fois plus lisible et fortement enrichie.

Les travaux de l’Assemblée nationale ont permis de préciser ou de renforcer la cohérence des dispositions que nous avions initialement proposées dans ce chapitre.

La trajectoire d’effort structurel s’intègre à présent, en sus de la trajectoire de solde structurel, dans le corps même des lois de programmation des finances publiques, plutôt qu’en annexe. C’était le souhait, notamment, du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

Si le traité requiert d’exprimer la trajectoire en termes de « solde structurel », le concept d’« effort structurel », calculé comme la somme des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires et de l’« effort en dépense », reflète plus fidèlement encore que le « solde structurel » la partie des finances publiques qui peut être directement pilotée par le législateur ou ce qu’on appelle, dans le jargon financier, la « composante discrétionnaire » des finances publiques.

Cette modification rédactionnelle offre une marge de manœuvre supplémentaire au Parlement et renforce utilement la transparence et la lisibilité de la trajectoire.

Dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, il était proposé d’expliciter que les lois de programmation des finances publiques devaient se conformer à un principe de sincérité. Cela va de soi, me direz-vous ! La commission des finances du Sénat a, pour sa part, supprimé cet article, sans doute en portant au crédit au Gouvernement d’avoir d’ores et déjà fait sien ce principe dans l’élaboration des lois financières et en relevant qu’en tout cas cette exigence apparaissait déjà dans la jurisprudence constitutionnelle.

Il reviendra aux deux assemblées d’avancer sur ce point dans leurs discussions. Cette modification ayant été introduite par amendement à l’Assemblée nationale, la version initiale du texte nous convient bien évidemment.

La principale modification voulue par l’Assemblée nationale est l’intégration, dans les lois de règlement, d’un tableau de synthèse toutes administrations publiques confondues, analogue à celui qui est prévu pour les lois de finances et les lois de finances rectificatives. Le Gouvernement y était favorable pour accroître l’intérêt de nos débats sur les lois de règlement, qui restent parfois un exercice un peu formel.

Il est entendu que les données disponibles dans le calendrier de dépôt de ces projets de loi ne pourront être techniquement parfaites, mais il est certainement utile qu’il y ait ce point d’étape dans vos travaux avant l’été sur l’exécution des prévisions « toutes administrations publiques » de l’année écoulée.

Cet ajout, je le signale, n’est pas sans conséquence sur l’organisation des travaux parlementaires, puisque le Gouvernement devra alors, dans cette configuration, expliquer les écarts entre la prévision et l’exécution dès la loi de règlement et non dans le document d’orientation des finances publiques. Cela interviendra donc un peu plus tôt encore.

J’en viens au deuxième volet de ce projet de loi organique, à savoir la création d’un Haut conseil des finances publiques.

Ce Haut conseil aura deux responsabilités : vérifier la fiabilité des prévisions macroéconomiques, ce qui contribuera à éclairer pleinement le Parlement, et donner un avis sur le respect de la trajectoire des finances publiques à moyen terme.

Il ne prescrira pas de recettes économiques, ce n’est pas son rôle, mais il se prononcera sur la cohérence des projets de loi financière présentés au Parlement.

Le mécanisme que nous proposons n’intègre donc pas de jugement ex post, mais il met en place, avec le Haut Conseil, une structure qui examinera ex ante la politique budgétaire et financière proposée par le Gouvernement afin de vérifier si celle-ci est en adéquation avec la trajectoire de retour à l’équilibre telle qu’adoptée par le Parlement.

Ce rôle d’évaluation, d’appréciation et, in fine, de correction est extrêmement important.

Les avis du Haut Conseil ne s’imposeront ni au Gouvernement ni au Parlement ; cela étant, le juriste que je suis envisage difficilement qu’ils ne soient pas suivis. Il serait très délicat pour un gouvernement de s’affranchir de ces avis : si la politique menée s’écartait de la trajectoire de retour à l’équilibre, la sanction des marchés serait immédiate – sans parler de la sanction politique !

Nous avons cependant récusé toute injonction au gouvernement et au Parlement dans le projet de loi organique. Le Haut Conseil aura donc une force considérable, mais sans empiéter sur les prérogatives tant du pouvoir exécutif que du pouvoir législatif. ; c’est ainsi que nous l’avons voulu.

Ce point a été longuement débattu au sein de votre commission des finances, mais Jérôme Cahuzac a apporté sur ce sujet toutes les assurances nécessaires. Évitons de nous corseter davantage.

Vos travaux ont par ailleurs permis de préciser encore l’objet même de ces avis, en particulier lorsque le Haut Conseil s’essaiera à estimer la croissance potentielle.

Votre commission des finances propose ainsi que le Haut Conseil recense les prévisions faites par l’ensemble des organismes économiques ou instituts statistiques, lorsqu’il exprime un avis sur les prévisions macroéconomiques de la loi de programmation des finances publiques.

Le Gouvernement partage le souci que vous avez exprimé de disposer d’un texte aussi complet et utile que possible, et cette proposition peut y contribuer. Je sais en particulier l’attachement du président et du rapporteur général de la commission des finances à la précision des définitions retenues. C’est aussi dans cette optique, me semble-t-il, que les membres du Sénat ont souhaité apporter des précisions, à l’article 15, sur le fonctionnement même du Haut Conseil.

Le Gouvernement proposait à l’origine que ce Haut conseil soit composé de quatre magistrats de la Cour des comptes et de quatre membres désignés par les présidents des assemblées et les présidents des commissions des finances. Ce Haut conseil serait par ailleurs présidé par le premier président de la Cour des comptes.

Vous avez pris connaissance des longs débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale à propos de la composition du Haut Conseil. Au cours des travaux de vos collègues députés, le projet de loi organique a connu, sur ce point, une évolution significative.

L’Assemblée nationale a d’abord souhaité faire siéger de droit au Haut Conseil le directeur général de l’INSEE. Un débat s’est alors ouvert sur le point de savoir si la présence de cette personnalité ne risquait pas d’entraver l’indépendance du Haut Conseil, qui est le principe absolu de son fonctionnement, dès lors qu’il est aussi le directeur d’une administration nommé en conseil des ministres. Je tiens à vous rassurer sur ce point : même s’il dépend du ministre, le directeur général de l’INSEE appartient à une administration exempte de toute complaisance. Cet organisme est reconnu en France, et aussi très largement au-delà de nos frontières, pour la qualité de ses analyses et précisément pour son indépendance.

La présence en son sein du directeur général de l’INSEE permettra donc au Haut Conseil d’obtenir davantage d’informations. Voilà pourquoi le Gouvernement ne pouvait qu’accueillir favorablement cette proposition.

Les députés ont également opté pour la nomination d’un membre supplémentaire, choisi par le président du Conseil économique, social et environnemental. Si vous suiviez l’Assemblée nationale, mesdames, messieurs les sénateurs, l’équilibre du Haut Conseil serait donc modifié, puisque les membres de la Cour des comptes se trouveraient en minorité dans cette instance ainsi élargie à onze membres.

Le Gouvernement ne s’y est pas opposé, tout comme il ne s’est pas opposé à la proposition de l’Assemblée nationale tendant à exclure explicitement les nominations d’élus par les présidents des chambres : elle est conforme à la conception que nous avons du Haut Conseil et de son rôle, qui est d’être non pas une instance représentative ou politique, mais un expert à même d’éclairer les choix du Gouvernement et du Parlement. En cette qualité d’expert, le Haut Conseil doit être totalement et absolument indépendant pour garantir la crédibilité de notre gouvernance renforcée des finances publiques.

Nous estimons, par ailleurs, que le Haut Conseil devrait comprendre des membres compétents dans l’ensemble du champ des administrations publiques, sans qu’il soit besoin d’entrer dans des logiques de spécialisation.

Dans le cadre ainsi défini, la position du Gouvernement, qui laisse place aux suggestions du Parlement, est une position de sagesse. Après avoir entendu les députés, nous serons à l’écoute des avis des membres de la Haute Assemblée.

Il me semblait important non seulement de vous indiquer les décisions prises mais aussi de vous restituer les débats qui les ont précédées.

Enfin, troisième volet, le projet de loi organique prévoit un mécanisme dit « de correction ».

Le Haut Conseil pourra alerter publiquement le Gouvernement et le Parlement si les écarts entre la trajectoire des finances publiques visée et leur trajectoire effective se creusent, afin que le débat s’engage sur la manière de remédier à ces écarts en tenant compte, le cas échéant, de circonstances exceptionnelles. Ce calendrier a évidemment pour objet de permettre au Parlement de bénéficier de l’éclairage du Haut Conseil avant que n’intervienne le débat d’orientation des finances publiques.

Le Gouvernement devra tenir compte de cet avis dans les lois financières suivantes et s’expliquer devant le Parlement, mais les règles européennes ne disent pas, j’y insiste, que la correction doit automatiquement et mécaniquement s’ensuivre – il n’y a ni corset, ni carcan, ni loi d’airain. Pour être plus précis, le caractère automatique du mécanisme de correction prévu par le traité, et repris dans le projet de loi organique, réside uniquement dans son déclenchement.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Je le répète, ce projet de loi organique est un texte de procédure et non de substance. Le contenu est défini ailleurs, le cas échéant dans les traités, les lois de programmation et les décisions qui sont prises par les assemblées quand elles débattent de dispositions de finances publiques dans toute leur diversité.

Seul le législateur financier – c’est-à-dire le Sénat et l’Assemblée nationale – pourra, sur proposition du Gouvernement, définir les voies et les moyens pour effectuer cette correction. Par conséquent, je le dis avec force, les prérogatives du Parlement en la matière ne sont pas altérées. §C’est notamment pour cette raison que le Conseil constitutionnel a jugé, le 9 août dernier, que la mise en œuvre du traité « ne port[ait] aucune atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ». C’est également pour cela que le Conseil a laissé au Gouvernement l’option entre inscrire ces mécanismes dans la Constitution ou les insérer dans une loi organique, c’est-à-dire une loi de procédure.

Je le dis au passage à l’intention de ceux qui auraient pu s’émouvoir de l’inscription de la règle d’or dans la Constitution – si tel avait été le sens de la décision du Conseil, nous aurions nous-mêmes adopté une autre attitude – qu’il n’y a ici ni règle d’or ni inscription de la règle d’or dans la Constitution. Le raisonnement du Conseil constitutionnel, imparable, s’impose à tous.

Là aussi, des débats très intéressants ont eu lieu au sein de votre commission des finances pour préciser les références au regard desquelles le Haut Conseil se prononcera sur l’existence d’un éventuel écart à la trajectoire. D’ores et déjà, je puis vous dire que l’examen des amendements déposés en ce sens devrait nous permettre de progresser.

J’ai conscience de la complexité législative induite par l’intégration des mécanismes européens dans les temps parlementaires nationaux, comme j’ai conscience de l’attachement de la représentation nationale à sa maîtrise de l’exercice budgétaire. Je sais ces attentes, j’y suis attentif, et je souhaite que nous puissions travailler ensemble à une meilleure lisibilité des échéances financières.

C’est dans cette optique que le Traité lui-même se réfère, en son article 13, à une conférence interparlementaire. Il me semble toutefois qu’il s’agit là, en définitive, d’un enrichissement du rôle d’un Parlement qui contrôlera mieux l’application des règles européennes, et donc d’un progrès démocratique.

Le texte issu des travaux de la commission spéciale de l’Assemblée nationale affirme par ailleurs le droit du Parlement de s’exprimer sur la gouvernance économique et budgétaire européenne, au-delà même des outils dont il dispose déjà aux termes de la Constitution, en prévoyant la possibilité d’organiser des débats parlementaires sur les documents produits par le Gouvernement et les institutions européennes au titre de la coordination des politiques économiques et budgétaires. C’est une aspiration à laquelle souscrit le Gouvernement, au-delà des dispositions présentées dans ce projet de loi organique, et qui trouvera certainement un écho dans cette assemblée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi organique n’est peut-être pas le texte le plus visible, le plus spectaculaire de cette session, mais il est sans doute l’un des plus importants, parce qu’il est profondément structurant et qu’il engage l’avenir. Nous dessinons en effet avec ce texte, enrichi par vos travaux, le cadre des futures discussions financières de la représentation nationale, et l’outil de travail des commissions des finances du Parlement.

Ce texte, que je n’hésite pas à qualifier de « décisif », va nous permettre de déployer notre stratégie pour les finances publiques, au sein d’un cadre qui allie souplesse – grâce au pilotage structurel, plutôt que nominal, nous pourrons à l’avenir laisser jouer les stabilisateurs automatiques, comme l’a dit la directrice générale du Fonds monétaire international – et robustesse, avec un mécanisme de correction qui offre des gages de crédibilité.

Il constitue donc, j’en suis profondément convaincu, un pas important sur la voie de ce redressement des comptes que nous avons résolument engagé, et qui trouvera son point d’aboutissement en fin de mandat, avec une étape décisive dès 2013.

J’espère que ce texte, ainsi paré de toutes les vertus que j’ai dites, fera l’objet d’une large approbation dans cette enceinte, comme cela a été le cas à l’Assemblée nationale, et j’attends avec intérêt les interventions des membres de la Haute Assemblée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis une dizaine d’années, les réformes ou projets de réforme de la gouvernance des finances publiques se sont multipliés. Entre 1959 et 2000, de nombreux projets de modification de notre ancienne ordonnance organique, plus ou moins ambitieux, avaient été imaginés, mais aucun de ces projets n’avait été sérieusement débattu.

Depuis les travaux engagés en 2000 et qui ont débouché en 2001 sur la loi organique relative aux lois de finances, le paysage des règles de gouvernance n’a cessé de s’enrichir.

Au niveau européen, le pacte de stabilité a pris de l’importance, surtout depuis 2003. Outre le TSCG, dont nous tirons aujourd’hui les conséquences, une importante réforme du pacte de stabilité a été adoptée en novembre 2011, et deux autres règlements européens, importants eux aussi, doivent être adoptés d’ici à la fin de l’année.

Au niveau national, nous avons, depuis 2005, une loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. En 2008, nous avons inscrit dans notre Constitution l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques, et créé l’instrument juridique devant concourir à cet objectif : les lois de programmation des finances publiques.

Depuis 2011, le programme de stabilité transmis chaque printemps à l’Union européenne est débattu au Parlement, qui s’exprime par un vote.

L’arsenal avait donc depuis de nombreuses années été largement doté. Il est évident que notre présence aujourd’hui pour discuter d’un projet de loi organique s’explique par l’accélération de la crise de la zone euro.

Sans cette crise, les États n’auraient pas décidé d’élaborer un traité intergouvernemental visant à demander aux pays membres qui le signeraient de transposer dans leur droit national une règle inscrite dans le droit européen quelques semaines auparavant.

Sans la crise de la zone euro, nous n’aurions peut-être pas pris l’initiative de transposer cette règle dans notre droit interne avec plus d’un an d’avance sur le calendrier permis par le traité. Nous reviendrons sur ces points. Mais, auparavant, je voudrais indiquer que nous avions semé, dès la loi organique relative aux lois de finances de 2001, des idées qui germent, en quelque sorte, dans le projet de loi organique.

En 2001, nous avions souhaité que soit annexée à la loi de finances une programmation pluriannuelle des finances publiques qui présente la cohérence entre les orientations de la loi de finances et les engagements européens de la France. Nous avions également souhaité, avant le début de la discussion des textes financiers de l’automne, pouvoir débattre de l’évolution consolidée des finances de l’ensemble des administrations publiques, sur la base d’un rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires.

Le texte dont nous discutons aujourd’hui constitue une concrétisation aboutie de cette démarche.

Nous allons nous doter d’une règle qui porte sur le périmètre de l’ensemble des administrations publiques et dont l’objet est de tendre vers l’équilibre des comptes publics, objectif déjà constitutionnel chez nous depuis 2008 et qui se justifie par la nécessité de contenir notre dette publique à un niveau soutenable.

Non seulement nous aurons un débat sur les finances publiques au sens large, en dépassant la segmentation entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale, mais nous allons voter sur les perspectives de solde de l’ensemble des administrations publiques, dans l’article liminaire des lois de finances.

Je me permets de faire ces rappels pour bien souligner que les évolutions de la gouvernance de nos finances publiques qui résulteront de ce projet de loi organique ne sont pas seulement les conséquences d’un traité européen ; elles rejoignent des préoccupations exprimées, au Sénat en particulier, depuis plus de dix ans.

À cet égard, en reprenant une règle qui se serait imposée à nous en tout état de cause en application du volet préventif du pacte de stabilité, le TSCG peut s’interpréter de deux manières.

Pour les uns, il s’agirait de l’un des exemples les plus emblématiques de la manière dont certains États influents en Europe ont cherché, ces dernières années, à court-circuiter la mécanique communautaire au profit de l’intergouvernementalisme.

Pour les autres, l’obligation d’inscrire une norme précise dans le droit interne serait un moyen de « nationaliser » une règle dont la mise en œuvre aurait été, à défaut, uniquement contrôlée par la Commission européenne. On peut donc y voir un rapprochement entre la règle et les citoyens, un renforcement de la légitimité de celle-ci.

Sans doute les deux interprétations contiennent-elles l’une et l’autre du vrai. Quoi qu’il en soit, nous sommes saisis aujourd’hui d’un projet de loi organique. Nous aurions pu être saisis d’un projet de loi constitutionnelle, si les résultats de l’élection présidentielle avaient été différents, ou si les interprétations du traité formulées immédiatement après sa signature avaient été confirmées par la Commission européenne puis, pour ce qui concerne notre ordre juridique interne, par le Conseil constitutionnel.

Dans ces conditions, pourquoi n’existe-t-il pas d’obligation juridique de réviser la Constitution ? Parce que, comme vous le savez, le Conseil constitutionnel comme la Commission européenne ont considéré qu’il n’était pas nécessaire que la règle figurant à l’article 3 du TSCG ait force contraignante dans l’ordre juridique national.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Pour la Commission européenne, la contrainte est suffisante si les gouvernements qui ne la respectent pas sont suffisamment incités à devoir se justifier.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En revanche, le Conseil constitutionnel comme la Commission européenne ont insisté sur le fait que les règles devaient être permanentes.

Il en découle une architecture à deux étages. Le premier étage, c’est celui de la loi organique, qui est un texte de procédure. De fait, le présent projet de loi organique rappelle le contenu de la règle du TSCG et renvoie, deuxième étage, pour les modalités de sa mise en œuvre, aux lois de programmation des finances publiques.

Afin qu’elles soient en mesure de comporter toutes les dispositions nécessaires pour permettre le respect de la règle, la loi organique définit précisément le contenu des lois de programmation et de leur rapport annexé.

En outre, le texte organique permet de préserver les acquis des deux lois de programmation votées depuis 2008, en prévoyant qu’elles peuvent également comporter des règles générales relatives à la gouvernance des finances publiques.

Je l’ai dit en commission, mais il me semble utile de le rappeler à cette tribune : on observe une grande continuité entre la manière dont étaient construites, jusqu’à présent, les lois de programmation et le dispositif proposé dans ce projet de loi organique.

Monsieur le ministre, le Gouvernement a fait le choix de la continuité avec les outils existant depuis 2008. Parallèlement, je salue le rôle constructif de l’opposition actuelle, incarnée notamment par les présidents des deux commissions des finances, et en particulier celui du président de la commission des finances du Sénat, s’investissant sans a priori dans la discussion de ce texte destiné à définir la règle du jeu pour l’organisation de nos lois de programmation ultérieures.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

J’en viens à présent à la règle elle-même. Quelles sont nos obligations ? À ce sujet, diverses analyses ont été avancées.

La première obligation, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, consiste à définir un objectif de moyen terme, l’OMT, exprimé en termes de solde structurel, et la trajectoire permettant d’y parvenir. Au titre du projet de loi de programmation, nous verrons que notre OMT est l’équilibre structurel qu’il est proposé d’atteindre en 2016.

La deuxième obligation vise à créer un mécanisme de correction automatique permettant de « revenir dans les clous », si je puis m’exprimer ainsi, au cas où nous dévierions de notre trajectoire. Avec le projet de loi de programmation, nous verrons qu’il ne sera pas possible, hors circonstances exceptionnelles, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… de s’écarter de la trajectoire plus de trois années consécutives.

La troisième obligation consiste à confier le contrôle du respect de la règle à une institution indépendante. Ce principe vaut pour l’ensemble des pays européens, qui ont vocation à créer une telle instance.

À ces obligations s’ajoute une contrainte : si notre dispositif de transposition n’était pas jugé conforme au Traité, la Cour de justice pourrait être saisie et appelée à se prononcer sur ce point.

Si j’en juge par les amendements qui ont été déposés, la première obligation, le principe d’un OMT et d’une trajectoire exprimés en termes de solde structurel, se heurte à l’opposition du groupe CRC. Nous aurons l’occasion d’en débattre.

Les deux autres obligations, et surtout les conditions dans lesquelles elles seront mises en œuvre, suscitent beaucoup de débats – c’est normal –, sans être nécessairement remises en cause par les uns ou les autres.

La discussion des amendements permettra de clarifier de nombreux points. Toutefois, je tiens à présenter dès à présent l’approche qui a été celle de la commission des finances.

Nous avons approuvé la création d’un Haut conseil des finances publiques, puisqu’une institution indépendante est prévue par le Traité et que le futur règlement européen sur les règles budgétaires nationales imposera la création d’un Conseil budgétaire indépendant. Le Haut Conseil, c’est notre conseil budgétaire indépendant, vous l’aurez compris.

M. le président de la commission des finances acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nous n’avons pas considéré qu’il fallait modifier la composition de cette instance ou le mode de désignation de ses membres. L’Assemblée nationale a longuement débattu de ce sujet, en commission comme en séance publique, pesant le pour et le contre de toutes les solutions. Elle en a tiré comme conséquence qu’il fallait ajouter deux membres à cette institution, ce qui a pour effet de priver la Cour des comptes de la majorité d’une voix dont elle bénéficiait dans l’ancien dispositif.

Nous nous sommes surtout intéressés au positionnement de ce futur Haut conseil, qui jouera deux rôles : il émettra des avis consultatifs sur les projets de textes financiers et vérifiera à chaque printemps si la trajectoire de solde structurel a été respectée l’année précédente. S’il estime que l’écart constaté est important, il faudra déclencher le mécanisme de correction automatique.

Une chose est sûre : compte tenu de ses missions, le Haut Conseil ne sera pas une assemblée de « sages » donnant un avis sur les questions de finances publiques en général. Il ne sera pas une deuxième Cour des comptes, un deuxième Conseil des prélèvements obligatoires ou un deuxième Conseil d’analyse économique. Le Haut Conseil sera un organisme technique chargé de répondre à des questions précises. Voilà pourquoi le présent texte prévoit des critères de compétence stricts pour les membres qui seront désignés.

Quel sera le poids de cet organisme technique ? Seule la pratique institutionnelle permettra de le dire. Dans notre esprit, il faudrait que le Haut Conseil acquière une crédibilité telle que ses avis ne pourraient pas être écartés sans que le Gouvernement et le Parlement invoquent de bonnes raisons. Il faudrait qu’il contribue à infléchir la tendance naturelle des gouvernements et des majorités qui les soutiennent à fonder leurs programmations sur des hypothèses que l’on pourrait qualifier de « volontaristes ».

M. le président de la commission des finances sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Dans notre esprit, il ne faudrait pas que le Haut Conseil soit marginalisé pour avoir pris des positions manifestement incompatibles avec la conduite des finances publiques ni que la procédure d’avis devienne, au fil des ans, purement formelle.

En sens inverse, il ne faudrait pas non plus que le Gouvernement et le Parlement délèguent entièrement leur liberté de jugement au Haut Conseil. Si tel était le cas, ce ne seraient plus le Parlement et le Gouvernement qui définiraient la politique de finances publiques de la France, mais les onze membres du Haut Conseil des finances publiques.

Or, en matière de prévisions économiques, il n’existe pas de vérité absolue et, s’il est indispensable de se référer à des organismes extérieurs et de se doter d’un organisme technique tel que le Haut Conseil, il revient tout de même, au bout du processus, aux autorités politiques, et en particulier au Parlement, de faire la synthèse entre le projet du Gouvernement, les analyses des assemblées et les différents avis, avant de prendre leurs responsabilités en votant la loi.

Les expériences étrangères ont d’ailleurs montré que, quelles que soient les circonstances, l’indépendance d’un organisme ne garantissait ni sa compétence ni sa prudence.

La commission des finances a modifié le texte adopté par l’Assemblée nationale pour affiner le positionnement institutionnel du Haut Conseil dans l’esprit que je viens d’indiquer.

Notre débat en commission a cependant permis d’approfondir plusieurs sujets et a montré que le texte pouvait encore évoluer. Certains des amendements déposés tendent, au demeurant, à tirer les conséquences de nos échanges.

En particulier, notre débat a permis de mettre en lumière une ambiguïté du dispositif, liée au caractère subjectif de la notion de « solde structurel » à laquelle nous nous référons désormais.

Le solde structurel est subjectif non parce que les économistes auraient à leur disposition de multiples manières de le calculer - leurs pratiques ne divergent pas tant que cela quant à la méthode – mais parce qu’ils ne retiennent pas la même appréciation du PIB potentiel, ce qui explique que les résultats de leurs calculs puissent être très divers.

La question qui se pose est donc de savoir en fonction de quelles hypothèses sera établie notre trajectoire de finances publiques et en fonction de quelles hypothèses son respect sera évalué.

Pour synthétiser les débats qui se sont déroulés en commission des finances, je dirai que nous avons abouti à trois conclusions.

Premièrement, il importe que la trajectoire de PIB potentiel retenue pour construire la programmation soit définie de manière contradictoire, le Gouvernement étant contraint d’expliciter ses hypothèses via son projet de loi de programmation, et un Haut conseil étant chargé de rendre un avis public sur celles-ci. Un tel débat public approfondi évitera de céder à la tentation de construire les programmations sur la base d’hypothèses délibérément trop optimistes.

Deuxièmement, il importe que l’hypothèse retenue soit consensuelle et serve pour la durée de la programmation. Les lois de programmation étant révisées tous les deux ans, les erreurs manifestes pourraient être rapidement corrigées. Toutefois, pour assurer la bonne conduite de la politique des finances publiques, et pour que la notion de « programmation » ait un sens, il est essentiel que les mesures en recettes et en dépenses qui seront déduites des hypothèses de PIB potentiel ne soient pas remises en cause à chaque changement d’évaluation de ce PIB potentiel.

Troisièmement, enfin, il est nécessaire que le Haut Conseil juge le respect de la trajectoire à l’aune des hypothèses sur la base desquelles celle-ci a été déterminée. Si le thermomètre n’est plus le même au départ et à l’arrivée, vous en êtes conscients, l’exercice n’a plus aucun sens !

Sur la base de ce constat partagé, plusieurs collègues ont présenté des amendements au texte de la commission, afin d’assurer une meilleure conformité entre le présent projet de loi organique et l’interprétation que nous en faisons. Nous débattrons des différentes solutions ce soir et demain.

Pour ma part, j’ai tendance à penser qu’il faut non pas nous enfermer dans un débat technique ou méthodologique, mais, au contraire, mettre l’accent sur les enjeux politiques, au-delà des notions abstraites.

Nous ne définissons pas une trajectoire de solde structurel par plaisir intellectuel, même s’il peut être tentant de s’appesantir sur cette thématique. §Nous le faisons pour en déduire le niveau des mesures budgétaires à adopter pour tendre vers l’objectif d’équilibre des comptes : c’est bien là l’essentiel !

Ces mesures ne seront pas abstraites. Elles porteront sur les dépenses et les recettes votées par le Parlement au titre des lois de finances et lois de financement successives. C’est sur ces dispositions que le débat devra porter.

Quel doit être le montant global de l’effort ? Vise-t-on l’équilibre structurel, un excédent structurel ou bien seulement le seuil de 0, 5 point de PIB ? Voilà une bonne question. Elle est posée.

Quelle doit être la répartition de l’effort dans le temps ? Préfère-t-on concentrer les contraintes au début et les alléger à la fin, ou l’inverse ?

Sur quelles administrations faire porter l’effort ? L’État ? La sécurité sociale ? Les collectivités territoriales ?

Quel doit être le partage des efforts entre recettes et dépenses ?

Voilà de vrais débats politiques, qui montrent qu’avec une même règle, sur laquelle nous sommes appelés à nous mettre d’accord, il est possible de conduire des politiques différentes.

Les lois de programmation, telles que définies dans la loi organique, seront le support de tous ces débats. Et c’est sur la capacité à respecter les engagements pris à cette occasion que les gouvernements et leur majorité doivent être jugés et c’est sur cette même capacité que le débat politique va se concentrer.

Pour l’ensemble de ces raisons, et sous réserve de ces interprétations, la commission des finances, qui a adopté le projet de loi organique dans la rédaction qui vous est aujourd’hui soumise, vous invite à faire de même, mes chers collègues.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Parlement a autorisé la ratification du traité budgétaire sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire le 11 octobre 2012. Pour transcrire le traité en droit interne, le Gouvernement a choisi un projet de loi organique plutôt qu’une révision de la Constitution, comme le permet la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2012.

La commission des affaires sociales s’est saisie pour avis du projet de loi organique, et ce pour deux raisons. La première est qu’elle souhaite voir confortée la crédibilité des engagements pluriannuels en matière de finances sociales, quelle que soit la trajectoire politique et budgétaire proposée par le Gouvernement. La seconde est qu’elle s’interroge sur la portée de ce texte pour l’examen annuel du ou des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

J’examinerai, premièrement, la question de la crédibilité.

Aux termes du traité, la crédibilité de notre stratégie financière repose sur un triptyque : le respect de notre souveraineté ; un objectif intelligent ; un éclairage des choix budgétaires.

Le projet de loi organique mérite un éloge : il n’y a, à proprement parler, dans l’ensemble de ses articles, aucune disposition juridiquement contraignante. La souveraineté budgétaire demeure au Parlement.

Nous formulons désormais nos objectifs de finances publiques à moyen terme de manière plus intelligente. Ces objectifs sont exprimés en termes de solde structurel, c’est-à-dire corrigés des effets de la conjoncture. Il y a de quoi neutraliser l’impact des stabilisateurs automatiques en cas de crise et les effets d’aubaine en période de croissance.

Le projet de loi organique apporte-t-il de nouvelles garanties pour assurer le respect de nos engagements financiers vis-à-vis de nos concitoyens d’abord, de nos partenaires européens ensuite ? Oui, assurément. Ces garanties résident dans la définition du contenu des lois de programmation des finances publiques, dans la création d’un Haut conseil des finances publiques formulant des avis et dans l’introduction d’un mécanisme de correction pour les cas éventuels où nous nous éloignerions de notre trajectoire financière.

Au-delà du respect de nos engagements européens, avions-nous besoin de ces garanties ? J’ai examiné rétrospectivement l’ensemble des projections financières des régimes de sécurité sociale que le Parlement a votées chaque année, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit de l’annexe B du projet de loi de financement, qui est soumise chaque année à notre approbation.

Le constat est édifiant.

Ces projections se sont révélées très éloignées de la réalité. L’objectif de retour à l’équilibre des comptes sociaux a glissé d’année en année. Le constat n’est pas moins édifiant pour les lois de programmation des finances publiques pour les périodes 2009-2012 et 2011-2014. L’exercice de programmation s’est révélé peu satisfaisant pour les finances sociales.

Étions-nous suffisamment éclairés lors du vote de ces projections financières ? Non, et c’est bien la raison d’être du traité européen et du projet de loi organique que de nous permettre de faire des choix budgétaires de moyen terme en étant éclairés par des annexes aux lois de programmation pluriannuelles qui devraient être enrichies et par les avis du Haut Conseil des finances publiques.

La commission des affaires sociales vous proposera des amendements visant à enrichir encore les lois de programmation des finances publiques et leurs annexes. Elle souhaite ainsi que le Parlement puisse examiner, dans ce cadre, un objectif pluriannuel des dépenses « famille » et un objectif pluriannuel des dépenses « vieillesse ».

À l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017 par notre commission – ce texte sera bientôt débattu en séance publique –, j’ai identifié une « boîte noire », celle des administrations de sécurité sociale hors du champ du PLFSS. Il faut que nous obtenions des informations sur les hypothèses du Gouvernement dans ce domaine – cela fera l’objet aussi d’un amendement.

Et, comme nous dépendrons demain des avis du Haut Conseil, je suis très soucieux que ses membres soient les plus compétents possible en matière de finances sociales, au regard des particularités des dépenses sociales, de la spécificité de leur pilotage et de leur régulation. Rien n’indique, en l’état actuel du projet de loi organique, que tel sera le cas.

Le pouvoir de nomination du Conseil économique, social et environnemental n’a pas été oublié, mais les organes compétents dans le domaine des budgets sociaux ont, eux, été complètement omis.

Les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat ne disposeraient donc d’aucun pouvoir de nomination, alors que les administrations de sécurité sociale représentent 46, 5 % des dépenses publiques et 54, 4 % des prélèvements obligatoires. Cette situation n’est pas acceptable ! Les commissions des affaires sociales doivent être associées au processus de désignation des membres du Haut Conseil, hormis bien sûr celui des magistrats de la Cour des comptes.

J’aborderai, deuxièmement, le nouveau processus budgétaire annuel.

Le présent projet de loi organique se situerait aux côtés de la loi organique relative aux lois de finances et de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Dans l’étude d’impact, on lit que le texte « ne modifie qu’à la marge le contenu des projets de loi de finances, en introduisant un article liminaire » et qu’il a « une incidence marginale sur le PLFSS ».

En droit, l’architecture budgétaire ne devrait donc pas être bouleversée. La loi de programmation des finances publiques n’a toujours pas d’autorité sur les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Le voudrait-on d’ailleurs qu’il faudrait changer la Constitution. Le projet de loi de finances est toujours, conformément à la Constitution, le texte annuel des ressources et des charges de l’État. En vertu de l’article 34, le projet de loi de financement s’applique, lui, à la sécurité sociale. Aucun de ces deux textes – projet de loi de finances ou projet de loi de financement – n’a, selon la Constitution, de portée juridique supérieure sur l’autre. Il n’y a pas de changement. Il faut prévoir une place pour chaque texte et une place pour chaque commission amenée à se saisir de ces textes dans le cadre du projet de loi organique.

Or, dans certaines dispositions proposées, je vois un glissement qui induit deux risques également sérieux, un risque juridique d’atrophie des projets de loi de financement de la sécurité sociale, et un risque politique d’éviction des commissions des affaires sociales du champ des finances publiques. Or les finances publiques, contrairement au droit boursier, au statut des enseignants-chercheurs ou à la politique du médicament, ne sauraient concerner un seul comité spécialisé. Elles intéressent le Parlement tout entier, les commissions des affaires sociales comme les commissions des finances.

D’où viennent les risques que j’évoque et que des amendements viseront à conjurer ?

Le glissement naît de l’article 6. Son objet est de bon sens : il faut vérifier chaque année que les engagements pris par le Gouvernement pour l’ensemble des finances publiques sont respectés.

Cette vérification doit avoir lieu au Parlement, en s’appuyant sur un texte. Ce texte sera le projet de loi de finances, qui contiendra un article liminaire avec un tableau de synthèse pour l’ensemble des administrations publiques, État, collectivités locales, sécurité sociale, présentant le solde effectif et le solde structurel, et les écarts éventuels par rapport à la programmation pluriannuelle.

C’est ici que l’économie du texte glisse et occulte l’importance des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Implicitement, le projet de loi de finances devient un projet de loi annuel des finances publiques, ce qui n’est pas prévu par la Constitution. On crée une articulation exclusive entre les programmations pluriannuelles et un seul texte, le projet de loi de finances. Par de petits signes, nous voyons que l’on tend à faire du projet de loi de finances un texte annuel « consolidé », sans se rappeler qu’il existe un autre texte financier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Premier petit signe, c’est dans un rapport annexé au projet de loi de finances que les députés ont prévu la présentation des dépenses, des recettes, des soldes et de l’endettement des régimes obligatoires de base et des autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques de sécurité sociale. Il faudrait au moins rappeler que ce rapport constitue, en fait, un support pour l’examen de l’ensemble des textes financiers de l’automne.

Petit signe encore, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne contient pas d’article liminaire comparable à celui du projet de loi de finances. Je propose, à tout le moins, d’introduire un article liminaire retraçant le solde effectif et le solde structurel de l’ensemble des administrations de sécurité sociale au regard des objectifs de la programmation pluriannuelle des finances publiques, afin que notre commission puisse se saisir des questions de finances sociales qui l’intéressent directement.

Petit signe toujours, on constate la même absence d’article liminaire pour ce qui est des projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Or qu’est-ce que l’article liminaire au sens de l’article 6, si ce n’est un article visant à informer le Parlement et à éclairer ses discussions budgétaires ? À mon sens, le Parlement devrait être informé, par un même article liminaire, présentant un tableau de synthèse pour l’ensemble des administrations publiques, de l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif, au moment où il examine un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Un tel texte n’a-t-il pas de facto un impact sur les soldes publics ?

Petit signe, enfin, mais bien plus contestable encore, ce chaînage en circuit fermé que l’on tend à instaurer entre les lois de finances et les lois de règlement, pour l’ensemble des finances publiques, en ignorant qu’un projet de loi de règlement ne saurait avoir une vocation aussi large.

Au printemps, le projet de loi de règlement de l’État deviendrait le cadre dans lequel le Haut Conseil vérifierait d’éventuels écarts importants, au sens du traité, entre les projections pluriannuelles des finances publiques et l’exécution passée, pour l’ensemble des administrations publiques : État, collectivités locales, sécurité sociale.

Doit-on rappeler que le projet de loi de règlement n’arrête jamais que les comptes de l’État, et que la commission des comptes de la sécurité sociale est susceptible d’examiner les comptes de l’exercice clos de la sécurité sociale jusqu’au 15 juin ?

Doit-on rappeler qu’il existe un projet de loi de règlement pour la sécurité sociale, à l’automne ?

Il faut que nous ayons un débat sur la bonne exécution de la trajectoire des finances publiques au regard de l’avis du Haut Conseil, non lors de l’examen du projet de loi de règlement, dont ce n’est pas l’objet, car il concerne le seul État, mais lors du débat d’orientation des finances publiques, qui est le seul moment où il peut y avoir un échange global, consolidé, entre pairs, entre la commission des affaires sociales, la commission des finances et le Gouvernement.

Dès lors que la Constitution ne prévoit pas un texte unique de finances publiques annuel, ce qui nécessiterait au demeurant un examen conjoint de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, il nous faut vivre dans le cadre budgétaire actuel. Celui-ci n’est pas absurde, car il évite de fondre les finances publiques dans un « grand tout ».

Au contraire, on peut trouver une logique profonde à des textes financiers distincts, si ceux-ci sortaient de l’étroite comptabilité budgétaire pour épouser chaque sous-secteur des administrations publiques, exprimé en comptabilité nationale. C’est, d’une certaine façon, le sens de l’histoire ; c’est propre à faire coïncider le discours budgétaire européen avec le discours budgétaire franco-français.

Il y aurait un texte financier pour les administrations publiques centrales – il existe peu ou prou –, un projet de loi de financement de la protection sociale élargi, avec un Parlement mieux informé sur des organismes comme les régimes complémentaires dont l’indépendance ne serait pas évidemment remise en cause et, pourquoi pas, un jour, un projet de loi d’orientation du secteur public local.

En attendant ce jour, respectons la logique profonde de la Constitution et laissons au projet de loi de financement de la sécurité sociale et aux commissions qui s’y intéressent, la possibilité de s’intégrer dans l’économie générale du projet de loi organique.

Mes chers collègues, la commission des affaires sociales a formulé un avis favorable sur ce texte, sous réserve de l’adoption de dix amendements.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi organique résulte directement de l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.

À la vérité, il est le point d’aboutissement d’un processus quadriennal enclenché et porté par la précédente majorité législative.

Il s’agit, en premier lieu, de l’insertion dans la Constitution, lors de sa révision de 2008, des lois de programmation pluriannuelles des finances publiques qui « s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques » ; en deuxième lieu, du progrès dans les concepts de gouvernance des finances publiques, notamment permis par les travaux de la commission Camdessus, mise en place à la demande du Président Sarkozy ; en troisième lieu, de la discussion, puis de l’adoption en termes identiques, par l’Assemblée nationale et le Sénat, du projet de loi constitutionnelle de 2011 reprenant très largement ces concepts, notamment la notion de « trajectoire » ; et il s’agit, en quatrième lieu, de la signature du TSCG dont nous venons d’autoriser la ratification, sans que la moindre virgule en ait été changée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Comme l’a dit très justement M. le rapporteur général, nous avons eu déjà des débats approfondis, des débats constructifs au sein de la commission des finances, et je remercie François Marc pour sa présentation claire, méthodique et conceptuelle, qui nous permet – je l’espère – d’avancer davantage que n’a pu le faire l’Assemblée nationale sur la base du texte du projet de loi organique.

En effet, mes chers collègues, il est essentiel pour le Parlement, et même vital, qu’un consensus se dégage sur cette véritable « charte » de la gouvernance des finances publiques, qui est, d’une certaine manière, le répondant de la loi organique de 2001 relative aux lois de finances et de la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Il s’agit, ici comme alors, cher Yves Daudigny, d’un texte structurant, destiné à être notre outil de travail, notre « copropriété », du moins le cadre concret de toutes nos discussions futures, lesquelles s’inscriront dans le respect du principe de convergence.

Ce projet de loi organique repose sur une notion centrale, celle de « solde structurel », alors que, précédemment, je le reconnais, notamment jusqu’à l’année dernière, on s’était plutôt concentré sur la notion d’ « effort structurel », peut-être un peu plus facile à influencer.

Permettez-moi de rappeler rapidement l’historique de ce concept.

Le solde structurel n’est pas une notion « allemande », inventée par l’Allemagne et imposée par elle. À la vérité, le concept est né en Grande-Bretagne, en 1997, avec l’arrivée de Tony Blair au gouvernement. C’est ainsi qu’est né le principe selon lequel l’ancienne règle d’or devait être appliquée, mais sur un cycle économique car, de cette manière, on autorisait le jeu des stabilisateurs automatiques en période de creux et on se contraignait à dégager des marges de manœuvre dans les périodes les plus favorables.

Certes, les Britanniques en ont fait l’expérience, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… ces guidelines se sont heurtées à la complexité de la notion de « cycle économique », puisqu’on ne sait qu’a posteriori quand un cycle a commencé et quand il s’est achevé et que le consensus sur les bornes du cycle économique est, par définition, difficile à atteindre. Ainsi, après bien des controverses – rappelons-nous que le chancelier de l’Échiquier, Gordon Brown, avait décalé de deux ans le début du cycle pour se donner des marges de manœuvre ! –, la règle a été abandonnée en 2009.

C’est là que nos partenaires d’outre-Rhin ont pris le relais, en se fondant sur une expérience plus ancienne qu’ils avaient eue dès les années soixante, en appliquant une « règle d’or » inscrite dans leur loi fondamentale prévoyant que le déficit public n’excède pas le montant de l’investissement public brut. Il était toutefois prévu dès cette époque que la règle ne s’appliquait pas en cas de perturbation de l’équilibre macroéconomique.

Cependant, faute de définition suffisamment précise et restrictive, la règle ne s’est pas appliquée en bas de cycle et, en haut de cycle, elle s’est révélée peu rigoureuse, puisqu’elle a permis une réelle aggravation du déficit structurel de l’Allemagne, « masquée » par la forte croissance. Ainsi, nous le savons, l’endettement de l’Allemagne fédérale est passé de 17, 5 points de produit intérieur brut en 1970 à 68 points en 2006.

Ensuite, est arrivé le « Frein à la dette » dont nous nous inspirons avec l’actuelle méthodologie européenne.

Revenons-en au solde public structurel. Il se définit comme ce que serait le solde public si le produit intérieur brut était égal à son niveau potentiel, en supposant que l’élasticité des recettes publiques au produit intérieur brut soit égale à un. Ce solde public structurel se calcule donc mécaniquement à partir de l’estimation de l’écart de production, c’est-à-dire de l’écart du PIB constaté par rapport au PIB potentiel.

Dès lors que l’on centre le débat macroéconomique, puis législatif, sur la notion de « solde structurel », les enjeux de crédibilité se portent essentiellement sur la définition du produit intérieur brut potentiel.

M. le rapporteur général de la commission des finances a raison de souligner les deux difficultés auxquelles il faut apporter une réponse : en premier lieu, les écarts d’évaluation du solde structurel selon les résultats publiés par les différentes institutions – FMI, OCDE, Cour des comptes, Commission européenne, pour ne pas parler de notre propre Gouvernement ; en second lieu, le fait qu’une même institution puisse faire varier dans le temps son estimation au titre d’une année donnée, en fonction de l’analyse qu’elle fait du PIB potentiel.

Les choses sont donc bien complexes et c’est à ce point du raisonnement qu’apparaît la nécessité d’une harmonisation des méthodologies utilisées pour le calcul du PIB potentiel et des soldes structurels. Il n’est pas envisageable un seul instant de définir notre propre solde structurel de façon autonome, car la procédure que nous mettons en place n’aura de sens que si elle est mise au service de la crédibilité et de la pérennité de la zone euro.

Nous restons, à cet égard - – je vois l’œil de Jean-Pierre Chevènement s’assombrir §sous la surveillance de la Cour de justice de l’Union européenne qui, en application de l’article 8 du TSCG, sera compétente pour juger l’effectivité de la mise en œuvre des obligations qui nous incombent en application de l’article 3 du Traité.

Mes chers collègues, il faut bien reconnaître que le consensus sur les hypothèses, le recours à un « thermomètre » commun et incontestable, sont une nécessité, d’abord pour préserver le débat politique, pour qu’il porte bien sur l’essentiel, pour qu’il ne se perde pas en querelles stériles sur de supposées « manipulations » comptables du gouvernement en place, quels que soient au demeurant ce gouvernement et la majorité qui le soutient.

Le débat politique doit pouvoir se concentrer sur l’essentiel : le montant et la pertinence des mesures proposées et la capacité de l’exécutif à mettre en œuvre les mesures qu’il a annoncées et sur lesquelles il s’est engagé.

C’est bien sur ce fondement que repose la création du Haut Conseil des finances publiques, qui n’est ni une « fantaisie », ni une arme destinée à diminuer encore davantage les pouvoirs du Parlement.

Il est important, tout d’abord, de souligner ce que n’est pas, ce que ne doit pas être le Haut Conseil des finances publiques : un organe technique se substituant au Gouvernement ou au Parlement dans la prise de décisions éminemment politiques. Il ne l’est pas et il ne doit pas l’être.

En revanche, qu’attendons-nous de lui ?

En amont, nous attendons qu’il nous permette d’en finir avec les programmations délibérément trop optimistes, et ce grâce à la mise en place d’une procédure contradictoire rigoureuse contraignant le Gouvernement à motiver ses choix et le Haut Conseil à expliquer sa méthodologie.

En aval, nous en attendons qu’il vérifie le respect de la trajectoire annoncée par le Gouvernement.

Le débat est nécessaire, mes chers collègues, et nous l’aurons à l’occasion de la discussion en particulier de l’article 16 sur le mécanisme de correction des écarts, car il reste à expliciter ce que sera la base de comparaison utilisée par le Haut Conseil pour délivrer son appréciation sur le respect ou non des engagements de l’exécutif.

Le véritable engagement, l’acte fort de l’année budgétaire, se situe ainsi dorénavant au premier semestre, avec le programme de stabilité transmis à Bruxelles. L’emblème de cette prééminence est l’inscription, en loi de finances, de l’article liminaire, qui permettra de voter sur les perspectives de solde de l’ensemble des administrations publiques.

J’indique ici au passage que je partage le souci exprimé par nos collègues de la commission des affaires sociales d’assurer une vision complète et consolidée de l’ensemble du secteur public. Mais peut-être la bonne solution pour demain, ou après-demain, serait-elle, pour simplifier les choses, de fusionner purement et simplement les premières parties des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, il nous importe que le Haut Conseil des finances publiques soit réellement indépendant et que les choix qu’il opère soient transparents. C’est pourquoi j’aurai l’honneur de défendre, avec le soutien de mon groupe, une série d’amendements qui mettent l’accent sur quatre points.

En premier lieu, il convient de pourchasser les « points de fuite », c'est-à-dire tous les éléments qui ne seraient pas traités de manière assez précise et risqueraient de vider le processus dont il est question de son sens. Dans cette optique, la saisine du Haut Conseil doit être rendue obligatoire – et ne pas demeurer facultative - pour les projets de loi de finances et de financement rectificative ainsi qu’en cas de modification de prévisions macroéconomiques en cours d’examen d’un projet de loi de programmation, de finances ou de financement de la sécurité sociale.

En deuxième lieu, il faut préciser de manière plus explicite les moyens dont disposera le Haut Conseil. Cette institution verrait, me semble-t-il, son indépendance mieux reconnue si ses crédits de fonctionnement apparaissaient en dotations de la mission « Pouvoirs publics » et non sous la forme d’une section dans le budget de la Cour des comptes.

En troisième lieu, cette indépendance serait encore mieux soulignée s’il était explicitement précisé que le Haut Conseil peut s’appuyer sur des compétences extérieures pour vérifier les éléments qui sont de sa compétence, par exemple pour se forger son opinion sur les estimations de recettes fiscales prévisionnelles.

En quatrième et dernier lieu, l’indépendance du Haut Conseil a une contrepartie, la transparence. De ce point de vue, il est, à mes yeux, très positif que l’Assemblée nationale ait prévu l’audition préalable à leur entrée en fonction des membres désignés par le Parlement ; la même règle devrait pouvoir s’appliquer à tous les membres du Haut Conseil, c'est-à-dire également à ceux qui sont pressentis par le premier président de la Cour des comptes.

Mes chers collègues, permettez-moi de le répéter en conclusion, il s’agit bien et bel ici d’un outil commun et d’intérêt général. Nous devons donc pouvoir le façonner ensemble.

Aussi, je ne vous le cache pas, monsieur le ministre, l’opposition sénatoriale déterminera son vote sur l’ensemble de ce projet de loi organique en fonction de la possibilité qui lui sera donnée de consacrer l’indépendance du Haut Conseil dans le respect et les limites de son rôle. Mais je ne saurais terminer sans, une nouvelle fois, souligner la bonne tenue de nos débats en commission et l’excellent travail d’approfondissement réalisé par les deux rapporteurs généraux.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le ministre, je vous décernerai d’abord un bon point, encore que vous n’en ayez guère besoin, eu égard à tous les éloges dont vous avez été couvert : la prétendue « règle d’or » inscrite dans la Constitution allemande, qui l’intitule plus modestement « Frein à l’endettement », ne figurera pas dans la Constitution française.

Le TSCG, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, énonçait, dans sa rédaction, une préférence pour la constitutionnalisation des règles fixées par le traité, mais admettait aussi que « le plein respect et la stricte observance » puissent être « garantis de quelque autre façon. »

En nous proposant ce projet de loi organique, vous avez donc choisi, monsieur le ministre, une « autre façon » d’appliquer le TSCG.

J’aurais mauvaise grâce à critiquer cette non-constitutionnalisation : tant qu’à faire, une simple loi organique est moins contraignante que l’inscription dans la Constitution d’un « frein à l’endettement », comme y a procédé, en 2010, le Bundestag allemand, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… en limitant à 0, 35 % du PIB le montant du déficit public à l’horizon de 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Contrairement à nos collègues de l’UMP, je ne regrette pas l’inscription de la pseudo-règle d’or dans la Constitution. J’observe simplement que, là comme ailleurs, l’Allemagne a donné le « la » et a fini par imposer son modèle d’orthodoxie à la France et aux autres pays de la zone euro.

Sans doute, monsieur le ministre, faites-vous une distinction entre la substance et la forme, arguant du fait qu’il s’agit de règles de bonne gestion, qui valent par elles-mêmes. Vous nous assurez que la dette est l’ennemie de la gauche, et même de la France et de sa souveraineté, et qu’il eût fallu de toute façon revenir à l’équilibre budgétaire.

Votre présentation est habile et, en fin dialecticien, vous avez l’art de répondre à un autre argument que celui que je vous oppose.

M. le ministre rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

En effet, selon moi, ce n’est pas la dette qui « plombe » la zone euro. D’autres pays – la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Japon – sont beaucoup plus endettés que la moyenne des pays de la zone euro. En réalité, ce qui mine la monnaie unique, c’est la compétitivité divergente, et ce de façon croissante, entre les dix-sept pays qui ont cette monnaie en partage.

Ainsi, la France qui avait une balance commerciale équilibrée en 2001, a connu, en 2011, un déficit de plus de 70 milliards d’euros, tandis que, dans le même temps, l’Allemagne affichait un excédent de 158 milliards d’euros.

Ces divergences de compétitivité proviennent, pour l’essentiel, d’écarts dans le développement industriel, des écarts qui s’enracinent dans l’histoire longue.

Ainsi, l’Allemagne a creusé l’écart avec la France et la Grande-Bretagne dès la fin du XIXe siècle. Les causes en sont connues : cohésion sociale exceptionnelle favorisée par la cogestion syndicats-patronat ; valorisation systématique, par consensus national, du « site de production Allemagne » ; formation par alternance dans le cadre d’un système dual où la moitié des enfants sont orientés dès l’âge de onze ans ; mise en application de la science et de la technologie dans toutes les industries, y compris les industries courantes ; puissance du Mittelstand et des entreprises moyennes ; réinvestissement des profits, presque toujours substantiels, dans l’entreprise et dans l’innovation ; sous-traitance à bas prix dans les pays voisins de la Mitteleuropa et maîtrise de l’assemblage et de la chaîne de valeur ajoutée en Allemagne même.

Ces écarts sont cumulatifs dans une « zone monétaire non optimale », comme l’a bien montré Robert Mundell. Il se produit tout simplement en Europe ce qui s’était produit en Italie après l’unification italienne et la généralisation de la lire à la péninsule : polarisation des richesses au nord, « mezzogiornisation » au sud.

Les écarts de compétitivité au sein de la zone euro ont également été creusés par le « choc de compétitivité » mis en œuvre par le chancelier Schröder au début des années 2000 : réduction de l’État providence, déflation salariale, recours à la sous-traitance dans les pays proches disposant d’une main-d’œuvre bon marché, une politique poursuivie par Mme Merkel, avec une hausse de trois points de la TVA en 2007.

Au total, depuis 2000, la France a perdu quinze points de compétitivité par rapport à l’Allemagne.

Le TSCG et son document d’application, le projet de loi organique, sont-ils des réponses à cette situation ? Évidemment non ! Ce ne sont pas les outils appropriés pour combler ces écarts de compétitivité, lesquels sont à la racine de la crise. Au contraire, ils les creuseront davantage, en déprimant l’activité dans les pays déjà en difficulté.

Vous insistez, monsieur le ministre, sur le fait que le projet de loi organique ne se conçoit pas indépendamment du TSCG bien sûr, ni du « paquet européen » dans lequel il y a aussi le « six-pack », le « pacte pour l’euro plus », et bientôt le « two-pack ».

Vous nous présentez le projet de loi organique comme un pilotage à moyen terme des finances publiques à partir d’un « solde structurel » de 0, 5 % du PIB. L’essentiel du pilotage se fera dans le respect d’une trajectoire auquel veillera un chien de garde dénommé « Haut Conseil des finances publiques », dont les avis s’imposeront au Gouvernement et au Parlement. M. le ministre délégué chargé du budget ne nous l’a pas caché en commission et vous nous l’avez confirmé tout à l'heure, monsieur le ministre, dans votre intervention liminaire. Le Gouvernement et le Parlement seront liés, sous peine d’encourir – vous l’avez vous-même indiqué – les foudres des marchés financiers.

Vous nous assurez que les prérogatives du Parlement seront sauvegardées, que celui-ci pourra corriger les écarts, en décidant soit des économies soit des hausses d’impôt. Mais vous savez combien cela déjà est difficile ; cela le deviendra donc plus encore.

En fait, la souveraineté budgétaire du Parlement se réduira à l’épaisseur du trait de la trajectoire censée nous conduire vers l’objectif à moyen terme de 0, 5 % de « déficit structurel », un objectif qui se dérobera au fur et à mesure que la récession réduira les recettes fiscales. Le Parlement se trouvera donc enfermé dans un carcan de procédures qui conduiront à l’ingérence permanente de la Commission européenne dans l’élaboration du budget ; on l’a déjà vu avec la visite récente de Mme Reding.

L’organisation de simples débats sur les orientations proposées non seulement par le Gouvernement, mais aussi par les institutions européennes, ne saurait occulter la marginalisation de fait du Parlement.

En effet, a-t-on déjà vu un simple débat parlementaire sans vote corriger une trajectoire dont les règles de calcul ressemblent à une mécanique quasi céleste ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

S’il existe un primum movens dans l’univers, comme le pensait Newton, qui, je le dis au passage, croyait en Dieu, bref s’il existe un pilote comme le laissent à penser vos propos, il est clair qu’il faut le chercher du côté de la Commission européenne. Le Parlement, lui, sera mis en pilotage automatique ! La « sophistication du cadre normatif », comme l’indique M. Marc, est une litote pour décrire l’étouffement du rôle du Parlement et l’avènement d’une Europe post-démocratique.

Dans la discussion du traité budgétaire, le Gouvernement nous a fait miroiter deux « souplesses » : la notion de « déficit structurel », dont il n’y a de définition claire ni en France ni en Europe, et « les circonstances exceptionnelles ». Cette seconde notion ne fait-elle pas redondance avec la première, qui vise à gommer les effets de la conjoncture ?

Monsieur le ministre, ne serait-il pas temps que l’Eurogroupe, auquel vous participez, s’avise des effets profondément déstabilisateurs d’une récession qui touche aujourd’hui toute la zone euro, à l’exception de l’Allemagne ? N’y aurait-il pas lieu, par exemple, de repousser d’un an à deux ans la réalisation de l’objectif à moyen terme ?

Monsieur le ministre, vous avez rejeté, dans une déclaration récente, l’idée d’un « choc de compétitivité », qui pourrait inverser le mouvement de désindustrialisation que la France subit depuis la fin des années soixante-dix. Évitons les querelles de mots ! Vous le savez très bien, le Président de la République l’a d’ailleurs confirmé en parlant de « pacte de compétitivité », il existe en France un problème de compétitivité.

À défaut d’une dévaluation, qui aurait ma préférence, mais que le choix de la monnaie unique interdit désormais, et à défaut d’une augmentation de la durée du travail telle que la propose M. Fillon, bien qu’il ne l’ait pas réalisée quand il était en situation de le faire, reste l’idée défendue par un économiste, M. Aghion, celle d’une « dévaluation fiscale ». Êtes-vous sûr que les effets de celle-ci sur la demande ne pourraient pas être limités et compensés par l’exportation ? C’est une question essentielle, à laquelle il faut pouvoir répondre avant de se prononcer sur le rapport Gallois.

C’est au début du quinquennat du nouveau Président de la République, dont nous souhaitons le succès, parce qu’il sera celui de la France, que je vous demande de faire un effort d’imagination et d’audace, car il faut rendre le « site de production France » compétitif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Il faut redresser notre balance commerciale pour défendre efficacement la souveraineté de la France. Or le TSCG et la loi organique ne nous engagent pas dans la bonne direction.

C’est pourquoi je ne peux, à regret, que confirmer pour ce texte le vote négatif que j’ai émis sur le TSCG. Pour autant, les parlementaires du MRC voteront le projet de loi de finances pour 2013, car celui-ci s’inscrit dans la perspective d’un effort plus justement partagé et marque clairement deux priorités que nous approuvons : l’éducation et la sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

M. Jean-Pierre Chevènement. Pour restaurer la compétitivité de l’économie française, les vrais choix sont ailleurs, et pas dans l’application du TSCG par la voie d’une loi organique. Monsieur le ministre, il faut faire vite, et ce dans l’intérêt de la France !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi organique parachève la transposition d’une partie des mesures instaurées par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en matière économique dont le Parlement français a autorisé la ratification au cours du mois écoulé. Le texte que nous examinons aujourd’hui relève donc d’une obligation légale.

Interrogé par le Président de la République, le Conseil constitutionnel a confirmé l’été dernier que ce texte pouvait prendre la forme d’une loi organique et ne nécessitait donc pas son inscription dans notre Constitution.

Le législateur dispose donc d’une plus grande souplesse dans la définition des modalités d’application des règles édictées par le TSCG et dans sa capacité à amender cette loi à l’avenir.

Pour ce motif, et aussi en raison de la réorientation amorcée des politiques de l’Union européenne, le groupe écologiste votera en faveur de ce projet de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Toutefois, plusieurs aménagements nous paraissent devoir être apportés au projet de loi organique dans sa rédaction actuelle, afin d’en améliorer la valeur et la pertinence du point de vue de la bonne gouvernance de nos institutions et au regard des objectifs visés par notre pays dans le cadre du renforcement de la construction européenne.

Les amendements que nous avons déposés tendent en particulier à améliorer la nature et le fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques, dont la création constitue l’une des principales innovations introduites par le texte.

Comme d’autres États signataires du TSCG ayant opté pour sa transposition au travers d’une loi organique, la France compte déjà plusieurs organismes compétents en matière de prévision et de finances publiques. Mais ces organismes, en dépit de leurs qualités, ne paraissent pas nécessairement en mesure de répondre aux nouvelles exigences fixées par le TSCG ; comme c’est malheureusement souvent le cas en France, ils ne disposent pas de statuts garantissant leur pleine indépendance à l’égard du pouvoir exécutif.

C’est sans doute la raison pour laquelle le Gouvernement a jugé nécessaire, pour mieux se conformer aux stipulations du TSCG, de mettre en place un Haut Conseil des finances publiques.

Il convient d’être particulièrement vigilant s’agissant du rôle et de la composition de ce nouvel organisme. Compte tenu de la densité des procédures budgétaires et de leur étalement dans le temps, son intervention auprès du Gouvernement sera quasiment permanente. Par ailleurs, il n’est pas exclu que ses compétences soient encore étendues à l’avenir, à mesure que la coopération budgétaire, économique et fiscale au sein de l’Union européenne se renforcera, comme il est probable.

Nous devons donc permettre à cette nouvelle instance d’éviter deux écueils : celui d’être un nouveau comité Théodule dont les avis ne seraient pas réellement suivis et celui d’être un comité de censure discrétionnaire, dont les avis ne le seraient que trop.

Pour permettre au Haut Conseil des finances publiques d’éclairer pleinement le Gouvernement et la représentation nationale, et non de simplement les contraindre, nous devons garantir non seulement sa compétence technique, mais aussi sa légitimité politique et intellectuelle, en veillant notamment à la diversité et au pluralisme de sa composition.

Dans cette perspective, trois améliorations au moins nous semblent possibles.

Premièrement, il convient à notre avis de permettre la publication des opinions minoritaires qui s’exprimeront au sein de cette instance. Les sujets que le Haut Conseil aura à traiter sont par nature complexes, et assumer publiquement cette complexité ne semble pas aberrant, quand bien même la décision finale de l’instance, et elle seule, fera autorité.

La Cour suprême des États-Unis procède de la sorte, comme du reste de nombreuses autres institutions. Notre Sénat fait de même dans le cadre, par exemple, de ses commissions d’enquête ; je ne crois pas que son autorité s’en trouve affaiblie.

Deuxièmement, concernant les membres du Haut Conseil désignés par le Parlement, si l’on veut que leur légitimité et leur indépendance soient réellement incontestables, il n’est à notre sens pas possible de se contenter d’une nomination par les présidents des chambres et ceux des commissions des finances. Leur désignation doit obéir à une logique plus collégiale et impliquer les commissions des finances dans leur ensemble, au travers d’un vote de leurs membres à la majorité qualifiée. Cela permettra de garantir un certain consensus et un indispensable pluralisme dans le choix des personnalités retenues.

En outre, parce que ces nominations relèvent d’assemblées parlementaires où l’égalité entre les hommes et les femmes devrait être l’un des objectifs principaux, nous proposons que les quatre membres qui seront désignés par le Parlement le soient de façon paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Nous ne pouvons malheureusement pas faire la même proposition pour les autres membres du Haut Conseil, car cela pourrait être perçu comme un empiètement sur l’indépendance de la Cour des comptes, mais peut-être cette institution saura-t-elle utilement s’inspirer, en la matière, de nos décisions.

Troisièmement, nous proposons de faire siéger, au sein du Haut Conseil, une autorité reconnue du monde universitaire, à savoir le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques ou son représentant, à la place du directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE. Quelles que soient ses qualités et celles de son institution, celui-ci nous semble en effet dépendre trop fortement du pouvoir exécutif pour pouvoir participer sereinement aux travaux du Haut Conseil : il est nommé et révocable par décret pris en conseil des ministres, ce qui explique d’ailleurs certaines polémiques passées. De plus, l’INSEE et son personnel sont déjà très largement associés à l’élaboration des hypothèses sur lesquelles se fonde le Gouvernement pour bâtir son budget ; en l’occurrence, le directeur général de l’INSEE ferait donc figure de juge et partie…

En conclusion, s’il est sans doute difficile de trouver un débat plus technique et plus aride que celui qui porte sur nos finances publiques et sur les règles encadrant l’élaboration des lois de finances, il est tout aussi difficile d’en trouver un dont les enjeux politiques et sociaux soient importants au même degré.

En adoptant ce projet de loi organique et en faisant droit aux quelques propositions que je viens de présenter, nous pourrons trouver, me semble-t-il, le bon équilibre entre tous ces enjeux et placer le curseur au juste niveau entre technicité et débat citoyen.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques jours, le groupe UMP a apporté son soutien à la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.

En effet, comme l’ont alors expliqué nos collègues Philippe Marini et Jean Bizet, nous sommes convaincus qu’il est indispensable de respecter nos engagements européens, en l’occurrence ceux qui ont été pris par le Président Nicolas Sarkozy en décembre 2011.

Autrement dit, nous sommes convaincus qu’il est indispensable d’accepter de nous fixer des règles de politique économique, en coordination avec nos partenaires européens, si nous voulons que la zone euro soit une union monétaire cohérente et efficace, source de richesse et de solidarité.

Les grands principes inscrits dans le traité ayant été acceptés, nous abordons aujourd’hui la question de leur traduction concrète dans notre droit et dans notre procédure parlementaire.

Dans quelques jours, lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et du projet de loi de finances pour 2013, nous devrons nous assurer que vos choix économiques, monsieur le ministre, garantiront que la France pourra respecter ses engagements.

Permettez-moi d’être d’ores et déjà très dubitative sur ce dernier point… Mais nous aurons l’occasion d’en débattre plus précisément et d’examiner, le moment venu, si les règles figurant aux articles 3 et 4 du traité s’appliquent bien aux lois de programmation des finances publiques comme aux lois de finances.

Le présent projet de loi organique vise donc à transcrire dans notre droit le traité européen. Je m’en tiendrai ici à ses trois dispositions principales : la fixation d’un objectif de moyen terme en matière de solde structurel, l’instauration d’une règle d’or, c’est-à-dire d’un mécanisme qui assure la réduction progressive des déficits en tenant compte des aléas de la conjoncture, et la création d’un Haut Conseil des finances publiques.

Je me féliciterai tout d’abord du retour à la raison d’une bonne partie de la gauche française, qui s’est longtemps opposée à toute disposition un tant soit peu contraignante visant à réduire nos déficits. Or de telles dispositions sont un préalable indispensable à la réduction de notre endettement, ainsi qu’un moyen de retrouver des marges de manœuvre budgétaires et de garantir l’indépendance nationale.

Tels étaient bien les objectifs de notre majorité, qui a lancé tout le travail préparatoire à l’élaboration de ces mesures, avec notamment la conférence sur les déficits publics, le rapport de M. Camdessus et différents projets de loi, en particulier un projet de réforme constitutionnelle.

Aujourd’hui, nous regrettons que, pour des raisons de cohésion au sein de votre majorité, vous n’ayez pas choisi la voie constitutionnelle. En effet, au-delà de la force du symbole, constitutionnaliser une règle économique d’équilibre budgétaire est presque devenu une nécessité au regard du principe de réalité lorsqu’aucune majorité, ni de gauche ni de droite, n’a réussi à voter un budget en équilibre depuis plus de trente ans, même en période de croissance.

Cette question dépasse donc largement les considérations partisanes. Que le Conseil constitutionnel ait jugé qu’il n’y avait pas d’abandon de souveraineté est une bonne chose, mais rien n’empêchait que l’on procède à une modification de notre Constitution. Elle n’est pas obligatoire, certes, mais elle aurait été bien plus qu’un symbole : un véritable engagement de responsabilité.

Oui, mes chers collègues, inscrire la règle d’or dans le marbre de la Constitution lui aurait donné une plus grande force et une plus grande portée juridique. Une loi organique n’aura pas la même solennité.

Mais soit : pas de loi constitutionnelle, une loi organique… L’essentiel n’est-il pas que vous ayez finalement accepté un cadre définissant une trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques ?

En effet, il est aujourd’hui clair que ni la croissance ni l’inflation ne suffiront à rééquilibrer nos comptes. L’enjeu est donc bien de parvenir à inscrire notre action de réduction des déficits dans la continuité. Il s’agit de se fixer des limites pour l’avenir : l’objectif est non pas de dépenser plus ou de dépenser sans compter, mais de choisir la dépense publique juste et efficace au regard du niveau des recettes.

En conséquence, une règle de moyen terme est pour la France une option raisonnable et conforme à ses engagements européens.

En revanche, nous devons avoir conscience que la notion de solde structurel, qui figure à l’article 3 du TSCG, est tout de même relativement compliquée.

Nous avons déjà débattu de cette notion en 2011. Le mode de calcul est complexe, car il repose sur des hypothèses théoriques qui ne permettent pas de corriger totalement les fluctuations conjoncturelles.

Même si la perfection mathématique est difficile à atteindre, il n’est pas impossible de calculer le solde structurel, dont tout l’intérêt réside précisément dans la prise en compte des variations économiques de court terme ; d’autres pays, notamment l’Allemagne, utilisent cette notion. Nous devons veiller à ce que les modalités de son calcul soient claires, non polémiques et compréhensibles par nos concitoyens.

Cela signifie que ces modalités doivent être homogènes avec ce que font nos partenaires européens. La Commission européenne doit garantir la compatibilité des méthodes, à défaut de leur uniformité. Nous espérons, monsieur le ministre, que c’est bien dans cette voie que vous engagerez notre pays.

À cet égard, je me permets de rappeler que mes collègues Philippe Marini et Jean Arthuis avaient proposé la création d’une autorité européenne des comptes publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

C’est aussi dans cette perspective qu’il est fondamental que le Haut Conseil des finances publiques soit indépendant et que ses membres nommés soient des experts en économie n’appartenant pas nécessairement à la haute administration.

Sur le principe, nous sommes d’autant moins opposés à la création de ce Haut Conseil que, lors de la conférence sur les déficits publics organisée en 2010, nous avions envisagé d’instituer un conseil consultatif des finances publiques chargé de formuler des avis en amont et de renforcer le rôle de la Cour des comptes, notamment par la mise en place d’une procédure d’alerte.

Aujourd’hui, au travers du présent texte, la France met son droit et ses procédures de décision en matière de finances publiques en conformité avec ses engagements européens ; c’est un premier pas nécessaire, mais demain, il faudra donner avec rigueur et détermination une traduction à ces engagements dans notre économie.

Monsieur le ministre, le taux de croissance de 0, 8 % que vous prévoyez pour 2013 est un objectif sûrement plus volontariste que réaliste, mais je reconnais qu’un gouvernement se doit d’avoir une vision optimiste de l’avenir, faute de quoi il dessert le pays.

S’agissant des objectifs, nous sommes sur des longueurs d’onde très proches. Pour autant, les membres du groupe UMP sont très réservés sur les moyens que vous vous proposez d’employer pour les atteindre. Cela est très grave, car une telle situation est de nature à jeter le doute sur la capacité de la France à respecter ses engagements.

M. le rapporteur général de la commission des finances le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

À ce stade, je soulèverai quatre questions.

Premièrement, que signifie une règle d’or sans réformes structurelles de notre économie ?

En six mois, non seulement vous n’avez proposé aucune mesure structurelle, mais vous êtes revenus sur la réforme des retraites, le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, la fameuse révision générale des politiques publiques… En réalité, vous avez stoppé le processus de maîtrise de la dépense ; cela représente plus de 20 milliards d’euros en cinq ans. Les augmentations d’impôts et de prélèvements ont clairement votre préférence !

Deuxièmement, que signifie une règle d’or sans mesures en faveur de la compétitivité de nos entreprises ?

La question de la compétitivité appelle une réponse urgente au nom de l’intérêt national. La clé de la réduction du chômage et de la dette ne se trouve que dans le rétablissement d’un appareil productif compétitif. Sans compétitivité, les hausses d’impôts seront inefficaces, car la chute de l’activité sera plus rapide que le relèvement des taux. Les recettes des entreprises vont chuter et nous assisterons probablement, l’an prochain, à un effondrement des recettes de l’État. En augmentant les impôts comme vous le faites, vous finirez par aggraver les déficits publics. Il est incroyable que vous agissiez comme s’il n’existait aucune relation entre compétitivité, croissance, stratégie industrielle et fiscalité.

Troisièmement, que signifie l’instauration d’une règle d’or quand la réduction du déficit passe par des hausses d’impôts qui risquent d’être insupportables pour notre économie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Or, nous le savons, les consolidations des finances publiques fondées sur la baisse des dépenses publiques sont moins préjudiciables à la croissance, comme le prouvent les expériences du Canada et de la Suède dans les années quatre-vingt-dix.

À la question de savoir quelle politique a les effets les plus récessifs, entre la baisse des dépenses publiques ou l’augmentation des impôts, la réponse de l’opposition est catégorique : les augmentations d’impôts sont bien les plus nuisibles à la croissance. En termes de production et d’emploi, la baisse des dépenses publiques est beaucoup plus efficace que la hausse des impôts pour réduire le déficit public. Cela permet de soutenir la consommation par la réduction du taux d’épargne des ménages et d’obtenir une hausse de l’investissement des entreprises. Faut-il rappeler que les dépenses publiques représentent 56 % du PIB et que nous battons tous les records en Europe sur ce plan ?

Quatrièmement, que signifie notre engagement européen de respecter un solde de déficit structurel, quand le Gouvernement fait fi des recommandations tant des autorités européennes que de la Cour des comptes ?

La Cour des comptes, par la voix de son Premier président, M. Migaud, dont personne ne peut contester l’autorité et la compétence, a été très claire : la réduction du déficit doit résulter pour une moitié d’une baisse des dépenses, pour l’autre d’une hausse des recettes. Vous ne l’avez pas écoutée : vous prétendez que vous réaliserez l’effort de réduction des dépenses sur cinq ans, mais comment voulez-vous être crédibles si vous ne commencez pas dès cette année ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En outre, les déclarations de M. Bartolone, président de l’Assemblée nationale, de Mme Guigou et de M. Désir sur la pertinence de l’objectif de ramener le déficit public à 3 % du PIB nous inquiètent : que prépare vraiment le Gouvernement ? Surtout, que compte-t-il faire à l’égard de ses partenaires européens ?

Nous aurons l’occasion de revenir bientôt sur ces sujets, lors de la discussion des prochains textes que vous nous présenterez, notamment le projet de loi de finances pour 2013, mais je voudrais être sûre qu’après avoir foulé aux pieds votre promesse de campagne de renégocier le traité européen, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… vous ne teniez pas un engagement européen seulement parce que vous ne pouvez pas faire autrement, seulement parce que vous ne pouvez pas y échapper, en réalité. Je crains que vous ne teniez cet engagement sans y croire. Nous verrons bien lors de la discussion du projet de budget pour 2013. Quand un gouvernement, de toute évidence, ne croit pas à la stratégie qu’il se trouve obligé de mettre en œuvre, il ne peut pas réussir ! Comment peut-on demander aux Français de faire des efforts en 2013 et de les poursuivre les années suivantes alors que, dans le même temps, le président de l’Assemblée nationale et d’autres hauts responsables de la majorité nous expliquent que ces efforts sont absurdes ?

En conclusion, le groupe UMP pourra apporter son soutien au texte présenté aujourd’hui, car il souscrit aux objectifs qui le sous-tendent, mais à la condition que le Gouvernement accepte les amendements présentés par notre collègue Philippe Marini, président de la commission des finances.

Aujourd’hui, au-delà du débat, que j’ai trouvé passionnant, sur la nature juridique du texte à adopter – loi constitutionnelle, pour laquelle j’ai très largement exprimé ma préférence, ou loi organique –, ce qui compte pour notre pays, c’est la détermination et l’action, l’efficacité et la crédibilité. Monsieur le ministre, le chemin est long, et il va falloir nous convaincre ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur l’Europe, l’avenir de notre pays et la compétitivité est au cœur des échanges. Le patronat s’invite largement dans ce débat en n’ayant de cesse de revendiquer une réduction du coût du travail.

Le Président de la République, au-delà de sa déclaration relative à l’objectif d’assurer une convergence européenne en matière d’impôt sur les sociétés et de revoir l’assiette de celui-ci, estime qu’il faut engager une réforme structurelle de la protection sociale. Cette volonté de faire progressivement basculer plusieurs dizaines de milliards d’euros des cotisations sociales vers l’impôt est le principal élément que l’on a retenu de son discours de jeudi dernier. Voilà donc la ligne directrice des « réformes » devant affecter notre système de prélèvements obligatoires dans les cinq années à venir.

Le projet de loi organique dont nous débattons aujourd’hui est organiquement lié au traité budgétaire européen et à son appendice, le pacte pour l’emploi et la croissance. La question qui nous est posée est bel et bien la suivante : quel système fiscal, quel mode de financement de notre protection sociale devons-nous adopter pour les années à venir ? Qu’il s’agisse des finances de l’État, de celles de la sécurité sociale, des finances locales ou du budget de toute entité publique, quels dispositifs répondront de la manière la plus pertinente aux exigences de justice dans le prélèvement, d’efficacité dans la dépense, de qualité dans la réponse apportée aux besoins ?

Le Gouvernement, sur la foi du rapport Gallois, et le Président de la République semblent donc avoir choisi de consacrer une attention particulière à l’allégement de ce que l’on appelle le « coût du travail », visant directement en cela les revenus mutualisés entre l’ensemble des actifs et des inactifs que constituent les cotisations sociales et les prestations qui y sont adossées.

Nous le savons tous, l’objectif général de la loi organique, outre de garantir le respect de nos engagements européens, est de parvenir à l’équilibre dit « structurel » des comptes publics, les collectivités locales et la sécurité sociale étant appelées, à moyen terme, à compenser ce qui pourrait rester du déficit de l’État.

Examinons d’entrée la question qui fâche, celle du fameux « coût du travail », qui n’est jamais, si l’on en croit Adam Smith, que le salaire versé par l’entrepreneur à celui dont le travail permet la production de biens et de services.

Les comptes de la nation pour 2012 font apparaître que les prélèvements sociaux opérés sur les entreprises – ce que la comptabilité nationale appelle les « sociétés et quasi-sociétés non financières » –, à partir de la valeur ajoutée créée par le travail, se sont élevés à 145 milliards d’euros. En revanche, les mêmes entités économiques ont versé 309 milliards d’euros en intérêts, dividendes et autres coûts financiers. Nous aurions pu nous attendre à ce que ces 309 milliards d’euros fassent l’objet de toutes les attentions. Eh bien non, ce sont les cotisations sociales qui sont mises en avant !

Ce que l’on appelle « coût du travail » figure sans doute comme une charge, en termes comptables, au compte de résultat de n’importe quelle entreprise soumise à la comptabilité des sociétés commerciales, mais cette charge est constituée de deux éléments principaux.

Le premier de ces éléments est la rémunération nette perçue par le salarié pour la force de travail qu’il a utilisée en vue de produire des biens ou d’assurer des prestations de services dans l’entreprise qui l’emploie : une rémunération nette, inférieure à la valeur du bien produit ou du service rendu et génératrice, « naturellement », d’une plus-value. C’est ainsi qu’Adam Smith, dont l’héritage est revendiqué par maints défenseurs de la libre entreprise, indique que « le travail d’un ouvrier de manufacture ajoute en général, à la valeur de la matière sur laquelle il travaille, la valeur de sa subsistance et du profit du maître ».

Aussi ce débat sur le coût du travail, mené au nom de la fameuse compétitivité, n’est-il rien d’autre que la répétition infinie du débat sur l’utilisation de la « plus-value ».

Réduire le coût du travail, en France comme en Europe, n’est-ce pas remettre en cause quelques-uns des acquis fondamentaux issus de la Libération, de la victoire sur le nazisme et le fascisme ? N’est-ce pas mettre en question la sécurité sociale, qui a porté, sur la durée, une bonne partie de la croissance de notre pays en élevant de manière remarquable le niveau de santé publique ?

Ce débat sur le coût du travail est aussi ancien que le développement de l’économie marchande. Permettez-moi de citer encore une fois Adam Smith : « Les commerçants anglais se plaignent fréquemment du niveau élevé des salaires dans leur pays. Ils expliquent que ce niveau élevé est la cause de la difficulté de vendre leurs marchandises à des prix aussi compétitifs que les autres nations. […] Dans beaucoup de cas, les bénéfices élevés du capital peuvent contribuer beaucoup plus à la hausse du prix des marchandises que les salaires exorbitants. » Il me semble que cet aspect de sa pensée est oublié quand certains analysent la question du « coût du travail » !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Bien sûr ! Mais il faudrait aussi que vous lisiez tout ce que d’autres auteurs d’une sensibilité différente ont écrit sur ce sujet…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Le second élément du coût du travail, ce sont les cotisations sociales et, de manière générique, l’ensemble des cotisations dont l’assiette, ou la valeur de référence, est le salaire brut de chaque salarié.

Ces cotisations sociales ont un double caractère : elles constituent un droit ouvert, pour celui dont le salaire sert de base de calcul, à disposer d’une couverture maladie, à bénéficier de prestations familiales, à recevoir un revenu de remplacement en cas de chômage et à jouir d’une pension de retraite lorsqu’il aura interrompu son activité professionnelle, et un droit agissant, parallèlement, pour tous ceux qui sont alors malades, retraités, sans emploi. Ce sont des droits ouverts et liquidables, à tout moment ou presque, à raison de la situation de chacun.

C’est dire que les dépenses de protection sociale – et vous verrez que nous ne sortons pas du débat sur ce projet de loi organique – sont un élément constitutif du revenu des ménages particulièrement essentiel et que toute réduction du niveau et de la qualité de couverture de ces dépenses conduit, en fait, à une réduction du pouvoir d’achat de ces ménages et de leur capacité d’épargne et d’investissement.

Indexer les retraites sur les prix, en provoquant un quasi-gel du pouvoir d’achat des retraités depuis vingt ans, c’est priver les salariés et leurs familles du juste prix de leur travail !

La raison d’être de notre système de protection sociale, et surtout son caractère mutualisateur, peuvent être ainsi mis en cause ; le présent projet de loi organique ne semble pas devoir sortir de cette logique.

En effet, la protection sociale y est envisagée non pas comme un ensemble de droits attaché à un ensemble de ressources, mais comme un solde comptable qu’il conviendra d’ajuster au fur et à mesure de la réalisation de l’objectif à moyen terme et de la trajectoire de nos finances publiques, tels que définis par le TSCG, et dont nous verrons la traduction concrète lors de l’élaboration de la loi ordinaire.

À un objectif comptable, nous allons donc ajouter une mutation profonde, déconnectant de plus en plus le financement de la sécurité sociale et des autres protections sociales de leur lieu naturel de financement, c’est-à-dire l’entreprise, pour le reporter sur l’impôt. On ne sait pas encore si ce déplacement concernera la TVA, la CSG ou un panier plus large encore d’impôts, mais le fait est que l’objectif est tracé : accroître le taux de marge des entreprises en réduisant les cotisations sociales et en délocalisant de l’entreprise le financement de la sécurité sociale !

Les comptes publics sont profondément dégradés par les multiples adaptations de notre système de prélèvements sociaux et fiscaux aux seules attentes des entreprises. Des dizaines de milliards d’euros, tous les ans, sont consacrés par le budget à l’allégement des cotisations sociales des entreprises. Certaines entreprises, en n’embauchant que des salariés payés au niveau du SMIC, ne versent à la sécurité sociale que la part dite « ouvrière » des cotisations sociales ! De grands groupes de la distribution et/ou de la restauration, absolument pas exposés à la concurrence internationale, champions de France du travail précaire et du temps partiel imposé, y sont particulièrement intéressés, sans que l’emploi, les salaires ou la formation s’en portent mieux pour autant, pas plus d’ailleurs que les créances des fournisseurs de ces groupes, partenaires plus ou moins contraints de relations commerciales déséquilibrées.

Les politiques d’allégement du coût du travail se sont tellement développées, depuis une vingtaine d’années, que l’on en oublierait presque que la France compte désormais 5 millions de chômeurs à temps complet ou à temps partiel, que 3 millions de salariés sont employés à temps partiel imposé, surtout des femmes, et que près de 7 millions de salariés perçoivent la prime pour l’emploi, ce qui, de notre point de vue, constitue sans doute le principal élément structurel de nos déficits publics. Et il reste encore quelques personnes pour dire que notre droit du travail est « rigide » et agit comme un frein à l’embauche !

Un autre élément structurel est le déclin organisé des recettes publiques.

Certains oublient un peu vite que la baisse des recettes fiscales de l’État, au nom d’une incitation globale à favoriser l’épargne longue et les investissements productifs, est tout de même le principal vecteur de l’accumulation des déficits.

De 1982 à 2009, les recettes fiscales de l’État sont passées de 22, 5 % du PIB à seulement 15, 9 %, ce qui constitue tout de même une moins-value équivalant à rien de moins que 130 milliards d’euros en valeur 2009…

Tels sont les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Mon collègue Éric Bocquet reviendra plus en détail sur le texte. Pour ma part, j’insisterai sur quelques points.

La création du Haut Conseil des finances publiques va désormais priver les citoyens et leurs représentants d’une grande part de leur capacité de contrôle de l’action publique ; c’est en tout cas notre analyse. Le fondement de ce projet de loi organique est d’attacher durablement notre pays à l’étroite conception budgétaire qui régit aujourd’hui les destinées de l’Union européenne.

Contre toute logique, alors même que ni la Grèce, ni l’Espagne, ni le Portugal ne pourront cette année tenir les objectifs de réduction des déficits publics qui leur ont été assignés, alors même que, dans un nombre croissant de pays, les tenants de l’ordre des choses connaissent de sérieuses mésaventures électorales, comme en Espagne, en Grèce ou en Belgique, alors même que la menace de tentations populistes, isolationnistes, parfois xénophobes, se fait plus pressante, on nous demande de voter une loi organique dont la finalité est de contraindre les Français à accepter les sacrifices nécessaires au respect des critères européens. La justification économique, sociale, politique de ces critères reste d’ailleurs à donner, ceux-ci s’appuyant sur des choix scientifiques et éthiques parfaitement discutables.

Quel pays a vu sa situation s’améliorer durablement en remettant en cause les garanties des salariés au regard du droit du travail, en développant la flexibilité et la précarité ?

J’en viens à une autre question, celle de la réduction des dépenses publiques. Les mécanismes et mesures de correction des trajectoires de finances publiques sont des obligations posées par ce projet de loi organique. L’article 8 du projet de loi de programmation « ordinaire » dont nous débattrons la semaine prochaine prévoit en effet que « les collectivités territoriales contribuent à l’effort de redressement des finances publiques selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées ». On appréciera le sens de la litote dont font ici preuve les concepteurs du projet de loi…

Supportant de 70 % à 75 % de l’investissement public, les collectivités territoriales ne contribuent-elles pas déjà à l’équilibre des finances publiques, en favorisant l’activité productive par leurs dépenses d’équipements ? Ces équipements sont-ils sans effet sur l’activité économique, à commencer par la viabilisation des zones d’activité, la mise à disposition d’infrastructures, de réseaux, d’équipements ? Comment ce qui nous a toujours semblé être un facteur positif, y compris au moment où a éclaté la crise financière, serait-il désormais considéré comme un élément négatif ?

Les pays qui ont le plus été frappés par les derniers développements de la crise économique durable que l’Europe connaît depuis quarante ans, comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal, sont aussi ceux où la part des dépenses publiques était la plus faible.

Ainsi, l’Espagne n’a atteint le taux de 45 % de dépenses publiques que depuis que la chute du PIB du pays, en valeur et en volume, a contracté les données.

La même remarque vaut pour l’Irlande, championne de la faiblesse des dépenses publiques en 2000, avec un taux de 31, 2 % du PIB, qui a atteint le taux de 66, 1 % du PIB en 2010 parce qu’il a fallu renflouer les banques du pays, au bord de la faillite !

Il faut donc parfois se méfier de ce que l’on entend dire quant à la nécessité de réduire les dépenses publiques ! La loi organique, outre sa conception étroite entièrement tournée vers l’austérité et le maintien de la rentabilité du capital, fait référence à une notion tout de même assez douteuse : le « solde structurel ».

Le débat en commission des finances a montré, pour le moins, qu’un accord sur la définition de ce solde structurel, considéré comme le solde budgétaire, déduction faite des mesures de caractère conjoncturel, était suffisamment éloigné pour que la question fût tranchée une bonne fois pour toutes…

Le problème, c’est que la définition à géométrie variable du solde structurel met en question la clef de voûte de l’ensemble du projet de loi organique. Si nous ne sommes pas d’accord sur l’objectif à atteindre, au moins sur sa valeur algébrique, comment voulez-vous mettre en œuvre la loi organique ? À moins – mais nous n’osons y croire – que tout cela ne soit finalement qu’un ensemble de principes dont nous pourrions nous abstraire en tant que de besoin.

En tout cas, les finances publiques sont affaire trop sérieuse pour qu’on leur impose un tel carcan législatif. En cohérence avec notre opposition au TSCG, nous ne pouvons évidemment que voter contre un projet de loi qui en constitue le prolongement s’agissant du travail du Parlement. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord remercier le rapporteur général de la commission des finances, le rapporteur général de la commission des affaires sociales et le président de la commission des finances de nous avoir éclairés sur le contenu de ce projet de loi organique. Naturellement, tout dépend du regard que l’on porte sur ce dernier : il peut apparaître comme un carcan ; il peut aussi apparaître comme un exercice de rhétorique parlementaire…

Ce projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques répond à deux impératifs : d’une part, nous conformer aux engagements résultant du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire ; d’autre part, nous permettre de prendre toutes dispositions nécessaires pour sortir enfin de notre triple addiction au déficit, à la dépense publique et au surendettement.

C’est parce que le traité, au-delà de son apparence de rigueur, ouvre la porte à des débats académiques, au risque de les voir devenir parfois ubuesques, du fait de la référence au solde budgétaire structurel, à l’effort structurel ou bien au produit intérieur brut potentiel, que le Gouvernement aurait dû choisir une démarche rigoureuse.

En fait, et je le regrette, le texte qui nous est soumis opte pour la commodité, la facilité, bref, oserais-je dire, pour le minimum syndical. Nous avons besoin de règles simples, robustes, car les concepts retenus par le traité vont nous égarer en ouvrant des discussions confuses, dogmatiques, probablement incompréhensibles et sans fin.

La commission présidée par Michel Camdessus en 2010 avait écarté cette référence « structurelle » pour des raisons de pédagogie. Quel serait, en effet, le produit intérieur brut si le plein-emploi était assuré, si les 3 millions de chômeurs retrouvaient un emploi ? Vous imaginez, mes chers collègues, quelles discussions enflammées nous allons devoir affronter.

Avant de parler de solde structurel et de PIB potentiel, il serait sans doute judicieux de mettre en œuvre des réformes structurelles, précisément : je pense à l’abrogation des 35 heures, à l’allégement des charges sociales, qu’il faudrait sans doute financer par un surcroît de TVA, sans encourir le risque d’une inflation des prix dès lors qu’il s’agit de produits élaborés sur notre territoire national. J’ose espérer que la gouvernance de l’Eurogroupe définira les concepts et les modalités d’évaluation de l’effort structurel, du solde structurel et du produit intérieur brut potentiel.

Ce que je crois être une faiblesse du traité appelait de notre part une régulation claire. Le Gouvernement, malheureusement, fait le choix du clair-obscur et s’expose à trois critiques.

Première critique : alors que de nombreux pays de l’Union européenne ont eu le courage de dissiper l’ambiguïté en s’en remettant à des institutions indépendantes pour établir les prévisions macroéconomiques, nous restons dans un système d’auto-prévision pour arrêter la projection pluriannuelle des finances publiques et les projets de loi de finances.

Nous savons trop bien que tout gouvernement chargé de cette évaluation est suspect de pratiquer le volontarisme politique, c’est-à-dire l’excès d’optimisme. Il est en effet plus aisé d’arbitrer le niveau des dépenses publiques lorsque les hypothèses de croissance sont élevées et qu’elles accréditent un niveau substantiel de ressources. Face à nos vicissitudes, je croyais que nous allions enfin nous conformer aux exemples que nous donnent plusieurs pays européens – je pense aux Pays-Bas, à la Grande-Bretagne –, en prenant appui sur des instituts ou des autorités indépendants.

C’est une recommandation que formule de longue date notre commission des finances. De droite ou de gauche, les gouvernements ont toujours voulu garder la main sur les hypothèses macroéconomiques. Faut-il rappeler la constance et l’ampleur des écarts constatés pour justifier une réforme radicale ? Nous attendions une rupture avec cette pratique contestable ; il n’en est malheureusement rien. Les prévisions vont rester sous le contrôle du Gouvernement. Il est vrai que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Je remercie Mme Des Esgaulx d’avoir rappelé que Philippe Marini et moi-même avions proposé qu’une autorité indépendante européenne établisse les hypothèses macroéconomiques.

Ma deuxième critique a trait à la composition du Haut Conseil des finances publiques. Certes, pour donner crédit à ses projections, à ses programmations pluriannuelles, le Gouvernement se propose de créer un « organisme indépendant, placé auprès de la Cour des comptes, présidé par le Premier président de la Cour des comptes », chargé d’émettre des avis sur les prévisions gouvernementales et sur les programmations des finances publiques. Les membres de cet organisme indépendant sont si indépendants « qu’ils ne sont pas rémunérés ». Pour ma part, je considère que c’est là un étrange arbitrage. Au surplus, il peut y avoir un conflit d’intérêts, puisque quatre magistrats de la Cour des comptes sont appelés à siéger au sein de cette instance, qui sera en outre présidée par son Premier président. Ces magistrats, qui ont réalisé des progrès considérables dans les diligences qu’ils accomplissent pour parvenir à certifier la sincérité des comptes publics, ont acquis une compétence en matière d’appréciation de l’exécution budgétaire. Or il s’agit ici d’exprimer une opinion sur des prévisions, ce qui est un exercice tout à fait différent. Pour ma part, je considère qu’il existe une sorte de conflit entre ces deux missions.

Je pense qu’il faudra par ailleurs que les magistrats de la Cour des comptes puissent aller jusqu’au bout de leur tâche et que nous instituions la certification de la sincérité des comptes des collectivités territoriales. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a eu raison de rappeler les problèmes de calendrier que pose l’expression de cette opinion. Il faudra, au surplus, que nous puissions consolider les comptes publics dans des délais suffisamment rapprochés de la fin de l’exercice budgétaire pour pouvoir en tirer des enseignements dans la perspective du débat d’orientation budgétaire et de l’élaboration des lois de finances à venir.

En tout état de cause, je le répète, il faudra aller jusqu’au bout. Pour ma part, je regrette que l’on n’ait pas institué un organisme indépendant, auquel on eût confié la responsabilité d’établir ces prévisions, et je crains un mélange des genres s’agissant des magistrats de la Cour des comptes appelés à siéger au sein du Haut Conseil des finances publiques.

Autre critique, les membres du groupe de l’UDI-UC estiment que les prescriptions prévues à l’article 3 du traité, relatives à l’introduction d’un mécanisme de correction automatique des écarts significatifs, sont ignorées dans le projet de loi organique. Il s’agit là d’une omission majeure, qui tend à détourner le texte de l’objectif visé. Le Gouvernement prend le risque qu’on le suspecte de rester dans le flou et l’approximation, peut-être pour prolonger son déni de la réalité. Or l’ampleur de la crise ne nous autorise plus à tergiverser. Je crains fort que votre dispositif, messieurs les ministres, ne finisse au rayon des lois relevant davantage de la gesticulation que du souci de l’efficacité.

Dans ces conditions, pour sortir de l’ambiguïté, il est vital que le Parlement assume pleinement ses prérogatives et se dote de moyens d’expertise en vue de forger sa propre opinion sur les hypothèses de croissance et leur lien avec l’évolution des prélèvements obligatoires. Il importe de sortir au plus vite de ce qui s’apparente à une alchimie aux allures de mystère, donnant à penser que le « doigt mouillé » sert d’instrument de mesure.

Récapitulons : le dispositif est imprécis, dénué de sanctions concrètes, et donc d’application très flexible ; c’est un toilettage des procédures de programmation actuellement en vigueur.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous présenterai, au cours de l’examen des articles, plusieurs amendements visant à donner plus de rigueur et de corps à ce projet de loi organique.

Il s’agira, dans un premier temps, d’éviter les abus manifestes de la part du Gouvernement, qui priveraient le TSCG et le présent projet de loi organique de toute portée, en « cassant le thermomètre ». Deux amendements, à l’article 9 et à l’article 16, ont pour objet de faire en sorte que la trajectoire du PIB potentiel utilisée par le Haut Conseil pour évaluer le solde structurel soit celle du rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques, en renforçant la portée des avis défavorables du Haut Conseil.

Je proposerai également une série d’amendements tendant à inscrire dans le projet de loi organique que le refus du Haut Conseil d’avaliser les prévisions macroéconomiques entraînera l’insincérité de l’ensemble des textes financiers.

Je voudrais mettre à profit l’examen de ce projet de loi organique pour corriger une modification que nous avons apportée en 2005 à la loi organique de 2001 relative aux lois de finances, concernant les engagements « hors bilan ». Je veux parler du recours aux contrats de partenariat public-privé et aux baux emphytéotiques administratifs : ces modes de financement innovants constituent une facilité, utilisée pour éviter d’avoir à constater la dette effective.

J’espère, messieurs les ministres, que l’amendement correspondant retiendra votre attention et que, dans l’article d’équilibre relatif au plafond d’endettement, il sera également fait mention du plafond d’engagements au titre de ces dettes implicites liées à des partenariats public-privé ou à des baux emphytéotiques administratifs.

Nous souhaitons que ce texte contribue à renforcer la confiance, qu’il soit un instrument de meilleure coordination pour la gouvernance de la zone euro, ainsi qu’un instrument de pilotage de nos finances publiques. §

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons la dernière étape d’une longue séquence européenne par la discussion du projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, qui vient après l’examen, voilà une dizaine de jours, du projet de loi autorisant la ratification du TSCG.

Le Gouvernement, conformément à l’engagement du Président de la République, nous soumet donc un projet de loi organique. Cette solution qui, je le rappelle, a été validée a priori par le Conseil constitutionnel, consulté sur l’initiative du Président de la République, a le mérite de la simplicité. La précédente majorité, quant à elle, proposait de procéder à une révision constitutionnelle visant à créer une nouvelle catégorie de lois : les lois-cadres d’équilibre des finances publiques. Cela aurait introduit une complexité supplémentaire, un objet nouveau dans notre paysage constitutionnel : était-ce nécessaire ?

La proposition du gouvernement de Jean-Marc Ayrault a donc le mérite de la simplicité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C’est surtout que vous n’avez pas la majorité des trois cinquièmes au Congrès !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cela ne vous fait pas plaisir de l’entendre, mais avouez que ce que vous proposiez était une véritable usine à gaz !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Aujourd'hui, il s’agit de fonder le dispositif sur un instrument déjà consacré par la Constitution, à savoir les lois de programmation des finances publiques. Partant, le Gouvernement fait preuve de responsabilité, de pragmatisme et d’efficacité.

De ce point de vue, sa proposition se distingue de celle de François Fillon, qui aurait eu pour résultat d’instrumentaliser la Constitution. La réforme constitutionnelle envisagée n’avait en fait qu’un but : masquer la détérioration des finances publiques au cours des dernières années en inscrivant dans la Constitution un taux magique de 3 % du PIB pour le déficit public, qu’il aurait d’ailleurs probablement fallu modifier dans l’avenir. Il s’agissait aussi de faire oublier le doublement de la dette publique, laquelle est passée de 800 milliards d’euros en 2002 à 1 700 milliards d’euros en 2012, soit près de 90 % du PIB, tandis que, dans le même temps, tous les autres indicateurs macroéconomiques connaissaient une grave détérioration : arrêt progressif de la croissance, augmentation du taux de chômage, passage dans le rouge des comptes publics, dégradation de notre balance commerciale, déficitaire de 72 milliards d’euros cette année alors qu’elle présentait un excédent de quelque 3 milliards d’euros en 2002.

Madame Des Esgaulx, vous nous avez donné toutes les recettes qu’il faudrait suivre. Que ne les avez-vous appliquées au cours des dix dernières années !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Vous n’aviez pas la majorité, peut-être ? En réalité, votre principe, c’est faites ce que je dis, pas ce que je fais ! En effet, vous avez augmenté les dépenses publiques et détérioré l’ensemble des équilibres économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous allons nous trouver d’autres maîtres en économie ! Mme Beaufils a cité Adam Smith : c’est une référence que nous respectons tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Oui, mais il a aussi été l’inspirateur de Karl Marx pour ce qui concerne la théorie de la valeur. Mme Beaufils a rappelé son observation en réponse aux plaintes des commerçants anglais quant au niveau des salaires, trop élevé selon eux. Cent cinquante ans plus tard, rien n’a changé : ce week-end, un groupe de patrons exprimait les mêmes plaintes dans le Journal du dimanche

Madame Des Esgaulx, vous nous reprochez par ailleurs de ne pas écouter la Cour des comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Vous n’écoutez rien de ce qui ne vous convient pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Par vos propos, madame Des Esgaulx, vous semez le trouble parmi nos partenaires européens, en prétendant que nous n’aurions en réalité aucune intention d’appliquer la politique annoncée. Une telle attitude n’est pas responsable et porte préjudice à l’économie française.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mme Des Esgaulx n’est pas responsable des propos tenus par M. Bartolone ! Elle ne les a pas inventés !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Vous n’écoutez pas non plus M. Gallois ! Vous n’écoutez personne !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je ne suis pas le porte-parole de M. Bartolone ; il est assez grand pour vous répondre lui-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

MM. les ministres sauront également vous répondre tout à l’heure.

La mise en œuvre des dispositions du présent projet de loi organique aura des effets positifs sur les trois institutions impliquées dans la procédure budgétaire, à savoir le Parlement, le Gouvernement et le Conseil constitutionnel.

Il s’agit d’un dispositif respectueux de la souveraineté du Parlement en matière budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La loi de programmation des finances publiques constitue en effet un instrument de cadrage à moyen terme qui respecte les prérogatives du Parlement. Contrairement aux lois-cadres d’équilibre des finances publiques, les lois de programmation n’auront pas d’autorité supérieure à celle des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, comme l’ont longuement expliqué M. le rapporteur général de la commission des finances et M. le ministre.

Ainsi, le législateur financier conservera toutes ses marges de manœuvre lors de l’examen, chaque année, des textes financiers. En d’autres termes, le Parlement ne sera pas entravé par le carcan d’une quelconque règle d’or. Il s’agit donc bien d’une avancée pour la démocratie parlementaire dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous savons tous qu’un parlement bien informé et éclairé vote des lois de qualité. C’est pour cette raison que le présent projet de loi organique prévoit d’accroître et d’améliorer l’information du Parlement tout au long de la procédure budgétaire.

Tout d’abord, la formalisation du contenu des projets de loi de programmation des finances publiques permettra au Parlement de mieux apprécier la cohérence de ces textes avec les engagements européens de la France.

La description des modalités de calcul du solde structurel et de l’effort structurel, ainsi que la présentation de la méthodologie d’évaluation du PIB potentiel, qui figureront dans le rapport annexé au projet de loi, nous seront particulièrement précieuses. Ces notions constituent en effet le cœur de la loi de programmation.

Sur ces questions de méthode, messieurs les ministres, je souhaiterais connaître l’état d’avancement des travaux qui se déroulent actuellement au sein du comité de politique économique du Conseil ECOFIN. Plusieurs orateurs l’ont souligné, il est important que nous convergions en la matière à l’échelon européen.

Ensuite, l’enrichissement du projet de loi de finances d’un article liminaire comprenant un tableau synthétique concernant l’ensemble des administrations publiques donnera au Parlement une vision globale du solde structurel.

L’analyse des prévisions de solde – structurel, conjoncturel et effectif – figurant dans cet article liminaire sera de plus facilitée par la fusion de tous les rapports joints au projet de loi de finances de l’année en un seul et unique document retraçant l’ensemble des finances publiques.

Enfin, le Parlement bénéficiera des éléments d’appréciation contenus dans les avis du Haut Conseil des finances publiques ou fournis à l’occasion des auditions de son président par les commissions parlementaires.

Toute l’architecture du projet de loi organique repose sur le Haut Conseil des finances publiques, dont la création est probablement la proposition la plus innovante contenue dans ce texte. Cette instance a pour vocation de garantir une appréciation aussi sereine et fondée que possible des hypothèses de croissance du PIB, de l’évolution des dépenses et des déficits budgétaires structurels.

La recherche d’un jugement fondé sur l’expérience et la technicité, plutôt que sur la volonté de plier les chiffres aux exigences de la politique suivie, est quelque chose de nouveau dans la gestion des finances publiques françaises.

C’en sera fini de ces réunions à la direction du Trésor qui se concluaient, comme un conclave au Vatican, par l’apparition d’une fumée blanche annonçant un taux de croissance de 3 % ou de 4 %…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je parle du passé, monsieur le président de la commission des finances !

Je ne sais pas si l’on peut proclamer « habemus papam », mais c’est du moins un progrès, en termes de clarté et de transparence, pour la démocratie et la sincérité des comptes. Je crois que tout le monde en conviendra.

Un point qui mérite considération tient aux conditions de nomination des membres du Haut Conseil des finances publiques. Elles doivent garantir leur compétence et leur impartialité. Je ferai tout à l’heure, à l’article 8, une proposition visant à renforcer cette neutralité.

Par ailleurs, conformément à l’alinéa 2 de l’article 3 du TSCG, le mécanisme de correction prévu à l’article 16 du présent projet de loi organique « respecte pleinement les prérogatives » du Parlement. En effet, en cas d’écarts importants par rapport à la trajectoire budgétaire, il reviendra au Gouvernement de prendre des mesures de redressement, qui seront ensuite débattues au Parlement.

Ce dernier sera également libre de valider ou d’amender les mesures de correction proposées par le Gouvernement à l’occasion de l’examen du projet de loi financier déposé après le déclenchement du mécanisme de correction. Le Parlement jouera donc pleinement son rôle.

Le présent texte permet en outre de mieux valoriser les débats budgétaires pré-estivaux au Parlement.

L’obligation, pour le Haut conseil des finances publiques, de rendre un avis en vue du dépôt du projet de loi de règlement va contribuer à revaloriser deux débats budgétaires qui suscitent habituellement peu d’intérêt, à la veille de l’intersession estivale : je veux bien sûr parler de la discussion du projet de loi de règlement et du débat d’orientation des finances publiques. Ils seront désormais l’occasion, pour le Parlement, d’examiner les éventuels écarts importants à la trajectoire, de se prononcer sur les motifs invoqués par le Gouvernement et de prendre position sur les éventuelles mesures de correction proposées par le Gouvernement.

Par ailleurs, le Parlement sera davantage associé à la procédure du « semestre européen ».

Je me réjouis de constater que le projet de loi organique ouvre la voie à un renforcement du contrôle démocratique de la coordination des politiques économiques et budgétaires, dans le cadre de ce que l’on appelle la procédure du « semestre européen ».

Mme Élisabeth Guigou a fait adopter un amendement confirmant la possibilité, pour l’Assemblée nationale et le Sénat, d’organiser des débats sur les « documents produits par le Gouvernement et par les institutions européennes ». Cela signifie que, à l’avenir, nous pourrons nous prononcer non seulement sur les programmes nationaux de stabilité et les programmes nationaux de réforme, mais aussi sur l’examen annuel de croissance, les lignes directrices de la Commission européenne et les recommandations de celle-ci. Le Parlement pourra donc s’exprimer à toutes les étapes du semestre européen. Cela représente, me semble-t-il, un progrès important.

Enfin, le présent texte comporte un dispositif concourant à l’amélioration de la stratégie de finances publiques du Gouvernement.

Bien que les avis du Haut Conseil des finances publiques soient consultatifs, le Gouvernement sera politiquement contraint d’en tenir compte. À défaut, il risquerait de perdre tout crédit aux yeux du Parlement et de l’opinion publique. Pour autant, il sera soumis à une obligation de moyens, et non à une obligation de résultat, dans la mesure où le caractère automatique du mécanisme de correction des écarts tient seulement à son déclenchement.

En outre, la prise en considération du solde structurel permettra au Gouvernement de bénéficier de plus grandes marges de manœuvre.

Je note avec satisfaction que le Gouvernement a inscrit le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, que nous allons discuter en commission cette semaine et en séance publique la semaine prochaine, dans le cadre prévu par le présent projet de loi organique. L’Assemblée nationale l’a judicieusement adapté aux dispositions organiques qu’elle a récemment adoptées. Ainsi, l’objectif d’effort structurel annuel des administrations publiques figure désormais dans le corps même du projet de loi.

Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques sur les effets du présent projet de loi organique, relatifs en particulier à l’activité et au travail de contrôle et de proposition du Parlement, que je tenais à formuler. Le groupe socialiste soutient et votera le projet de loi organique qui nous est soumis. §

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juin 2001, le Parlement adoptait un texte qui allait changer en profondeur les pratiques de la discussion budgétaire : je veux parler de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Ce texte a indéniablement revalorisé le rôle du Parlement et rendu les lois de finances plus lisibles et plus transparentes.

Aussi, plutôt que de réduire le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui à une simple traduction du fameux traité budgétaire européen ratifié il y a peu par la France, je crois qu’il faut au contraire le resituer dans un cadre historique plus large, pour en mesurer toute la portée.

En effet, si le présent projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ne constitue pas un tournant historiquement aussi important que l’adoption de la LOLF, il en est en quelque sorte le prolongement.

Il apporte en effet des réponses à des questions que la LOLF avait laissées en suspens, malgré le travail de grande qualité réalisé conjointement par le gouvernement d’alors et le Parlement, en associant majorité et opposition.

Je pense par exemple à la logique pluriannuelle de la gestion des finances publiques, que la LOLF visait à encourager mais qui est aujourd’hui en échec. Le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, en renforçant et en précisant le rôle des lois de programmation des finances publiques, permettra de donner tout son sens à cette programmation pluriannuelle.

Une des raisons de l’échec actuel des programmations en matière de finances publiques tient au biais systématique consistant à se fonder sur des hypothèses de croissance beaucoup trop optimistes.

Or l’absence d’évaluation indépendante des prévisions macroéconomiques qui sous-tendent les lois de finances constitue un frein à l’exercice de ses prérogatives par le Parlement et à une gestion véritablement moderne des finances publiques.

Cela a été suffisamment dénoncé sur toutes les travées de cette assemblée, à l’occasion de l’examen des différents textes financiers, pour que l’on puisse, me semble-t-il, saluer la création d’un organisme indépendant chargé de vérifier la crédibilité de ces prévisions macroéconomiques : le Haut Conseil des finances publiques.

Encore faut-il que cette instance soit réellement indépendante, dans la désignation de ses membres comme dans sa réflexion, et qu’elle fasse preuve d’une véritable efficacité ! Dans le cas inverse, il ne faudra pas hésiter à revenir sur sa création. Quand on connaît le coût pour nos finances de l’addition de toutes ces autorités, ce serait un comble de tolérer un tel organisme s’il n’apporte pas une réelle plus-value à la construction du budget de la nation.

Malgré cette réserve, je félicite M. le rapporteur général de la commission des finances pour l’adoption en commission de son amendement tendant à préciser les modalités de fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques, afin de mieux garantir son indépendance à l’égard de l’exécutif. Il était en effet indispensable de revenir sur l’ineptie qui consistait à laisser à un décret pris par le Gouvernement le soin de les définir !

Quoi qu’il en soit, disposer d’hypothèses macroéconomiques fiables est un progrès important. C’est même une nécessité démocratique. Nous rattraperons donc notre retard sur ce point par rapport à nos voisins, notamment le Royaume-Uni.

Ce projet de loi organique reprend d’autres innovations intéressantes prévues par le TSCG. Ainsi, il introduit le « pilotage structurel » des finances publiques. Or, comme mes collègues du RDSE l’ont souligné lors de la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité, il ne fait aucun doute qu’un objectif de solde structurel est plus pertinent économiquement.

Par ailleurs, des améliorations apportées à l’Assemblée nationale, mais aussi en commission des finances au Sénat, méritent d’être soulignées. Je pense notamment aux hypothèses de PIB potentiel, lesquelles constituent un élément important. Les députés ont renforcé les prérogatives du Parlement, et surtout ont garanti sa meilleure association aux procédures européennes.

Finalement, ce projet de loi organique est une « boîte à outils », selon l’expression de M. le ministre de l’économie et des finances, qui permettra d’améliorer le pilotage de nos finances publiques et d’en garantir la maîtrise.

« Réduire la dette publique pour préparer l’avenir », tel est le sous-titre choisi par le ministre de l’économie et des finances pour la loi de programmation pour les années 2012 à 2017, que la Haute Assemblée examinera la semaine prochaine et qui anticipe l’adoption du présent projet de loi organique. C’est en effet un enjeu majeur, un objectif que nous devons tous partager, indépendamment de l’adoption de tout traité ou autre norme.

En effet, une dette et un déficit trop élevés, c’est non seulement une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de nos enfants, mais aussi un handicap pour le présent. On ne le voit que trop clairement aujourd’hui, tant nos marges de manœuvre sont limitées – je ne peux me résoudre à les qualifier d’inexistantes ! – pour mener des politiques publiques ambitieuses au bénéfice de nos concitoyens et de nos territoires.

C’est pourquoi il n’y a pas d’autre solution dans l’immédiat que de combattre le déficit et la dette, en évitant toutefois de tomber dans une spirale d’austérité qui annihilerait la croissance, sans laquelle rien n’est possible.

Depuis le Conseil européen de juin dernier, grâce à François Hollande, la croissance est la nouvelle perspective de la France et de l’Europe. C’est dans ce cadre, plus vaste, qu’il faut resituer le présent projet de loi organique. Pour retrouver le chemin de la croissance, il faut avant tout, cela a été dit, rétablir la confiance. C’est bien là le premier mérite de ce texte.

Efficacité, transparence, mais aussi responsabilité : tels étaient les mots-clés de la LOLF, il y a plus de dix ans. C’est cette logique qui régit aujourd’hui le projet de loi organique soumis à notre examen. Garantir la crédibilité des engagements de l’État constitue une nécessité.

Sur les travées du groupe UMP, on a demandé au ministre de l’économie et des finances s’il était sûr que tout se passerait comme il l’a dit. Ce qui est sûr, aujourd’hui, c’est que l’ancienne majorité nous a légué un surcroît de dette de 600 milliards d’euros, 1 million de chômeurs supplémentaires et un taux de déficit public que nulle règle d’or, d’argent, de bronze ou d’acier n’est venue limiter ! Cela, c’est une certitude !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Six mois après l’élection présidentielle, on ne peut tout de même pas demander au ministre de l’économie et des finances de prévoir avec certitude l’évolution de la situation pour les deux cents ans à venir !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Profitez-en bien, vous serez moins fiers dans un an ! Profitez de la jeunesse de votre pouvoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

En conclusion, la très grande majorité des membres du RDSE votera le présent projet de loi organique. Il s’agit non pas de déléguer une quelconque partie de notre souveraineté budgétaire à l’Allemagne ou à l’Europe, ni de renoncer à nos objectifs en matière de croissance et de compétitivité, mais d’exprimer notre confiance en la capacité de François Hollande et de son gouvernement à faire bouger l’Europe, à rétablir les équilibres financiers qui ont été dégradés sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Il s’agit pour nous de répondre, par le biais de politiques nationales et européennes, aux besoins de nos concitoyens en matière d’emploi, de revenus, d’éducation, de santé, afin de rendre la France plus solide, plus efficace et plus juste. §

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, membre de la commission des affaires étrangères, spécialiste du Golfe persique et du Caucase, je sollicite votre indulgence, n’étant pas une spécialiste des finances publiques. Néanmoins, depuis que j’ai été élue sénateur, je suis très attentive à la discussion des lois de finances, et M. le président Marini pourrait attester de mon assiduité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

C’est donc avec un vif intérêt que j’ai pris des cours accélérés, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

… la rigueur dans la gestion des finances publiques étant devenue une seconde nature dans le département de l’Orne, qui a à sa tête un ancien ministre délégué au budget, ancien président de la commission des finances du Sénat, père de la LOLF : je veux parler de notre excellent président Alain Lambert, désormais membre de la Cour des comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Ce département est, vous l’aurez compris, exemplaire !

Lorsque l’on parle de finances publiques, il s’agit non pas seulement des finances de l’État, mais bien des comptes de l’ensemble des « administrations publiques ». Pour l’avenir de notre monnaie, les finances publiques, au sens de la comptabilité nationale, ce sont les comptes de l’État, ceux de la sécurité sociale, des administrations de sécurité sociale, ainsi que ceux des collectivités territoriales et des administrations publiques locales.

Monsieur le ministre, la fragilité du présent projet de loi organique résulte du caractère encore trop fragmenté de la programmation, de la gouvernance et de la gestion des finances publiques, qu’il est pourtant supposé renforcer.

À l’heure de l’interdépendance, chaque année grandissante, des comptes publics et de la croissance du nombre des politiques partagées, cette fragmentation est aussi regrettable que dangereuse pour notre avenir.

Comment pouvons-nous prétendre renforcer notre crédibilité auprès de nos partenaires européens et nous obliger à respecter durablement nos engagements si ce projet de loi organique n’embrasse pas l’ensemble des finances publiques au sens du périmètre de Maastricht ?

Dans l’immédiat, la mise en œuvre d’une nécessaire vision d’ensemble de nos finances est freinée par la lettre de l’article 34 de la Constitution. Mais il reste indispensable de faire progresser la transparence financière, et le présent projet de loi peut tendre à cet objectif en nous permettant d’utiliser tous les instruments à notre disposition.

Je pense, par exemple, aux annexes qui peuvent être ajoutées aux lois financières. À ce titre, il me semble insuffisant de nous contenter de prendre en compte les seuls soldes, sans décomposition en recettes et en dépenses.

Par ailleurs, le manque de visibilité, lors du passage entre les différentes comptabilités budgétaires, générales et nationales, empêche le suivi régulier de l’exécution de nos comptes à l’aune du programme de stabilité. Plus grave encore, rien n’est réglé s’agissant de l’opacité – disons plutôt l’absence inacceptable de transparence – dans les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales.

De ce point de vue, l’émergence d’une loi de finances des collectivités territoriales aurait quelque mérite. Cette idée se heurte au principe d’autonomie, cher aux élus mais dont la portée est en pratique réduite à sa plus simple expression, tant la dépendance financière est grande. D’ailleurs, le défaut de l’un entraînerait immanquablement le défaut de l’autre

Compte tenu de la fragmentation de la gouvernance, comment pourrions-nous souscrire à un régime de sanctions financières commun, sauf à ce que vous confirmiez, monsieur le ministre, la responsabilité financière solidaire et indéfinie des administrations publiques relevant du périmètre de Maastricht ?

Si l’unicité de la gouvernance n’est pas renforcée, on pourra légitimement douter de la portée effective des dispositions du présent projet de loi organique. La programmation et la gouvernance des finances publiques ne seraient alors qu’une formule creuse figurant dans l’intitulé du texte, et si j’osais, me référant au titre d’une chronique du professeur Bouvier, cosignée par Alain Lambert, je vous dirais, monsieur le ministre : « La transparence, c’est maintenant ! » §

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Marie-Hélène Des Esgaulx a exprimé très clairement la position de notre groupe : si nous sommes favorables à la mise en place d’une trajectoire d’équilibre de nos finances publiques, comme nous y engage désormais le TSCG, dont nous avons autorisé la ratification, nous nourrissons des doutes sérieux sur la pertinence des moyens que le Gouvernement entend utiliser pour atteindre cet objectif. Nous aurons l’occasion de discuter de ce sujet de manière approfondie lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2013.

À ce stade, dans le cadre de l’examen du présent projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, je souhaiterais mettre l’accent sur les limites que nous sommes en passe d’atteindre, si elles ne l’ont pas déjà été, en matière d’endettement public.

En première approche, nous pourrions nous réjouir que la charge de la dette publique diminue, particulièrement en cette année 2012, puisqu’elle a baissé par rapport aux projections de la loi de programmation et aux prévisions de la loi de finances initiale.

Ainsi, selon les chiffres du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2013, la charge de la dette – c’est-à-dire les intérêts – représentera 46, 3 milliards d’euros en 2011.

Malheureusement, il ne s’agit là que d’un effet de perspective. En effet, actuellement, nous bénéficions de taux d’intérêt, notamment à court terme, historiquement bas. Ce fait s’explique par une situation économique meilleure que celle de nos voisins de la zone euro, l’Espagne et l’Italie par exemple. Permettez-moi d’insister sur ce point, ce n’est donc qu’au regard de la situation de ces pays que les titres émis par la France sont devenus des valeurs refuges et sont assortis de faibles taux de rémunération : notre économie n’est pas pour autant repartie sur un trend favorable. La nuance est d’importance et dissimule les plus grands risques pour l’avenir.

D’ailleurs, en volume, la charge de la dette demeure le deuxième poste de dépenses du budget de l’État, juste après l’éducation nationale, et notre endettement, c’est-à-dire le stock d’encours, continue d’augmenter : cette année, la dette publique s’élèvera à 89, 9 % du PIB ; l’année prochaine, elle devrait atteindre 91, 3 % du PIB.

La structure de notre dette, marquée par une croissance de la part des titres indexés sur l’inflation et un accroissement de l’endettement à moyen et à long termes, n’est d’ailleurs pas sans susciter des inquiétudes quant à l’évolution future des charges de remboursement.

Nous sommes ainsi en train de franchir le seuil des 90 % du PIB, dont les historiens de l’économie Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff ont démontré la dangerosité. Certes, ce taux n’est pas un absolu et ne détermine pas un niveau de soutenabilité de la dette publique ; mais, au regard des travaux menés par les deux économistes précités, il apparaît comme la limite prudentielle au-delà de laquelle la dette menace les perspectives de croissance.

Les pièges de l’endettement public sont nombreux, connus et d’une totale actualité.

Il y a d’abord le risque de la captation de l’épargne privée au détriment de l’investissement des entreprises. Au-delà de l’augmentation des prélèvements fiscaux, c’est d’ailleurs le plus grand risque que le projet de loi de finances pour 2013 fait peser sur l’avenir de notre économie. Avec la croissance de l’endettement public, n’y a-t-il pas une menace d’attrition des ressources de l’épargne active destinée au financement des entreprises ? La santé de celles-ci dépend non seulement du niveau de leurs coûts, mais aussi des possibilités de financement de leur essor ou de leur maintien en activité.

Malheureusement, cet endettement public finance pour l’essentiel des dépenses courantes, et non de l’investissement. Cela signifie que la diminution des fonds prêtables correspond non pas à une simple substitution du public au privé dans l’investissement, mais à une véritable destruction d’épargne.

Si l’on ajoute à cela l’effet restrictif que ne manquent pas de provoquer les nouvelles règles de Bâle III, on peut craindre un décrochage de l’offre d’épargne destinée aux investissements actifs. Nous risquons alors de devoir constater une sorte de maladie de langueur de notre économie.

Réduire les déficits et l’endettement est donc devenu aujourd’hui un impératif, du fait de la crise européenne de la dette souveraine et de la sensibilité des réactions des marchés. C’est le seul moyen de retrouver des marges de manœuvre et d’assurer l’indépendance nationale. Dans cette perspective, des efforts sont nécessaires ; ils ne peuvent que s’inscrire dans la durée. C’est pourquoi nous sommes favorables à la détermination d’une règle d’or organisant une baisse tendancielle du niveau de déficit et d’endettement.

Réduire la dette est un chemin difficile, je le concède, parce que nous nous trouvons dans une situation tout à fait nouvelle. En effet, historiquement, des dettes d’une telle ampleur, apparues le plus souvent après des guerres, n’ont été résorbées que par la croissance, par l’inflation ou par la dévaluation, ces deux dernières pouvant être combinées.

Or il est clair que le recours à l’inflation ou à la dévaluation, au sein de la zone euro, est aujourd’hui une voie impossible. Cela supposerait de modifier les objectifs d’intervention macroéconomique de la BCE et, surtout, de convaincre l’Allemagne, où le précédent d’une période d’hyperinflation entre les deux guerres mondiales, avec ses conséquences politiques, est de triste mémoire.

Hormis l’inflation, il nous reste quelques outils, dont il faut panacher habilement l’usage. Quels sont-ils ?

Je citerai, tout d’abord, le maintien de taux d’intérêt bas le plus longtemps possible. C’est tout le sens des interventions de la BCE, mais cela ne dépend pas de nous et de tels taux ne seront de toute façon pas éternels, eu égard au contexte international, notamment sur le plan pétrolier.

Je mentionnerai ensuite la réduction du déficit primaire, l’augmentation des impôts, le soutien à la croissance potentielle. Or c’est bien au regard de ces trois derniers moyens que l’action du Gouvernement paraît pécher par manque d’ambition et de cohérence.

Monsieur le ministre, vous misez tout sur l’augmentation des impôts, au risque de créer un choc tel que, finalement, les rentrées fiscales ne seront pas au rendez-vous et n’atteindront pas le niveau espéré, surtout avec un taux directeur de l’équilibre de nos finances fixé à 0, 8 % l’an prochain !

Vous parlez beaucoup de soutien à la croissance potentielle, mais le passage à l’acte est lent à se manifester. La croissance potentielle est celle que recèle la combinaison de nos ressources en facteurs de production, en travail, en capital et en innovation. Le cœur du potentiel de croissance correspond, à un moment donné, à la population active, à l’investissement et à la productivité que permet le progrès technique.

Sur ces différents plans, nous sommes en panne. Certes, la population active évolue quelque peu, mais elle est affectée par le chômage et, dans maints secteurs, ses qualifications sont inadaptées. Le capital lié à l’investissement est affecté par le manque de perspectives des chefs d’entreprise et la raréfaction des sources de financement. Quant à la productivité des facteurs, elle s’est effondrée depuis des années.

En conséquence, le potentiel de croissance, qui était estimé voilà encore une dizaine d’années à un peu plus de 2 %, n’est plus que de 1, 2 % ! Voilà la réalité qu’il faut empoigner ! Et cela ne se fera pas en sept jours ! C’est sur les perspectives offertes aux chefs d’entreprise qu’il faut jouer dès maintenant, car c’est de cette catégorie, vilipendée par le Gouvernement, que dépend la décision d’investir. Que vous le vouliez ou non, l’enclenchement d’un processus de croissance est lié au degré d’optimisme de ceux qui investissent. Ce n’est pas en faisant la morale aux chefs d’entreprise que l’on améliorera les perspectives de croissance ! En ce domaine, la morale n’ajoute rien au raisonnement économique !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

M. Joël Bourdin. Monsieur le ministre, relever le potentiel de croissance est possible si vous acceptez enfin la réalité, en cessant de considérer les chefs d’entreprise comme des ennemis de classe

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

… et en admettant que ce sont eux qui investissent, prennent des risques, innovent et, par là même, sont à l’origine des améliorations de productivité.

De grâce, monsieur le ministre, vous qui avez plutôt une bonne image de gestionnaire, faites passer le message dans les rangs de votre majorité, qui n’a pas l’air de se rendre compte qu’à taper trop violemment sur le pianiste, on risque de le tuer et de se retrouver désemparés, désenchantés et finalement désœuvrés.

L’augmentation continue de l’endettement public, en particulier depuis les années quatre-vingt, est un piège qui va se refermer sur l’économie française.

Il est indispensable de sortir du modèle de croissance par l’endettement et de trouver de nouveaux chemins de développement. La route sera longue et difficile, nous devons le reconnaître et le dire. Nous ne pouvons plus financer notre modèle social par la dette : ce serait signer l’arrêt de mort de celui-ci. Nous devons faire des choix. Vous devez, monsieur le ministre, engager résolument le pays sur la voie de la réduction des déficits et tenir vos engagements.

À ce titre, nous sommes très inquiets d’entendre des voix s’élever à gauche pour remettre en cause l’objectif de ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Sortir de ce cadre reviendrait à prendre un très grand risque pour l’avenir de la croissance.

Je conclurai donc mon propos sur cette question : pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, sur la volonté du Gouvernement de tenir les engagements contractés à l’égard de nos partenaires européens ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs, qu’on le veuille ou non, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire est définitivement adopté. Je m’y étais opposé, mais nous sommes en démocratie ; la ratification du traité a été approuvée à une très grande majorité des voix tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Sa transposition en droit interne est donc maintenant une obligation. J’ai écouté attentivement M. Arthuis : les arguments qu’il a avancés pour expliquer en quoi cette transposition était insuffisante sont précisément ceux qui m’amènent à la soutenir…

Plusieurs options s’offraient au Gouvernement ; je le dis sans détour : il a pris la bonne décision, celle de ne pas constitutionnaliser la règle d’or, contrairement à ce que proposait Nicolas Sarkozy, et de légiférer par le biais d’une simple loi organique, ce qui est à mon sens la solution la plus judicieuse.

Graver l’obligation de l’équilibre budgétaire dans la Constitution aurait été un coup terrible, non seulement pour l’économie, mais aussi pour la démocratie. Cela aurait instauré durablement l’austérité qui sous-tend le traité, d’une part, la censure des représentants nationaux, d’autre part.

Si le Conseil constitutionnel jugeait lui-même du respect de l’objectif de réduction du déficit, ses préconisations s’appliqueraient de façon contraignante et automatique, sans laisser aucune marge de manœuvre, ni au Gouvernement ni au Parlement. Or le Parlement n’est pas une chambre d’experts comptables – soit dit avec tout le respect que j’ai pour cette profession –, c’est l’organe de la délibération démocratique.

Lorsque j’entends les libéraux réclamer l’inscription de la règle d’or dans la Constitution, je m’interroge : le vote des électeurs n’a-t-il donc aucune valeur ? Ce sont d’ailleurs les mêmes qui ont réussi, en seulement cinq ans, à creuser la dette publique de plus de 612 milliards d’euros, et qui nous ont légué 1 700 milliards d’euros de déficits ! Vouloir voir appliquer des règles auxquelles on a soi-même tant dérogé est sans doute l’hommage du vice à la vertu…

Le choix du recours à la loi organique, c’est aussi celui d’une transposition souple du traité, le choix du respect de la représentation nationale.

L’interprétation des dispositions du TSCG qui sous-tend le projet de loi organique préserve, en réalité, une forte part de libre arbitre pour le Parlement et permet d’atteindre les objectifs budgétaires de la façon la plus flexible et la plus intelligente possible. Ce texte laisse le débat ouvert, car il ne contient pas de règles intangibles ni de sanctions automatiques. Le Haut Conseil des finances publiques, dont il a été beaucoup question, n’émettra qu’un simple avis, ce dont je me réjouis.

J’ai également entendu M. le ministre de l’économie et des finances nous garantir que les prérogatives du Parlement ne seront pas altérées. Cela va mieux en le disant !

Les élus de la République conserveront donc leur pouvoir budgétaire et fiscal, ce qui me semble essentiel. Le législateur gardera ainsi des marges de manœuvre quant à la manière de gérer la réduction des déficits. Nous aurons l’occasion de le prouver, notamment, lors de l’examen du projet de loi finances, au travers des amendements que les écologistes déposeront.

N’oublions pas que ce que le Parlement a fait, il peut le défaire. Nous aurons des débats ; nous avons ainsi déjà entendu des paroles fortes du président de l’Assemblée nationale, mon ami Claude Bartolone, ou du nouveau premier secrétaire du parti socialiste, qui a montré toute son autorité hier et s’est interrogé sur la course vers les 3 % de déficit. Certains ont affirmé que l’objectif était intenable, voire absurde, qu’il avait été décidé sur un coin de table. Je n’irai pas aussi loin ; comme tous les écologistes, je suis attaché à l’objectif de désendettement, en vertu du principe de soutenabilité des finances publiques : il faut notamment conserver des marges de manœuvre, y compris pour réaliser des investissements écologiques. Il est indispensable de trouver un équilibre, le désendettement ne devant pas se réduire à l’application mécanique de normes comptables. Nous devons être attentifs aux fortes souffrances économiques, sociales et environnementales que connaît notre société.

Je ne veux ni surestimer ni sous-estimer le vote que nous allons émettre aujourd’hui : il est important, sans être pour autant essentiel.

Les écologistes seront particulièrement vigilants, dans les mois et les années à venir, à ce que le respect des engagements en faveur de l’emploi, de la recherche, de l’innovation, de la réduction des émissions de CO2 ou encore du développement des énergies renouvelables soit prioritaire, plutôt que la recherche à toute force de la réduction des déficits, lesquels permettent d’ailleurs souvent la relance de l’activité.

M. Vincent Delahaye s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Voilà pourquoi nous soutenons le choix d’une transposition souple. Nous écologistes entendons peser dans le débat pour améliorer les choses.

Des amendements au projet de loi organique seront présentés par notre groupe, notamment par mon collègue André Gattolin et par moi-même, pour favoriser la souplesse d’application des dispositions du traité, la pluralité des avis du Haut Conseil, le respect des engagements budgétaires, certes, mais aussi sociaux et environnementaux de la France et de l’Union européenne.

Nous avons l’intention de continuer le combat malgré le traité. La loi organique sera certes contraignante, mais elle laissera de la souplesse et permettra le débat politique. Nous ne nous défausserons pas de nos responsabilités.

Je salue le choix du Gouvernement d’avoir enterré l’idée absurde de graver la règle d’or dans la Constitution. Il est évident que nous aurions alors dû faire face à un fort mouvement populaire.

Nous soutiendrons le Gouvernement dans son action pour le désendettement, bien entendu, mais dans le respect de la justice, de l’équilibre et de l’investissement écologique et social dont notre pays a besoin. §

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac

Monsieur le rapporteur général de la commission des finances, vous avez eu raison de souligner que ce projet de loi organique a fait l’objet d’un travail approfondi, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Vous avez également affirmé à juste titre que le choix du Gouvernement de recourir à une loi organique est plus consensuel – en tout cas je l’espère – que ne l’aurait été la voie constitutionnelle. Tout au long de ce débat, nous aurons naturellement l’occasion de justifier le choix de la loi organique, c'est-à-dire d’une organisation différente de la procédure relative aux lois de finances.

Monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, vous avez souhaité que prospère le respect de la programmation des finances sociales. Vous avez raison, il est encore possible de progresser en matière d’information du Parlement. Nous avons eu ce débat en commission. Cela étant, le calendrier de l’examen des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale rend délicate l’inscription dans celles-ci des éléments que vous souhaitez y voir figurer, car c’est bien la loi de finances qui est votée en dernier.

Monsieur le président de la commission des finances, je vous remercie d’avoir souligné, en fin connaisseur des travaux de la commission Camdessus, l’intérêt de cette réforme de la procédure parlementaire proposée par le Gouvernement. Je constate avec plaisir que vous abordez cette discussion dans un esprit de sérénité et d’ouverture. Nous aurons l’occasion, au cours des débats, de préciser la définition du rôle du Haut Conseil des finances publiques, comme vous le souhaitez.

Monsieur Chevènement, vous avez décerné au Gouvernement un bon point pour avoir écarté la solution de la constitutionnalisation d’une éventuelle règle d’or. Vous avez notamment précisé avec raison que, avant de défendre l’instauration d’une règle d’or, encore faudrait-il savoir de laquelle il pourrait s’agir. En effet, les tenants de cette voie se gardent bien de définir ce qu’aurait été cette règle d’or : s’agit-il de celle qui prévalait en Allemagne ou de la nouvelle qui a été adoptée dans ce pays, de celle qui existait au Royaume-Uni, de celle qui fut proposée par un candidat à la présidence de la République en 2007 ou d’une autre encore ? Bref, le débat est très ouvert, et on constate que cette notion recouvre des procédures et des concepts assez nettement différents.

Le Gouvernement a choisi la voie de la loi organique, c'est-à-dire d’une procédure qui respecte scrupuleusement la souveraineté de notre pays et les prérogatives du Parlement. Il me semble que ce n’est pas là un choix médiocre. Au contraire, c’est un choix assez exigeant, qui ne contrevient en rien à la volonté de la majorité gouvernementale d’équilibrer nos finances publiques et d’enrayer enfin la spirale de l’endettement.

Monsieur Gattolin, vous avez exprimé votre attachement à ce que la composition et les règles de fonctionnement du Haut Conseil soient aménagées pour garantir l’indépendance de celui-ci. Nous y reviendrons au cours du débat. Je dirai néanmoins d’emblée que la nomination ès qualités du directeur de l’INSEE ne compromet pas cette indépendance, bien au contraire, puisque ce choix donnera au Haut Conseil les moyens d’une indépendance qui lui auraient peut-être manqué sinon.

Madame Des Esgaulx, vous avez réaffirmé une position que vous aviez déjà défendue en commission. Votre choix politique n’est pas celui du Gouvernement et de la majorité qui le soutient. Nous assumerons tranquillement ce fait dans la suite des débats. D’ores et déjà, je tiens à vous dire qu’aucune règle constitutionnelle ne saurait supplanter la volonté politique d’un gouvernement et de sa majorité. Nous avons, pour notre part, une approche différente, beaucoup plus confiante à l’égard des institutions de notre pays, notamment du Parlement. Nous pensons que le débat peut permettre de convaincre de la nécessité de tendre vers l’équilibre des finances publiques, sans qu’il soit besoin d’instaurer une règle constitutionnelle qui marquerait une véritable méfiance à l’égard non seulement de la majorité gouvernementale, mais aussi du Parlement.

On ne peut forcer le peuple, via le Parlement, à accepter telle ou telle politique. Un véritable débat démocratique est nécessaire ; l’application d’une règle d’airain, à défaut d’être d’or, ne saurait s’y substituer. On ne peut gouverner durablement contre le peuple. C’est la raison pour laquelle nous ne faisons pas le même choix que vous, madame la sénatrice.

Monsieur Arthuis, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention. Je me souviens moi aussi des travaux de la commission Camdessus et je n’ignore pas la difficulté qu’il y aura à définir le solde structurel, mais je sais également quels auraient été les inconvénients de la constitutionnalisation d’une règle d’or. Je vous renvoie, à cet égard, à la réponse que j’ai faite à Mme Des Esgaulx.

Vous avez regretté que le Gouvernement n’ait pas persévéré dans la voie choisie par la majorité précédente et ait abrogé la mesure de relèvement de la TVA censée financer la baisse du coût du travail. Nous aurons l’occasion, lors de l’examen du projet de loi de finances, d’approfondir cette discussion, mais vous savez comme moi quelles auraient été les conséquences de la mise en œuvre d’une telle mesure. Ses promoteurs se sont d’ailleurs bien gardés de le préciser.

Cela n’aurait été qu’un premier pas, il en aurait fallu d’autres. En effet, dans la mesure où le coût du travail n’entre que pour 20 % à 40 % dans le prix du produit fini, abaisser le coût du travail de 2 % revient à diminuer ce prix de 0, 4 % à 0, 8 %. Pour une Clio vendue au prix d’environ 15 000 euros, cela représente une réduction de 60 à 120 euros : croyez-vous vraiment que Renault aurait gagné en compétitivité sur les marchés extérieurs ?

Une deuxième conséquence, encore plus difficile à expliquer que la première, est que la réussite d’une telle opération, qui équivalait à une mini-dévaluation compétitive, supposait le gel des salaires et des pensions. Je n’ai pas entendu les promoteurs de ce choc de compétitivité aller jusqu’au bout de ce raisonnement, probablement par manque de temps : je n’ose imaginer que ce soit par manque d’honnêteté à l’égard des électeurs…

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Nous sommes donc en désaccord sur ce sujet, comme sur le choix du recours à la loi organique.

Monsieur Yung, vous avez très clairement indiqué que l’état des travaux sur la notion de solde structurel n’était pas satisfaisant aujourd’hui et qu’il fallait progresser sur ce point. Je suis d’accord avec vous sur la nécessité d’établir une définition sinon identique à celle qui est retenue dans les autres pays, en tout cas cohérente avec elle.

Madame Beaufils, vous avez regretté que le financement de la protection sociale ne soit abordé que sous l’angle du solde comptable. Je pense au contraire que ce projet de loi organique dote le Parlement et le Gouvernement de nouveaux outils pour éclairer au mieux leurs choix budgétaires. Je maintiens que cette réforme de la procédure des lois de finances ne contraint en rien le Gouvernement ni le Parlement : le premier aurait à assumer ses choix s’ils se révélaient par trop divergents des avis émis par le Haut Conseil des finances publiques, le second restant évidemment souverain dans ses choix. Comme il est de règle dans une démocratie parlementaire, le Gouvernement propose et le Parlement dispose. Je ne vois pas, j’insiste sur ce point, en quoi la modification introduite par le projet de loi organique diminuera les droits du Parlement. Au contraire, cette procédure me semble les renforcer encore ; à tout le moins, elle n’entame en rien la souveraineté du Parlement.

Monsieur Bertrand, je vous remercie d’avoir retracé les innovations utiles contenues dans ce projet de loi organique.

Madame Goulet, vous avez déploré une forme de fragmentation de la programmation des finances publiques au travers de ce texte. Je comprends mal, je l’avoue, ce reproche, mais la suite du débat nous permettra peut-être de préciser les choses.

Nous privilégions au contraire une approche « toutes administrations publiques », afin précisément d’éviter une telle fragmentation. Peut-être y a-t-il là un malentendu ; j’espère qu’il pourra être levé.

Monsieur Bourdin, vous avez décrit très précisément l’affaiblissement de la croissance potentielle qu’a connu notre pays ces dernières années, en soulignant qu’il faudrait du temps pour la rétablir. Sur ce constat, je crains d’être d’accord avec vous, mais c’est un travail auquel nous nous attelons.

Je vois dans vos propos une marque de lucidité de la part d’un sénateur membre d’un groupe de l’opposition ayant soutenu, ces dernières années, une politique dont on ne peut pas dire qu’elle ait été particulièrement convaincante… C’est précisément parce qu’elle ne fut pas convaincante que nous tentons d’en changer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ne soyez pas caricatural ! C’est une facilité qui ne vous ressemble pas, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Je ne crois pas avoir été caricatural en indiquant que cette politique ne me semblait pas avoir rencontré le succès que ses promoteurs en espéraient, ne serait-ce qu’au regard des critères qu’ils avaient eux-mêmes définis.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. D’ailleurs, nous définissons des critères de réussite, et donc d’insuccès, des politiques que nous menons. Je suis bien certain, monsieur le président de la commission des finances, qu’en cas d’insuccès de notre politique, vous saurez le souligner avec votre suavité habituelle !

M. le président de la commission des finances rit.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais vous apporter au terme de la discussion générale. §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance d’une dizaine de minutes afin de permettre à la commission des finances de se réunir en vue d’examiner la motion tendant à opposer la question préalable qui a été déposée sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 592-2 du code de l’environnement, M. le Premier ministre, par lettre en date du 29 octobre 2012, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’énergie sur le projet de nomination de M. Pierre-Franck Chevet, en qualité de président de l’Autorité de sûreté nucléaire.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous reprenons la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis saisi, par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d’une motion n° 75.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (84, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Éric Bocquet, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, faut-il absolument à notre pays, à sa législation budgétaire en particulier, une loi organique destinée à permettre de concevoir des textes à vocation pluriannuelle, ouvrant des perspectives quant à la gestion des finances publiques à moyen terme ? La question peut se poser !

À dire vrai, le souci grandissant de la bonne utilisation de l’argent public, celui d’inscrire dans la durée l’action publique, celui de penser nos investissements et nos choix d’équipement en fonction des perspectives ouvertes par l’activité économique, tout cela peut motiver mille fois que nous nous dotions d’un outil organique de définition de nos lois de programmation des finances publiques. C’est ensuite, si l’on peut dire, que la question se pose de savoir quelles formes et quels objectifs doivent viser à la fois la loi organique et la loi ordinaire.

Avec ce qui nous est aujourd’hui proposé, nous sommes face à un outil législatif d’usage pour le moins étroit, comme ma collègue Marie-France Beaufils a eu l’occasion de le rappeler dans la discussion générale.

Il ne s’agit ni plus ni moins que de nous inscrire dans la mise en œuvre du traité budgétaire européen, signé sous l’autorité de Mme Angela Merkel, avec l’apport de M. Nicolas Sarkozy, traité dont la double finalité était de faire payer le prix de la crise de l’euro aux peuples européens et d’assurer par là même la rentabilité des placements de long terme des classes moyennes supérieures de la République fédérale allemande.

Dans tous les cas, il s’agit de rémunérer la rente, c’est-à-dire ceux – ménages, entreprises et, surtout, établissements financiers de tout ordre – qui ont fait des facilités financières produites par des années de défiscalisation compétitive et de précarisation du travail la source d’investissements dont le rendement cumulatif se nourrit de la croissance des dettes publiques. Comme le disent si bien les Américains, la politique menée a consisté pendant des décennies à « affamer la bête » – « starve the beast » – en réduisant les ressources publiques, avant de décider de l’abattre pour le compte.

Pour le reste, comme nous l’avons vu, la question se réglera par une politique associant à la fois hausses d’impôts et de taxes et réduction de la dépense publique, attendu que seul le secteur privé sait utiliser à bon escient l’argent qui circule et qui pourrait être mis à sa disposition…

La programmation des finances publiques, dans la version que nous propose le projet de loi organique dont nous débattons, n’est, en fait, que le droit pour la représentation nationale, une fois franchies toutes les étapes préliminaires de confection des lois de finances – consultation de la Commission européenne et avis autorisé du Haut Conseil des finances publiques –, de s’accorder sur le dosage entre les hausses d’impôts et de taxes et la réduction des dépenses. Le droit qui nous sera laissé sera de choisir notre punition, mais surtout pas de mettre en cause ce qui la fonde.

Permettez-moi d’ailleurs ici de contester avec la plus grande vigueur le bien-fondé de la mise en place du Haut Conseil des finances publiques, aréopage de prétendus « sages », cousin d’un Conseil constitutionnel dévolu au domaine budgétaire, dont on ne sait pas trop s’il va servir d’arbitre entre les écoles de pensée économique pour résoudre le problème de l’effort et du solde structurels, de conseil en gestion pour le compte de l’État, de gardien du temple de l’orthodoxie budgétaire européenne pour le compte de la Commission de Bruxelles ou de prescripteur d’injonctions à agir pour un gouvernement qui se laisserait aller à mener une politique budgétaire différente.

Ces différents rôles finiront peut-être par être tous joués, alternativement ou simultanément. Il n’en demeure pas moins que cette forme de tribunal suprême de la foi budgétaire va s’approprier une bonne partie des pouvoirs normalement exercés par la représentation nationale.

J’entends déjà certains nous dire que la nomination par les présidents des assemblées parlementaires ou de commissions de même origine des membres de ce collège d’experts, nouvelle autorité administrative indépendante, suffit à la doter de toutes les qualités et à la qualifier d’émanation de la représentation nationale.

Permettez-moi ici d’émettre quelques doutes sur ce point, tout simplement parce que le texte qui nous est soumis, en l’état actuel des choses, permettra en effet de laisser en activité, au sein du Haut Conseil, des personnalités désignées, indépendamment des alternances politiques éventuelles.

Le consensus qui a pu rapprocher le Sénat et l’Assemblée nationale et unir dans un même vote la majorité des membres des principaux groupes des deux assemblées montre qu’il n’y aura peut-être finalement en pratique qu’assez peu de différences…

En réalité, le droit des citoyens à juger de la juste allocation des deniers publics se trouve largement contrebattu par les pouvoirs accordés à ce Haut Conseil, qui aura d’ailleurs la primeur des hypothèses budgétaires de travail retenues par le gouvernement en place en matière de programmation des finances publiques, de loi de finances initiale ou de loi de finances rectificative.

Avant même que la représentation nationale ne soit saisie de quelque information que ce soit et sans doute avant même que la moindre information n’ait « filtré » quant au contenu des mesures fiscales ou des engagements de dépenses prévus dans une loi de finances, il y aura, dans notre pays, un petit groupe de dix à douze de personnes qui pourra donner leur avis motivé au Gouvernement.

Pour faire bonne mesure, on rappellera aussi que le Haut Conseil des finances publiques pourra faire appel à toute personne ou organisme extérieur à l’administration. Je vous renvoie ici, mes chers collègues, à l’article 14 du projet de loi organique. Ainsi, un quelconque institut de conjoncture, éventuellement privé, pourra fort bien disposer, avant même la représentation nationale, d’informations de première main sur les attendus et objectifs des politiques budgétaires en préparation, avec tous les risques inhérents.

À la vérité, nous avons une tout autre conception de la question.

Les moyens de communication et d’information ont connu depuis quatre décennies de telles évolutions qu’on peut parler de révolution informationnelle. Une partie essentielle du pouvoir réside aujourd’hui dans la capacité à gérer ce flux continu d’informations et à en tirer l’essentiel pour aider à la décision et faciliter, parfois, la maîtrise des mouvements de l’opinion.

Dans le même temps, chacun s’accordera à reconnaître qu’on ne peut plus gérer les affaires publiques comme dans les années cinquante ou soixante.

L’élévation moyenne du niveau de formation de la population, pur produit de la dépense publique d’éducation, et le développement de l’intervention citoyenne dans bien des domaines, singulièrement dans le débat public, sont des faits incontournables. Ligne de train à grande vitesse, barrage hydroélectrique, réalisation de liaison fluviale – je pense au canal Seine-Nord –, projet de construction d’un aéroport, programme d’aménagement urbain : plus rien ne se fait sans débat public, discussion et confrontation des idées, des avis, des options et opinions.

Les choix ne respectant pas la volonté populaire peuvent fort bien être sanctionnés ensuite par les électeurs, et je crois bien qu’il ne reste en France aucun maire d’une ville d’une quelconque importance qui n’ait fait de la concertation la clé de voûte de ses choix politiques locaux.

Avec ce texte, les collectivités locales sont directement confrontées au non-respect de leur libre administration, principe ô combien constitutionnel.

Rappelons les faits : la loi met aujourd’hui les élus locaux en demeure de voter des budgets de fonctionnement au pire à l’équilibre, au mieux en excédent. De même, elle exclut le recours à l’endettement pour la couverture des dépenses de fonctionnement. Les collectivités locales n’ont donc pas le moins du monde besoin de la règle d’or que prétend imposer le projet de loi organique.

Or, avec ce texte, les collectivités pourront bel et bien être mises à contribution pour réduire les décalages entre solde structurel et déficit budgétaire éventuel. Cela signifie qu’une partie des difficultés financières générales des administrations publiques sera réglée en sollicitant ces collectivités. On peut ainsi concevoir que, pour s’y retrouver, l’État soit amené à réduire les dotations budgétaires annuelles – comme cela nous a été annoncé –, obligeant ensuite les collectivités soit à augmenter les impôts qu’elles perçoivent, soit à tailler dans les dépenses qu’elles engagent.

D’ailleurs, la même remarque vaut pour la sécurité sociale, d’autant que les gouvernements successifs se sont toujours refusés à suivre l’avis des conseils d’administration des différentes caisses nationales lors de l’examen des projets de lois de financement. Or l’exécution des lois de financement a, de manière générale, conduit à constater le creusement à la fois des déficits et de la dette sociale, même si celle-ci est de dimension bien plus réduite que celle de l’État et bien qu’elle procède plus d’une accumulation de fins de mois difficiles, liées à la conjoncture de l’emploi, que du gouffre structurel que constitue la défiscalisation massive dont le budget général a fait l’objet depuis vingt ou trente années.

Pour autant, la situation de la dette et des déficits sociaux appelle également des choix clairs. Là encore, on ne peut se dispenser d’interroger les politiques de baisse de cotisations sociales, généralement qualifiées de « charges » – le choix du mot n’est pas innocent –, qui ont conduit à la déperdition de recettes sociales et aux fins de mois difficiles que j’évoquais à l’instant.

Un million de demandeurs d’emplois en moins, même payés au SMIC, ce sont mécaniquement 8 milliards d’euros de cotisations sociales de plus, presque ce qu’il faudrait pour résorber le déficit actuel ! Avec les rentrées de contribution sociale généralisée qui s’ensuivraient, la messe serait dite…

Toujours est-il que nous estimons que la société française est assez avancée, assez évoluée, pour que la programmation des finances publiques soit l’affaire de tous.

En 1789, quand la situation des finances publiques était plus que périlleuse, que fit le monarque de l’époque ? Il convoqua les États généraux, c’est-à-dire l’ensemble des délégués de la Nation, assemblés à Versailles selon la règle des trois ordres de l’époque, une règle d’or dont on sait qu’elle devint caduque quand tout cela se transforma en Assemblée nationale.

En l’espèce, rien ne nous empêche de faire en sorte que la programmation des finances publiques, dès lors qu’elle a vocation à être pluriannuelle, fasse l’objet d’un large débat public, sur un ordre du jour à la fois suffisamment précis et suffisamment ouvert, respectueux de la diversité des membres de la société et qui fera de l’intérêt général le vecteur essentiel des choix finalement opérés.

Une consultation, large, ouverte, de l’ensemble de la population n’est-elle pas préférable, en bien des points, au dispositif qui va faire du chemin allant de la Commission européenne au Haut Conseil des finances publiques, puis au Conseil d’État et, enfin – seulement ! –, au Parlement le circuit normal de confection de la loi de finances ?

Dans cette affaire, on ne risquerait pas à parier que la seule d’entre ces institutions jouissant d’une légitimité démocratique – nous, le Parlement – aura forcément le plus à apporter au texte final ; entre solidarité gouvernementale et soutien parlementaire avéré, il n’y aura sans doute pas beaucoup de place pour l’imagination, pour le droit d’amendement, ni pour le vrai changement !

Quelquefois, nous avons un peu l’impression que l’on veut mettre en place en Europe une structure fédérale, mais pourvue de moins de légitimité démocratique que celle d’un pays comme les États-Unis. Or c’est précisément ce manque de démocratie vivante qui pose problème, en faisant de l’idée européenne un projet dont, hélas ! s’éloignent une grande partie des Européens eux-mêmes. Les forces centrifuges qui affectent des pays comme le Royaume-Uni, dont je précise qu’il n’est pas signataire du TSCG, la Belgique, l’Espagne ou encore l’Italie sont la démonstration de ce désamour de l’Europe.

Aujourd’hui, il va presque sans dire qu’une bonne partie des habitants des pays de l’Est et du Centre européens deviennent parfois nostalgiques d’un temps passé, tandis que d’autres – je pense notamment à la Hongrie – sont saisis d’une fièvre nationaliste mettant en cause les limites politiques issues de la Seconde Guerre mondiale.

Il faut dire que l’Europe, zone économique ouverte sur le monde, voit aussi se prolonger la confrontation de ses économies, au nom du sacro-saint principe de concurrence libre et non faussée, que, d’ailleurs, personne ne respecte vraiment. N’est-ce pas l’Allemagne, qui, en délocalisant au cœur même de son propre territoire une main-d’œuvre mal payée – en dessous de 5 euros de l’heure –, met en difficulté l’ensemble de ses partenaires européens ? Pour qu’existe une véritable Europe sociale, serpent de mer remonté des profondeurs à chaque campagne pour les élections européennes, il faudrait peut-être commencer par exiger de l’Allemagne qu’elle consente à cesser de maintenir cinq millions de salariés dans la plus extrême précarité de ressources.

Mes chers collègues, permettez-moi d’avancer un dernier argument en faveur de l’adoption de la motion. Dans la présentation qui nous est faite de la trajectoire des finances publiques, aucune distinction qualitative n’est établie entre les dépenses publiques procédant des dépenses de fonctionnement et celles relevant du budget civil de recherche et développement ou encore des crédits d’équipement, qui sont autant de vecteurs potentiels de croissance.

Il me souvient que l’évaluation du budget civil de recherche et développement et celle des dépenses d’équipement étaient présentées, à une certaine époque, comme devant être autant que faire se peut distraites du solde budgétaire global, au sens « maastrichtien » du terme. D’ailleurs, la France avait plaidé au niveau européen pour que le déficit soit apprécié déduction faite des dépenses d’investissement, escomptant même un temps y inclure les dépenses d’éducation, ce qui, en soi, n’est pas totalement infondé.

Or, sauf erreur de notre part, nous ne trouvons nulle trace de cette « qualification » des dépenses publiques au sein du projet de loi organique. Tout au plus trouve-t-on, à l’article 6 du traité, une obligation d’information sur les plans d’émissions de dette publique – sans, au demeurant, que soit précisé l’objet de ces émissions –, ce que certains ont traduit par une avancée vers la mutualisation des dettes. Et ce n’est pas le pacte européen pour la croissance et l’emploi, dont la valeur ne représente que 1 % du PIB de la zone euro et dont la moitié des crédits proviennent de redéploiements, qui va faire la maille en la matière !

Cette manière uniforme de concevoir la dépense publique en fait un simple objet comptable, qu’il conviendra de faire varier à raison des « mesures nécessaires dans tous les domaines essentiels au bon fonctionnement de la zone euro », c’est-à-dire pour rassurer les marchés financiers quant à la qualité de la devise…

Libérons l’Europe et la France de la tutelle des marchés financiers ! Disons oui à une programmation des finances publiques porteuse d’emploi, de croissance, de réduction des inégalités sociales et territoriales, respectueuse de la démocratie, de l’environnement et des potentiels humains de notre pays !

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter cette motion.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

La loi organique ne prive pas le Parlement de ses prérogatives : nous continuerons à voter les projets de loi de finances dans les mêmes conditions.

Reste que nous devrons respecter nos engagements européens en matière de finances publiques : le TSCG ayant été ratifié, il faut le transposer en droit interne. Or, si l’on ne profite pas du présent projet de loi pour procéder à cette transposition, il faudra un autre projet de loi organique. Ce ne serait donc que partie remise.

Comme nous l’avons vu lors de l’examen du projet de loi autorisant la ratification du TSCG, la règle du solde structurel n’est pas procyclique. Il n’est donc pas aberrant de s’en doter au moment où nous avons besoin de sortir de la crise. En outre, le texte prévoit désormais l’association du Parlement à la procédure mise en œuvre en cas de circonstances exceptionnelles. Par cet apport, le Sénat a justement veillé à renforcer le rôle du Parlement.

S’agissant des collectivités locales, elles ne sont pas privées de leur liberté par les règles que nous élaborons. Il est vrai que nos engagements européens portent sur l’ensemble des administrations publiques, et donc aussi sur les collectivités locales, mais ce n’est pas nouveau. Depuis le pacte de stabilité, les collectivités sont déjà prises en considération dans l’appréciation globale des comptes.

Enfin, contrairement à ce que vient d’indiquer M. Bocquet, le Haut Conseil des finances publiques ne sera pas un aréopage de sages. Comme je l’ai précisé en présentant mon rapport, ce sera un organisme technique, qui ne devra émettre que des avis strictement délimités et prévus par la loi organique.

Pour toutes ces raisons, la commission vous invite, mes chers collègues, à rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget

Si nous pouvons avoir des désaccords, évitons au moins les malentendus : le Haut Conseil des finances publiques n’est pas l’équivalent, pour les lois de finances, de ce qu’est le Conseil constitutionnel pour les autres lois.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Le Conseil constitutionnel prend des décisions qui s’imposent au Gouvernement et au Parlement, alors que le Haut Conseil ne rendra que des avis qui ne contraindront en rien le Gouvernement dans ses choix et qui ne pourront imposer au Parlement de voter telle ou telle disposition ou d’écarter telle ou telle mesure.

Le parallèle entre le Conseil constitutionnel et le Haut Conseil des finances publiques me paraît donc abusif, au regard des articles du projet de loi organique qui créent cette instance, en précisent le rôle et en déterminent le fonctionnement.

Enfin, si le Gouvernement a choisi la procédure de la loi organique plutôt que l’inscription dans le texte fondamental, c’est pour une raison de fond : le respect de la souveraineté nationale, c’est-à-dire la liberté du pouvoir exécutif et la souveraineté du Parlement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère avoir levé le malentendu et, par là même, permis que le Sénat ne vote pas la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je voterai contre cette motion, pour deux raisons.

Premièrement, nombre d’amendements ont été déposés, et plusieurs d’entre eux nous permettront de clarifier des points importants, à condition toutefois que nous puissions les examiner… Surtout, outre la frustration qu’elle risquerait de faire naître chez les auteurs de ces amendements, l’adoption de la motion ne permettrait pas à notre assemblée législative d’aller au bout de ses responsabilités.

Deuxièmement – que M. le ministre me pardonne cette petite malice –, l’examen du texte nous permettra de mieux comprendre comment le Gouvernement parvient à gérer une ambiguïté sur le sujet, selon qu’il cherche à ne pas froisser certaines composantes de sa majorité ou qu’il s’adresse à nos partenaires européens. L’adoption de la motion nous priverait du plaisir d’entendre le ministre exercer son talent, ce qui serait vraiment cruel.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Nous allons très majoritairement voter contre la motion tendant à opposer la question préalable, mais pratiquement pour les mêmes raisons qui ont conduit M. Bocquet, Mme Beaufils et M. Foucaud à présenter cette motion.

En effet, nous sommes soucieux de la relance, de la croissance ; nous voulons répondre aux citoyens sur les questions d’emploi, de bas salaires. Si nous parvenons, en prévoyant et en organisant les dépenses, à mieux maîtriser les finances publiques, nous accroîtrons pour notre pays les chances de rebond, de relance et donc de création d’emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Le groupe écologiste votera également contre cette motion.

L’objectif d’une question préalable est de refuser de délibérer d’un texte dans sa globalité, avant même que le débat n’ait lieu sur les détails et que ne soient votés les amendements visant à le modifier. Or, comme l’a signalé le président de la commission des finances, le grand nombre d’amendements qui ont été déposés méritent d’être examinés, notamment pour améliorer le projet de loi organique et le fonctionnement des institutions qui seront mises en place.

Que ferons-nous si le projet de loi organique n’est pas adopté ? Nous devrons soit examiner une autre loi, qui, peu ou prou, comportera les mêmes exigences et aura les mêmes aspects, soit procéder directement à une révision constitutionnelle, ce qui, je crois, n’est pas dans l’intention des auteurs de cette motion. En outre, en l’absence de loi, nous serons condamnés par la Cour de justice de l’Union européenne à des sommes considérables pour non-transposition dans le droit français.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vous ne trouvez pas, quand même, qu’il y a un problème de cohérence ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Le débat sur le TSCG a eu lieu. Au sein de mon groupe, certains ont voté pour, d’autres ont voté contre. Aujourd’hui, travaillons sur la suite et faisons de notre mieux pour que la loi organique soit la plus juste et la plus équilibrée possible. C’est pourquoi nous ferons des propositions pour améliorer la représentativité et surtout le pluralisme du Haut Conseil.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole ?….

Je mets aux voix la motion n° 75, tendant à opposer la question préalable, dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi organique.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 11 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente.