Intervention de François Marc

Réunion du 29 octobre 2012 à 14h30
Programmation et gouvernance des finances publiques — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de François MarcFrançois Marc, rapporteur général de la commission des finances :

Dans notre esprit, il ne faudrait pas que le Haut Conseil soit marginalisé pour avoir pris des positions manifestement incompatibles avec la conduite des finances publiques ni que la procédure d’avis devienne, au fil des ans, purement formelle.

En sens inverse, il ne faudrait pas non plus que le Gouvernement et le Parlement délèguent entièrement leur liberté de jugement au Haut Conseil. Si tel était le cas, ce ne seraient plus le Parlement et le Gouvernement qui définiraient la politique de finances publiques de la France, mais les onze membres du Haut Conseil des finances publiques.

Or, en matière de prévisions économiques, il n’existe pas de vérité absolue et, s’il est indispensable de se référer à des organismes extérieurs et de se doter d’un organisme technique tel que le Haut Conseil, il revient tout de même, au bout du processus, aux autorités politiques, et en particulier au Parlement, de faire la synthèse entre le projet du Gouvernement, les analyses des assemblées et les différents avis, avant de prendre leurs responsabilités en votant la loi.

Les expériences étrangères ont d’ailleurs montré que, quelles que soient les circonstances, l’indépendance d’un organisme ne garantissait ni sa compétence ni sa prudence.

La commission des finances a modifié le texte adopté par l’Assemblée nationale pour affiner le positionnement institutionnel du Haut Conseil dans l’esprit que je viens d’indiquer.

Notre débat en commission a cependant permis d’approfondir plusieurs sujets et a montré que le texte pouvait encore évoluer. Certains des amendements déposés tendent, au demeurant, à tirer les conséquences de nos échanges.

En particulier, notre débat a permis de mettre en lumière une ambiguïté du dispositif, liée au caractère subjectif de la notion de « solde structurel » à laquelle nous nous référons désormais.

Le solde structurel est subjectif non parce que les économistes auraient à leur disposition de multiples manières de le calculer - leurs pratiques ne divergent pas tant que cela quant à la méthode – mais parce qu’ils ne retiennent pas la même appréciation du PIB potentiel, ce qui explique que les résultats de leurs calculs puissent être très divers.

La question qui se pose est donc de savoir en fonction de quelles hypothèses sera établie notre trajectoire de finances publiques et en fonction de quelles hypothèses son respect sera évalué.

Pour synthétiser les débats qui se sont déroulés en commission des finances, je dirai que nous avons abouti à trois conclusions.

Premièrement, il importe que la trajectoire de PIB potentiel retenue pour construire la programmation soit définie de manière contradictoire, le Gouvernement étant contraint d’expliciter ses hypothèses via son projet de loi de programmation, et un Haut conseil étant chargé de rendre un avis public sur celles-ci. Un tel débat public approfondi évitera de céder à la tentation de construire les programmations sur la base d’hypothèses délibérément trop optimistes.

Deuxièmement, il importe que l’hypothèse retenue soit consensuelle et serve pour la durée de la programmation. Les lois de programmation étant révisées tous les deux ans, les erreurs manifestes pourraient être rapidement corrigées. Toutefois, pour assurer la bonne conduite de la politique des finances publiques, et pour que la notion de « programmation » ait un sens, il est essentiel que les mesures en recettes et en dépenses qui seront déduites des hypothèses de PIB potentiel ne soient pas remises en cause à chaque changement d’évaluation de ce PIB potentiel.

Troisièmement, enfin, il est nécessaire que le Haut Conseil juge le respect de la trajectoire à l’aune des hypothèses sur la base desquelles celle-ci a été déterminée. Si le thermomètre n’est plus le même au départ et à l’arrivée, vous en êtes conscients, l’exercice n’a plus aucun sens !

Sur la base de ce constat partagé, plusieurs collègues ont présenté des amendements au texte de la commission, afin d’assurer une meilleure conformité entre le présent projet de loi organique et l’interprétation que nous en faisons. Nous débattrons des différentes solutions ce soir et demain.

Pour ma part, j’ai tendance à penser qu’il faut non pas nous enfermer dans un débat technique ou méthodologique, mais, au contraire, mettre l’accent sur les enjeux politiques, au-delà des notions abstraites.

Nous ne définissons pas une trajectoire de solde structurel par plaisir intellectuel, même s’il peut être tentant de s’appesantir sur cette thématique. §Nous le faisons pour en déduire le niveau des mesures budgétaires à adopter pour tendre vers l’objectif d’équilibre des comptes : c’est bien là l’essentiel !

Ces mesures ne seront pas abstraites. Elles porteront sur les dépenses et les recettes votées par le Parlement au titre des lois de finances et lois de financement successives. C’est sur ces dispositions que le débat devra porter.

Quel doit être le montant global de l’effort ? Vise-t-on l’équilibre structurel, un excédent structurel ou bien seulement le seuil de 0, 5 point de PIB ? Voilà une bonne question. Elle est posée.

Quelle doit être la répartition de l’effort dans le temps ? Préfère-t-on concentrer les contraintes au début et les alléger à la fin, ou l’inverse ?

Sur quelles administrations faire porter l’effort ? L’État ? La sécurité sociale ? Les collectivités territoriales ?

Quel doit être le partage des efforts entre recettes et dépenses ?

Voilà de vrais débats politiques, qui montrent qu’avec une même règle, sur laquelle nous sommes appelés à nous mettre d’accord, il est possible de conduire des politiques différentes.

Les lois de programmation, telles que définies dans la loi organique, seront le support de tous ces débats. Et c’est sur la capacité à respecter les engagements pris à cette occasion que les gouvernements et leur majorité doivent être jugés et c’est sur cette même capacité que le débat politique va se concentrer.

Pour l’ensemble de ces raisons, et sous réserve de ces interprétations, la commission des finances, qui a adopté le projet de loi organique dans la rédaction qui vous est aujourd’hui soumise, vous invite à faire de même, mes chers collègues.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion