Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 29 octobre 2012 à 21h30
Programmation et gouvernance des finances publiques — Article 1er

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

L’article 1er possède deux caractéristiques principales, notamment celle de lier étroitement la loi organique dont nous débattons à la mise en œuvre du traité de mars 2012, le premier alinéa étant explicite de ce point de vue puisqu’il fait de la loi organique l’outil qui permettra d’atteindre l’objectif à moyen terme défini par l’article 3 dudit traité.

Bien évidemment, nous ne pouvons que rappeler ici les principales données composant cet article pivot du traité budgétaire, qui porte notamment sur la situation générale des comptes publics des pays de la zone euro – qui doivent être en excédent ou en équilibre –, la définition de l’équilibre structurel et les politiques à mener pour y parvenir.

Sur le fond, mes chers collègues, sauf répétition de la crise financière de 2008, qui a emporté dans le gouffre de la faillite Lehman Brothers et a failli emporter la Société générale ou le Crédit agricole, nous serions donc tenus, dans les années à venir, de respecter un principe d’équilibre de nos comptes publics défini à partir d’un objet nouveau, à savoir le solde structurel de nos comptes publics.

Question immédiate, que soulèvent d’ailleurs les deux autres amendements déposés par nos collègues sur cet article : qu’est-ce que le solde structurel ? Or voilà qu’on nous en offre une définition limpide, du moins en apparence : le solde structurel, nous apprend-on au onzième alinéa de l’article 3 du TSCG, est le solde annuel des administrations publiques corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires. Pourtant, nous avons compris, au moment de sa présentation en commission des finances, que ce solde était en réalité beaucoup plus complexe à calculer. De fait, il se définit par défaut, puisqu’il s’agit de la résultante d’une opération consistant à retrancher tel ou tel élément d’un tout appréciable d’un point de vue comptable, à savoir le solde général des comptes publics.

Nous pourrions donc imaginer ne voter que des mesures ponctuelles et temporaires, pour faire en sorte que leur imputation ne détériore pas profondément notre supposé « solde structurel »… Plus sérieusement, que prévoit cet article 1er, sinon que la politique économique et budgétaire qui sera menée dans les années à venir, les choix qui seront faits pour notre système de protection sociale, les missions que devront accomplir les collectivités territoriales seront fondés sur un objet, le solde structurel, sur lequel personne n’est d’accord. M. le rapporteur général nous a d’ailleurs précisé que les spécialistes de la Commission européenne sont en pleine phase de réflexion pour donner corps à ce qu’il conviendra d’appeler le « solde structurel ».

Ainsi la Commission européenne entend-elle poser une sorte de « modèle » valable pour les vingt-cinq pays européens et asseoir les objectifs assignés à chacun en fonction de ce modèle. De nombreux aspects différencient pourtant les économies des pays de l’euro. La Belgique et la Grèce, par exemple, n’ont rien de comparable, que ce soit en termes de territoire ou de politique menée.

Nous pouvons donc considérer qu’il sera difficile à la Commission européenne de parvenir à une définition acceptable par tous du « solde structurel », puisque celui-ci renvoie immanquablement à la fois à la qualité de l’appareil statistique national de chaque pays de la zone euro et à la notion, parfaitement discutable, de « PIB potentiel » et, par voie de conséquence, d’écarts de PIB.

On peut d’ailleurs douter de la fiabilité absolue des calculs quand on se souvient, notamment, qu’un produit chinois arrivé par conteneur sur les quais du port de Hambourg n’est pas un produit chinois quand il passe la frontière française pour être vendu chez nous, mais devient, par la grâce de la Deutsche Statistik, un produit allemand.

En tout état de cause, on ne peut pas définir le solde structurel par défaut, comme nous y invitent, faute de mieux, la Commission européenne et le texte du TSCG. Et on ne peut pas définir une politique budgétaire sur une donnée aussi discutable et discutée ! D’ailleurs, si nous nous demandions quel potentiel de croissance n’est pas utilisé chez nous, nous penserions à celui qui réside dans les mains et les têtes des cinq millions de chômeurs à temps plein ou à temps partiel que compte notre pays. Il vaut largement ce que nous aurions perdu à voir s’exiler quelques « pigeons », patrons de start-up revendues dès que les limites de leur rentabilité sont atteintes.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne voterons pas l’article 1er de ce texte.

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