Comme nous l’avons indiqué au cours de la discussion générale, il n’est pas nécessairement stupide ou malvenu d’estimer nécessaire la promulgation d’une loi organique à partir de laquelle nous serions amenés à discuter de lois de programmation des finances publiques.
Il existe une première bonne raison motivant un tel choix : il s’agit, tout simplement, de l’expérience. Comme le rappelle en effet le rapport de la commission, les précédentes lois de programmation ont été aussi vite battues en brèche par les faits qu’elles ont été votées par les majorités parlementaires d’alors.
Lors de la discussion de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, dont nous avons vu qu’elle s’était en quelque sorte « perdue dans les sables » de la crise, mon ami et collègue Thierry Foucaud avait motivé le vote négatif de notre groupe en indiquant ceci : « Et nous devrons, si l’on suit ce texte à la lettre, discuter demain des mesures d’austérité complémentaires nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés. Nous l’avions vu en 1994 avec la loi d’orientation, nous le verrons demain avec cette loi de programmation. Tout cela parce qu’il faut changer de logique économique et politique et que, selon nous, vous n’y êtes pas encore prêts. En l’attente, nous ne voterons évidemment pas ce projet de loi. »
Il ne me semble guère nécessaire d’ajouter quoi que ce soit à ce discours prononcé le 6 novembre 2008 tant les observations qu’il contenait demeurent pleinement justifiées aujourd’hui.
La seconde raison qui nous motive est le fait de penser que les lois de programmation doivent consister à viser un objectif simple et directement perceptible : celui de l’équilibre des comptes publics tel qu’il résulte de l’article 34, un équilibre qui se fonde sur l’affectation des ressources budgétaires et extrabudgétaires nécessaires pour répondre aux nécessités posées par la réponse aux besoins collectifs de la nation et de ses habitants.
Cet équilibre, selon nous, doit se fonder non pas sur l’hypothétique définition d’un solde structurel plus ou moins élevé selon qu’on sera pétri ou non de théorie keynésienne, économiste convaincu du bien-fondé de la main invisible du marché, penseur sourcilleux acquis aux thèses monétaristes ou persuadé des apports de l’école de la régulation, mais bel et bien sur la réponse aux besoins collectifs.
Pour rétablir nos comptes publics, il faut inciter à une allocation de l’argent vers l’emploi, l’activité, les salaires, l’innovation et la formation, et il convient aussi de donner sens à l’effort collectif de satisfaction des besoins.
Vous voulez une formule magique de redressement des comptes publics ? Nous en avons peut-être une : celle des trois B, pour des travailleurs « bien formés, bien payés, bien soignés ».
Nous devons tout faire pour l’éducation et la formation initiale et permanente – le gisement de matière grise des Françaises et des Français est sans doute plus inépuisable que n’importe quel gisement de gaz de schiste encore inexploré –, et nous ne faisons pas assez !
Nous devons tout faire pour que le pouvoir d’achat des salariés soit réellement relevé. De ce point de vue, quand l’État n’augmente pas lui-même la rémunération de ses propres agents, nous ne sommes pas loin du faux départ !
Nous devons également améliorer le niveau de couverture sanitaire de la population. Trop de nos compatriotes renoncent aujourd’hui à se soigner, et c’est là un obstacle de plus pour la société en général. A-t-on jamais pensé au fait que, pour les États-Unis, l’absence d’une véritable couverture maladie universelle a constitué un obstacle à la croissance économique de ce grand pays ?
Elle doit être là, la voie de l’équilibre de nos comptes, pas ailleurs, et certainement pas dans un choc de compétitivité qui consisterait à conforter la rentabilité du capital au nom des risques de la concurrence internationale. Elle doit donc être affirmée comme valeur tutélaire et finalité de nos lois de programmation. Rien de plus, rien de moins ! Voilà tout le sens de cet amendement.