La notion de solde structurel et tout ce qu’elle entraîne, c’est-à-dire l’effort pour y parvenir, comme l’écart potentiel de PIB dont tout décalage peut être la conséquence, a manifestement retenu l’attention.
D’une certaine manière, après s’être rendu compte du caractère pour le moins étroit de la définition de la loi organique et de ses principales composantes, voici que le législateur se « donnerait un peu d’air » en admettant, par principe, qu’il puisse y avoir plusieurs manières d’appréhender le solde structurel et que l’évaluation des outils permettant d’y parvenir soit différente.
Posons la question : si la notion de solde structurel est à l’origine grevée d’incertitudes, pourquoi vouloir s’imposer d’en faire la clé de voûte de l’ensemble de la loi organique ?
Je tiens à vous rassurer tout de suite : on peut fort bien se passer de la notion de solde structurel s’il s’agit d’en faire un outil de politique économique.
Dans cette perspective, permettez-moi de citer un article un peu ancien, paru dans la revue de l’INSEE, Économie internationale, et signé par un collectif d’économistes de cet institut, dont Benoît Cœuré, alors économiste à la division « croissance et politique macroéconomique » de cet organisme, et aujourd’hui membre du conseil des gouverneurs de la BCE.
Benoît Cœuré et ses coauteurs indiquent en effet : « L’analyse des fluctuations de la croissance s’appuie sur diverses méthodes statistiques visant à décomposer l’activité en une composante cyclique et une composante tendancielle. Après en avoir rappelé le cadre d’utilisation, cet article décrit quatre des principales familles de méthodes dans leurs fondements et dans leur mise en œuvre. L’application de ces méthodes sur un panel de grands pays de l’OCDE permet d’en discuter les propriétés puis d’en comparer les résultats. Malgré une apparente homogénéité des décompositions de la croissance, on constate que les particularités de chacune des méthodes peuvent induire des divergences de diagnostics. Ces divergences s’expliquent par les conceptions différentes du mouvement économique qui sous-tendent ces méthodes, ainsi que par les choix “d’expert” nécessaires lors de leur mise en œuvre faisant appel à des contenus économiques implicites. »
Au-delà du discours scientifique développé par Benoît Cœuré et ses coauteurs, que faut-il déduire de ces observations ? À mon sens, on peut en tirer les conclusions suivantes : premièrement, gardons-nous des formules toutes faites. Deuxièmement, rien n’est neutre en la matière, pour cette simple raison : quel que soit le prescripteur considéré – le Haut Conseil des finances publiques, la Commission européenne, Eurostat ou tout autre organisme habilité à cet effet – le résultat obtenu ne procédera que de l’analyse économique sous-jacente choisie par le prescripteur lui-même.
Voilà pourquoi nous ne manquerons évidemment pas de débattre à l’infini pour savoir si le solde structurel est post-keynésien, néolibéral, libéral classique, ou je ne sais quoi.
Non, la véritable question qui nous est posée est tout autre, c’est celle qui fait de l’intervention publique l’intervention la plus juste quant aux prélèvements, la plus efficace quant aux objectifs et aux besoins sociaux, la plus pertinente du point de vue du comportement des agents économiques dans la société.
Autant en convenir d’emblée, le chemin est encore long sur le sentier de la justice fiscale. Avec 180 milliards d’euros d’aides diverses aux entreprises, sans contrepartie, avec 170 milliards d’euros de levées de titres de dette publique contre 10 milliards d’euros de dépenses d’équipement, on se confronte à autant de facteurs de mise en question de l’état où nous sommes, impliquant qu’il est urgent de changer de logiciel.
Et ce n’est pas l’apparente rigueur de l’objectif de moyen terme des finances publiques, imposé par le traité budgétaire au nom de la parité de l’euro et de la bonne santé de la spéculation financière, qui pourra le permettre !