Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 24 octobre 2012 à 14h30
Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

… mais que vous avez bien voulu communiquer à Mme la rapporteur de la commission des lois, et que je me permets de citer.

Le Conseil d’État rappelle les « exigences du principe d’égalité devant la loi », qui autorise toutefois que « des différences de situation puissent justifier de différences de traitement […] à la condition que les distinctions opérées reposent sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l’objet de la loi qui les établit. Il en irait difficilement ainsi si les critères des mesures d’adaptation que le représentant de l’État dans le département peut prescrire devaient dépendre de la situation des bénéficiaires (cas des collectivités territoriales qui supporteraient des coûts excessifs), et non des caractéristiques propres des départements ».

À l’évidence, l’article 1er souffrait – et souffrirait si, par malheur, vous le rétablissiez ! – de trois motifs d’inconstitutionnalité.

Premièrement, l’article 1er méconnaît l’article 21 de la Constitution, qui donne au Premier ministre et à lui seul – et non pas au préfet ! – le pouvoir d’appliquer les lois. Le Premier ministre lui-même ne peut déroger à la loi que dans les cas et selon les critères que celle-ci a prévus.

Le Conseil constitutionnel, dont on a beaucoup parlé au début de la séance dans cet hémicycle qui ressemblait malheureusement plus à un théâtre d’ombres qu’à une institution destinée à servir nos concitoyens, est tout particulièrement vigilant sur cette question. D’ailleurs, Mme la ministre et d’autres orateurs ont rappelé la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 2011. Certes, on peut penser que celle-ci est extrêmement sévère, mais telle est sa décision.

Deuxièmement – le Conseil d’État l’a d’ailleurs rappelé, dans un avis balancé, comme à son habitude –, l’article 1er méconnaîtrait le principe d’égalité dès lors qu’il résulterait de son application que les usagers du service public seraient traités différemment à Aurillac, à Romorantin, dans le plus petit village de Bretagne chère à Mme Lebranchu ou à Pétaouchnok.

Non seulement les petites communes rurales prendraient des mesures dérogatoires par rapport aux normes d’ensemble, mais ces normes elles-mêmes pourraient varier d’une commune à l’autre, voire à l’intérieur d’une même commune, la fragmentation pouvant se poursuivre quasiment sans frein. Nos concitoyens, qui auraient du mal à s’y retrouver, se verraient privés d’un égal accès aux services publics.

Quelle vision désastreuse du service public et des besoins de l’usager ! Telle est la conception des libéraux, dont vous êtes, mon cher collègue, mais qui n’est pas la nôtre.

Il faut le rappeler fortement : le service public n’est pas une marchandise et, de fait, n’appartient pas au secteur marchand. On ne peut pas l’adapter aux contingences des uns et des autres. Les élus locaux sont là pour appliquer la loi, même si c’est difficile. Peut-être existe-t-il des problèmes de financement ? C’est vrai ! Mais ce n’est pas la norme qui est en cause. Ce qui pose problème, ce sont les moyens financiers dont disposent les collectivités locales pour l’appliquer.

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