Intervention de Richard Yung

Réunion du 8 novembre 2012 à 21h45
Vérification du droit au séjour et délit d'aide au séjour irrégulier — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission, amendements 2011 16

Photo de Richard YungRichard Yung :

La gauche a montré qu’elle était tout à fait capable de conduire une politique d’intégration responsable et efficace, en même temps que juste, respectueuse et sereine.

Mais nous ne pouvons en rester là. Un travail législatif important est nécessaire pour venir à bout des discriminations et des injustices créées par les lois successives qui ont été votées ces dernières années en matière de sécurité et d’immigration, ou en tout cas pour les réduire.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé un vaste projet pour l’an prochain ; je m’en réjouis et je souhaite que les parlementaires soient associés à ce grand chantier.

Puissiez-vous être aidé dans la préparation de ce projet de loi par les travaux nourris que nous avons menés et les amendements nombreux que nous avons déposés ces dernières années lors de l’examen des projets de loi relatifs à l’immigration, en particulier lors de la discussion de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, dite loi Besson.

Je ne répéterai pas les raisons pour lesquelles le présent projet de loi est soumis à notre examen en procédure accélérée, ni les explications touchant à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

Il est clair que l’arrêt de la Cour de cassation fragilisait notre édifice juridique, puisque les forces de police ne disposaient plus, pour mener à bien les vérifications nécessaires, que de la procédure de vérification d’identité, dont la durée ne peut dépasser quatre heures, ce qui est de toute évidence insuffisant.

Il était donc normal et urgent d’adapter notre législation pour la mettre en conformité avec le droit européen, pour combler le vide juridique ouvert par l’arrêt de la Cour de cassation et pour permettre aux forces de police de travailler dans de bonnes conditions.

Telle est la raison d’être du présent projet de loi, qui, en premier lieu, institue un nouveau régime de retenue des étrangers pour vérification du droit au séjour, à mi-chemin entre la garde à vue et la vérification d’identité.

D’une durée maximale de seize heures, ce dispositif me paraît être un compromis équilibré et satisfaisant entre le souci d’efficacité policière en matière de lutte contre l’immigration clandestine et le respect des libertés individuelles garanties par la Constitution.

L’articulation de ces deux exigences est d’autant plus aboutie que la procédure créée est assortie de nombreuses garanties pour l’étranger : droit à un interprète, droit de s’entretenir avec un avocat, droit à être examiné par un médecin, droit de prévenir sa famille et possibilité pour le procureur de mettre fin à la retenue à tout moment.

L’étranger retenu bénéficiera donc d’un ensemble de garanties que les membres de la commission des lois, sous la sage conduite de leur président, ont complétées et renforcées. Ils ont prévu le droit pour l’étranger retenu d’avertir les autorités consulaires, l’interdiction de le placer dans un local destiné aux personnes gardées à vue et la limitation des mesures de contrainte exercées sur lui.

Fort de toutes ces garanties, le dispositif ainsi créé semble à la fois efficace et respectueux des droits légitimes de la personne. Il sera conforme aux exigences fixées par la Cour de justice de l’Union européenne et par la Cour de cassation.

Je n’ignore pas qu’un débat existe sur la longueur de la retenue : doit-elle durer seize heures, dix heures plus six, quatre heures plus douze ?

Même s’il s’agit d’un débat de fond, prenons garde à ne pas nous égarer dans des considérations trop tortueuses et trop complexes. Veillons aussi à ne pas créer un sentiment de défiance à l’égard des forces de police, qui travaillent déjà dans des conditions difficiles.

Il est légitime de demander que le délai prévu pour la retenue soit celui qui est strictement nécessaire aux opérations de vérification.

En second lieu, le projet de loi supprime ce qu’il est convenu d’appeler le « délit de solidarité ».

Comme l’ont dénoncé de nombreuses associations, l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, censé permettre la lutte contre les réseaux de passeurs d’étrangers, a parfois été détourné pour traquer des bénévoles venant en aide aux sans-papiers.

Les orateurs de l’opposition ont prétendu que les cas auraient été peu nombreux. Pour ma part, j’ai le souvenir d’avoir visité il y a deux ou trois ans le camp de Sangatte, dans le Pas-de-Calais, et d’avoir rencontré des personnes ayant fait l’objet d’une mise en cause sur le fondement du délit de solidarité.

Je ne sais pas si les procédures ont par la suite abouti ; §mais le fait est que ces personnes avaient bien été poursuivies.

Il est vrai que, souvent, les affaires n’aboutissaient pas, ou bien débouchaient sur un non-lieu ou sur une dispense de peine, grâce au bon sens des juges. Reste que cette intimidation et la menace de représailles judiciaires pour délit de solidarité n’étaient pas acceptables.

Cette situation découle d’une législation imprécise qui, sous couvert d’une incrimination de l’aide au séjour irrégulier, entretient un amalgame entre ceux qu’on appelle les marchands d’hommes et des bénévoles généreux faisant œuvre de solidarité envers des personnes en difficulté.

Il me semble essentiel que la lutte contre les réseaux mafieux de passeurs ne soit pas utilisée comme un alibi pour entraver ou décourager les actions respectables et humanistes de bénévoles désintéressés faisant vivre le troisième principe de notre devise républicaine.

Aussi, je me réjouis que le projet de loi étende les immunités inscrites à l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile à la famille élargie et à toute personne physique ou morale portant une assistance désintéressée à l’étranger en situation irrégulière.

Avant de conclure, j’aimerais revenir sur une question qui me paraît importante, parce qu’elle a occupé une place essentielle dans les débats qui ont accompagné les lois votées ces dernières années en matière d’immigration.

Je veux parler de l’inversion des rôles du juge administratif et du juge judiciaire, à propos de laquelle nous avons eu de longs débats, en commission comme en séance publique.

La loi du 16 juin 2011 a allongé la durée de placement en rétention de deux à cinq jours, reportant d’autant l’intervention du juge des libertés et de la détention, qui est le garant des libertés individuelles.

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