Séance en hémicycle du 8 novembre 2012 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CESEDA
  • cassation
  • délit
  • irrégulière
  • l’étranger
  • retenue
  • séjour
  • séjour irrégulier
  • vérification

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.

Photo de Jean-Patrick Courtois

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi témoigne, comme plusieurs de ceux que nous avons étudiés depuis l’élection de François Hollande à la présidence de la République, de l’état dans lequel la majorité précédente a laissé la France.

Comme pour la situation sociale de notre pays, sa situation industrielle ou les déficits publics, la majorité sortante a, sur la question de la vérification du droit au séjour, procrastiné.

Elle a préféré laisser à ceux qui prendraient sa relève la responsabilité de trouver une solution qui permette la vérification du droit au séjour dans le respect de nos engagements européens et des garanties offertes par notre Constitution.

Lorsque l’on y repense, c’est assez incroyable : les gouvernements Fillon, qui ont légiféré de manière compulsive, maladive, sur le droit des étrangers, ont laissé pourtant le dispositif législatif de la vérification du droit au séjour s’étioler progressivement.

La réforme de la garde à vue, en 2011, a été imposée au gouvernement de l’époque par notre environnement juridique : Cour européenne des droits de l’homme, Conseil constitutionnel, Cour de cassation. Le Gouvernement a dû, bien malgré lui, et au dernier moment, limiter l’usage de la garde à vue aux auteurs présumés de délits punis d’une peine d’emprisonnement.

Parallèlement, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré, sur la base de la directive Retour, pourtant négociée sous le gouvernement Fillon, que le seul séjour irrégulier ne pouvait faire l’objet d’une peine d’emprisonnement.

Les forces de l’ordre ne pouvaient donc plus faire usage de la garde à vue pour retenir les étrangers afin de vérifier leur situation et prendre ensuite les mesures de leur reconduite à la frontière si nécessaire.

C’est pourquoi la Cour de cassation en a logiquement tiré les conséquences dans son arrêt du 5 juillet 2012. Dès le lendemain matin, Mme la garde des sceaux adressait une circulaire prenant acte de cette décision jurisprudentielle, faisant preuve d’une belle réactivité.

Constatant cette réactivité nouvelle, nous pouvons vraiment nous interroger sur les raisons pour lesquelles le gouvernement précédent n’avait rien engagé pour corriger cette impasse juridique et opérationnelle, dont nul ne pouvait nier l’existence depuis, pour les plus myopes, l’arrêt du 6 décembre 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne, Achughbabian contre France.

C’est la raison d’être de ce projet de loi : remettre en place une législation conforme avec la jurisprudence, notamment la jurisprudence européenne et celle de la Cour de cassation en matière de législation sur les étrangers en situation irrégulière.

Ce projet de loi prend acte de cette jurisprudence et supprime le délit de séjour irrégulier, ce qui était rendu inévitable par deux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne et qui démontre bien à quel point le gouvernement précédent s’était fourvoyé.

Pendant dix ans, les gouvernements précédents de droite ont beaucoup légiféré sur le droit des étrangers. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, n’a eu de cesse d’être modifié et remodifié.

Cinq lois sont venues bouleverser le droit des étrangers et le droit d’asile en France. Mes collègues sénateurs d’alors, tout comme les députés socialistes des précédentes législatures, avaient bataillé ferme contre un certain nombre de dispositions, concernant notamment le recul des droits des étrangers, la banalisation de leur enfermement comme technique de gestion de l’immigration, la marginalisation du rôle du juge judiciaire et le renforcement des pouvoirs de l’administration.

Les dernières dispositions qui avaient été adoptées par la droite en 2011 avaient pour objectif affiché la mise en conformité de notre législation avec la directive Retour, du 16 décembre 2008. Mais elles avaient, en réalité, dénaturé la philosophie de cette directive et il est salutaire que, dans le cadre de ce projet de loi, vous replaciez, monsieur le ministre, notre législation dans les rails.

Car la directive Retour a pour principe fondamental de ne prévoir de dispositions pénales qu’en cas d’ultimes recours, une fois toutes les mesures administratives préalables épuisées.

Le droit pénal ne devrait intervenir que pour protéger un intérêt légitime suffisant, lorsqu’aucun autre moyen, moins coercitif, ne permet d’atteindre l’objectif fixé.

Le droit pénal doit permettre d’assurer les fonctions de répression, de dissuasion, de réparation, de resocialisation qui sont les siennes, en exigeant par principe une responsabilité fondée sur une culpabilité.

C’est pourquoi le Gouvernement établit un délit de maintien sur le territoire dans des conditions conformes à la jurisprudence et dont les conditions sont précisées dans son amendement n° 39. Ce délit ne pourra être prononcé que si l’autorité administrative a mis préalablement en œuvre toutes les procédures permettant l’exécution d’une mesure d’éloignement.

La rétention ne doit être utilisée qu’en dernier recours, si des mesures moins coercitives pour l’éloignement de la personne n’apparaissent pas efficaces. Lors de la campagne présidentielle, François Hollande a d’ailleurs dénoncé le fait que le précédent gouvernement « a banalisé la rétention [en en faisant] un instrument de sa politique du chiffre alors même que, comme toute privation de liberté, elle doit rester exceptionnelle et n’être utilisée qu’en dernier ressort ».

Ainsi, dans son discours au Bourget, le 24 janvier 2012, François Hollande affirmait avec force ce qui constitue notre armature et auquel nous ne pouvons que souscrire : « Présider la République, c’est être ferme, ferme y compris à l’égard de l’immigration clandestine et de ceux qui l’exploitent. Mais c’est traiter dignement les étrangers en situation régulière et ceux qui ont vocation à l’être sur la base de critères objectifs. »

C’est bien cette philosophie qui prévaut dans ce texte et qui répond à une urgence juridique, mais qui renoue avec les valeurs républicaines en revoyant le champ des immunités du délit institué par l’article L. 622-1 du CESEDA, qui dit : « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros. »

Auparavant, le champ des immunités était très faible. Avec ce texte, les immunités familiales sont élargies, tandis que les immunités humanitaires s’appliquent à l’aide désintéressée en matière de conseil juridique ou de prestations de restauration, hébergement, soins médicaux ayant pour but d’assurer des conditions de vie dignes et décentes.

Nous pouvons ainsi affirmer que ce qui était communément appelé « délit de solidarité » est supprimé. En pratique, resteront punis les passeurs, ceux qui font commerce de la situation de détresse des migrants et les complices de l’entrée sur le territoire.

Ce projet de loi répond en grande partie aux recommandations jurisprudentielles. Sur plusieurs points, il est apparu au groupe socialiste que le rôle du Parlement devait être de conforter l’esprit dans lequel il a été rédigé, en présentant quelques amendements. Le dialogue avec le Gouvernement, initié lors de l’étude du texte en commission, s’est poursuivi jusqu’à la séance d’aujourd’hui puisque nous examinerons, au cours de la discussion des articles, des amendements ayant vocation à préciser la compréhension du texte, son interprétation et la bonne prise en compte de la jurisprudence.

L’article 1er tire les conséquences de l’arrêt du 6 juin 2012 de la Cour de cassation et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle un contrôle de titre de séjour ne saurait s’apparenter à un contrôle frontalier. C’est bien ainsi, car Schengen, bel acquis de la construction européenne, espace de circulation et de liberté, ne saurait être remis en cause. Bien des efforts, bien des concertations, d’harmonisations sont encore nécessaires dans cet espace.

Ainsi, par exemple, chaque pays délivre des visas de court séjour dans l’ensemble de l’espace Schengen, mais nos conditions de délivrance du même document sont très différentes d’un pays à l’autre, engendrant la fiction que nos politiques migratoires sont indépendantes les unes des autres dans l’Union européenne, dans l’espace Schengen.

Nos différences de législation, les superpositions des directives, des dispositions du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et des législations nationales rendent la gestion de cet espace particulièrement compliquée, mais la seule voie possible est l’harmonisation et la mise en conformité aux principes communs.

En tenant compte des exigences européennes, ce projet de loi renforce effectivement nos valeurs communes et l’espace Schengen.

Renforcer l’espace Schengen, sa cohérence, le caractère mutualisé de son évaluation et la bonne prise en compte des contraintes législatives et réglementaires qu’il impose doit être un combat de tous les instants, combat auquel le Sénat est très attaché. L’Espace Schengen est l’un des symboles les plus précieux de la construction européenne. Pouvoir circuler librement de Gibraltar à Gdansk, d’Athènes à Bergen est et doit rester une fierté pour l’ensemble de notre continent. Pour les citoyens de plusieurs des derniers pays intégrés dans cet espace il y a quelques années, il symbolise la réussite d’un chemin vers la démocratie et une garantie de sa stabilité.

L’article 1er affirme le principe d’une vérification du droit au séjour en vertu de l’article L. 611-1 du CESEDA. Il s’ajoute ainsi à l’article 78-2 du code de procédure pénale, qui constituait depuis la circulaire de la garde de sceaux du 6 juillet dernier la seule base légale de tous les contrôles d’identité et de vérification de droit au séjour.

Une disposition s’adresse aux étrangers, l’autre s’adresse à tous. Un contrôle autonome du droit au séjour a une pleine justification, mais présente un risque de contrôle au faciès et mérite d’être encadré. En effet, comment savoir, avant vérification, que la personne faisant l’objet d’un contrôle est française ou étrangère ? Conserver une possibilité de contrôle spécifique du droit au séjour pose la question des critères sur lesquels se fonde l’autorité de police judiciaire pour déterminer l’extranéité de l’étranger supposé afin de procéder à sa vérification.

La jurisprudence a clairement condamné le principe du contrôle au faciès qui a fait l’objet d’un rapport détaillé du Défenseur des droits.

Vous avez indiqué, monsieur le ministre, les dispositions que vous entendez prendre, en particulier avec le vouvoiement et le retour du matricule sur l’uniforme, pour que les forces de l’ordre retrouvent la place qu’elles doivent occuper au cœur du pacte citoyen comme acteur reconnu de la défense des valeurs républicaines.

Nous savons combien les dernières années ont été difficiles pour les forces de police, combien le manque de moyen, conjugué à un discours stigmatisant des autorités politiques sur l’immigration, les étrangers, la jeunesse, a pu induire des comportements incompris de l’extérieur et qui ont jeté le trouble sur la relation entre la police et le citoyen. C’est cela qu’il nous faut aujourd'hui corriger.

Nous savons aussi combien les contrôles d’identité sont mal vécus dans les circonstances actuelles. Le Président de la République, alors candidat, avait pris un engagement de campagne au travers de sa proposition 30 : « Je lutterai contre le “délit de faciès” dans les contrôles d’identité par une procédure respectueuse des citoyens. […] Je combattrai en permanence le racisme et l’antisémitisme. »

L’amendement que dépose le Gouvernement sur cette question a vocation à répondre à cette préoccupation en tirant les enseignements des arrêts de la Cour de cassation. Mais cela sera-t-il lisible ? Cela sera-t-il compris et exploitable par les forces de l’ordre devant mettre en œuvre ces dispositions au jour le jour ?

De nombreuses associations mais aussi des institutions de l’État, comme le Défenseur des droits ou la Commission nationale consultative des droits de l’homme, mènent actuellement une action de sensibilisation sur cette question fondamentale du contrôle au faciès. Des principes forts peuvent en être tirés : veiller toujours à ce que rien ne devienne un outil de discrimination ; veiller à ce qu’à tout moment, chaque citoyen sente que la République est la même pour toutes et tous, que l’État est le garant de la sécurité de chacun.

C’est notre préoccupation, c’est votre préoccupation, et c’est la raison pour laquelle le dialogue sur ce texte a été constant depuis plusieurs semaines.

L’article 2 du projet de loi prévoit un nouveau dispositif, le placement en retenue de l’étranger afin de procéder à la vérification de son identité. En effet, les quatre heures prévues par l’article 78-3 du code de procédure pénale, qui étaient devenues la norme depuis que la Cour de cassation avait pris acte de la non-conformité aux textes des procédures utilisées précédemment, ne suffisaient pas dans tous les cas. La commission s’est interrogée sur une césure de la durée de retenue initialement proposée de seize heures. Une proposition de dix heures, puis six heures après information au procureur a été introduite dans le texte de la commission. Il est vrai que les garanties proposées dès le début de la retenue permettent d’aborder la question d’une manière différente de la retenue pour vérification d’identité, limitée à quatre heures mais accompagnée de beaucoup moins de garantie.

Toutefois, les principes conventionnels, issus de la Cour européenne des droits de l’homme, et constitutionnels, affirmés dans le texte suivant : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi », imposent qu’une personne retenue dans le cadre d’une procédure administrative sans être soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit, et sans même que l’on sache parfois si elle se trouve en situation irrégulière, ne puisse être retenue plus longtemps que nécessaire à l’exacte mise en œuvre des diligences qu’imposent les vérifications et les dispositions éventuelles qui s’ensuivent. Dans la pratique, si la loi prévoit une durée maximale de seize heures pour tenir compte des contraintes des officiers de police judiciaire, il importera dans chaque cas que l’usage de cette période soit effectif et ne conduise pas à des retenues allongées au maximum sans autre justification que de simples motifs de confort.

Nous comprenons que ce projet de loi, présenté en urgence pour rétablir un droit conforme au droit européen, ne préjuge pas d’un prochain texte révisant en profondeur le CESEDA, texte que vous avez évoqué dans votre exposé, monsieur le ministre. Le chantier d’une mise à plat de notre législation sur le droit des étrangers est en effet bien plus vaste.

En temps de crise, alors que la France n’arrive pas à s’occuper de tous ses citoyens, engendrant peur et repli sur soi, il est essentiel de rappeler que notre pays trouve sa force dans ses valeurs, son humanisme. Qu’ils soient venus à la recherche d’un travail, d’une formation, d’une protection car ils n’étaient pas en sécurité chez eux pour raison de guerre ou d’opinions divergentes, c’est auprès de ses migrants que la France a, au cours des siècles derniers, puisé une partie de son dynamisme, de ses valeurs, de sa capacité à aborder et comprendre le monde. Dans les moments les plus difficiles pour le pays, ils furent nombreux à s’en souvenir en résistant, en défendant notre patrie.

Oui, oublier cela, c’est tourner le dos à notre passé, à notre identité, et donc à notre avenir. En période de crise, ce serait criminel. Ce que vous avez annoncé, monsieur le ministre, comme perspective de révision du CESEDA est donc bienvenu.

Vous savez en particulier l’attachement des parlementaires à ce que, après concertation et analyse des moyens le permettant, une approche plus humaniste de notre politique vis-à-vis du droit des étrangers sur notre territoire soit proposée et que nous revenions notamment sur la disposition de la loi de juin 2011, qui prévoit l’intervention en centre de rétention du juge des libertés et de la détention seulement après le cinquième jour de rétention. Il s’agit de mettre en œuvre une interprétation moins restrictive que celle présentée par le gouvernement Fillon de l’article 66 de notre Constitution, que j’ai cité tout à l’heure.

Monsieur le ministre, le Gouvernement, par ce projet de loi, souhaite répondre à l’urgence engendrée par la négligence du gouvernement Fillon quant au bon respect par notre législation des principes du droit européen et de notre Constitution. Cette négligence a remis en cause des dispositifs qu’il convenait, aussi rapidement que possible, de redéfinir afin de pouvoir lutter contre l’immigration irrégulière efficacement.

Parallèlement, le délit de solidarité, contraire aux droits de l’homme, qui piétinait notre valeur de fraternité, est abrogé. C’est le signal fort que la République est de retour.

C’est la raison pour laquelle, nous, parlementaires socialistes, abordons la discussion parlementaire qui va s’engager maintenant avec la résolution de voter ce premier texte. Le dialogue qui va maintenant s’engager a pour objet de le rendre le plus clair et le plus exploitable possible pour ceux qui auront la lourde responsabilité de le mettre en œuvre dans les meilleures conditions pour toutes et tous. §

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Mazars

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité du groupe RDSE s’était fermement opposée à la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, M. le président Mézard l’a rappelé tout à l’heure. Ce texte avait notamment été jugé restrictif en termes de garanties des droits des étrangers et surtout comme allant bien au-delà des dispositions de la directive Retour appelées à être transposées dans notre droit.

D’aucuns regrettent aujourd’hui que le présent projet de loi n’ait pas été l’occasion d’une remise à plat de cette loi, et du droit des étrangers en général. Nous avons entendu cette attente mais nous considérons, comme vous, monsieur le ministre, qu’il importe pour l’heure de mettre au plus tôt notre droit en conformité avec la double jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation.

Je ne reviendrai pas sur la question du régime de la retenue aux fins de vérification de la situation d’un étranger, Jacques Mézard ayant exprimé à ce sujet la position de la majorité de notre groupe. Pour ma part, je concentrerai mon intervention sur les dispositions relatives à l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers.

On se souvient du débat sur le délit dit de « solidarité » qui avait suivi la sortie, en 2009, du film Welcome, lequel avait eu le mérite de mettre en lumière le rôle fondamental des associations humanitaires dans l’aide désintéressée qu’elles apportent à des personnes très souvent en situation de grande détresse, parfois même dessaisies de leur propre destin.

Leur action vient ainsi suppléer les limites des pouvoirs publics et donne toute sa force au terme « fraternité » de notre devise républicaine. L’avocat que je suis peut témoigner de cet engagement multiforme, qui s’inscrit bien trop souvent dans un cadre très précaire et dans une urgence constante.

Comme le rappelle l’étude d’impact annexée au projet de loi, le délit d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier a été institué dès 1938 et régulièrement réformé depuis, en fonction des alternances et des obligations européennes contractées par la France.

Cependant, comme l’a affirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 5 mai 1998, le pouvoir législatif, et lui seul, est parfaitement en droit de créer des immunités pénales au bénéfice de certaines personnes physiques ou morales. Il avait été également ajouté en 2004 que le délit d’aide au séjour irrégulier commis en bande organisée ne saurait concerner les organisations humanitaires d’aide aux étrangers. Cette interprétation n’avait pourtant pas empêché une certaine confusion quant à l’application de l’article L. 622-1 du CESEDA, dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004.

C’est d’ailleurs en réaction à cette confusion et à l’insécurité juridique ainsi créée, que des membres du groupe RDSE avaient déposé en avril 2009 une proposition de loi visant à supprimer les poursuites au titre de l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers à l’encontre des personnes physiques ou morales qui mettent en œuvre, jusqu’à l’intervention de l’État, l’obligation d’assistance à personne en danger. Mais M. Besson, alors ministre de l’immigration, avait expliqué, toujours en avril 2009, que le délit de solidarité n’existait pas et que, « en soixante-cinq années d’application de cette loi, personne en France n’avait jamais fait l’objet d’une condamnation pour avoir seulement accueilli, accompagné ou hébergé un étranger en situation irrégulière ».

Or le Conseil d’État lui-même, dans une décision du 19 juillet 2010, désavouant ainsi le ministre, avait clairement indiqué que la circulaire du 23 novembre 2009 permettait bien de « sanctionner l’aide au séjour irrégulier non seulement dans un but lucratif, mais aussi dans un but non lucratif ».

En outre, je peux en témoigner, des poursuites pénales fondées sur le délit de solidarité ont bien été mises en œuvre, même dans mon département, l’Aveyron, qui connaît pourtant, vous en conviendrez, une faible immigration. Monsieur le ministre, je ne peux donc que me réjouir que votre projet de loi s’inscrive dans une philosophie d’ouverture à l’autre et ne soit pas l’expression d’un nouveau réflexe de peur et de repli sur soi.

Si la loi du 16 juin 2011 avait déjà assoupli le régime du délit de solidarité, votre texte, en élargissant le champ de l’immunité pénale, va encore plus loin. Cette immunité, telle que vous l’envisagez, visera désormais les ascendants, descendants, frères et sœur du conjoint de l’étranger. En outre, elle protégera les personnes apportant une aide humanitaire aux étrangers en situation irrégulière, leur permettant alors d’intervenir non seulement dans les cas d’urgences, mais aussi et simplement afin de préserver leur dignité. Nous souscrivons pleinement à cette ambition.

Bien sûr, l’assistance humanitaire ne doit en aucun cas se transformer en soutien actif à la clandestinité. Notre groupe est, vous le savez, fermement attaché à ce que les étrangers présents sur notre sol jouissent de leurs droits fondamentaux, mais aussi à ce qu’ils assument leurs devoirs à l’égard de notre République. C’est en effet quand elle est ouverte et respectueuse, mais aussi respectée, que notre République est exemplaire.

Enfin, et surtout, il importe de renforcer la lutte contre les réseaux mafieux qui exploitent la détresse des migrants, nourrissent des trafics de toute nature et en tirent des profits importants. Dans ce domaine, nous savons aussi pouvoir compter sur vous, monsieur le ministre.

C’est dans cet état d’esprit, combinant humanisme et ordre républicain, que nous voterons votre texte.

Comme le disait l’ethnologue néerlandais Frans de Waal, « l’empathie humaine a un ancrage si profond qu’elle parviendra toujours à s’exprimer ». Monsieur le ministre, votre projet de loi nous semble traduire de façon équilibrée cette expression. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à relever la totale désorganisation de nos travaux : on travaille certains jours, d’autres, non ; il arrive de plus en plus souvent que l’on siège en séance publique non pas le jour, mais la nuit ! Voilà qui est bizarre, mais nous allons sans doute nous habituer à ces méthodes de travail…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président Sueur, ma remarque ne vaut pas que pour les travaux en séance publique, il en va parfois de même en commission…

En tout cas, il est dommage qu’un projet de loi aussi important et urgent que celui que nous examinons aujourd’hui ne fasse pas l’objet d’une certaine priorité, ce qui nous contraint à veiller un peu tardivement, non sans un certain succès d’ailleurs eu égard à la présence …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… remarquable en effet de nos collègues. Quoi qu’il en soit, cela ne nous empêchera pas de délibérer.

Pour faire gagner du temps au Sénat et compte tenu du fait que notre collègue François-Noël Buffet, qui connaît bien ces sujets pour avoir été, pendant de très nombreuses années, rapporteur de tous les textes relatifs à l’entrée et au séjour des étrangers, avait exprimé de façon claire et équilibrée la position de notre groupe, j’avais décidé de ne pas intervenir. Mais il y a quand même des propos qui me choquent ! Et, lorsque l’on énonce des inexactitudes, je suis obligé de les corriger !

Ainsi, quand on nous reproche de ne pas avoir fait ce qu’il fallait en temps opportun, je tombe des nues !

Monsieur Leconte, vous avez prétendu que nos lois seraient à l’origine de l’article L. 621-1 du CESEDA ? Savez-vous depuis quand existe cet article ? Le savez-vous ? Non ?... Depuis l’ordonnance de 1945 ! Je n’y peux donc rien ! Ce n’est qu’en mai ou en juin 2011 que les cours d’appel d’Aix-en-Provence, de Paris et de Versailles ont confirmé que l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne ne s’appliquait pas à ce délit. Il y avait donc un doute, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous lisez dans le marc de café, monsieur Leconte ?

À ce propos, je formulerai une réflexion beaucoup plus large : lorsque l’on soulève, dans notre pays, un problème, il y a contrôle de constitutionnalité, ce qui est fort bien. Mais il existe aussi le contrôle de conventionnalité.

En fait, le contrôle de conventionnalité permet à la plus haute juridiction, la Cour de cassation – le Conseil d’État est beaucoup plus prudent –, de s’ériger parfois en cour suprême pour indiquer la manière dont nous devons interpréter les traités. C’est un débat que nous avions eu dans le cadre de la réforme de 2008 ; sans doute vous en souvenez-vous, monsieur Sueur ?

M. le président de la commission des lois opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je tenais à faire ces mises au point.

Monsieur Sueur, j’ai eu, à certains moments, l’impression que l’on s’était fourvoyé dans des débats biaisés en confondant contrôle d’identité, vérification d’identité et vérification des titres permettant aux personnes de nationalité étrangère de circuler et de séjourner en France. Quand on fait ces amalgames, cela ne va plus du tout.

Aussi, était-il urgent de trouver une solution au vide juridique provoqué par la décision de la Cour de cassation du 5 juillet 2012. Mon ami François-Noël Buffet a indiqué qu’il aurait préféré que ce texte fasse l’objet d’une navette parlementaire. Pour ce qui me concerne, je vais jusqu’à accepter la procédure accélérée déclarée sur ce texte, car il ne faut pas laisser les services chargés de contrôler l’immigration sans moyens efficaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Non, je ne critique pas ! Je vous explique les raisons pour lesquelles on peut légitimement penser qu’une interprétation différente aurait été possible.

La procédure administrative de seize heures prévue dans le texte nous paraît donc tout à fait indispensable. On sait très bien que le délai de retenue de quatre heures pour vérification d’identité n’est pas suffisant, et qu’une nouvelle procédure était nécessaire ; elle aura lieu sous contrôle judiciaire, ce qui est très bien. Il est évident que, si l’on commence à diviser encore le délai, on limitera l’efficacité du dispositif.

Au demeurant, je suis toujours gêné de voir qu’on suspecte un peu les services de police chargés de cette difficile mission – je pense à la police aux frontières, mais aussi à d’autres services de police – de ne pas respecter la loi.

Ce nouveau dispositif est donc important, d’autant que, si j’ai bien lu l’étude d’impact, chaque année, 60 000 étrangers en situation irrégulière étaient placés en garde à vue sous ce seul chef.

Si l’on supprime le délit prévu à l’article L. 621-1 du CESEDA pour respecter les arrêts de la Cour de cassation, il nous faut bien trouver l’outil idoine pour vérifier, dans des conditions efficaces, les titres permettant aux personnes de nationalité étrangère de circuler ou de séjourner en France.

C’est pourquoi vous proposez, monsieur le ministre, à l’article 5 du projet de loi de supprimer le délit prévu à l’article L. 621-1 du CESEDA, mais de modifier l’article L. 621-2 du code précité afin de maintenir les dispositions pénales réprimant l’entrée irrégulière sur le territoire pour tous les autres motifs pour lesquels cela demeure un délit et de prévoir, à l’article 6, par coordination, les dispositions visant à punir le maintien sur notre territoire. Seul le séjour irrégulier ne peut donc plus être sanctionné.

Monsieur le ministre, vous avez notre soutien, car il est de l’intérêt du Parlement, dans son ensemble, de donner la possibilité au Gouvernement de mettre à la disposition des services chargés du contrôle de l’immigration un outil efficace, parfaitement respectueux des libertés publiques.

Vous avez également évoqué beaucoup d’autres points dans votre discours introductif, qui m’a paru être équilibré.

En ce qui me concerne, comme d’ailleurs beaucoup de mes collègues, je n’ai jamais dit que l’immigration était la cause de tous nos maux – et pourtant, en vingt-six ans, j’en ai vu passer des textes sur le sujet, sous tous les gouvernements !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le rapporteur, je parle en mon nom ! Je n’ai pas à juger les uns ou les autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je trouve que vous y allez un peu fort, monsieur Hyest !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pour ma part, je n’ai eu de cesse de faire en sorte que l’on respecte les personnes. Au demeurant, si mon ami Bernard Stasi affirmait que l’immigration était une chance pour la France, Michel Rocard, lui, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, disait que l’on ne pouvait pas héberger toute la misère du monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cette phrase avait une suite, que l’on oublie toujours ! Vous le savez très bien, monsieur Hyest !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. Alors, on gagnera du temps !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous avez également parlé, monsieur le ministre, des mesures d’éloignement et de l’intervention du juge administratif et du juge judiciaire, une question sur laquelle il nous faut être extrêmement attentifs.

Je sais que ce point a fait l’objet d’un combat de la part de certains de nos amis. Je rappelle que le juge administratif, autant que le juge judiciaire, doit être respectueux des libertés publiques. Sauf à vouloir rendre totalement inefficace et complexe la procédure, qui ne pourrait alors aboutir, et réduirait à néant toute politique d’immigration, revenir aux dispositifs qui ont été validés par le Conseil constitutionnel me paraît dangereux.

Concernant l’asile, vous avez également dit quelque chose de très important, monsieur le ministre.

L’asile et l’immigration sont deux choses différentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Des textes européens sur ce sujet sont en préparation.

On sait que le système ne fonctionne pas très bien entre les pays européens, et ce n’est pas pour rien que les pays les plus respectueux des procédures voient affluer un grand nombre de demandeurs d’asile. Ceux qui n’accordent pas l’asile, ou pratiquement pas, renvoient les demandeurs dans les autres pays. Il est donc temps d’avoir une meilleure coordination européenne.

Pour éviter un trop grand nombre de demandes d’asile abusives – vous avez eu raison de le souligner, monsieur le ministre, et je n’ai, pour ma part, jamais cessé de le dire –, il faut accélérer les procédures de l’OFPRA et de la Cour nationale du droit d’asile.

Vous avez fait des promesses, vous avez renforcé les services de l’OFPRA, à l’instar de ce qui a déjà été fait en d’autres époques. C’est indispensable si l’on veut que les dossiers soient traités dans le respect des personnes et si l’on veut éviter que les celles qui méritent de bénéficier de l’asile ne soient rejetées de notre pays. Au demeurant, on connaît très bien le taux d’acceptation des demandes d’asile.

La Cour nationale du droit d’asile et l’OFPRA, qui font bien leur travail, ont également révélé que notre pays avait intérêt à ce que des procédures européennes vraiment nouvelles et acceptées par tous soient décidées et qu’elles fassent l’objet d’une directive, à l’image de la directive Séjour.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, si le texte n’est pas bouleversé, et comme l’a annoncé notre collègue François-Noël Buffet, le groupe UMP votera ces mesures absolument nécessaires et indispensables.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne sais pas si cela tient à l’ordre alphabétique ou au fait d’être membre du groupe socialiste, mais j’ai l’impression d’être toujours le dernier à intervenir dans la discussion générale. Il m’est donc difficile d’éviter les redites.

Tout d’abord, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de l’action déterminée que vous avez récemment menée et que vous menez encore en matière d’immigration et d’intégration ; en témoigne votre discours liminaire.

Au cours des derniers mois, vous avez en effet abrogé un certain nombre de dispositions réglementaires prises par vos prédécesseurs, ceux-là mêmes qui se sont tristement illustrés, cinq années durant, par une certaine surenchère. Je donne acte à notre collègue Jean-Jacques Hyest de sa position, mais certains de ses amis ont cherché à instrumentaliser ce débat…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… en y mêlant les questions de l’immigration, de la place de l’étranger dans notre pays et de la nationalité, ce qui n’est pas digne de la tradition française C’est ce que nous avons particulièrement ressenti en tant que Français de l’étranger.

Aussi était-il devenu urgent de mettre un terme à certaines pratiques qui n’étaient pas à la hauteur de notre pays, patrie des droits de l’homme.

Ainsi, vous avez abrogé la circulaire du 31 mai 2011 qui empêchait des étudiants étrangers de s’installer dans notre pays et d’accéder à un emploi.

De même, pour les familles avec enfants mineurs, vous avez écarté le placement en rétention au profit de l’assignation à résidence.

Vous avez en outre assoupli les conditions d’accès à la nationalité française afin que la naturalisation récompense un parcours d’intégration ; en matière de politique de naturalisation, les dernières mesures nous semblent extrêmement positives.

Enfin, vous avez annoncé votre intention de supprimer la liste des métiers sous tension pour la régularisation des travailleurs sans papiers.

Chaque fois, vous avez fait preuve non seulement de bon sens, mais aussi de courage et d’efficacité, alors qu’un certain nombre de nos collègues de l’opposition nous reprochaient volontiers un angélisme et une inefficacité qui seraient en quelque sorte consubstantiels à la gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La gauche a montré qu’elle était tout à fait capable de conduire une politique d’intégration responsable et efficace, en même temps que juste, respectueuse et sereine.

Mais nous ne pouvons en rester là. Un travail législatif important est nécessaire pour venir à bout des discriminations et des injustices créées par les lois successives qui ont été votées ces dernières années en matière de sécurité et d’immigration, ou en tout cas pour les réduire.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé un vaste projet pour l’an prochain ; je m’en réjouis et je souhaite que les parlementaires soient associés à ce grand chantier.

Puissiez-vous être aidé dans la préparation de ce projet de loi par les travaux nourris que nous avons menés et les amendements nombreux que nous avons déposés ces dernières années lors de l’examen des projets de loi relatifs à l’immigration, en particulier lors de la discussion de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, dite loi Besson.

Je ne répéterai pas les raisons pour lesquelles le présent projet de loi est soumis à notre examen en procédure accélérée, ni les explications touchant à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

Il est clair que l’arrêt de la Cour de cassation fragilisait notre édifice juridique, puisque les forces de police ne disposaient plus, pour mener à bien les vérifications nécessaires, que de la procédure de vérification d’identité, dont la durée ne peut dépasser quatre heures, ce qui est de toute évidence insuffisant.

Il était donc normal et urgent d’adapter notre législation pour la mettre en conformité avec le droit européen, pour combler le vide juridique ouvert par l’arrêt de la Cour de cassation et pour permettre aux forces de police de travailler dans de bonnes conditions.

Telle est la raison d’être du présent projet de loi, qui, en premier lieu, institue un nouveau régime de retenue des étrangers pour vérification du droit au séjour, à mi-chemin entre la garde à vue et la vérification d’identité.

D’une durée maximale de seize heures, ce dispositif me paraît être un compromis équilibré et satisfaisant entre le souci d’efficacité policière en matière de lutte contre l’immigration clandestine et le respect des libertés individuelles garanties par la Constitution.

L’articulation de ces deux exigences est d’autant plus aboutie que la procédure créée est assortie de nombreuses garanties pour l’étranger : droit à un interprète, droit de s’entretenir avec un avocat, droit à être examiné par un médecin, droit de prévenir sa famille et possibilité pour le procureur de mettre fin à la retenue à tout moment.

L’étranger retenu bénéficiera donc d’un ensemble de garanties que les membres de la commission des lois, sous la sage conduite de leur président, ont complétées et renforcées. Ils ont prévu le droit pour l’étranger retenu d’avertir les autorités consulaires, l’interdiction de le placer dans un local destiné aux personnes gardées à vue et la limitation des mesures de contrainte exercées sur lui.

Fort de toutes ces garanties, le dispositif ainsi créé semble à la fois efficace et respectueux des droits légitimes de la personne. Il sera conforme aux exigences fixées par la Cour de justice de l’Union européenne et par la Cour de cassation.

Je n’ignore pas qu’un débat existe sur la longueur de la retenue : doit-elle durer seize heures, dix heures plus six, quatre heures plus douze ?

Même s’il s’agit d’un débat de fond, prenons garde à ne pas nous égarer dans des considérations trop tortueuses et trop complexes. Veillons aussi à ne pas créer un sentiment de défiance à l’égard des forces de police, qui travaillent déjà dans des conditions difficiles.

Il est légitime de demander que le délai prévu pour la retenue soit celui qui est strictement nécessaire aux opérations de vérification.

En second lieu, le projet de loi supprime ce qu’il est convenu d’appeler le « délit de solidarité ».

Comme l’ont dénoncé de nombreuses associations, l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, censé permettre la lutte contre les réseaux de passeurs d’étrangers, a parfois été détourné pour traquer des bénévoles venant en aide aux sans-papiers.

Les orateurs de l’opposition ont prétendu que les cas auraient été peu nombreux. Pour ma part, j’ai le souvenir d’avoir visité il y a deux ou trois ans le camp de Sangatte, dans le Pas-de-Calais, et d’avoir rencontré des personnes ayant fait l’objet d’une mise en cause sur le fondement du délit de solidarité.

Je ne sais pas si les procédures ont par la suite abouti ; §mais le fait est que ces personnes avaient bien été poursuivies.

Il est vrai que, souvent, les affaires n’aboutissaient pas, ou bien débouchaient sur un non-lieu ou sur une dispense de peine, grâce au bon sens des juges. Reste que cette intimidation et la menace de représailles judiciaires pour délit de solidarité n’étaient pas acceptables.

Cette situation découle d’une législation imprécise qui, sous couvert d’une incrimination de l’aide au séjour irrégulier, entretient un amalgame entre ceux qu’on appelle les marchands d’hommes et des bénévoles généreux faisant œuvre de solidarité envers des personnes en difficulté.

Il me semble essentiel que la lutte contre les réseaux mafieux de passeurs ne soit pas utilisée comme un alibi pour entraver ou décourager les actions respectables et humanistes de bénévoles désintéressés faisant vivre le troisième principe de notre devise républicaine.

Aussi, je me réjouis que le projet de loi étende les immunités inscrites à l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile à la famille élargie et à toute personne physique ou morale portant une assistance désintéressée à l’étranger en situation irrégulière.

Avant de conclure, j’aimerais revenir sur une question qui me paraît importante, parce qu’elle a occupé une place essentielle dans les débats qui ont accompagné les lois votées ces dernières années en matière d’immigration.

Je veux parler de l’inversion des rôles du juge administratif et du juge judiciaire, à propos de laquelle nous avons eu de longs débats, en commission comme en séance publique.

La loi du 16 juin 2011 a allongé la durée de placement en rétention de deux à cinq jours, reportant d’autant l’intervention du juge des libertés et de la détention, qui est le garant des libertés individuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Il est vrai que le juge administratif l’est aussi ; mais c’est la vocation première du juge de la liberté et de la détention, qui ne juge pas la décision du préfet mais tranche la question de la liberté. De là son titre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Qu’importe le titre ! Tous les juges sont juges des libertés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur Hyest, n’interrompez pas l’orateur. M. Yung vient de dire que tous les juges sont juges des libertés ; mais il se trouve que le juge des libertés et de la détention porte ce titre.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

C’est un fait que le juge des libertés et de la détention a sa spécificité.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Exactement ! Le problème vient du fait qu’il y a deux juges.

Pour ma part, je souhaite que l’on revienne sur l’inversion des rôles des juges, mais j’ai bien conscience que cette solution n’est pas forcément la panacée.

Comme vient de le dire M. Hyest, le problème fondamental tient à la coexistence de deux juges. Mais nous ne savons pas très bien comment en sortir ! Après avoir longuement examiné la question, Pierre Mazeaud, auteur du rapport « Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire », a conclu en 2008 qu’il ne fallait pas changer l’édifice.

On peut peut-être changer l’édifice : le Parlement, paraît-il, peut tout faire !

On pourrait créer un ordre de juridiction spécifique, en sorte qu’un seul juge soit compétent pour connaître de l’intégralité des affaires. Autrement dit, le même juge se prononcerait sur la procédure administrative et sur la question de la liberté.

Je dis cela pour souligner l’importance et la complexité de ce problème sur lequel, monsieur le ministre, nous sommes prêts à travailler.

En fin de compte, je me réjouis que, sur des questions de cette importance, nous puissions nous retrouver nombreux. En tout cas, les sénateurs socialistes voteront le projet de loi présenté par le Gouvernement !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre aux différents orateurs qui se sont exprimés.

Je partage le sentiment de M. le rapporteur et de M. Michel, qui est aussi celui de la plupart d’entre vous : le texte qui vous est présenté est un texte d’équilibre.

Le souhait du Gouvernement est à la fois de lutter efficacement contre l’immigration irrégulière et de garantir le respect des droits des étrangers, sans laisser place au moindre arbitraire.

Comme MM. Michel et Leconte l’ont fait observer, le projet de loi ne touche pas à l’ensemble des aspects du droit des étrangers. Mais il apporte des réponses concrètes qui sont nécessaires et attendues.

Le projet de loi va être enrichi par vos amendements s’agissant de la limitation du contrôle de titres au faciès, de la fin du délit de séjour irrégulier, dont le caractère symbolique a été souligné, et de la fin du délit de solidarité pour les associations désintéressées.

En revanche, je ne crois pas que le fait de scinder la période de retenue en deux temps marquerait un progrès ; à mes yeux, ce serait un élément de complexité supplémentaire, n’apportant aucune garantie réelle pour l’étranger retenu.

Les garanties figurent déjà dans le projet de loi et M. Yung les a énumérées : il s’agit notamment de la présence d’un avocat, d’un médecin et d’un interprète. Monsieur Sueur, elles ont incontestablement été enrichies par la commission des lois.

Cela dit, je suis attentif au problème soulevé par M. Hyest : la difficulté du travail des policiers et des gendarmes est une réalité. Ne croyons pas un seul instant que la tâche qui leur est confiée soit des plus facile ! Elle est indiscutablement compliquée, d’un point de vue juridique mais aussi d’un point de vue humain.

Mme Cohen s’est déclarée désenchantée par le projet de loi ; je ne doute pas que Mme Assassi nous exposera, dans la suite du débat, les raisons de cette position.

Il est vrai que nous n’avons pas proposé la dépénalisation totale du droit des étrangers. Quand toutes les procédures administratives prévues par le droit européen ont échoué, il reste une place, subsidiaire mais nécessaire, à la sanction pénale.

Je me garderai bien d’écarter d’un revers de la main la question importante et compliquée du rôle du juge des libertés et de la détention ; M. Yung en a présenté les termes de la manière la plus équilibrée possible.

Monsieur le président de la commission des lois, sur ces questions complexes, nous devons essayer d’avancer en nous gardant de légiférer dans l’urgence.

Le Premier ministre a accepté de désigner un parlementaire en mission pour examiner la question de la garantie juridictionnelle des droits et préparer un autre projet de loi touchant notamment à la création d’un nouveau titre de séjour pluriannuel.

Mme Cohen et M. Leconte ont évoqué ce que l'on appelle les « contrôles au faciès ». Je les combats, et je pense que nous les combattons tous. C’est pourquoi je vous invite à voter l’amendement que le Gouvernement a déposé sur ce point.

Le sujet est complexe : il n’est qu’à regarder les expériences à l'étranger. Des outils existent pour lutter contre le contrôle au faciès, et nous allons les examiner, avec le souci d’aider les policiers à accomplir leur mission : cela va du vouvoiement à l’affichage du matricule, en passant, pourquoi pas, par la caméra embarquée dans certaines circonstances, sans oublier la refonte du code de déontologie à laquelle nous sommes en train de travailler et qui aboutira très vite. J’y suis évidemment sensible, tout comme le sont policiers et gendarmes.

Pour autant, ne croyons pas que les outils juridiques ou techniques suffisent. C'est plutôt une question d'état d'esprit : il faut redonner aux forces de l'ordre les moyens d’exercer pleinement leur mission, autrement dit ce qui constitue le cœur de métier, à savoir s'attaquer à la délinquance, aux trafics de drogue et d'armes, aux violences sur les personnes, aux cambriolages, etc. Ces évolutions prendront nécessairement du temps car, durant plusieurs années, l’attention a été trop centrée sur cet aspect dont nous parlons du travail de la police.

M. Marseille, s’exprimant au nom du groupe UDI-UC, a rappelé que ce texte avait notamment pour objet de réparer un vide juridique qui résultait d'une mauvaise transposition de la directive Retour.

La mesure proposée, la retenue – nous nous sommes d’ailleurs beaucoup interrogés sur la dénomination –, répond ainsi à ce vide juridique, que la seule vérification d’identité de quatre heures ne pouvait combler étant donné la complexité humaine, juridique, technique, géographique de ces contrôles.

La retenue s’exerce pour une durée maximale de seize heures : c’est nettement inférieur au temps de la garde à vue, qui devenait la norme pour l’éloignement des étrangers. Scinder ce délai, je l’ai dit, fragiliserait juridiquement cette procédure, sans offrir de véritables garanties.

M. Marseille a souligné à juste titre que la fin du délit de solidarité pour les associations désintéressées constituait une mesure attendue et légitime. Dans notre pays, nul ne doit être inquiété parce qu’il a apporté une aide purement humanitaire à un étranger, celui-ci fût-il en situation irrégulière. Certes, cette incrimination n'était pas appliquée mais, incontestablement, elle pesait comme une épée de Damoclès sur les associations. C'est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs – c'est le seul conseil d'ancien parlementaire que je formulerai, d’autant que je sais votre assemblée d’ores et déjà tout à fait consciente du problème –, je vous invite à ne pas légiférer si cela revient à prévoir des sanctions qui ne sont pas applicables et, de fait, pas appliquées.

En tout cas, la politique mise en œuvre par ce gouvernement – maîtriser les flux migratoires sans pour autant accepter les stigmatisations et les amalgames, qui n’ont du reste sûrement pas cours ici – se veut équilibrée, respectueuse à la fois du droit et des droits.

Monsieur Mézard, je vous remercie de voir dans ce texte, qui répond effectivement à l’urgence, non une preuve de reniement et une source de désenchantement, mais la manifestation de la raison. Il s’agit d’allier les exigences d’une politique cohérente et lucide avec celles, humanistes, d’une tradition d’accueil. Ces valeurs constituent d’ailleurs le socle de votre formation politique et rassemblent tous les républicains. Il est toujours facile de qualifier un texte d’une façon ou d’une autre, mais nous parlons là de politique concrète.

Vous avez évoqué de façon fort pertinente, comme tous ceux qui sont intervenus au nom de la majorité, les effets très négatifs de l'empilement législatif sur le droit des étrangers. Vous avez aussi rappelé que l’on ne pouvait pas improviser notre politique migratoire et renoncer à lutter contre l’immigration irrégulière.

Je veux souligner combien ces questions sont complexes partout en Europe. Lundi dernier, à l'occasion de l'assemblée générale d'Interpol, j'ai longuement discuté avec mon homologue italienne, en charge de ces questions en tant que ministre de l'intérieur. L'Italie est confrontée, du fait de sa position géographique, à des problèmes majeurs

M. Jean-Jacques Hyest acquiesce

Debut de section - Permalien
Manuel Valls

L’Europe doit également faire face à de fortes pressions, par exemple dans le secteur de Ceuta et Melilla, au Maroc, et à des drames humains intolérables. Nous voyons combien l'Europe, c'est-à-dire les pays qui en sont membres, doit organiser cette politique migratoire. Ce sont là des défis que notre société doit relever.

Monsieur Mézard, vous avez souligné que le Gouvernement n’avait pas travaillé dans la précipitation. La durée de seize heures a été fixée après un examen vigilant des contraintes pesant sur l’administration, pour limiter la durée de cette retenue au temps strictement nécessaire. Après la décision de la Cour de cassation, nous avons fait en sorte d’aboutir à un texte équilibré et juste.

Monsieur Buffet, je tiens à souligner la qualité et la précision de votre intervention. Il est vrai que vous connaissez parfaitement ces sujets. Je suis prêt à ouvrir avec vous, comme avec M. Hyest, un débat sur les raisons pour lesquelles nous devons aujourd'hui légiférer. Je l’ai dit tout à l'heure, le gouvernement précédent aurait dû anticiper cette décision.

Ce sont des sujets compliqués, nous l'avons vu en matière de garde à vue, voilà deux ans. Monsieur Hyest, nous pourrions reprendre vos analyses sur la Cour de cassation, tant il est vrai que la Cour de justice de l'Union européenne a donné un certain nombre d'indications que la Cour de Cassation a appliquées de manière très stricte. Le Gouvernement est mis face à ses responsabilités et doit traiter ce problème : il les assume.

Je partage évidemment l'idée selon laquelle la maîtrise des flux migratoires constitue une nécessité, un impératif des politiques publiques. Peut-être suis-je naïf, mais cela doit faire l’objet d’un débat public serein, d’une qualité égale à celle qui caractérise notre discussion de ce soir. Le pays y gagnerait beaucoup.

Monsieur Buffet, vous avez souligné que l’utilisation de la seule procédure de vérification d’identité ne nous permettait plus d’assurer une lutte contre l’immigration irrégulière qui soit à la fois efficace et respectueuse des droits. Je prends acte de votre soutien, en espérant qu’il sera confirmé dans la suite de la discussion.

Sur le délit de solidarité, vous avez rappelé avec raison que la jurisprudence du Conseil constitutionnel avait encadré le délit d’aide au séjour irrégulier et que des immunités pénales existaient déjà dans le texte antérieur. Néanmoins, reconnaissez avec moi que le texte de la loi n’était pas dépourvu d’ambiguïté pour ce qui concerne les associations et qu’il convenait de faire en sorte que l'aide désintéressée des associations ne puisse pas être poursuivie pénalement. Ce texte est pour nous l’occasion d’avancer sur ce point et l’examen des amendements nous permettra d’apporter les précisions nécessaires.

En tout cas, je vous remercie du soutien que vous apportez à ce texte, qui n'est en rien, je le répète, une cathédrale législative traitant l’ensemble des problématiques relatives à l'immigration ; il me paraît important qu’il puisse être approuvé à large majorité.

Monsieur Mazars, je vous remercie d'avoir rappelé l'urgence qui nous rassemble aujourd'hui. J'ai dû engager la procédure accélérée sur deux textes, la loi relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, car il fallait procéder à des modifications législatives avant le 31 décembre prochain, et le présent projet de loi, car nous devons absolument disposer très vite d'outils efficaces dans le domaine concerné.

En matière de lutte contre l'immigration irrégulière, il faut retrouver une cohérence de l'action publique. Monsieur Mazars, vous avez insisté à juste titre sur le symbole que constituait la suppression du délit de solidarité. Vous avez également fait référence à un film illustrant la détresse de ceux qui se trouvent dans une situation épouvantable, depuis la suppression de Sangatte, dont on a « fêté » la fermeture. Reconnaissons que ces problèmes, s'ils ont été en partie résolus sur le secteur du Pas-de-Calais, se sont en revanche étendus sur l'ensemble de la côte française ainsi qu’en région parisienne. Il nous faut aussi faire face à l’augmentation des flux migratoires et des demandes d'asile – j’y reviendrai –, ainsi qu’aux drames que cela engendre.

Monsieur Leconte, je partage votre sentiment : l'intervention du Gouvernement était nécessaire pour redonner à nos procédures d'éloignement la sécurité juridique dont elles ont besoin. La directive Retour et son interprétation par la Cour de justice de l'Union européenne rendaient impossible le maintien de la garde à vue dans le cadre d'une procédure administrative d'éloignement : le seul fait de se trouver sans titre de séjour sur le territoire national ne doit pas relever du droit pénal.

Vous avez également souligné que l'un des objets de ce texte était d'assurer la conformité des contrôles des titres de séjour avec Schengen.

Lors de mon premier conseil Justice et affaires intérieures, à Luxembourg, au mois de juin dernier, j'ai réaffirmé l’attachement de la France à cet espace. Des défis se présentent à nous, notamment à l’occasion de l'entrée dans Schengen de la Roumanie et de la Bulgarie. Ce n'est guère facile, car nous sommes parfois allés trop vite sur ces questions. Il n'en demeure pas moins que Schengen reste un espace de liberté, tout comme l'espace judiciaire, dont l'actualité nous a démontré à quel point il était important dans la lutte contre le terrorisme.

De ce point de vue, les déclarations de mon prédécesseur, qui donnaient à l'ensemble de nos partenaires européens le sentiment que nous allions sortir de Schengen sans qu’elles trouvent jamais leur traduction en actes, m’ont troublé. J'ai, pour ma part, réaffirmé la volonté de la France, sous l'autorité du président Hollande, de rester dans Schengen. L'accord que nous avons trouvé dans le cadre du conseil JAI me paraît équilibré. Nous devons assumer nos obligations communautaires.

Pour ce faire, il faut aussi que la lutte contre l'immigration irrégulière au sein de l'Union européenne s'effectue selon des règles communes. En matière d'immigration, de garde à vue, de rétention, d'asile, ces règles sont en train d'évoluer. Avec le Parlement, nous devons être capables d'anticiper toutes ces évolutions dans des domaines aussi complexes que ceux que je viens d'énumérer. C'est plus qu’un souhait, c’est presque une requête que je formule, monsieur le président de la commission des lois.

Je tiens à vous rassurer sur la durée de la retenue. Le texte qui est présenté prévoit que la retenue ne peut excéder le temps strictement nécessaire ; le procureur peut y mettre fin à tout moment. Il n'y aura pas de retenue dont la longueur serait abusive ou « de confort ». Ce qui était abusif, c'était l'utilisation de la garde à vue dans le cadre d'une procédure administrative d'éloignement.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Enfin, comme vous l’avez noté, un amendement du Gouvernement vise à limiter les contrôles des titres de séjour « au faciès ». Cette insertion dans la loi de principes dégagés par le juge judiciaire doit répondre à votre attente et consacrera juridiquement la nécessité que les contrôles de titres de séjour ne soient jamais source de stigmatisation. Ne soyons pas naïfs : nous connaissons les problèmes que cela peut engendrer. Il reste que le cadre juridique sera bien posé. J'ai déjà eu l'occasion de m’expliquer sur ce point.

Monsieur Hyest, comme vous, je regrette que le projet de loi soit examiné en séance publique à une heure aussi tardive, mais la qualité du débat doit effacer tout regret. Pour ma part, je me plie à l’ordre du jour et je ne peux que prendre acte de la durée du débat précédent.

Je vous remercie de souligner que la réforme proposée par le Gouvernement n’est pas anodine : 60 000 gardes à vue en moins, ce n’est pas rien !

À la place de mesures très coercitives, nous instaurons une procédure de retenue plus brève et, je le crois, protectrice des droits. Il faudra y veiller, mais je suis volontariste : je ne partage pas la forme de pessimisme exprimée tout à l’heure par M. Jean-Pierre Michel.

Comme vous, je souhaite que la politique d’immigration soit équilibrée. Il ne faut jamais confondre la nécessaire maîtrise des flux migratoires avec la stigmatisation des migrants et des étrangers, qui est certes, et depuis longtemps, une réalité de nos sociétés, mais qui n’en est pas moins inacceptable.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Vous avez enfin eu raison de souligner, monsieur Hyest, que l’asile n’est pas l’immigration. Il s’agit d’un droit constitutionnel, garanti et protégé par des conventions internationales. Toutefois, pour que ce droit soit réel et qu’il ne soit pas détourné de son objet, il faut des procédures permettant d’accéder rapidement, le cas échéant, au statut de réfugié.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Le Président de la République s’y est engagé. Je l’ai dit, nous avons pour objectif de réduire à neuf ou dix mois le délai d’examen des demandes d’asile, tout compris, c'est-à-dire en additionnant les délais d’examen par l’OFPRA et l’éventuel recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.

Cela me paraît d’autant plus nécessaire que nous assistons – j’ai eu l’occasion d’en discuter avec mes collègues européens, notamment avec mon homologue allemand – à un détournement du droit d’asile de la part d’un certain nombre d’étrangers, souvent en provenance de l’est de l’Europe. Ils posent des problèmes majeurs dans certaines villes françaises, plus particulièrement à l’est de notre pays, par exemple à Dijon, le président Rebsamen pourrait en témoigner. Ces populations, qu’elles viennent de Macédoine, d’Albanie, de Bosnie-Herzégovine, de Serbie, constituent un défi pour notre espace public : nous savons qu’elles seront déboutées du droit d’asile mais, faute d’un traitement et d’une gestion adéquats, nous nous trouvons confrontés à des difficultés qu’il nous faut résoudre.

Merci, en tout cas, monsieur Hyest, de votre soutien, de la qualité de votre intervention et de votre modération. J’en tire beaucoup de conclusions pour tous les débats qui viendront dans les prochains mois sur ces questions.

Ce souhait est loin d’être une simple posture. Je crois profondément que les grandes formations républicaines devraient, sur la question de l’immigration et sur la place des étrangers dans notre société, être capables de converger. Ces problèmes sont lourds et il y a une certaine distance entre le discours que des élus tiennent au sein de l’une ou l’autre des assemblées parlementaires et la façon dont ils sont amenés à traiter les difficultés auxquelles ils ont à faire face sur le terrain. Combien d’entre eux doivent intervenir, et c’est normal, pour régler des problèmes de régularisation ? Parce qu’il est bien évident que certaines situations peuvent devenir impossibles ! Qui peut rester insensible devant la détresse d’une famille, devant des enfants mêlés à un drame auquel ils ne peuvent rien, dans le Pas-de-Calais ou ailleurs ?

Mais, en même temps, parce que nous sommes comptables de la cohésion et de l’avenir de la Nation, il nous faut mener ces politiques.

Encore une fois, ce texte n’embrasse pas l’ensemble des politiques d’immigration mais, lorsque je présenterai un autre texte au cours du premier semestre 2013 – il portera notamment sur les titres de séjour pluriannuels –, j’essaierai, sous l’autorité du Premier ministre, de trouver les voies d’un rassemblement le plus large possible.

Moi, je ne suis pas un adepte des abrogations. En tout cas, quand on abroge un dispositif, il faut toujours y substituer un autre qui soit efficace. Je le dis à chacun : nous n’avons rien à gagner à faire de l’immigration un sujet de clivage. Les républicains que nous sommes y perdraient de toute façon : il y aura toujours ceux qui, loin de la réalité ou prêts à utiliser ce sujet à des fins politiques, seront capables de se faire entendre au moment où nos concitoyens doutent et sont en très grande difficulté.

À cet égard, monsieur Yung, merci d’avoir remis ce projet de loi dans le contexte général de la nouvelle politique d’immigration voulue par le chef de l’État : clarté des règles et respect des personnes en sont les lignes directrices. Vous l’avez dit, aucun juge n’a le monopole de la défense des libertés et, pour creuser cette délicate question, le Premier ministre a nommé un parlementaire en mission, dont les travaux viendront éclairer vos propres réflexions, déjà particulièrement riches.

Merci à tous : avant même d’entamer le débat sur les amendements, je suis conforté par la qualité de vos interventions et de vos propositions. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Chapitre Ier

Dispositions relatives à la retenue d’un étranger aux fins de vérification de sa situation

(Non modifié)

L’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa est insérée la mention : « I. – » ;

2° Au second alinéa, la référence : « et 78-2-1 » est remplacée par les références : «, 78-2-1 et 78-2-2 » ;

3° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Dans les zones et lieux mentionnés au huitième alinéa de l’article 78-2 du code de procédure pénale, le contrôle des obligations prévues au I du présent article ne peut être pratiqué que dans les conditions prévues par la dernière phrase de cet alinéa. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 6, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

1° Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

et les mots : « visés à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce projet prévoit un encadrement minimal des contrôles aux frontières du fait de la remise en cause de notre législation sur ce point par une décision de la Cour de cassation en date du 6 juin 2012.

Il ne modifie pas le premier alinéa de l’article L. 611-1 du CESEDA, relatif au contrôle des titres de séjour sur l’ensemble du territoire.

L’amendement n° 27 du Gouvernement, qui vise à préciser, dans l’article L. 611-1, que les contrôles ne sont autorisés que lorsque la qualité d’étranger peut se déduire d’éléments objectifs extérieurs à la personne est, nous semble-t-il, inutile puisqu’il ne fait que reprendre une formulation de la Cour de cassation. Vous intégrez ainsi dans le code, monsieur le ministre, un élément déjà présent dans notre droit positif.

Ce qui est dérangeant dans cet article du CESEDA, c’est qu’il autorise, en son premier alinéa, les contrôles de titres de séjour en dehors de tout contrôle d’identité. Cela légalise tous les abus puisque cela signifie que les contrôles de titres de séjour sont possibles à tout moment, pour n’importe quelle raison, alors que les contrôles d’identité, encadrés par le code de procédure pénale, ne sont possibles que sous certaines conditions, notamment lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a commis ou tenté de commettre une infraction, ou bien qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit.

L’amendement n° 27 n’est pas du tout satisfaisant au regard du principe de non-discrimination et du droit pour toute personne d’aller et venir sans être arrêtée arbitrairement, mais aussi au regard de la prohibition des contrôles au faciès, qui font largement débat actuellement.

Il convient de supprimer purement et simplement le premier alinéa de l’article L. 611-1. Les contrôles de titres de séjour ne pourront ainsi se faire que dans le cadre du droit commun, par renvoi du CESEDA aux dispositions du code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

La commission a examiné cet amendement avec beaucoup d’attention. Il s’inscrit dans une logique qui consiste à vouloir ramener dans un cadre judiciaire une procédure ayant une spécificité administrative. C’est bien le sens de l’article L. 611-1.

Je ne suis pas certain qu’il faille effectivement aller jusque-là. En effet, le grand acquis du dispositif dont nous discutons aujourd’hui, qui permet de faire disparaître le délit de séjour irrégulier – en tout cas dans sa conception actuelle –, est justement d’opérer une distinction claire entre procédure administrative et procédure judiciaire.

Si l’on vous suivait, madame Assassi, cela voudrait dire que le contrôle des titres de séjour ou des titres autorisant la présence sur le territoire passe nécessairement par un contrôle préalable d’identité. Autrement dit, cela reviendrait à supposer que la personne contrôlée a commis une infraction, représente une menace pour l’ordre public ou se trouve dans un des différents cas énumérés par le code de procédure pénale où ce type de contrôle est autorisé.

Pour le coup, nous obtiendrions un effet qui pourrait se révéler contre-productif, laissant à penser que ce type de contrôle ne peut s’exercer qu’en direction de l’étranger soupçonné a priori d’être un délinquant ou de pouvoir entrer dans un processus délictuel.

Il faut aborder cette question avec beaucoup de précaution. Les différents encadrements prévus, et notamment l’amendement dont nous discuterons tout à l’heure, nous permettent d’apporter quelques garanties à ce processus spécifique, qui peut évidemment donner lieu à des excès : comment, en effet, déterminer qu’une personne est étrangère à partir du moment où l’on va effectuer le contrôle ? Je crois que l’amendement présenté par le Gouvernement permettra de répondre à cette question.

Je comprends tout à fait l’esprit et le sens de votre démarche, ma chère collègue, mais je ne partage pas totalement la conclusion à laquelle vous arrivez. C’est pourquoi j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Le projet de loi serait dépourvu de cohérence si, parallèlement à la suppression du délit de séjour irrégulier, il interdisait, du fait de la suppression que vous proposez, madame Assassi, le contrôle administratif de la régularité du séjour.

L’équilibre du texte exige le maintien de cette procédure autonome de vérification, indépendante des contrôles d’identité diligentés à la demande de l’autorité judiciaire.

Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

L'amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Au premier alinéa, les mots : “de nationalité étrangère” sont remplacés par les mots : “dont la nationalité étrangère peut être déduite d'éléments objectifs extérieurs à la personne même de l'intéressé” ;

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Cet amendement vise à répondre à la question importante des critères auxquels ont recours les forces de l’ordre lorsqu’elles vérifient, en dehors du contrôle d’identité, le droit au séjour des personnes étrangères.

Il a parfois été reproché à ce contrôle d’être exécuté « au faciès » et de viser ainsi une partie de la population, des Français ou des étrangers en situation régulière, qui ne doivent pas subir, simplement du fait de leur apparence, des contrôles si réguliers qu’ils en deviennent stigmatisants ou insultants.

Il s’agit d’un problème constaté par les élus et les associations, et qui pèse aussi sur le travail de la police et de la gendarmerie.

En vue de le résoudre, cet amendement inscrit dans la loi une solution arrêtée par la Cour de cassation : la vérification des titres de séjour opérée en application de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers doit reposer sur des éléments objectifs extérieurs à la personne même de l’intéressé.

Ces deux critères, objectivité et extériorité à la personne de l’intéressé, doivent permettre d’assurer que sont exclues les appréciations ou perceptions subjectives telles que la couleur de peau ou l’apparence. Ils n’interdisent pas tout contrôle, comme le révèle une jurisprudence abondante : le fait de sortir d’une voiture immatriculée à l’étranger constitue, par exemple, un critère accepté.

Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi des critères qui ont fait leurs preuves et qui n’interdisent pas toute action des forces de l’ordre. À défaut, on risquerait de les désarmer totalement dans un travail de terrain qui nécessite du discernement, certes, mais, en même temps, un tant soit peu d’action.

Le but de l’amendement n’est donc pas de bouleverser le droit positif mais de le consolider, de le réaffirmer. Au-delà, cette inscription dans le CESEDA contribuera à l’œuvre de pédagogie et de conviction dont nous avons besoin pour renforcer nos propres valeurs.

À l’article 4, un autre amendement sera présenté par le Gouvernement, qui vise à introduire dans l’article 67 quater du code des douanes la même formule tirée de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Soyons conscients de la difficulté du travail des forces de l’ordre dans ce registre de la lutte contre l’immigration irrégulière. Je crois que vous pourrez en convenir, régler ce problème-là n’est pas l’obsession des policiers et des gendarmes, surtout si l’on sort de la politique du chiffre. Il s’agit simplement de leur fournir un appui dans la lutte contre l’immigration irrégulière et de consolider la politique du Gouvernement en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

La commission a donné un avis favorable, pour des raisons évidentes, à cette proposition, qui traduit indéniablement une inflexion dans l’action menée par les pouvoirs publics depuis plusieurs mois, en considérant que cette question est centrale et qu’elle doit être réglée dans le respect de la responsabilité des forces de police, mais aussi avec le souci de réorienter différentes interventions dans un sens plus respectueux des personnes.

J’ai entendu Mme Assassi dire que cela ne faisait que confirmer la jurisprudence de la Cour de cassation. Il fut une époque où l’on pouvait être tenté de contredire la jurisprudence de la Cour de cassation... Je préfère naturellement cette orientation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Cet amendement satisfait un souhait qui était à l’origine du dépôt par les membres de mon groupe de l’amendement n° 13, à savoir le souhait de trouver un encadrement juridique propre à éviter les contrôles au faciès.

Je prends acte d’une rédaction qui s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Bien sûr, monsieur le ministre, toute la difficulté résidera ensuite dans la mise en œuvre des contrôles par les forces de l’ordre.

Cela étant, je soutiendrai le présent amendement et retire dès à présent l’amendement n° 13.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

En droit, Mme Assassi a parfaitement raison : l’encadrement des contrôles des titres de séjour est déjà en vigueur puisqu’il résulte d’un arrêt de la Cour de cassation du 28 mars dernier.

Comme vous l’avez fort bien indiqué, monsieur le ministre, il convient maintenant de définir un mode d’emploi pratique. Ainsi, comment un membre des services chargés de la sécurité publique qui doit intervenir auprès d’une personne dont il peut supposer qu’elle se trouve sur notre sol en situation irrégulière peut-il déduire sa nationalité d’éléments objectifs extérieurs à ladite personne s’il n’a été procédé à aucune vérification préalable ?

Il me paraît absolument nécessaire qu’une instruction soit adressée à l’échelon national à l’ensemble des personnels amenés à effectuer ces contrôles. En effet, si la barrière est fixée par la décision de la Cour de cassation – et je pense qu’il est très sage d’inscrire dans le CESEDA les termes qu’elle a employés –, les actions autorisées en deçà de cette barrière doivent être explicitées dans une perspective opérationnelle. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire quelle est votre intention à cet égard ?

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Monsieur Richard, vous avez parfaitement défini la problématique à laquelle nous sommes confrontés.

Le cadre juridique des contrôles de titres et le droit positif, notamment la jurisprudence de la Cour de cassation, sont consolidés par l’amendement n° 27. Si l’on est cohérent, dès lors qu’on se félicite de l’arrêt de la Cour de cassation qui a amené le Gouvernement à rédiger le présent texte, il faut se féliciter du fait que le Gouvernement s’appuie sur cette même décision pour renforcer la lutte contre le contrôle au faciès.

Cela étant, M. Leconte et vous-même l’avez souligné à juste raison, tout reste à faire du point de vue pratique. C’est pourquoi, tant dans le code de déontologie que dans les instructions que je serai amené à prendre, des précisions seront apportées.

Comme chacun d’entre vous, j’imagine, je suis attaché à ce que les forces de l’ordre obtiennent des résultats en matière de lutte contre la délinquance. Si j’ai affirmé qu’il fallait sortir de la logique du chiffre qui pesait sur les policiers et les gendarmes, mais aussi sur les magistrats, c’est parce que, nous le savons tous, que le contrôle des sans-papiers, notamment, était devenu un élément important de la politique du résultat, source, ne l’oublions pas, de tensions au sein des forces de l’ordre, de l’ensemble de la chaîne pénale, ainsi que dans les rapports de ces personnels avec la population.

Je veux des résultats, et pas seulement des chiffres : je veux une vraie diminution de la délinquance et des violences, je veux que les Français se sentent davantage protégés et rassurés.

Monsieur Richard, tel sera le sens des instructions que je donnerai aux forces de l’ordre.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 13, présenté par MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Après le mot : « France », la fin du premier alinéa est ainsi rédigé : « Pour l'application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives dans un même lieu sur réquisitions écrites du procureur de la République. »

Cet amendement a été précédemment retiré.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 7, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 551-1, à la première phrase de l’article L. 552-1, à l’article L. 552-3 et au premier alinéa de l’article L. 552-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « cinq jours » sont remplacés par les mots : « quarante-huit heures ».

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement a pour objet de permettre un retour du rôle constitutionnel du juge judiciaire, en rétablissant l’intervention du juge des libertés et de la détention – le JLD – quarante-huit heures après le placement en rétention d’une personne, et non plus cinq jours après comme le prévoit la loi de 2011.

Sous couvert de l’information systématique du parquet de la retenue d’une personne, le projet de loi entend placer la procédure « sous le contrôle judiciaire », selon ce qui figure à la page 24 de l’étude d’impact. Or le parquet n’est pas un magistrat du siège au sens de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et, en matière de garde à vue, il ressort des décisions du Conseil constitutionnel que le principe en cause a acquis une valeur constitutionnelle.

Dans sa décision du 20 janvier 1981, ce dernier a jugé qu’au-delà de quarante-huit heures « l’intervention d’un magistrat du siège pour autoriser [...] la prolongation de la garde à vue, est nécessaire conformément aux dispositions de l’article 66 de la Constitution ». Encore récemment, dans une décision du 30 juillet 2010, il a estimé qu’au-delà de quarante-huit heures de privation de liberté l’article 66 de la Constitution impose qu’une telle mesure soit placée sous le contrôle d’un magistrat du siège.

Le report de l’intervention du juge judiciaire au cinquième jour suivant le placement en rétention n’est donc pas conforme au droit européen, non plus qu’aux articles 66 de la Constitution et IX de la Déclaration de 1789. Cette nouvelle mesure encourrait une sanction susceptible de paralyser à nouveau tout le dispositif.

Le Conseil constitutionnel a validé ce dispositif, mais le bilan d’un an d’application démontre qu’il est incompatible avec le respect des droits fondamentaux. En effet, non seulement le contrôle du JLD est tardif pour les étrangers qui ont la chance d’en bénéficier, mais, bien plus grave, la plupart des étrangers sont éloignés de notre territoire sans bénéficier de son contrôle. En métropole, de plus en plus de personnes retenues sont éloignées avant que le juge intervienne. En 2010 déjà, 8, 4 % des étrangers placés en rétention étaient éloignés avant la fin du deuxième jour de leur placement en rétention, donc en général sans que le JLD ait pu exercer son contrôle.

Depuis la réforme de l’été 2011, 25 % des personnes retenues sont éloignées au cours des cinq premiers jours de leur rétention, c’est-à-dire sans intervention du juge. Aucune d’entre elles ne peut alors bénéficier d’un contrôle judiciaire, pourtant primordial puisqu’il porte notamment sur le travail réalisé par la police et l’administration, de l’interpellation à l’arrivée en rétention, et peut-être lors de la retenue d’un étranger aux fins de vérification de sa situation administrative telle que prévue à l’article 2 du présent projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

La commission est très sensible à la réflexion menée par Mme Assassi et par les membres du groupe CRC. Même si je n’appartenais pas encore à cette assemblée au moment où des débats très vifs s’y sont déroulés à ce sujet, j’en ai eu des échos et je sais que les sénateurs siégeant à gauche de cet hémicycle ont mené une bataille acharnée en faveur du maintien d’une intervention précoce du juge judiciaire.

Pour autant, l’examen du présent texte intervient dans un contexte particulier : il s’agit de combler un vide juridique.

Dans la mesure où M. le ministre nous a indiqué que le Premier ministre allait rapidement prendre l’initiative de désigner un parlementaire en mission chargé de réfléchir à cette question et de formuler des propositions, il me paraît souhaitable de le laisser mener cette réflexion à son terme plutôt que de bouleverser dès aujourd'hui le cadre existant, au détour d’un texte très spécifique.

L’essentiel est que le juge puisse intervenir et qu’aucune reconduite à la frontière ne puisse être prononcée sans qu’ait été vérifiée la régularité de la décision prise par l’administration. Que, par ailleurs, le juge judiciaire exerce un contrôle sur les conditions de la rétention paraît évidemment indispensable. Le moment où ce contrôle doit avoir lieu peut cependant faire l’objet de discussions.

Quoi qu’il en soit, ces deux contrôles et surtout la nécessaire vérification que toute mesure prise à l’encontre d’un étranger n’est pas entachée d’irrégularité sur le fond me paraissent apporter un certain nombre de garanties. Sur les autres points, le débat doit rester ouvert. J’ai bien compris, à l’écoute des propos tenus par M. le ministre, que nous aurons l’occasion d’y revenir.

Cela étant, madame Assassi, même si une majorité de ses membres partagent vos préoccupations, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Madame Assassi, je comprends votre préoccupation. Nous avons déjà eu un débat tout à l’heure sur la question de l’intervention du juge judiciaire et du juge administratif, comme vient de le rappeler M. le rapporteur. Par ailleurs, comme je l’ai précisé à plusieurs reprises, un parlementaire en mission, après avoir pris en compte les travaux et les réflexions de votre assemblée, vous proposera un chemin à suivre. Cela étant, nous devons avoir conscience qu’une mesure privative de liberté doit être rapidement soumise au juge judiciaire. C’est d’ailleurs le cœur du débat.

Cependant, nous avons besoin d’un peu de temps pour mener la réflexion. Revenir en arrière sans analyser l’ensemble des conséquences ne me paraît pas, à ce stade, satisfaisant.

Je me dois maintenant de relever une inexactitude que contenaient vos propos, madame la sénatrice. À la suite de tous les débats sur la garde à vue, le Conseil constitutionnel a statué sur la détention au-delà de cinq jours. En revanche, en deçà de ce laps de temps, il ne s’est jamais prononcé dans le sens que vous avez indiqué. En effet, la plus haute juridiction de notre pays a conscience d’une certaine latitude qu’il faut laisser dans ce cas de figure.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, madame Assassi, de bien vouloir retirer l’amendement n° 7, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Même si j’entends bien les arguments avancés par M. le ministre, je maintiens cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Comme l’a dit M. le rapporteur, la commission est sensible à la préoccupation exprimée par Mme Assassi.

Le juge des libertés et de la détention est une institution importante, à laquelle chaque membre de cette assemblée est attaché. Aussi ne paraît-il pas incongru que celui-ci, chargé de juger des conditions de détention, de se préoccuper des libertés et des droits, puisse intervenir dans un centre de rétention avant le cinquième jour de rétention.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Par ailleurs, se posent la question de l’inversion éventuelle de l’intervention des juridictions, celle de la situation actuelle qui exige assurément, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, et comme l’a expliqué Richard Yung, une réflexion.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué à plusieurs reprises que le présent projet de loi permettait de répondre à une situation de fait et, pour cette raison, requérait une adoption rapide. Vous avez également indiqué qu’un second texte allait nous être soumis au cours du premier semestre de l’année prochaine : cela nous donnera l’occasion d’examiner cette question au fond.

Vous nous avez aussi informés de la nomination d’un parlementaire en mission. C’est une bonne idée. Je voudrais simplement appeler votre attention sur un point : le parlementaire en mission devra effectuer un travail approfondi et faire preuve d’une certaine célérité de telle manière que le calendrier que vous avez retenu pour la présentation du second texte que vous avez évoqué puisse être respecté.

Désignation d’un parlementaire chargé de mener une réflexion approfondie, examen d’un texte sur le fond au premier semestre de 2013 : ces engagements que vous venez de prendre, monsieur le ministre, nous paraissent importants eu égard aux problèmes soulevés par Mme Assassi et aux réalités rappelées tant par vous-même que par M. Yung et M. le rapporteur ; ils augurent un traitement bienvenu, et dans un délai raisonnable, du sujet qui nous préoccupe.

L'amendement n'est pas adopté.

Après l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 611-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 611-1-1. – I. – Si, à l’occasion d’un contrôle effectué en application de l’article L. 611-1 du présent code, des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale ou de l’article 67 quater du code des douanes, il apparaît qu’un étranger n’est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police et y être retenu par un officier de police judiciaire aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l’officier de police judiciaire met l’étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s’il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. Le procureur de la République en est informé dès le début de la retenue.

« L’étranger est aussitôt informé par l’officier de police judiciaire, ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, de la possibilité :

« 1° De demander l’assistance d’un interprète ;

« 2° De faire aviser un avocat désigné par lui ou commis d’office par le bâtonnier, qui est alors informé de cette demande par tous moyens et sans délai. L’avocat désigné peut, dès son arrivée, communiquer pendant trente minutes avec la personne retenue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien ;

« 3° De demander à être examiné par un médecin désigné par l’officier de police judiciaire ;

« 4° De prévenir à tout moment sa famille ou toute personne de son choix ; si des circonstances particulières l’exigent, l’officier de police judiciaire prévient lui-même la famille ou la personne choisie ;

« 5°

« L’étranger ne peut être retenu que pour le temps strictement exigé par l’examen de sa situation et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives applicables et seulement pour autant que son état de santé, constaté le cas échéant par le médecin, ne s’y oppose pas. La retenue ne peut excéder dix heures à compter du début du contrôle mentionné au premier alinéa. Toutefois, l’officier de police judiciaire peut prolonger la retenue dans les cas suivants :

« - si le droit de circulation ou de séjour sur le territoire français de l’étranger n’a pu être établi ;

« - s’il s’est avéré que l’étranger ne fait pas déjà l’objet d’une mesure d’éloignement exécutoire et si l’autorité administrative n’a pas été en mesure de notifier à l’officier de police judiciaire les décisions applicables.

« La durée de cette prolongation ne peut excéder six heures et est immédiatement notifiée au procureur de la République par l’officier de police judiciaire.

« Le procureur de la République peut mettre fin à la retenue à tout moment.

« Les mesures de contrainte exercées sur l’étranger sont strictement proportionnées à la nécessité des opérations de vérification et de son maintien à la disposition de l’officier de police judiciaire.

« L’étranger ne peut être placé dans un local accueillant des personnes gardées à vue.

« Si l’étranger ne fournit pas d’éléments permettant d’apprécier sa situation au regard du séjour, les opérations de vérification peuvent donner lieu, après information du procureur de la République, à la prise d’empreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue un moyen nécessaire pour établir la situation de cette personne.

« L’officier de police judiciaire mentionne, dans un procès-verbal, les motifs qui justifient le contrôle, la vérification du droit de séjour ainsi que son éventuelle prolongation et les conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant lui, informée de ses droits et mise en mesure de les exercer. Il précise le jour et l’heure à partir desquels la vérification a été effectuée, le jour et l’heure de la fin de la retenue et la durée de celle-ci et, le cas échéant, la prise d’empreintes ou de photographies.

« Ce procès-verbal est présenté à la signature de l’étranger intéressé. Si ce dernier refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci.

« Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à la personne intéressée dans le cas prévu par l’alinéa suivant.

« Si elle n’est suivie à l’égard de l’étranger qui a été retenu d’aucune procédure d’enquête ou d’exécution adressée à l’autorité judiciaire ou n’a donné lieu à aucune décision administrative, la vérification du droit de séjour ne peut donner lieu à une mise en mémoire sur fichiers et le procès-verbal, ainsi que toutes les pièces se rapportant à la vérification, sont détruits dans un délai de six mois sous le contrôle du procureur de la République.

« Les prescriptions énumérées au présent article sont imposées à peine de nullité, sous réserve des dispositions de l’article L. 552-13.

« II. – Lorsqu’un étranger, retenu en application de l’article 78-3 du code de procédure pénale, n’est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, les dispositions du I s’appliquent et la durée de la retenue effectuée en application de cet article s’impute sur celle de la retenue pour vérification du droit de séjour.

« III. – S’il apparaît, au cours de la retenue de l’étranger, que celui-ci doit faire l’objet d’un placement en garde à vue conformément aux dispositions des articles 62 et suivants du code de procédure pénale, la durée de la retenue s’impute sur celle de la garde à vue. »

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste a pris la mesure du souhait du Gouvernement de rompre avec la politique d’hostilité envers les étrangers soutenue par l’ancienne majorité, et j’aurai l’occasion de revenir sur ce point dans la suite de la discussion, en particulier lorsque nous examinerons l’article 8 du projet de loi. Bien entendu, nous saluons et encourageons cette démarche.

Nous avons également conscience de la spécificité de ce texte, dont le champ est extrêmement circonscrit, et nous attendons avec impatience la réforme plus globale du CESEDA.

Cependant, la création de la retenue pour vérification du droit au séjour, prévue par l’article 2 du projet de loi, ne nous semble pas nécessaire. En 2011, lors des débats relatifs à la loi dite « Besson », les sénatrices et sénateurs écologistes avaient vivement contesté la possibilité de punir d’une peine d’emprisonnement et, par conséquent, de placer en garde à vue des étrangers du seul fait de leur situation irrégulière sur le territoire français. Notre groupe s’est donc félicité des arrêts rendus par la Cour de cassation en juillet dernier, qui ont enfin tiré les conséquences des exigences communautaires.

Toutefois, selon nous, ces arrêts n’ont pas créé un vide juridique qu’il serait nécessaire de combler par l’institution d’un nouveau régime de retenue. Nous pensons que le dispositif actuel de vérification d’identité, applicable à tous, suffit amplement. Nous contestons le principe même de la création de mesures particulières et d’un régime de privation de liberté spécifique pour les personnes étrangères.

En outre, dans l’attente d’une réforme globale du droit des étrangers, ce nouveau régime s’inscrit dans le cadre du dispositif d’éloignement en vigueur, qui empêche la plupart des étrangers de bénéficier d’un contrôle du respect de leurs droits par un juge indépendant. En effet, depuis la loi du 16 juin 2011, il faut attendre cinq jours de rétention administrative pour que le JLD puisse enfin se prononcer sur la décision de placement en rétention prise par le préfet, et ce à l’issue du délai maximal imparti au juge administratif. En d’autres termes, si cet article 2 était adopté en l’état, l’étranger retenu jusqu’à seize heures en vue de la vérification de son droit au séjour, et ensuite placé en rétention administrative, risquerait d’être reconduit à la frontière avant même que le JLD ait pu se prononcer sur la régularité de la nouvelle mesure de retenue.

Le fait que l’article 2 du projet de loi prévoie que le procureur de la République peut « mettre fin à la retenue à tout moment » ne suffit évidemment pas à garantir l’effectivité des droits de l’étranger retenu, le procureur n’étant pas une autorité indépendante, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt France Moulin du 23 novembre 2010.

Enfin, je tiens à préciser que, si nous sommes déjà défavorables à l’article 2 issu des travaux de la commission, qui prévoit une durée de retenue ne pouvant excéder dix heures, la retenue pouvant toutefois être prolongée de six heures dans certains cas, nous sommes encore plus défavorables à l’amendement n° 26 rectifié, déposé par le Gouvernement, qui prévoit un retour à la rédaction initiale, c'est-à-dire à une durée de retenue pouvant atteindre seize heures.

Les écologistes contestent le principe même de la mesure d’exception prévue par l’article 2 du projet de loi. Nous plaidons en faveur de l’application aux étrangers de la durée de droit commun de quatre heures prévue dans le cadre des vérifications d’identité, et nous voterons donc contre cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 8, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Comme cela vient d’être souligné, le projet de loi crée une retenue judiciaire d’une durée maximale de seize heures. Cette retenue est décidée par un officier de police judiciaire après une simple notification au procureur de la République. Cette procédure nous paraît très floue et hybride : elle a une connotation judiciaire, mais elle a surtout une finalité administrative, à savoir l’éloignement.

Par ailleurs, le nouveau dispositif ad hoc ressemble fort au régime de garde à vue antérieur à la loi du 14 avril 2011, qui ne garantissait que des droits extrêmement limités. Or ce dispositif sera utilisé à l'encontre de personnes n’ayant commis aucune infraction. Rien ne justifie cette différence entre un dispositif actuel de garde à vue relativement protecteur, même s’il n’est pas intégralement conforme aux exigences découlant de la jurisprudence de la CEDH, et le nouveau dispositif de retenue, qui ne prévoit presque aucune garantie, d’autant que la garde à vue concerne des délinquants ou des criminels alors que la retenue judiciaire vise des personnes n’étant soupçonnées d'aucune infraction.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Celui-ci s’inscrit manifestement dans la logique que j’évoquais tout à l'heure, selon laquelle il faudrait ramener dans le cadre d’une procédure totalement judiciaire le contrôle des titres autorisant la présence ou la circulation sur le territoire français.

D'une part, une telle logique ne correspond pas à notre tradition juridique et, d'autre part, elle est de nature à introduire un biais dans la mesure où, si l’on s’y tenait, on ne pourrait procéder aux contrôles que lorsqu’une garde à vue a été décidée, ce qui suppose que l’on ait le sentiment d’avoir affaire à un délinquant, ou que l’on se situe dans le cadre de la procédure de vérification d’identité, qui n’a pas été conçue pour cela. On voit bien, lorsqu’on examine les dispositions de l’article 78-3 du code de procédure pénale, que la procédure de vérification d’identité ne permet pas de mener jusqu’à son terme la vérification des titres de séjour. En effet, la procédure s’arrête si l’individu contrôlé est en mesure de fournir un document prouvant son identité, même si celui-ci ne lui donne pas le droit de séjourner sur notre territoire ; je pense, par exemple, à un passeport périmé.

Il est donc souhaitable d’encadrer la procédure par laquelle les personnes doivent satisfaire à l’obligation qui leur est faite de présenter leur titre de séjour. Il faut encadrer cette procédure de la manière la plus protectrice possible – nous aurons l’occasion d’en reparler –, mais il faut l’encadrer. Le projet du Gouvernement a l’avantage de prévoir un certain nombre de garanties qui n’existaient pas auparavant. La procédure de garde à vue comportait certes des garanties, mais celles-ci ne correspondaient pas à la nature du contrôle des titres de séjour. Ces nouvelles garanties sont notamment la notification de la retenue au procureur de la République, l’intervention d’un avocat ou encore la possibilité pour l’individu retenu de prévenir les personnes de son choix. Ces dispositions introduisent une vraie différence par rapport au mécanisme antérieur de rétention administrative, qui était à la fois fragile et contestable.

Aucun d’entre nous n’apprécie le mécanisme de rétention administrative. Le fait que l’on puisse contraindre une personne dans le cadre d’une procédure qui n’est pas directement placée sous le contrôle du juge au moment où la décision est prise pose problème. Néanmoins, nous devons prendre en compte un cas particulier, celui des personnes n’ayant pas commis d’infraction, mais se trouvant néanmoins dans une situation irrégulière sur notre territoire. Il faut bien donner à l’État les moyens de vérifier la régularité du séjour sur notre sol, tout en prévoyant des garanties encadrant le dispositif de retenue. C’est l’objet de l’article 2, assorti des compléments apportés par la commission.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Je profiterai de cette intervention pour répondre également à Mme Ango Ela.

Ce projet de loi vise à combler le vide juridique provoqué par les arrêts rendus le 5 juillet dernier par la Cour de cassation, qui faisaient suite à un arrêt rendu en décembre 2011 par la Cour de justice de l’Union européenne. C’est le fondement du projet de loi.

Il nous faut un dispositif ad hoc. Madame Ango Ela, comme j’y ai longuement insisté tout à l'heure, supprimer le cœur même du dispositif et revenir à une retenue ne pouvant dépasser quatre heures, c’est empêcher l’État de se donner les moyens de gérer les flux migratoires.

Madame Assassi, je ne suis pas d'accord avec l’argument selon lequel la finalité administrative de la retenue est l’éloignement. Bien au contraire, c’est parce que le défaut de titre de séjour ne saurait laisser présumer l’irrégularité du séjour que le dispositif de retenue s’impose. La retenue vise en outre à permettre à l’étranger de faire valoir ses droits, des droits que la présente discussion doit permettre de renforcer. Elle lui donne accès à un interprète, à un avocat et à son consulat.

Nous comblons un vide juridique, nous créons un nouveau dispositif et nous instaurons de nouveaux droits, mais en même temps nous laissons à l’État les moyens de mener sa politique. Il serait inconséquent et irresponsable de le priver de ces moyens. Je peux comprendre les préoccupations des uns et des autres, mais un État a besoin de dispositifs juridiques lui permettant de conduire sa politique. Revenir à une retenue ne pouvant dépasser quatre heures, cela reviendrait à empêcher l’État d’agir. Un tel choix serait dramatique pour tout le monde : pour les étrangers comme pour les forces de l’ordre. Je ne recommanderais à personne de s’en tenir au dispositif résultant des arrêts de la Cour de cassation.

Je souhaite maintenant répondre au président Sueur. Il existe des problématiques juridiques nouvelles, qui ont été évoquées par les différents orateurs. Un parlementaire en mission sera nommé ; il devra rendre ses conclusions avant la fin du premier trimestre de 2013, afin qu’un texte de loi puisse être examiné par le Parlement avant la fin du premier semestre de la même année. Ce texte prévoira notamment la création d‘un nouveau titre de séjour. Sans doute reviendrons-nous sur le cas des étudiants, car l’abrogation de la circulaire Guéant n’a pas tout réglé.

Le texte qui vous sera présenté sera cohérent et pragmatique. Il ne s’agit pas de tout abroger pour tout reconstruire. Je ne conseille pas une telle démarche, non seulement, monsieur le président Sueur, eu égard à l’état de l’opinion, mais également parce que je m’appuie sur notre expérience. Tout à l'heure, à la tribune, j’ai été très clair : j’ai dit, par exemple, que nous ne procéderions pas au même type de régularisations qu’en 1981 ou en 1997. C’est bien le sens de la mission que m’ont confiée le Président de la République et le Premier ministre.

Je serai très attentif au travail, à l’opinion, aux amendements et aux propositions des parlementaires. Je connais les enjeux du débat ; j’ai moi-même été député pendant dix ans. En matière de régularisation et d’immigration, nous devons construire une politique positive, cohérente, respectueuse des droits des étrangers et évitant tout arbitraire, mais aussi réaliste et ferme. Ce sont des mots, mais ces mots doivent se traduire dans le droit et, comme l’a souligné Alain Richard, le droit doit se traduire dans la pratique. Il s’agit de sujets extrêmement complexes, qui ne supportent pas la caricature. Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je sais que vous tenez à ce que les choses évoluent dans le respect de ces principes.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 8.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 10, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

1° Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

code, des articles

par les mots :

code et des articles

2° Alinéa 3

Remplacer les mots :

ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, de

par les mots :

de l’objet de la mesure de retenue judiciaire et de

3° Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° Si la personne retenue est atteinte de surdité et qu'elle ne sait ni lire, ni écrire, d’être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec elle. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité ;

« 1°bis Si la personne retenue ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète, le cas échéant après qu'un formulaire lui a été remis pour son information immédiate. Mention de l'information donnée en application du présent article est portée au procès-verbal de déroulement de la retenue judiciaire et émargée par la personne retenue. En cas de refus d'émargement, il en est fait mention.

4° Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La personne retenue peut demander à être assistée par l’avocat à tout moment de la retenue.

5° Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;

6° Alinéa 9, deuxième phrase

Remplacer le chiffre :

dix

par le chiffre :

quatre

7° Alinéa 9, dernière phrase

Après le mot :

peut

insérer les mots :

, sur autorisation du procureur de la République,

8° Alinéa 12

Supprimer les mots :

et est immédiatement notifiée au procureur de la République par l’officier de police judiciaire

9° Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

La contrainte exercée sur la personne retenue ne peut consister qu’en son maintien à la disposition de l’officier de police judiciaire.

10° Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

11° Alinéa 17, dernière phrase

Supprimer les mots :

et, le cas échéant, la prise d’empreintes ou de photographies

12° Alinéa 21

Supprimer les mots :

, sous réserve des dispositions de l’article L. 552-13

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Le débat sur mon précédent amendement ne m’ayant pas du tout convenu, je retire cet amendement, qui n’était qu’un amendement de repli.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 10 est retiré.

En conséquence, seuls les trois amendements suivants restent en discussion commune.

Les amendements n° 1 et 26 rectifié sont identiques.

L'amendement n° 1 est présenté par MM. Buffet, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 26 rectifié est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéas 9 à 13

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« L’étranger ne peut être retenu que pour le temps strictement exigé par l’examen de sa situation et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives applicables. La retenue ne peut excéder seize heures à compter du début du contrôle mentionné au premier alinéa. Le procureur de la République peut mettre fin à la retenue à tout moment.

II. – Alinéa 17, première phrase

Remplacer les mots :

la vérification du droit de séjour ainsi que son éventuelle prolongation

par les mots :

ainsi que la vérification du droit de séjour

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l'amendement n° 1.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je m’exprimerai brièvement puisque nous avons déjà largement débattu de cette question.

Il nous semble que, en prévoyant une durée maximale de seize heures pour la retenue, le projet initial du Gouvernement correspondait mieux que le texte de la commission aux contraintes associées au travail des forces de police et des parquets – on oublie toujours ces derniers, mais ils sont déjà surchargés !

Il est vrai, monsieur le rapporteur, que nous nous étions interrogés, lors de l’élaboration du texte de la commission. Je vous avais alors dit que nous devions encore réfléchir. Eh bien, à la réflexion, il nous apparaît que le délai de seize heures prévu par le Gouvernement est plus adapté que la solution prévue par la commission, à savoir une durée de retenue de dix heures à laquelle peut s’ajouter, sous certaines conditions, une durée ne pouvant dépasser six heures.

Il faut rappeler que la durée de la retenue n’est pas obligatoirement de seize heures : trois heures peuvent suffire si les personnes fournissent les documents sans problème. Il s’agit bien d’un délai maximum. Franchement, je ne vois pas l’intérêt qu’auraient les forces de police et de gendarmerie à garder les personnes plus longtemps qu’il ne faut.

C’est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à revenir au texte initial du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le sous-amendement n° 38, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 1, alinéa 3, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et seulement pour autant que son état de santé, constaté le cas échéant par le médecin, ne s'y oppose pas

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

La commission a déposé sur ces deux amendements identiques n° 1 et 26 rectifié deux sous-amendements eux-mêmes identiques, que je présenterai en même temps.

Si ces amendements étaient adoptés en l’état, ils auraient pour effet de faire disparaître une disposition que nous avons introduite dans l’article 2 du projet de loi et qui permet d’interrompre la retenue administrative si le médecin qui doit intervenir dans le cadre de la procédure constate que la personne n’est pas en mesure de supporter, en raison de sa situation de santé, la prolongation de cette retenue.

Ces sous-amendements ont donc pour objet de rétablir cette disposition protectrice qui a sans doute été oubliée inopinément par les auteurs des deux amendements.

Bien entendu, la commission est favorable à ces deux amendements ainsi sous-amendés.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Je n’ignore pas les préoccupations qui sont notamment celles de M. Leconte ou du président Sueur. Néanmoins, je pense que le fait de scinder les seize heures de retenue comme la commission l’avait prévu poserait des problèmes de fonctionnement et serait de nature à remettre en cause le dispositif même que nous vous proposons.

C’est la raison pour laquelle je vous invite à reprendre le dispositif figurant initialement dans le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le sous-amendement n° 41, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 26 rect, alinéa 3, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et seulement pour autant que son état de santé, constaté le cas échéant par le médecin, ne s'y oppose pas

Ce sous-amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 9, deuxième et troisième phrases

Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :

La retenue ne peut excéder seize heures à compter du début du contrôle mentionné au premier alinéa.

II. – Alinéas 10 à 12

Supprimer ces alinéas.

III. Alinéa 17, première phrase

Remplacer les mots :

, la vérification du droit de séjour ainsi que son éventuelle prolongation

par les mots :

ainsi que la vérification du droit de séjour

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement va dans le même sens que ceux qui viennent d’être défendus. J’avais d’ailleurs indiqué en commission que j’étais prêt à le retirer, considérant que ces deux amendements identiques répondaient à notre souci de revenir au texte initial du Gouvernement. En effet, il ne nous apparaissait ni raisonnable ni pratique de scinder cette durée de seize heures en dix heures plus six heures. Une telle mesure entraînerait beaucoup plus de difficultés qu’elle n’en résoudrait.

À la suite du président Hyest, je rappelle d’ailleurs que, dans beaucoup de cas, la retenue durera bien moins longtemps. Il faut laisser aux fonctionnaires chargés de ces dossiers difficiles le temps de faire toutes les démarches nécessaires, y compris dans l’intérêt de la personne retenue. Sinon, on reviendrait à un système beaucoup plus dangereux et difficile à mettre en place.

Bien entendu, je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements ?

Les sous-amendements sont adoptés.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 14, présenté par MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Remplacer le mot :

information

par le mot :

autorisation

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

J’ai déposé cet amendement pour obtenir un éclaircissement.

Selon l’étude d’impact, les fichiers qui pourront être consultés sont l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, AGDREF, et la base de données EURODAC, ce qui ne pose aucun problème, s’agissant d’une procédure administrative.

Toutefois, l’étude d’impact ajoute que le fichier automatisé des empreintes digitales, le FAED, pourra être consulté, alors qu’il s’agit d’un fichier exclusivement judiciaire.

À en croire le rapport de Gaëtan Gorce, compte tenu de la finalité du FAED, il semble que, malgré les termes de l’étude d’impact, la rédaction de l’article 2 ne permette pas la consultation de ce fichier.

Je pose donc la question à M. le rapporteur et à M. le ministre. En fonction des réponses, je retirerai éventuellement cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Cette question a été abordée lors de nos débats en commission. Finalement, c’est la réponse de M. le ministre qui déterminera sans doute notre position. Selon l’interprétation de la commission, la logique voudrait que l’amendement soit retiré.

Il est précisé dans le texte que les empreintes digitales de la personne peuvent être relevées et l’étude d’impact indique que ces empreintes pourront être comparées à celles qui figurent au FAED. Or la loi dit clairement que ce fichier ne peut être consulté que par les personnes habilitées et sous la réserve, évidemment, que l’on soit dans une procédure judiciaire, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence puisqu’il s’agit d’une procédure administrative.

Notre interprétation est que cette disposition ne permet pas la consultation du FAED, mais il faudrait que M. le ministre nous le précise. En revanche, s’il considère qu’on peut consulter directement le FAED, il faudrait modifier les textes.

Je rappelle que cette procédure résulte d’une loi ayant été soumise à l’avis de la CNIL, laquelle a également rappelé qu’à ses yeux les informations contenues dans le FAED ne pouvaient être consultées que par les personnes strictement habilitées, soit un petit nombre de personnes, et dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Je comprends que cet amendement vise à calquer le régime de la prise d’empreintes sur celui prévu par l’article 78-3 du code de procédure pénale pour la vérification d’identité.

Cependant, même si cette dernière procédure et celle de la retenue pour vérification du droit de séjour d’une personne étrangère peuvent être rapprochées, le dispositif proposé par l’article 2 du projet de loi, qui prévoit une information du procureur de la République pour la prise d’empreintes digitales, apparaît conforme à l’objet du texte et, surtout, à nos principes fondamentaux.

En effet, ce texte limite la prise d’empreintes à un cas déterminé, qui est celui où l’étranger ne fournit pas d’éléments permettant d’apprécier sa situation au regard du droit au séjour.

La prise d’empreintes – c’est une constante – doit être nécessaire et proportionnée au seul objectif poursuivi, à savoir la recherche de l’identité de la personne aux fins d’établir précisément son droit de séjour.

Cette procédure est placée sous le contrôle du procureur de la République, qui en est informé et qui peut, je n’hésiterai pas à la rappeler autant de fois que nécessaire, mettre fin à tout moment à la procédure de retenue. Enfin, celle-ci est tout entière placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

Subordonner la prise d’empreintes à l’autorisation préalable du procureur alourdirait inutilement la procédure, sans apporter de garanties supplémentaires à la personne retenue.

De plus, pour répondre à M. le rapporteur, je signale que l’article L. 611-4 du CESEDA prévoit qu’« en vue de l’identification d'un étranger qui n'a pas justifié des pièces ou documents visés à l'article L. 611-1 ou qui n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution de l'une des mesures mentionnées au premier alinéa de l'article L. 624-1 ou qui, à défaut de ceux-ci, n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution, les données des fichiers automatisés des empreintes digitales gérés par le ministère de l'intérieur peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services du ministère de l'intérieur ».

Ces dispositions législatives autorisent donc la consultation du fichier automatisé d’empreintes digitales à l’occasion d’une procédure de retenue pour vérification du droit de séjour par les agents spécialement habilités. Par conséquent, la saisine préalable du procureur de la République n’est pas nécessaire dans ce cadre.

C’est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur Leconte, de bien vouloir retirer cet amendement : je pense vous avoir répondu sur le fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Monsieur le ministre, je crains de ne pas être totalement convaincu par votre argumentation.

Vous avez fait allusion à l’article L. 611-4 du CESEDA, lequel permet effectivement de consulter ce fichier pour effectuer un contrôle d’identité. Cependant, il s’agit de vérifier non pas la situation de la personne au regard du droit au séjour, mais bien son identité. Or c’est pour vérifier le droit au séjour que les empreintes sont prélevées et que la retenue est organisée.

Rendre possible, comme vous semblez le souhaiter, l’accès au FAED dans le cadre de la retenue change la nature de cette dernière, je ne vous le cache pas, mais surtout, cela pose un problème juridique, car le décret prévoyant l’accès au fichier, qui a été soumis à l’avis de la CNIL, est strict et vous ne pourrez, en conséquence, élargir cet accès qu’en modifiant le décret en question.

L’objectif de Jean-Yves Leconte en déposant cet amendement était non pas tant de soumettre le prélèvement d’empreintes à une autorisation du procureur de la République que d’obtenir cette précision. Dans la mesure où la réponse que vous lui apportez ne va pas du tout dans le sens de celle que nous souhaitions entendre, je ne peux plus émettre qu’un avis favorable sur l’amendement n° 14. Je crois en effet qu’elle n’est pas satisfaisante du point de vue juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je souhaiterais faire une observation allant dans le sens du Gouvernement.

Le constat du séjour irrégulier d’une personne peut donner lieu à des interrogations sur le reste de sa situation, notamment sur son appartenance à une organisation participant à des activités délictueuses.

On ne peut pas négliger le fait que des personnes en nombre significatif se maintiennent en situation irrégulière sur notre sol au moyen de papiers contrefaits. Il ne me paraît donc pas attentatoire à la liberté ou aux droits de la personne d’effectuer une comparaison d’empreintes, dans le respect de l’ensemble des garanties judiciaires.

Monsieur Leconte, le simple fait qu’il y ait cette comparaison n’entraîne aucune conséquence d’aucune sorte pour la personne mise en cause. Le risque pour cette dernière est qu’elle donne lieu à une enquête judiciaire la visant. Mais celle-ci sera alors entourée de toutes les garanties. S’il s’agit d’un fabricant de faux papiers, il serait tout de même dommage de ne pas s’intéresser à la filière ! En tout état de cause, la personne visée bénéficiera de tous les droits de la défense pour démontrer que les accusations portées contre elle ne sont pas fondées.

Il s’agit d’une réalité bien connue de nos concitoyens. Il faut savoir que, dans nos mairies, nos agents font, au moins une fois par an, des stages de détection de faux papiers. Et je peux vous dire que ces stages ne sont pas infructueux !

À mon sens, il est vraiment justifiable, et sans danger pour les libertés individuelles, que la détection d’activités délictueuses, qui pourrait découler du constat du séjour irrégulier, ne soit pas rendue impossible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Il ne s’agit pas de rendre possible ou impossible cette consultation du FAED : ce qui est en cause, c’est le respect de la finalité d’un fichier, qui, en l’occurrence, est de nature judiciaire.

C’est la raison pour laquelle nous proposons que le procureur de la République, plutôt que d’être simplement informé, donne l’autorisation d’engager la procédure prévue. Ce serait, d’une certaine manière, une façon de légitimer encore davantage la nouvelle durée de retenue, fixée désormais à seize heures, dans la mesure où, dans ce laps de temps, il est effectivement possible d’obtenir une telle autorisation.

La consultation du fichier sera donc toujours possible. Dès lors que le risque existe de passer d’une procédure administrative à une procédure judiciaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La procédure judiciaire ne sera pas encore entamée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

… il convient de respecter la finalité du fichier en prévoyant l’autorisation du procureur de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

On pourrait considérer que la commission, en soutenant une telle initiative, entre dans une précision quelque peu excessive. Ce serait ignorer la position exprimée par la CNIL, qui, dois-je le rappeler, a, par une délibération du 14 octobre 1986, indiqué qu’elle excluait expressément toute utilisation de la consultation du FAED dans le cadre de la police administrative.

Il ne s’agit donc pas de créer une quelconque difficulté ou de contester une disposition au motif qu’elle mettrait en cause les libertés. Il s’agit simplement de faire en sorte que soient respectés la loi qui a été votée et le décret qui a été pris.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

LA CNIL ne fait pas la loi, elle l’applique !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Certes, mais c’est sur la base d’un avis donné par la CNIL que la loi a été adoptée et il en a été tenu compte lors de l’élaboration du décret permettant la consultation du fichier.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Monsieur le rapporteur, la CNIL ne peut pas s’opposer à un article législatif, voyons !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

La loi puis le décret ont précisé les conditions dans lesquelles cette consultation pouvait intervenir et il n’a pas été prévu la possibilité de faire appel à des fonctionnaires dans le cadre d’une retenue administrative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Le principe de finalité du fichier est important !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je partage tout à fait les observations que vient de faire notre collègue Alain Richard au sujet de la valeur juridique respective de la loi et des recommandations de la CNIL.

En l’occurrence, le texte du projet de loi n’a rien d’inquiétant. D’ailleurs, monsieur Leconte, vous avez vous-même reconnu qu’il était plus sage de maintenir la possibilité de porter la durée de retenue à seize heures, considérant qu’un tel délai permettra justement de procéder aux vérifications nécessaires.

Je relis l’alinéa 16 de l’article 2 : « Si l’étranger ne fournit pas d’éléments permettant d’apprécier sa situation au regard du séjour, les opérations de vérification peuvent donner lieu, après information du procureur de la République, à la prise d’empreintes digitales ou de photographies […] »

Le procureur de la République sera donc obligatoirement informé : cela n’aurait-il strictement aucune valeur à vos yeux ? Voilà la marque, encore une fois, d’une défiance systématique par rapport au système mis en place. Un tel procès d’intention, mon cher collègue, est tout à fait regrettable parce qu’il signifie que vous accordez peu de crédit et de confiance au système judiciaire de notre République.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

La question n’est évidemment pas centrale, mais nous sommes dans un débat de principe. Je veux dire à M. le rapporteur, avec toute l’amitié qui me lie à lui, qu’il se trompe sur l’article L. 611-4 du CESEDA : cet article permet la mise en œuvre de l’article L. 611-1 et la consultation du FAED pour vérifier le droit au séjour.

Cela a été dit tout à l’heure, il est question dans cet article non de contrôle d’identité, mais d’identification de celui qui n’a pas les pièces et titres exigés précisément par l’article L. 611-1.

Dans cette logique, je considère que le texte que nous vous présentons permet et ce contrôle et cet accès. Veillons à ne pas changer d’objectif ni alourdir le fonctionnement tel qu’il était prévu et tel que nous l’avons consolidé il y a un instant en fixant le nombre d’heures de la durée de retenue.

Fort de ces éléments, je réitère ma demande de retrait de l’amendement n° 14.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Certes, monsieur le ministre, ce débat n’est pas central et votre lecture de l’article L. 611-4 du CESEDA est correcte, je ne le nie pas. Cela étant, j’attire votre attention sur une difficulté que nous vous signalons depuis plusieurs jours : si le Gouvernement veut s’appuyer sur cet article pour justifier la consultation du fichier, il lui faut alors prendre le décret prévu à ce même article…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

… et qui n’a jamais paru.

On peut faire tous les reproches à la commission, même si M. Mézard n’avait peut-être pas besoin de s’emporter ainsi en tenant des propos particulièrement déplaisants. Il reste que, si le Gouvernement veut pouvoir s’appuyer sur une telle disposition, encore faut-il qu’il s’en donne normalement les moyens réglementaires, ce qui n’a pas été fait.

Dans un souci d’apaisement, parce qu’il ne s’agit pas de créer une difficulté quelconque, je demande à M. Leconte de retirer son amendement, mais je veux inviter le Gouvernement – en tout cas ses services – à être un peu plus attentif à la situation juridique dans laquelle il est amené à nous demander de légiférer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La proposition que vient de formuler M. le rapporteur est peut-être de nature à nous permettre de trouver une issue favorable. Il n’est tout de même pas déraisonnable de demander la publication d’un décret prévu par la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Ce n’est pas un préalable à l’adoption de la loi !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Je remercie M. le président de la commission et M. le rapporteur d’entendre les arguments des uns et des autres, … les miens en particulier.

L’article L. 611-4 a effectivement été inséré dans le CESEDA en réponse à l’avis de la CNIL. Mais j’entends bien la préoccupation qui s’est exprimée, et il importe d’assurer l’application du dispositif dans le cadre du décret.

La consultation du fichier est nécessaire, mais je comprends aussi le souci de cohérence qui vous anime. Je m’engage à vous donner les éléments nécessaires pour permettre l’application du dispositif et répondre à votre préoccupation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Sur la base de ces engagements, je le retire, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 14 est retiré.

L’amendement n° 16, présenté par MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le contrôle de leur respect est assuré par le juge des libertés et de la détention lorsqu’il est saisi en vertu de l’article L. 552-1.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

J’espère que cet amendement, qui vise à préciser l’alinéa 21 de l’article 2, ne provoquera pas le même débat que le précédent !

Au regard d’une procédure qui relève de la procédure pénale dans son déroulement mais de la procédure administrative dans son objet, il faut prévenir le risque que le juge administratif, d’une part, et le juge judiciaire, d’autre part, se déclarent incompétents pour en connaître, ou, à l’inverse, qu’ils se déclarent tous les deux compétents.

Pour garantir le respect d’une bonne administration de la justice, et s’agissant d’une procédure privative de liberté, il faut clarifier cette question et conférer compétence au juge des libertés et de la détention.

Toutefois, M. le rapporteur souligne explicitement dans son rapport que « le juge des libertés et de la détention devra à présent se prononcer sur la nouvelle mesure de retenue pour vérification du droit au séjour ». Si j’obtenais confirmation à cet égard, je retirerais l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

La commission a estimé qu’une telle observation allait de soi et qu’elle était déjà satisfaite par la simple application de notre Constitution et des règles qui prévalent en matière de contrôle des conditions de la retenue et de la rétention.

J’imagine que le Gouvernement confirmera cette position. J’invite donc M. Leconte à retirer son amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

J’irai dans le même sens que M. le rapporteur tout en soulignant, monsieur Leconte, que je comprends le souci de précision que vous avez exprimé au travers de cet amendement.

Cela a été dit au cours de nos débats, la crainte d’un possible conflit de compétences entre des juges appartenant à chacun des deux ordres de juridiction n’est pas fondée. Le fait de désigner ainsi le juge compétent dans le cadre de la procédure de rétention ne semble donc pas nécessaire et pourrait, en outre, susciter interrogations et confusions, dès lors qu’aucune précision de ce type n’existait dans le régime de garde à vue.

Le texte étant clair sur ce point, je rejoins le point de vue exprimé par M. le rapporteur : il n’est pas utile d’expliciter davantage la compétence de l’autorité judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je remercie M. le rapporteur et M. le ministre de leurs explications et retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 16 est retiré.

Je mets aux voix l’article 2, modifié.

L’article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 17, présenté par MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application de l’article 2, qui précise notamment la durée moyenne nécessaire à la vérification du droit de circulation ou de séjour sur le territoire français de l’étranger, la durée moyenne nécessaire pour le prononcé et la notification des décisions administratives applicables, et la durée moyenne de la retenue appliquée en vertu de cette disposition.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Cet amendement tend à la remise au Parlement par le Gouvernement, au bout d’une année à compter de la promulgation de la future loi, d’un rapport sur l’application de la nouvelle procédure de retenue.

La commission – j’anticipe quelque peu sur le propos de M. le rapporteur – a émis un avis défavorable, compte tenu des compétences du Parlement pour ce qui est de l’application des lois et de la possibilité, pour nous, parlementaires, d’obtenir une réponse de l’exécutif sur tout domaine en posant des questions écrites ou d’actualité.

Par conséquent, je retire l’amendement n° 17, en précisant cependant que nous resterons vigilants sur le sujet : la faculté de poser une question écrite un an après n’a en effet pas tout à fait la même portée que le fait d’inscrire dès à présent dans la loi le principe selon lequel, comme M. le ministre l’a indiqué à l’issue de la discussion générale, devront être comptabilisées les durées moyennes des retenues. Tel était l’objectif de mon amendement, qui avait toute son importance dès lors qu’il n’y avait plus de césure.

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article 64-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, après les mots : « code des douanes », sont insérés les mots : « ou au cours de la retenue d’un étranger aux fins de vérification de situation dans les conditions prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 9, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il s’agit d’un simple amendement de coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Il est défavorable, pour les raisons que j’ai déjà avancées.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 3 est adopté.

(Non modifié)

Le chapitre IV du titre II du code des douanes est ainsi modifié :

1° La section 6 est complétée par un article 67-1 ainsi rédigé :

« Art. 67-1. – Les agents des douanes sont habilités à relever l’identité des personnes afin de rédiger les procès-verbaux prévus par le présent code.

« Si la personne refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, les agents des douanes investis des fonctions de chef de poste ou les fonctionnaires désignés par eux titulaires du grade de contrôleur ou d’un grade supérieur peuvent la conduire sans délai dans un local de police où elle est remise à un officier de police judiciaire aux fins de vérification d’identité dans les conditions prévues à l’article 78-3 du code de procédure pénale. Le délai prévu au troisième alinéa de cet article court à compter du relevé d’identité mentionné à l’alinéa précédent.

« Les résultats de cette vérification d’identité sont communiqués sans délai aux agents des douanes. » ;

2° Est ajoutée une section 9 intitulée : « Contrôle des titres » et qui comprend l’article 67 quater ;

3° Les deuxième à huitième alinéas de l’article 67 quater sont supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 37 rectifié, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

la conduire sans délai dans un local de police où elle est remise à un officier de police judiciaire

par les mots :

en rendre compte à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors leur ordonner sans délai de lui présenter sur le champ le contrevenant

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Toujours dans le souci d’aboutir à un texte le plus satisfaisant possible sur le plan juridique, la commission a souhaité se saisir plus particulièrement des dispositions de l’article 4 en ce qu’il insère dans le code des douanes un article 67-1 autorisant les agents des douanes à remettre à un officier de police judiciaire une personne qui, dans le cadre des procédures qu’ils sont amenés à effectuer, n’a pas pu justifier de son identité ou d’un titre de séjour.

Nous nous sommes appuyés sur les conditions prévues à l’article 78-6 du code de procédure pénale, lesquelles ne figurent malheureusement pas dans le texte proposé par le Gouvernement pour ce nouvel article, en vue de préciser, par cet amendement, que le fait de conduire une personne vers un poste de police ne peut se faire que sur la demande d’un officier de police judiciaire préalablement saisi.

L’amendement a été rectifié pour ne pas créer de difficultés, puisqu’il s’agit de l’appliquer à l’ensemble des situations dans lesquelles un agent des douanes est amené à procéder à une telle opération, et pas seulement dans le cadre d’une vérification de titre de séjour.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

D’accord avec l’objet de l’amendement et l’argumentation présentée par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis favorable.

Le texte de la commission doit être amélioré puisqu’il prévoit qu’un agent des douanes peut, de sa propre initiative, retenir et conduire dans un local de police une personne ne pouvant justifier de son identité. Or les agents de douanes ne possèdent pas la qualité d’officier de police judiciaire, qualité constitutionnellement nécessaire pour mettre en œuvre un pouvoir de contrainte.

L’amendement n° 37 rectifié prévoit précisément que, dans ce cas, l’agent des douanes peut préalablement en référer à un officier de police judiciaire, lequel lui ordonne, le cas échéant, de lui présenter la personne concernée. Cet amendement, qui s’inspire de ce qui existe, conforte donc le texte.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 40, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

bis À la première phrase du premier alinéa de l'article 67 quater, après les mots : « vérifier le respect », sont insérés les mots : «, par les personnes dont la nationalité étrangère peut être déduite d'éléments objectifs extérieurs à la personne même de l'intéressé, » ;

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

C’est un amendement de coordination.

L'amendement est adopté.

L'article 4 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Chapitre II

Dispositions relatives aux sanctions pénales de l’entrée et du séjour irréguliers

(Non modifié)

I. – L’intitulé du chapitre Ier du titre II du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé : « Entrée irrégulière ».

II. – L’article L. 621-1 du même code est abrogé.

III. – L’article L. 621-2 du même code est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, les mots : « Les peines prévues à l’article L. 621-1 sont applicables à » sont remplacés par les mots : « Est puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 € » ;

2° Au 2°, les mots : « ou a séjourné » sont supprimés ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La juridiction peut, en outre, interdire à l’étranger condamné, pendant une durée qui ne peut excéder trois ans, de pénétrer ou de séjourner en France. L’interdiction du territoire emporte de plein droit reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l’expiration de la peine d’emprisonnement. »

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

En décembre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne affirmait qu’emprisonner un étranger en situation irrégulière était, par principe, incompatible avec son éloignement et que cette sanction pénale ne pouvait intervenir dans le cadre d’un simple constat de séjour irrégulier.

Nous saluons donc la diligence avec laquelle le Gouvernement a su mettre le droit français en conformité avec les exigences européennes sur ce point.

Le symbole est fort ! Après l’adoption de l’article 5 du présent projet de loi, les étrangers en voie d’admission au séjour ne seront plus considérés comme des délinquants. En effet, le fait d’entrer ou de séjourner en France sans les autorisations administratives appropriées constitue actuellement un délit pénal puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Ces peines ne seront donc désormais plus encourues pour les étrangers en situation de séjour irrégulier en France.

Nous regrettons cependant le maintien des dispositions pénales réprimant le délit d’entrée irrégulière sur le territoire. Comme cela est rappelé dans le rapport de notre collègue Gaëtan Gorce, l’action publique se prescrivant dans un délai de trois ans, les étrangers entrés irrégulièrement en France et s’étant maintenus depuis sur notre territoire seront toujours inquiétés, les effets du maintien de ce délit étant équivalents au maintien du délit de séjour irrégulier.

Afin de remédier à ce paradoxe, qui prive l’article 5 du projet de loi de sa substance, les sénatrices et sénateurs du groupe écologiste soutiendront les propositions du rapporteur et du groupe socialiste consistant à réduire à huit jours le délai durant lequel l’action publique peut être mise en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 18, présenté par MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La peine prévue au premier alinéa n’est encourue que lorsque le délit est constaté dans un délai de huit jours à compter de sa commission. »

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Cet amendement vise à tirer les conclusions de l’étude d’impact, laquelle indique que, une fois sur le territoire, l’étranger ne peut pas être poursuivi sur le fondement de son entrée irrégulière, mais doit être traité selon les prescriptions de la directive Retour. Il vise à préciser que le délit ne peut donner lieu à des poursuites que s’il est constaté dans un délai de huit jours.

Toutefois, après discussion en commission et compte tenu du dépôt par M. le rapporteur d’un texte de nature similaire, je retire mon amendement au profit de ce dernier qui va vous être immédiatement présenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 18 est retiré.

L'amendement n° 28, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application du présent article, l'action publique ne peut être mise en mouvement que lorsque les faits ont été constatés dans les circonstances prévues à l'article 53 du code de procédure pénale. »

II. – En conséquence, alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

C’est l’occasion pour moi de saluer l’important travail réalisé par Jean-Yves Leconte sur tous ces sujets. Notre collègue a effectivement suivi de très près l’élaboration de la position de la commission sur ce texte.

Il s’agit là d’une question assez théorique, monsieur le ministre, mais qui se pose néanmoins d’un point de vue juridique : le fait qu’il existe toujours un délit d’entrée irrégulière, lequel délit se prescrit au bout de trois ans, rendrait évidemment concevable que des poursuites puissent être engagées sur cette base une fois la personne sur le territoire français, alors que, selon la directive Retour, les procédures administratives doivent être privilégiées, et que telle est la volonté du Gouvernement.

Nous vous proposons donc d’indiquer que ce délit se constate uniquement suivant les termes de l’article 53 du code de procédure pénale, qui traite de la flagrance.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Je tiens à saluer l’excellent travail réalisé sur ces sujets par le rapporteur Gaëtan Gorce et le sénateur Jean-Yves Leconte.

D’un point de vue juridique, il serait possible qu’une circulaire du garde des sceaux donne instruction aux parquets de poursuivre le délit d’entrée irrégulière sur le territoire dans des conditions strictes, c’est-à-dire lorsqu’il est constaté en état de flagrance.

Si une personne qui est entrée irrégulièrement sur le territoire national s’y maintient ensuite irrégulièrement, seul le nouveau délit de maintien, malgré des mesures d’éloignement, pourra être retenu.

De telles instructions pourraient être données directement par voie de circulaire aux procureurs de la République dès que la nouvelle loi serait promulguée.

Mais j’entends la préoccupation qui motive cet amendement. Il tend à éviter tout risque de contrariété avec la directive Retour, qui consiste à réprimer des délits d’entrée irrégulière commis depuis plusieurs semaines, voire plusieurs années. Cela risquerait de faire renaître un délit de séjour irrégulier pourtant incompatible avec la directive Retour.

Le Gouvernement entend cette interrogation et s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

L'amendement est adopté.

L'article 5 est adopté.

I. – Avant le premier alinéa de l’article L. 624-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Tout étranger qui, faisant l’objet d’une mesure de refus d’entrée en France, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière, d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une interdiction judiciaire du territoire, se sera maintenu sur le territoire français alors que les mesures prévues aux titres V ou VI du livre V, propres à permettre l’exécution de la mesure d’éloignement, ont été effectivement mises en œuvre sous le contrôle de la juridiction administrative et de l’autorité judiciaire, sera puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 €. »

II. – Au deuxième alinéa du même article, à l’avant-dernière phrase de l’article L. 552-5 et à l’article L. 611-4 du même code, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième ».

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Les sénatrices et sénateurs du groupe écologiste regrettent la création de ce nouveau délit de maintien sur le territoire lorsque les mesures propres à permettre l’exécution de l’éloignement ont été effectivement mises en œuvre.

Ce délit découle non pas de nos obligations communautaires, mais d’une interprétation extensive – ou peut-être erronée ? – des jurisprudences de 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne.

En effet, comme cela a pu être rappelé lors de nos échanges, il s’agit d’une simple faculté laissée aux États membres.

Lorsque l’ensemble des mesures prévues par la directive Retour ont effectivement été mises en œuvre par l’administration et que l’étranger, en dépit de cela, s’est maintenu sur le territoire national, les États membres « demeurent libres de le soumettre à des dispositions pénales destinées à le dissuader de demeurer illégalement sur leur territoire » – je cite ici le rapport de la commission, page 35. Rien n’oblige donc la France à créer un tel délit…

J’ai par ailleurs conscience des améliorations apportées par la commission des lois, en ce qu’elle a précisé la notion de « mesures ». Il s’agit désormais des mesures prises « sous le contrôle de la juridiction administrative et de l’autorité judiciaire ». Mais là encore, le texte semble toujours trop imprécis. Il encourt dès lors la censure du Conseil constitutionnel.

En outre, c’est la philosophie même de cette procédure qui rompt avec le sens que vous nous avez indiqué vouloir donner à ce projet de loi, monsieur le ministre.

Les écologistes, qui se sont réjouis de la suppression du délit de séjour irrégulier, comme j’ai pu l’indiquer tout à l’heure, regrettent réellement qu’un « délit de substitution » soit créé à sa place.

Enfin, cette nouvelle incrimination n’est pas nécessaire, le délit de soustraction à une mesure d’éloignement, puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de dix ans d’interdiction du territoire, existant déjà dans notre droit. Ni obligatoire ni nécessaire, cette mesure ne sera pas votée par le groupe écologiste, qui s’y oppose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 11, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement va dans le sens évoqué par Mme Kalliopi Ango Ela dans son intervention sur l’article.

La suppression du délit de séjour irrégulier par ce projet de loi est inévitable du fait des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne. Néanmoins, le projet de loi crée un délit de remplacement : il instaure en effet un délit de maintien sur le territoire « lorsque les mesures propres à permettre l’exécution de l’éloignement ont été effectivement mises en œuvre ».

C’est vrai, la jurisprudence européenne n’interdit pas aux États membres de prévoir des sanctions pénales pour réprimer les infractions au séjour. Cependant, elle ne les impose pas non plus.

Une alternative se présentait donc au Gouvernement : soit abroger purement et simplement toute pénalisation du séjour irrégulier, soit se contenter de prévoir que ce délit ne sera encouru qu’après la mise en œuvre de toutes les mesures coercitives prévues à l’article 8 de la directive ; c’est la seconde solution qui, à l’évidence, a été privilégiée.

Nous optons, en ce qui nous concerne, pour l’abrogation pure et simple, car la poursuite du séjour irrégulier, loin d’être nécessaire à l’éloignement, constitue en réalité un obstacle à sa mise à exécution. Cet article persiste, en outre, dans la stigmatisation de l’étranger en tant que délinquant.

Enfin, cet article nous semble redondant puisque le délit de l’obstruction à une mesure d’éloignement est maintenu dans notre code

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

On peut toujours voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, qui est, en l’occurrence, aux deux tiers plein et au tiers vide !

La grande évolution de ce texte – c’est ce qui mérite d’être souligné et c’est ce sur quoi il faut insister – tient à la disparition du délit de séjour irrégulier. Néanmoins, il résulte des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne que la suppression de ce délit ne vaut que tant que l’ensemble des procédures administratives permettant d’éloigner l’étranger en situation irrégulière n’ont pas été mises en œuvre. Mais dès lors qu’elles l’ont été et que l’étranger en situation irrégulière est toujours sur le territoire – soit en se maintenant passivement, soit en tentant de se soustraire aux mesures –, il est logique que l’État dispose des moyens juridiques appropriés pour faire respecter la loi.

En effet, dans ce débat sur les étrangers en situation irrégulière, nous sommes tout de même confrontés à une situation particulière : s’il faut respecter le droit des personnes, des étrangers – et le Gouvernement le fait à travers son texte –, il faut aussi avoir le souci du respect des lois de la République, lesquelles précisent clairement les conditions dans lesquelles on peut entrer et séjourner sur le territoire français.

On peut à mon avis d’autant mieux favoriser les politiques d’intégration, faire respecter les objectifs de lutte contre la discrimination, faire passer un état d’esprit favorable, dans les contrôles d’identité et titres de séjour, à la lutte contre le délit de faciès, que l’on est extrêmement clair sur la nature de la loi et la façon de l’appliquer.

Il faut donc donner les moyens à l’État de pouvoir sanctionner – même si ce sera probablement exceptionnel – ceux qui ne souhaitent manifestement pas quitter le territoire français alors que toutes les diligences ont été faites pour qu’ils se soumettent à la loi de la République. C’est, me semble-t-il, une précaution légitime que nous devons conserver dès lors que la logique souhaitée par la Cour de justice de l’Union européenne et la directive Retour est respectée : dès lors que l’ensemble des mesures prévues par la directive ont effectivement été mises en œuvre par l’administration et que, malgré cela, l’étranger s’est maintenu sur le territoire national, l’État peut le soumettre à des dispositions pénales destinées à le dissuader de demeurer illégalement sur le territoire ; c’ est la condition pour que la loi soit appliquée.

J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 11.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

J’irai dans le même sens que M. le rapporteur. Cela a été dit dans les arrêts de 2011 rappelés par l’amendement lui-même, la Cour de justice de l’Union européenne subordonne la mise en jeu d’une action pénale contre le séjour à l’épuisement de toutes les possibilités d’action de l’autorité compétente pour garantir un éloignement effectif. C’est ce cadre-là qui est très respectueux de la Cour de justice.

On ne peut pas nous demander de respecter le cadre qui est progressivement défini et créé par la jurisprudence, par les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et, désormais, de la Cour de cassation – c’est ce que nous faisons actuellement – et, en même temps, d’aller plus loin.

Aller plus loin, madame Assassi – M. le rapporteur vient de le dire –, c’est ne pas permettre à l’État d’appliquer les lois de la République quand un étranger ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement se maintient cependant sur le territoire national, alors que l’administration a mis régulièrement en œuvre tous les moyens aux fins d’exécution de cette mesure. Dans ces conditions, l’étranger doit pouvoir encourir une sanction pénale. Et ce que vous nous proposez, c’est de nous démunir totalement. C’est l’état de droit lui-même qui est alors mis en cause !

Si l’étranger en question, après avoir épuisé toutes les mesures que je viens de rappeler, n’accepte pas ou ne respecte pas les décisions, il est tout à fait normal qu’il puisse alors être sanctionné !

Cependant, pour répondre aux inquiétudes de certains sénateurs, le Gouvernement a déposé un amendement n° 39 visant à clarifier cet article. Cet amendement prévoit très clairement que l’administration doit avoir effectué « toutes les diligences lui incombant dans l’exécution effective de la procédure d’éloignement », ces dispositions devant être interprétées strictement par le juge pénal.

Il ne doit pas y avoir de contradiction entre le respect du cadre que nous sommes en train de définir et le fait que l’État dispose des moyens de procéder à cet éloignement.

Ou alors, je voudrais que le débat soit plus clair, madame Assassi, et qu’on nous dise qu’il n’y a pas de politique d’éloignement ! S’il n’y a pas de politique d’éloignement, nous avons un sacré défi politique !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

En tout cas, nous avons incontestablement sur ce point-là une vraie différence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je me bornerai à formuler une brève remarque, puisque la navette parlementaire va se poursuivre sur ce texte.

Le dispositif préconisé par le Gouvernement dans sa dernière rédaction aboutit à faire apprécier, dans des domaines assez délicats, la régularité de l’acte administratif par un juge correctionnel.

Nous pouvons compter sur les défenseurs des personnes concernées pour faire jouer la plus grande variété de procédures et pour poser éventuellement des questions préjudicielles afin de vérifier si les mesures prises par l’administration présentent toute la régularité nécessaire.

Il y a donc matière, me semble-t-il, à prolonger la réflexion portant sur la rédaction de cette disposition au regard de son applicabilité contentieuse.

Je voterai l’amendement du Gouvernement, même si cette proposition ne me semble pas encore tout à fait aboutie.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Tout étranger qui, faisant l’objet d’une mesure de refus d’entrée en France, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière, d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une interdiction judiciaire du territoire, se sera maintenu sur le territoire français alors que l’administration a accompli toutes les diligences lui incombant dans l’exécution effective de la procédure d’éloignement en mettant en œuvre régulièrement les mesures de rétention administrative ou d’assignation à résidence respectivement prévues aux titres V et VI du livre V, sera puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 €. »

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Cet amendement a été défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 19, présenté par MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

ou d’une interdiction judiciaire du territoire,

insérer les mots :

devenus définitifs,

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Avant de défendre l’amendement n° 19, j’indique que l’amendement n° 39 du Gouvernement apporte à notre avis d’utiles précisions rédactionnelles. Nous avions d’ailleurs déposé nous-mêmes un amendement sur ce point ; mais considérant que la rédaction du Gouvernement était meilleure que la nôtre – certes, comme l’a dit Alain Richard, il est nécessaire de progresser encore –, nous l’avons retiré.

Nous proposons toutefois, par l’amendement n° 19, d’ajouter, après les mots « ou d’une interdiction judiciaire du territoire, » les mots « devenus définitifs, ». Il serait en effet paradoxal de créer un nouveau délit de maintien sur le territoire lorsque l’étranger fait « l’objet d’une mesure de refus d’entrée en France, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière, d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une interdiction judiciaire du territoire », et de voir un étranger condamné pour cela alors que tous les recours qu’il aurait pu introduire contre les mesures susvisées ne seraient pas épuisés.

L’amendement n° 19 tend donc à préciser que ces mesures doivent être devenues définitives.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Les différents amendements dont nous sommes saisis, y compris celui du Gouvernement, sont la résultante d’une difficulté particulière liée à l’interprétation de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative à la directive Retour. La Cour a en effet indiqué qu’il n’était possible d’utiliser les procédures d’éloignement et d’emprisonnement qu’une fois épuisées toutes les mesures à la disposition de l’administration.

La question est de savoir à quel moment ces mesures peuvent être considérées comme épuisées, autrement dit à quel moment l’administration est libérée de l’obligation qui lui incombe d’utiliser toutes ses ressources pour permettre le départ de l’étranger.

Je veux pour preuve de cette difficulté le problème d’interprétation que pose le cas de la libération d’un étranger, alors même que la mesure de rétention a été prise sur la base d’une situation effectivement irrégulière et constatée comme telle par le juge administratif, justifiant une obligation de quitter le territoire français.

Si cette personne est libérée parce que les conditions de sa rétention sont jugées insatisfaisantes, doit-on considérer que l’administration a entrepris toutes les diligences nécessaires et est en situation d’engager une procédure pénale, ou bien qu’elle doit recommencer la procédure administrative qui reste disponible ? La question reste pendante et nous ne disposons pas aujourd’hui de réponse véritablement satisfaisante.

Nous avons d’ailleurs interrogé les services du ministère de l’intérieur, et notamment le cabinet du ministre, et nous cherchons depuis le début une réponse satisfaisante.

La rédaction proposée par la commission était relativement simple : elle visait les décisions dès lors que ces dernières avaient été placées normalement sous le contrôle des juges dont elles pouvaient relever – administratif et judiciaire – et qu’elles étaient devenues définitives : on peut en effet considérer que, compte tenu du caractère suspensif des recours sur la nature de ces mesures, les diverses procédures avaient été épuisées sur le plan juridictionnel ; à partir de là, il était possible de passer à la deuxième phase.

Mais cette interprétation reste cependant toujours relativement fragile.

Monsieur le ministre, je ne suis pas convaincu que l’amendement du Gouvernement, qui représente pourtant un effort louable, comme vient de le rappeler Alain Richard, satisfasse tout à fait notre volonté de clarification.

Ne vaudrait-il pas mieux – et ma proposition explique l’avis défavorable rendu par la commission sur ces deux amendements –, en rester pour l’instant à la rédaction de la commission ? Vous pourriez profiter de la discussion à l’Assemblée nationale pour clarifier cette question, que nous reverrions ensuite, le cas échéant, en commission mixte paritaire ?

Nous sommes aujourd’hui confrontés à des difficultés que nous ne sommes pas parvenus à résoudre totalement. Cela étant dit, si le Gouvernement peut nous fournir une interprétation claire de cette disposition, s’agissant en particulier du cas spécifique que j’ai indiqué, nous sommes tout à fait prêts à l’entendre. En attendant, il subsiste de nombreuses incertitudes.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Je suggère que l’on suive l’avis de M. le rapporteur. Si M. Leconte accepte de retirer son amendement, le Gouvernement fera de même, et nous pourrons ainsi nous fixer le délai nécessaire à la réflexion qu’évoquait Alain Richard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur Leconte, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je retire mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 19 est retiré, de même que l’amendement n° 39.

L’amendement n° 21, présenté par MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

... - Après le premier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application de l’alinéa précédent, le seul fait de ne pas exécuter une mesure de reconduite à la frontière ou une obligation de quitter le territoire français ne peut être assimilé au fait de se soustraire à ladite mesure. »

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Cet amendement introduit un alinéa interprétatif du deuxième alinéa de l’article L. 624-1 tel que modifié par le projet de loi. Cette disposition, qui figure déjà dans le CESEDA, prévoit un délit de soustraction notamment à une obligation de quitter le territoire français, une OQTF.

La Cour de cassation a pu considérer que la non-exécution d’une mesure d’éloignement pouvait, à elle seule, constituer le délit de soustraction à une OQTF, même s’il résulte dans la plupart des cas du refus d’embarquement ou d’une soustraction active frauduleuse.

Par cet amendement d’appel, nous souhaitons poser la question suivante : le maintien sur le territoire est-il ou non équivalent à une soustraction à une OQTF, dans la mesure où les peines encourues ne sont pas de même nature ?

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Nous devons encore travailler sur ces questions. Je vous propose donc, monsieur Leconte, de retirer votre amendement. Le Gouvernement, je m’y engage, vous donnera progressivement toutes les précisions nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Non, monsieur le président, je le retire. Mon objectif était simplement de faire avancer ce débat dans le sens de la clarification du texte qui sera voté in fine par le Parlement.

L’article 6 est adopté.

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article L. 624-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « dix ans » sont remplacés par les mots : « trois ans dans le cas prévu au premier alinéa de l’article L. 624-1 et dix ans dans les cas prévus aux deuxième et dernier alinéas du même article. » –

Adopté.

Chapitre III

Dispositions relatives à l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 5, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Ango Ela, Blandin et Bouchoux, MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé, Mme Archimbaud, M. Desessard et Mme Lipietz, est ainsi libellé :

Avant l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aux premier, troisième et quatrième alinéas de l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « faciliter », sont insérés les mots : « dans un but lucratif » et les mots : « la circulation » sont remplacés par les mots : « le transit ».

La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Le projet de loi que nous examinons n’abroge pas le délit de solidarité en tant que tel, mais élargit les catégories de personnes bénéficiant d’une immunité pénale. Une liste est ainsi dressée des cas dans lesquels ne pourront être poursuivies des personnes portant assistance à un étranger en situation irrégulière et des actes y afférents.

Cette liste pose un problème, au même titre que toute énumération limitative. Quid des actes qui ne constituent pas des prestations de restauration et d’hébergement ? Quid des actes qui ne peuvent être considérés comme des soins médicaux ou des conseils juridiques ?

Une personne permettant à un étranger en situation irrégulière de recharger son téléphone portable, par exemple, pourrait toujours être passible de poursuites, ce qui ne manque pas d’inquiéter les militants et les associations d’aide aux droits des étrangers.

Il conviendrait donc de revoir la définition même du délit et de modifier l’article L. 622-1 du CESEDA qui permet de poursuivre « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France ».

L’amendement n° 5, qui tend à insérer les mots « dans un but lucratif » après le mot « faciliter », permettra d’exclure tous les actes désintéressés du champ d’application de ce délit. Ainsi, seuls resteront visés les actes des passeurs, marchands de sommeil et de tous ceux qui profitent de l’extrême vulnérabilité des étrangers en situation irrégulière.

Dans le même sens, l’amendement tend également à remplacer le terme, trop vague, de « circulation » par celui de « transit ». Un chauffeur de taxi, qui exerce évidemment son métier dans un but lucratif, pourrait en effet être poursuivi pour avoir aidé un étranger en situation irrégulière à « circuler » ; il en serait de même pour un citoyen lambda qui l’accompagnerait en voiture. Le terme « transit » est plus précis et vise exclusivement les passeurs qui extorquent des sommes faramineuses pour faire passer les frontières.

L’objectif du projet de loi étant d’exclure les actions humanitaires et désintéressées du délit d’aide au séjour irrégulier, les précisions apportées par cet amendement nous paraissent nécessaires pour éviter diverses confusions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 12 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux personnes physiques ou morales poursuivant un but non lucratif. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Comme vient de le dire ma collègue, le projet de loi élargit simplement les immunités prévues par le CESEDA. Le caractère limitatif de l’énumération de cette nouvelle immunité risque donc d’exposer à des poursuites certaines personnes fournissant une assistance à des étrangers en situation irrégulière.

Nous considérons que le délit de solidarité n’est pas totalement supprimé par le projet de loi. Il faut donc redéfinir ce délit en excluant l’aide désintéressée, inverser le dispositif existant pour que l’immunité soit le principe et l’infraction l’exception.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Tout en prenant naturellement en compte les préoccupations exprimées par les auteurs des deux amendements, dont l’objectif est de créer la situation juridique la plus satisfaisante pour les associations, nous ne devons pas faire l’impasse sur un autre aspect de la question : l’article sur lequel sont fondées juridiquement ces immunités est aussi l’article sur la base duquel un certain nombre de poursuites de natures extrêmement différentes sont engagées.

La commission considère comme dangereux de déstabiliser l’action des différents services concernés qui s’appuient sur ces articles, et ce dans le seul but d’assurer aux associations une protection, laquelle peut parfaitement être prévue au travers du système d’immunités. Compte tenu de la diversité des cas qu’il couvre, ce système, qui a été précisé et que nous proposerons ultérieurement de préciser davantage, nous semble en effet mettre les associations à l’abri de véritables risques.

Je tiens à souligner que l’article dont nous discutons, très contestable dans son principe – il a d’ailleurs été contesté !–, n’a pas été appliqué bien souvent. Nous avons ainsi tous relevé que ce délit de solidarité, pour choquant qu’il soit, avait donné lieu à un nombre très faible de poursuites.

Si nous mettons ces éléments bout à bout, nous pouvons tirer la conclusion qu’il n’est pas nécessaire de mettre en danger l’ensemble des procédures engagées à différents titres sur la base de cet article simplement pour apporter une précision sans doute utile, mais de notre point de vue superfétatoire.

Je comprends aussi la volonté des auteurs des amendements d’abroger le délit de solidarité, et leur détermination à cet égard. Certes, le parcours politique du ministre qui l’avait porté permet de comprendre pourquoi la solidarité pouvait être considérée par lui comme un délit. Mais ce n’est pas une raison pour faire montre d’un esprit trop vindicatif.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, qui ne sont pas aussi anodins qu’ils en ont l’air.

Je comprends la volonté de leurs auteurs, mus par un souci non seulement d’amélioration du texte, mais aussi d’aide et de soutien aux personnes concernées. La plupart d’entre nous reconnaissons d’ailleurs – M. le rapporteur vient de l’indiquer pour sa part – le problème posé par ce délit de solidarité.

Toutefois, le Gouvernement ne peut pas souscrire à l’option proposée dans ces deux amendements, pas plus au niveau des intentions qu’à celui de leur application concrète. Faire reposer l’incrimination sur la preuve d’un avantage financier affaiblirait totalement la lutte contre les filières.

Une incrimination liant la nature même du délit à son mobile rendrait plus complexe – et le mot est faible ! – la tâche des services de police chargés du démantèlement des filières. Ce que vous proposez remettrait donc en cause la possibilité concrète et réelle de s’attaquer aux filières.

Le Gouvernement souhaite donc le maintien du délit d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier dans la rédaction actuelle de l’article L. 622-1 du CESEDA, tout en étendant les exemptions prévues à l’article L. 622-4 du même code lorsque l’aide au séjour constitue un acte de solidarité.

Il y a là un équilibre : nous mettons fin au délit de solidarité, mais, dans le même temps, nous devons veiller à ne pas rendre inopérante la lutte contre les filières. J’entends que vous vous faites porte-parole des associations, mais je me fais moi, clairement, porte-parole de ceux qui luttent contre l’immigration irrégulière et contre ceux qui exploitent celle-ci.

Mon opposition aux deux amendements est donc une opposition de fond.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, la référence : « L. 621-1, » est supprimée ;

2° Le 2° est complété par les mots : «, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;

3° Après le 3°, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale sans but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux, lorsque l’aide désintéressée que cette personne physique ou morale peut apporter dans ce cadre n’a d’autre objectif que d’assurer des conditions de vie dignes et décentes à la personne de nationalité étrangère en situation irrégulière ou de conseils juridiques. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 33, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

bis Au 1°, les mots : «, sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément » sont supprimés ;

II. – Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

2° Le 2° est ainsi modifié :

a) Les mots : « sauf si les époux sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou » sont supprimés ;

b) Il est complété par les mots : «, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

La commission, toujours dans le souci de préciser le texte, souci qui, en l’espèce, n’est pas étranger aux préceptes d’une ancienne congrégation religieuse, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Ancienne pour moi, mais peut-être est-elle plus récente pour vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

J’en reviens à l’amendement n° 33, qui a pour objet de remédier à une difficulté dans l’articulation entre les dispositions de l’article L. 622-4 du CESEDA et celles de l’article 212 du code civil.

Monsieur le ministre, l’immunité que, avec beaucoup de générosité et le souci de répondre aux associations, vous avez introduite a eu pour effet de créer toute une série de situations dans lesquelles les conjoints sont désormais concernés et protégés, « sauf », est-il précisé, « si les époux sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé ». Or ces restrictions ne figurent pas dans l’article 212 du code civil, d’où il ressort que les conjoints séparés ou qui ne vivent pas en communauté sont toujours tenus l'un envers l'autre à un devoir d'assistance.

Il serait paradoxal de poursuivre une personne au motif qu’elle n’aurait pas respecté les dispositions de l’article L. 622-4 ou de la priver de l’immunité alors qu’elle se serait simplement soumise à l’obligation de secours et d’assistance que lui fait le code civil.

Nous proposons donc de supprimer ces restrictions afin de réintégrer les époux se trouvant dans ces situations dans la liste des personnes bénéficiant d’une immunité.

Je suis persuadé, monsieur le ministre, que la Compagnie de Jésus aurait approuvé notre amendement !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

J’ai le sentiment que vous regrettez l’influence de cette grande compagnie, monsieur le rapporteur ! Il se trouve que, voilà près d’un siècle, dans un pays voisin, ma famille, qui exerçait le triste métier de banquier, s’occupait des finances de cette compagnie.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

D’où également la connaissance que j’ai, pour dire les choses clairement, de ceux qui « tournent autour du pot », mais ils le faisaient avec beaucoup plus de talent que nous… Je m’en remets à la sagesse de votre assemblée sur cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 29, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale ne poursuivant pas un but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant de façon désintéressée des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinés exclusivement à leur assurer des conditions de vie dignes et décentes. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

C’est un amendement de clarification rédactionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Après les mots :

de soins médicaux

insérer les mots :

ou de conseils juridiques

2° Supprimer les mots :

ou de conseils juridiques

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 4 rectifié est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 29 ?

L'amendement est adopté.

L'article 8 est adopté.

Le III de l’article 28 de l’ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna est ainsi modifié :

1° Le 2° est complété par les mots : «, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;

2° Au 3°, les mots : « sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger » sont remplacés par les mots : « sauvegarde de la personne de l’étranger » ;

3° Après le 3°, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale sans but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant des prestations de restauration, d’hébergement, de soins médicaux ou de conseils juridiques, lorsque l’aide désintéressée que cette personne physique ou morale peut apporter dans ce cadre n’a d’autre objectif que d’assurer des conditions de vie dignes et décentes à la personne de nationalité étrangère en situation irrégulière. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 34, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

1°A Au 1°, les mots : «, sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément » sont supprimés ;

II. – Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

1° Le 2° est ainsi modifié :

a) Les mots : « sauf s’ils sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou » sont supprimés ;

b) Il est complété par les mots : «, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;

La parole est à M. le rapporteur.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 30, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale ne poursuivant pas un but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant de façon désintéressée des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinés exclusivement à leur assurer des conditions de vie dignes et décentes. »

La parole est à M. le rapporteur.

L'amendement est adopté.

L'article 9 est adopté.

Le III de l’article 30 de l’ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française est ainsi modifié :

1° Le 2° est complété par les mots : «, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;

2° Au 3°, les mots : « sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger » sont remplacés par les mots : « sauvegarde de la personne de l’étranger » ;

3° Après le 3°, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale sans but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant des prestations de restauration, d’hébergement, de soins médicaux ou de conseils juridiques, lorsque l’aide désintéressée que cette personne physique ou morale peut apporter dans ce cadre n’a d’autre objectif que d’assurer des conditions de vie dignes et décentes à la personne de nationalité étrangère en situation irrégulière. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 35, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

1°A Au 1°, les mots : «, sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément » sont supprimés ;

II. - Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

1° Le 2° est ainsi modifié :

a) Les mots : « sauf s’ils sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou » sont supprimés ;

b) Il est complété par les mots : «, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;

La parole est à M. le rapporteur.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 31, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale ne poursuivant pas un but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant de façon désintéressée des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinés exclusivement à leur assurer des conditions de vie dignes et décentes. »

La parole est à M. le rapporteur.

L'amendement est adopté.

L'article 10 est adopté.

Le III de l’article 30 de l’ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :

1° Le 2° est complété par les mots : «, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;

2° Au 3°, les mots : « sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger » sont remplacés par les mots : « sauvegarde de la personne de l’étranger » ;

3° Après le 3°, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale sans but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant des prestations de restauration, d’hébergement, de soins médicaux ou de conseils juridiques, lorsque l’aide désintéressée que cette personne physique ou morale peut apporter dans ce cadre n’a d’autre objectif que d’assurer des conditions de vie dignes et décentes à la personne de nationalité étrangère en situation irrégulière. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 36, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

1°A Au 1°, les mots : «, sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément » sont supprimés ;

II. - Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

1° Le 2° est ainsi modifié :

a) Les mots : « sauf s’ils sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou » sont supprimés ;

b) Il est complété par les mots : «, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Il s’agit également d’un amendement de coordination.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 32, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale ne poursuivant pas un but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant de façon désintéressée des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinés exclusivement à leur assurer des conditions de vie dignes et décentes. »

La parole est à M. le rapporteur.

L'amendement est adopté.

L'article 11 est adopté.

L’article L. 552-5, le I de l’article L. 611-1 et les articles L. 611-1-1, L. 611-4, L. 622-4, L. 624-1 et L. 624-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans leur rédaction issue de la présente loi, sont applicables à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Kalliopi Ango Ela, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Je tiens tout d’abord à indiquer que les informations qui ont été apportées lors des débats de ce soir ont été extrêmement éclairantes pour moi. En effet, certaines des précisions données par M. le ministre sur le prochain projet de réforme du droit des étrangers, prévu au premier trimestre prochain, rejoignent incontestablement les préoccupations du groupe écologiste.

Ainsi, je ne peux que me réjouir de l’annonce de la création d’une carte de séjour pluriannuelle, vraisemblablement d’une durée de trois ans, évitant aux étrangers présents sur notre territoire d’avoir à faire renouveler chaque année leur titre. Cette innovation, nécessaire à l’intégration de nos concitoyens de nationalité étrangère, permettra certainement d’éviter bien des tracas administratifs.

Elle remédiera en particulier aux problèmes liés aux récépissés de renouvellement de carte de séjour temporaire d’une année. Ces récépissés occasionnent une réelle précarité et sont souvent un obstacle à l’embauche de la personne qui en est titulaire pour les employeurs.

Je salue également l’engagement pris par M. le ministre d’améliorer le délai de traitement des demandes d’asiles en augmentant les effectifs de l’OFPRA et de la CNDA.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué lors de la discussion générale l’attention que vous portiez aux élus soucieux d’intervenir en faveur de l’admission au séjour d’étrangers parfaitement intégrés sur notre territoire. Vous n’êtes pas sans savoir que nous faisons, mes collègues du groupe écologiste et moi-même, partie de ceux-ci. Nous attendons donc beaucoup de votre prochain texte.

L’indication relative à la désignation d’un parlementaire en mission pour mener une réflexion globale sur l’intervention des juges judiciaires et administratifs est un autre élément extrêmement positif.

Même si j’ai conscience du contexte particulier de son dépôt, j’estime cependant que le texte qui nous est soumis aujourd'hui n’a pas suffisamment évolué au cours de nos discussions pour répondre aux attentes des écologistes.

J’ai exposé notre réticence à l’égard de la création de la retenue de seize heures, mesure dérogatoire au droit commun et spécifique aux étrangers. J’ai également regretté la création d’un nouveau délit à l’article 6 du projet de loi.

Je salue l’adoption de l’amendement n° 28, déposé par la commission, et la réduction du délai de prescription du délit d’entrée irrégulière sur le territoire, mais cette avancée n’est malheureusement pas encore suffisante.

Dès lors, les sénatrices et sénateurs écologistes ne pourront pas voter le présent projet loi et ont décidé de s’abstenir.

Je suis cependant certaine, au regard des annonces faites par M. le ministre, que nous serons davantage « en phase » sur le prochain projet de réforme globale du CESEDA.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mon amie Laurence Cohen a exposé lors de la discussion générale les sources de désenchantement présentes dans ce texte. Eh bien, à l’issue de la discussion des articles, ces sources de désenchantement n’ont pas disparu !

Je veux tout de même rappeler que le Conseil constitutionnel avait été saisi par des parlementaires socialistes lorsque Nicolas Sarkozy avait fait reculer l’intervention du juge des libertés et de la détention à cinq jours. À l’évidence, c’était hier et nous sommes aujourd'hui…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je dois dire que nous nous attendions à mieux. Ce projet de loi a été justifié à plusieurs reprises dans la discussion générale par un prétendu vide juridique créé par les condamnations de la Cour de justice de l’Union européenne. Or ce vide n’existe pas : si les articles censurés par la Cour ne sont plus applicables, empêchant ainsi la garde à vue, reste le droit commun. Il y a vide juridique quand aucune loi n’est applicable !

Monsieur le ministre, vous avez dit que les lois de la République s’appliquaient à tous de la même manière. C’est faux. Il existe bien un droit spécifique aux étrangers, comme en témoignent de nombreuses dispositions du CESEDA, de même que l’article 2 du présent projet de loi. Je pense à l’article L. 611-1, qui permet les contrôles de titre de séjour n’importe où et n’importe comment, ou encore à la retenue des étrangers.

Aucune urgence ne s’imposait donc si ce n’est celle d’une profonde réforme du CESEDA afin de le nettoyer de toutes ses dispositions liberticides.

Par ailleurs, nous sommes étonnés que ce projet de loi n’ait pas été contresigné par Mme la ministre de la justice alors que certaines de ses dispositions concernent le procureur de la République.

Pour toutes ces raisons, et compte tenu du sort qui a été réservé à nos amendements – du ton aussi qui a parfois été employé dans les avis –, les élus communistes républicains et citoyens voteront contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je veux d’abord saluer la qualité des échanges et du travail accompli. Je me félicite aussi des positions qui se sont exprimées sur toutes les travées de notre assemblée : même ceux de nos collègues qui ne voteront pas le texte ont évoqué des questions qui nous touchent aussi beaucoup et que nous aurons à cœur de revoir lors de la réforme plus profonde du CESEDA.

S’agissant ensuite du texte lui-même, l’article 1er a fait l’objet de quelques aménagements proposés par le Gouvernement ; tout se jouera dans la façon dont il sera mis en œuvre. Notamment au regard de leur interprétation par la Cour de cassation, l’application des dispositions que nous avons votées sera en effet une gageure dans la pratique. Au moins avons-nous établi les bases pour empêcher le contrôle au faciès. J’ai toutefois conscience que c’est sur la durée que la réussite pourra être au rendez-vous.

Pour les articles 2 et 6, je fais confiance au bicamérisme et au débat qui aura lieu bientôt à l’Assemblée nationale pour prolonger nos échanges, notamment sur l’usage du fichier automatisé des empreintes digitales. Il est tout de même essentiel de veiller à ce que la finalité d’un fichier ne soit pas modifiée, et la discussion qui a été engagée ici pourra utilement être poursuivie à l’Assemblée nationale.

Des précisions sont encore nécessaires pour que la loi soit aussi claire et aussi applicable que possible, pour que l’ensemble de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation y soit intégré aussi clairement que possible.

Sans doute, comme le débat l’a montré, certaines améliorations sont-elles encore nécessaires. Ce sera le rôle de nos collègues de l’Assemblée nationale !

En conclusion, monsieur le ministre, nous sommes impatients de travailler en 2013 sur une nouvelle version du CESEDA qui, sur bien des aspects, rétablira la tradition française d’accueil, rappellera que la France s’est construite sur ces générations de migrants qui lui ont donné sa vitalité, une grande partie de son identité actuelle et ont participé à son histoire.

Pour toutes ces raisons, nous voterons ce texte et je rends hommage au bicamérisme et au travail qui va être maintenant accompli à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je confirme que mon groupe votera unanimement ce texte, qui est indispensable. En effet, à la suite des décisions tant de la Cour de justice de l’Union européenne que de la Cour de cassation, on ne pouvait pas en revenir à l’application d’un droit commun et à une retenue « de quatre heures » qui, tout le monde le sait, était strictement impossible à mettre en œuvre. Ce texte était nécessaire, car il y avait urgence.

Monsieur le ministre, c’est un texte équilibré et sous-tendu par le souci de respecter les droits fondamentaux des personnes concernées. Il démontre la volonté tout à fait claire d’assurer un véritable équilibre entre les nécessités d’un contrôle des entrées sur notre territoire et ce strict respect des libertés.

Pour toutes ces raisons, nous voterons sans aucun état d’âme ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

À cette heure tardive, nous avons scrupule à intervenir une nouvelle fois étant donné que nous nous sommes déjà expliqués lors de la discussion générale. Toutefois, chaque groupe s’étant exprimé, nous vous confirmons que nous voterons ce texte.

En effet, comme l’a très bien expliqué M. Jacques Mézard, on ne peut pas laisser sans moyens les services chargés des contrôles. Il est d’ailleurs tout à fait légitime pour un État de contrôler les flux migratoires. Il fallait donc un dispositif qui soit, bien sûr, respectueux des libertés publiques – et sur ce point je pense que toutes les garanties ont été prises – et en même temps efficace.

Conserver la procédure de retenue de quatre heures revenait à ne plus avoir de politique de contrôle de l’immigration. Les autres suppressions voulues par certains aboutissaient à annihiler toute politique de répression, pourtant nécessaire quand tous les moyens ont été utilisés sur le plan administratif. Cela signifie alors qu’il n’y a plus d’État de droit !

La générosité, c’est très bien, mais vous savez pertinemment qu’il doit y avoir un contrôle des flux migratoires. D’ailleurs, monsieur le ministre, vous nous avez proposé d’avoir sur ce sujet des débats, portant non pas simplement sur des chiffres, mais aussi sur des objectifs. Il faut aussi tenir compte de l’évolution du monde ?

Les nouveaux migrants arrivent d’Érythrée, de Somalie. Il n’en était pas de même voilà trois ou quatre ans ! La situation dans laquelle se trouvent un certain nombre de pays explique aussi que leurs habitants soient incités à rechercher ailleurs un sort qu’ils espèrent meilleur.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Pourquoi ? Vous interrogez-vous sur les causes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le ministre, vous le savez fort bien, si l’Europe, et non la France toute seule, ne fait pas un effort supplémentaire pour aider un certain nombre de pays à se développer, les flux migratoires perdureront ; cela fait longtemps qu’on le dit ! En raison des restrictions budgétaires actuelles, nous avons évidemment tendance, au contraire, à vouloir diminuer un peu notre effort. Or, sur le long terme, ce serait une erreur magistrale, car l’aide au développement, qui doit être traitée à l’échelon européen, est aussi l’une des conditions nécessaires pour réduire les flux migratoires.

Nous aurons certainement l’occasion, lors d’autres débats, de revenir sur ces questions, en particulier sur le droit d’asile. En attendant, nous voterons ce texte car il est indispensable, et, pour tous ceux qui sont attachés aux valeurs de la République, il correspond tout à fait, selon moi, à ce qu’un État doit faire non seulement pour que les personnes soient protégées mais aussi pour que l’état de droit soit respecté par tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

À cette heure, je m’en tiendrai à quatre brèves considérations.

Premièrement, le travail de la commission a été approfondi ; un grand nombre de réflexions en ont résulté et il a amené au vote d’un premier texte puis d’un second texte. Le débat a conduit en particulier – je tiens à le souligner – à prendre en compte la condition des êtres humains soumis à la procédure : assistance d’un interprète, d’un avocat, possibilité d’être examiné par un médecin, de prévenir la famille ou toute personne de son choix, d’avertir ou de faire avertir les autorités consulaires, de bénéficier de l’information nécessaire, de ne pas être placé dans un local accueillant des personnes en garde à vue.

Enfin, grâce tout particulièrement à la vigilance de notre rapporteur, M. Gaëtan Gorce, il a été précisé que les opérations de vérification pourraient donner lieu, après information du procureur de la République, à la prise d’empreintes digitales ou de photographies, lorsque celle-ci constitue un moyen d’établir la situation de la personne.

Par conséquent, un certain nombre de procédures garantissent la liberté des personnes, leurs droits. C’est un aspect important qui résulte, pour partie, du travail de la commission.

Deuxièmement, s’agissant de la question du juge des libertés et de la détention, nous attachons beaucoup d’importance aux propos que vous avez tenus au cours de ce débat, monsieur le ministre.

Je tiens à le redire, ce juge joue un rôle important et ceux qui le contestent a priori, comme je l’ai entendu, non dans cette enceinte, mais ici ou là, ne sont pas cohérents. Ce juge a des responsabilités et, dans un centre de rétention, il n’est pas un intrus. Au contraire, sa présence peut être utile.

Monsieur le ministre, j’ai compris qu’il s’agissait pour vous d’une vraie question, et même si une impérieuse obligation m’a empêché de vous l’entendre dire tout à l’heure, ce dont je vous prie de m’excuser, je sais que vous ne voulez pas la traiter à la légère.

En outre, vous avez précisé que le rapport de notre collègue parlementaire serait cadré dans le temps, au premier trimestre de l’année prochaine. Par conséquent, au cours du deuxième trimestre sera examiné ici un texte prenant en compte l’ensemble de la question – y compris les nouvelles durées de séjour qui seront proposées – et le débat permettra de revenir sur la présence du juge des libertés et de la détention.

Troisièmement, j’ai écouté avec beaucoup d’attention ce que vous avez dit sur l’abrogation, monsieur le ministre. Nous ne sommes nullement fétichistes, vous non plus d’après ce que j’ai compris. Il n’est pas question d’abroger pour abroger ! Nous ne pouvons ignorer les débats que nous avons eus ici et ce que nous avons défendu avec Robert Badinter sur un certain nombre de points. Nous voulons y revenir.

Cela dit, vous avez raison, il faut toujours proposer une autre solution ; c’est le travail le plus difficile ! Cela vaut pour d’autres sujets, le conseiller territorial, par exemple, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir. Là encore, il ne sera pas question d’abroger pour abroger. Il nous faudra faire des propositions, mes chers collègues. Certains ne manqueront pas de nous le rappeler, n’est-ce pas monsieur Hyest ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je vous entends d’avance, car nous nous connaissons bien !

Enfin, sur les différents points que je viens de citer, malgré un certain nombre de divergences qu’il ne s’agit pas de nier car elles existent et partagent quelquefois les groupes politiques eux-mêmes – le débat l’a montré, notamment en commission –, je considère qu’il y a eu de réelles avancées et les garanties qui ont été données sont importantes. Par conséquent, ce débat a été utile.

Mes chers collègues, n’ayant fait état, vous l’aurez remarqué, que de trois considérations sur les quatre annoncées, j’en viens à la quatrième. §

Puisqu’un certain nombre de ceux qui ont participé à ce débat ont été, sont ou seront des amis de Michel Rocard – le futur s’applique à Mme Éliane Assassi en particulier ! –, je vous indique que nous sont particulièrement chers les deux membres de phrase que vous avez bien voulu rapporter, monsieur le ministre, et que M. Jean-Jacques Hyest a cités de manière cursive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Hyest, je dirai simplement que notre position est très claire : la France est une terre ouverte ; elle est un lieu où l’on chérit les libertés et où l’on a le sens de l’accueil. En même temps, nous pensons qu’il faut résolument maîtriser notre immigration. Pour nous, ces deux points ne sont nullement contradictoires, ils sont complémentaires. Je tiens, comme l’a fait M. le ministre, à le souligner. C’est une conception à laquelle, pour notre part, nous souscrivons très largement.

Mme Éliane Assassi et M. Jean-Yves Leconte applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls

À cette heure tardive, moins tardive toutefois que ce que nous avions imaginé, je souhaite d’abord remercier, en quelques mots, toutes celles et ceux qui ont participé à ce débat, qui fut de très grande qualité, sur un sujet toujours délicat.

J’ai eu l’occasion, dans mon propos liminaire, de revenir sur un certain nombre de choix effectués depuis six mois par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Je pense aux étudiants et aux conditions de rétention, s’agissant plus particulièrement de la présence des familles et des enfants dans les centres de rétention.

J’ai souligné que nous publierions dans quelques jours une circulaire relative aux régularisations, rappelant nos principes et objectifs quant au nombre de ces régularisations.

J’ai annoncé que nous préparions un projet de loi qui porterait, notamment, sur un nouveau titre de séjour. Ce texte sera défendu par le Gouvernement au cours du premier semestre de l’année 2013, après que le parlementaire en mission aura remis le travail dont il a été chargé sur cette question et que le débat sur l’immigration économique et les étudiants étrangers, qui devrait intervenir au début de l’année prochaine, aura eu lieu.

Le présent texte a pour objet d’abolir le délit de solidarité, mais aussi, c’est le point essentiel, de combler un vide juridique. Il y va de l’État de droit et de notre capacité à mener une politique de traitement des dossiers des étrangers en situation irrégulière. L’adoption définitive de ce projet de loi nous permettra de nous doter des moyens nécessaires.

Nous menons une politique à la fois juste, respectueuse des droits des personnes et ferme. Il s’agit de lutter contre l’arbitraire en tenant compte de la situation de l’Europe et du monde. Cela nécessite débats, maîtrise de ces débats, apaisement et fermeté. L’État doit avoir les moyens de faire face aux grands défis de l’immigration, notamment aux problématiques liées à l’immigration irrégulière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le fait que ce texte puisse être voté à une très large majorité, grâce au soutien de nombreux groupes, à l’issue d’un débat de qualité, renforcera bien sûr la politique du Gouvernement mais surtout la cohésion de notre pays. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 12 novembre 2012, à quinze heures et le soir :

1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention relative à l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) (n° 455, 2011-2012) ;

Rapport de M. Bertrand Auban, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (75, 2012-2013) ;

Texte de la commission (n° 76, 2012-2013).

2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord relatif aux pêches dans le sud de l’océan Indien (714, 2011-2012) ;

Rapport de M. André Trillard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (77, 2012-2013) ;

Texte de la commission (n° 78, 2012-2013).

3. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord sur le transport aérien entre le Canada et la Communauté européenne et ses États membres (715, 2011-2012) ;

Rapport de M. Christian Cambon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (79, 2012-2013) ;

Texte de la commission (n° 80, 2012-2013).

4. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires (719, 2011-2012) ;

Rapport de M. André Trillard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (81, 2012-2013) ;

Texte de la commission (n° 82, 2012-2013).

5. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2013 (103, 2012-2013).

Rapport de MM. Yves Daudigny, Ronan Kerdraon, Mmes Isabelle Pasquet, Christiane Demontès et M. Jean-Pierre Godefroy, fait au nom de la commission des affaires sociales (107, 2012-2013) ;

Avis de M. Jean-Pierre Caffet, fait au nom de la commission des finances (104, 2012-2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le vendredi 9 novembre 2012, à une heure.