Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre aux différents orateurs qui se sont exprimés.
Je partage le sentiment de M. le rapporteur et de M. Michel, qui est aussi celui de la plupart d’entre vous : le texte qui vous est présenté est un texte d’équilibre.
Le souhait du Gouvernement est à la fois de lutter efficacement contre l’immigration irrégulière et de garantir le respect des droits des étrangers, sans laisser place au moindre arbitraire.
Comme MM. Michel et Leconte l’ont fait observer, le projet de loi ne touche pas à l’ensemble des aspects du droit des étrangers. Mais il apporte des réponses concrètes qui sont nécessaires et attendues.
Le projet de loi va être enrichi par vos amendements s’agissant de la limitation du contrôle de titres au faciès, de la fin du délit de séjour irrégulier, dont le caractère symbolique a été souligné, et de la fin du délit de solidarité pour les associations désintéressées.
En revanche, je ne crois pas que le fait de scinder la période de retenue en deux temps marquerait un progrès ; à mes yeux, ce serait un élément de complexité supplémentaire, n’apportant aucune garantie réelle pour l’étranger retenu.
Les garanties figurent déjà dans le projet de loi et M. Yung les a énumérées : il s’agit notamment de la présence d’un avocat, d’un médecin et d’un interprète. Monsieur Sueur, elles ont incontestablement été enrichies par la commission des lois.
Cela dit, je suis attentif au problème soulevé par M. Hyest : la difficulté du travail des policiers et des gendarmes est une réalité. Ne croyons pas un seul instant que la tâche qui leur est confiée soit des plus facile ! Elle est indiscutablement compliquée, d’un point de vue juridique mais aussi d’un point de vue humain.
Mme Cohen s’est déclarée désenchantée par le projet de loi ; je ne doute pas que Mme Assassi nous exposera, dans la suite du débat, les raisons de cette position.
Il est vrai que nous n’avons pas proposé la dépénalisation totale du droit des étrangers. Quand toutes les procédures administratives prévues par le droit européen ont échoué, il reste une place, subsidiaire mais nécessaire, à la sanction pénale.
Je me garderai bien d’écarter d’un revers de la main la question importante et compliquée du rôle du juge des libertés et de la détention ; M. Yung en a présenté les termes de la manière la plus équilibrée possible.
Monsieur le président de la commission des lois, sur ces questions complexes, nous devons essayer d’avancer en nous gardant de légiférer dans l’urgence.
Le Premier ministre a accepté de désigner un parlementaire en mission pour examiner la question de la garantie juridictionnelle des droits et préparer un autre projet de loi touchant notamment à la création d’un nouveau titre de séjour pluriannuel.
Mme Cohen et M. Leconte ont évoqué ce que l'on appelle les « contrôles au faciès ». Je les combats, et je pense que nous les combattons tous. C’est pourquoi je vous invite à voter l’amendement que le Gouvernement a déposé sur ce point.
Le sujet est complexe : il n’est qu’à regarder les expériences à l'étranger. Des outils existent pour lutter contre le contrôle au faciès, et nous allons les examiner, avec le souci d’aider les policiers à accomplir leur mission : cela va du vouvoiement à l’affichage du matricule, en passant, pourquoi pas, par la caméra embarquée dans certaines circonstances, sans oublier la refonte du code de déontologie à laquelle nous sommes en train de travailler et qui aboutira très vite. J’y suis évidemment sensible, tout comme le sont policiers et gendarmes.
Pour autant, ne croyons pas que les outils juridiques ou techniques suffisent. C'est plutôt une question d'état d'esprit : il faut redonner aux forces de l'ordre les moyens d’exercer pleinement leur mission, autrement dit ce qui constitue le cœur de métier, à savoir s'attaquer à la délinquance, aux trafics de drogue et d'armes, aux violences sur les personnes, aux cambriolages, etc. Ces évolutions prendront nécessairement du temps car, durant plusieurs années, l’attention a été trop centrée sur cet aspect dont nous parlons du travail de la police.
M. Marseille, s’exprimant au nom du groupe UDI-UC, a rappelé que ce texte avait notamment pour objet de réparer un vide juridique qui résultait d'une mauvaise transposition de la directive Retour.
La mesure proposée, la retenue – nous nous sommes d’ailleurs beaucoup interrogés sur la dénomination –, répond ainsi à ce vide juridique, que la seule vérification d’identité de quatre heures ne pouvait combler étant donné la complexité humaine, juridique, technique, géographique de ces contrôles.
La retenue s’exerce pour une durée maximale de seize heures : c’est nettement inférieur au temps de la garde à vue, qui devenait la norme pour l’éloignement des étrangers. Scinder ce délai, je l’ai dit, fragiliserait juridiquement cette procédure, sans offrir de véritables garanties.
M. Marseille a souligné à juste titre que la fin du délit de solidarité pour les associations désintéressées constituait une mesure attendue et légitime. Dans notre pays, nul ne doit être inquiété parce qu’il a apporté une aide purement humanitaire à un étranger, celui-ci fût-il en situation irrégulière. Certes, cette incrimination n'était pas appliquée mais, incontestablement, elle pesait comme une épée de Damoclès sur les associations. C'est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs – c'est le seul conseil d'ancien parlementaire que je formulerai, d’autant que je sais votre assemblée d’ores et déjà tout à fait consciente du problème –, je vous invite à ne pas légiférer si cela revient à prévoir des sanctions qui ne sont pas applicables et, de fait, pas appliquées.
En tout cas, la politique mise en œuvre par ce gouvernement – maîtriser les flux migratoires sans pour autant accepter les stigmatisations et les amalgames, qui n’ont du reste sûrement pas cours ici – se veut équilibrée, respectueuse à la fois du droit et des droits.
Monsieur Mézard, je vous remercie de voir dans ce texte, qui répond effectivement à l’urgence, non une preuve de reniement et une source de désenchantement, mais la manifestation de la raison. Il s’agit d’allier les exigences d’une politique cohérente et lucide avec celles, humanistes, d’une tradition d’accueil. Ces valeurs constituent d’ailleurs le socle de votre formation politique et rassemblent tous les républicains. Il est toujours facile de qualifier un texte d’une façon ou d’une autre, mais nous parlons là de politique concrète.
Vous avez évoqué de façon fort pertinente, comme tous ceux qui sont intervenus au nom de la majorité, les effets très négatifs de l'empilement législatif sur le droit des étrangers. Vous avez aussi rappelé que l’on ne pouvait pas improviser notre politique migratoire et renoncer à lutter contre l’immigration irrégulière.
Je veux souligner combien ces questions sont complexes partout en Europe. Lundi dernier, à l'occasion de l'assemblée générale d'Interpol, j'ai longuement discuté avec mon homologue italienne, en charge de ces questions en tant que ministre de l'intérieur. L'Italie est confrontée, du fait de sa position géographique, à des problèmes majeurs