L’Europe doit également faire face à de fortes pressions, par exemple dans le secteur de Ceuta et Melilla, au Maroc, et à des drames humains intolérables. Nous voyons combien l'Europe, c'est-à-dire les pays qui en sont membres, doit organiser cette politique migratoire. Ce sont là des défis que notre société doit relever.
Monsieur Mézard, vous avez souligné que le Gouvernement n’avait pas travaillé dans la précipitation. La durée de seize heures a été fixée après un examen vigilant des contraintes pesant sur l’administration, pour limiter la durée de cette retenue au temps strictement nécessaire. Après la décision de la Cour de cassation, nous avons fait en sorte d’aboutir à un texte équilibré et juste.
Monsieur Buffet, je tiens à souligner la qualité et la précision de votre intervention. Il est vrai que vous connaissez parfaitement ces sujets. Je suis prêt à ouvrir avec vous, comme avec M. Hyest, un débat sur les raisons pour lesquelles nous devons aujourd'hui légiférer. Je l’ai dit tout à l'heure, le gouvernement précédent aurait dû anticiper cette décision.
Ce sont des sujets compliqués, nous l'avons vu en matière de garde à vue, voilà deux ans. Monsieur Hyest, nous pourrions reprendre vos analyses sur la Cour de cassation, tant il est vrai que la Cour de justice de l'Union européenne a donné un certain nombre d'indications que la Cour de Cassation a appliquées de manière très stricte. Le Gouvernement est mis face à ses responsabilités et doit traiter ce problème : il les assume.
Je partage évidemment l'idée selon laquelle la maîtrise des flux migratoires constitue une nécessité, un impératif des politiques publiques. Peut-être suis-je naïf, mais cela doit faire l’objet d’un débat public serein, d’une qualité égale à celle qui caractérise notre discussion de ce soir. Le pays y gagnerait beaucoup.
Monsieur Buffet, vous avez souligné que l’utilisation de la seule procédure de vérification d’identité ne nous permettait plus d’assurer une lutte contre l’immigration irrégulière qui soit à la fois efficace et respectueuse des droits. Je prends acte de votre soutien, en espérant qu’il sera confirmé dans la suite de la discussion.
Sur le délit de solidarité, vous avez rappelé avec raison que la jurisprudence du Conseil constitutionnel avait encadré le délit d’aide au séjour irrégulier et que des immunités pénales existaient déjà dans le texte antérieur. Néanmoins, reconnaissez avec moi que le texte de la loi n’était pas dépourvu d’ambiguïté pour ce qui concerne les associations et qu’il convenait de faire en sorte que l'aide désintéressée des associations ne puisse pas être poursuivie pénalement. Ce texte est pour nous l’occasion d’avancer sur ce point et l’examen des amendements nous permettra d’apporter les précisions nécessaires.
En tout cas, je vous remercie du soutien que vous apportez à ce texte, qui n'est en rien, je le répète, une cathédrale législative traitant l’ensemble des problématiques relatives à l'immigration ; il me paraît important qu’il puisse être approuvé à large majorité.
Monsieur Mazars, je vous remercie d'avoir rappelé l'urgence qui nous rassemble aujourd'hui. J'ai dû engager la procédure accélérée sur deux textes, la loi relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, car il fallait procéder à des modifications législatives avant le 31 décembre prochain, et le présent projet de loi, car nous devons absolument disposer très vite d'outils efficaces dans le domaine concerné.
En matière de lutte contre l'immigration irrégulière, il faut retrouver une cohérence de l'action publique. Monsieur Mazars, vous avez insisté à juste titre sur le symbole que constituait la suppression du délit de solidarité. Vous avez également fait référence à un film illustrant la détresse de ceux qui se trouvent dans une situation épouvantable, depuis la suppression de Sangatte, dont on a « fêté » la fermeture. Reconnaissons que ces problèmes, s'ils ont été en partie résolus sur le secteur du Pas-de-Calais, se sont en revanche étendus sur l'ensemble de la côte française ainsi qu’en région parisienne. Il nous faut aussi faire face à l’augmentation des flux migratoires et des demandes d'asile – j’y reviendrai –, ainsi qu’aux drames que cela engendre.
Monsieur Leconte, je partage votre sentiment : l'intervention du Gouvernement était nécessaire pour redonner à nos procédures d'éloignement la sécurité juridique dont elles ont besoin. La directive Retour et son interprétation par la Cour de justice de l'Union européenne rendaient impossible le maintien de la garde à vue dans le cadre d'une procédure administrative d'éloignement : le seul fait de se trouver sans titre de séjour sur le territoire national ne doit pas relever du droit pénal.
Vous avez également souligné que l'un des objets de ce texte était d'assurer la conformité des contrôles des titres de séjour avec Schengen.
Lors de mon premier conseil Justice et affaires intérieures, à Luxembourg, au mois de juin dernier, j'ai réaffirmé l’attachement de la France à cet espace. Des défis se présentent à nous, notamment à l’occasion de l'entrée dans Schengen de la Roumanie et de la Bulgarie. Ce n'est guère facile, car nous sommes parfois allés trop vite sur ces questions. Il n'en demeure pas moins que Schengen reste un espace de liberté, tout comme l'espace judiciaire, dont l'actualité nous a démontré à quel point il était important dans la lutte contre le terrorisme.
De ce point de vue, les déclarations de mon prédécesseur, qui donnaient à l'ensemble de nos partenaires européens le sentiment que nous allions sortir de Schengen sans qu’elles trouvent jamais leur traduction en actes, m’ont troublé. J'ai, pour ma part, réaffirmé la volonté de la France, sous l'autorité du président Hollande, de rester dans Schengen. L'accord que nous avons trouvé dans le cadre du conseil JAI me paraît équilibré. Nous devons assumer nos obligations communautaires.
Pour ce faire, il faut aussi que la lutte contre l'immigration irrégulière au sein de l'Union européenne s'effectue selon des règles communes. En matière d'immigration, de garde à vue, de rétention, d'asile, ces règles sont en train d'évoluer. Avec le Parlement, nous devons être capables d'anticiper toutes ces évolutions dans des domaines aussi complexes que ceux que je viens d'énumérer. C'est plus qu’un souhait, c’est presque une requête que je formule, monsieur le président de la commission des lois.
Je tiens à vous rassurer sur la durée de la retenue. Le texte qui est présenté prévoit que la retenue ne peut excéder le temps strictement nécessaire ; le procureur peut y mettre fin à tout moment. Il n'y aura pas de retenue dont la longueur serait abusive ou « de confort ». Ce qui était abusif, c'était l'utilisation de la garde à vue dans le cadre d'une procédure administrative d'éloignement.