Cet amendement a pour objet de permettre un retour du rôle constitutionnel du juge judiciaire, en rétablissant l’intervention du juge des libertés et de la détention – le JLD – quarante-huit heures après le placement en rétention d’une personne, et non plus cinq jours après comme le prévoit la loi de 2011.
Sous couvert de l’information systématique du parquet de la retenue d’une personne, le projet de loi entend placer la procédure « sous le contrôle judiciaire », selon ce qui figure à la page 24 de l’étude d’impact. Or le parquet n’est pas un magistrat du siège au sens de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et, en matière de garde à vue, il ressort des décisions du Conseil constitutionnel que le principe en cause a acquis une valeur constitutionnelle.
Dans sa décision du 20 janvier 1981, ce dernier a jugé qu’au-delà de quarante-huit heures « l’intervention d’un magistrat du siège pour autoriser [...] la prolongation de la garde à vue, est nécessaire conformément aux dispositions de l’article 66 de la Constitution ». Encore récemment, dans une décision du 30 juillet 2010, il a estimé qu’au-delà de quarante-huit heures de privation de liberté l’article 66 de la Constitution impose qu’une telle mesure soit placée sous le contrôle d’un magistrat du siège.
Le report de l’intervention du juge judiciaire au cinquième jour suivant le placement en rétention n’est donc pas conforme au droit européen, non plus qu’aux articles 66 de la Constitution et IX de la Déclaration de 1789. Cette nouvelle mesure encourrait une sanction susceptible de paralyser à nouveau tout le dispositif.
Le Conseil constitutionnel a validé ce dispositif, mais le bilan d’un an d’application démontre qu’il est incompatible avec le respect des droits fondamentaux. En effet, non seulement le contrôle du JLD est tardif pour les étrangers qui ont la chance d’en bénéficier, mais, bien plus grave, la plupart des étrangers sont éloignés de notre territoire sans bénéficier de son contrôle. En métropole, de plus en plus de personnes retenues sont éloignées avant que le juge intervienne. En 2010 déjà, 8, 4 % des étrangers placés en rétention étaient éloignés avant la fin du deuxième jour de leur placement en rétention, donc en général sans que le JLD ait pu exercer son contrôle.
Depuis la réforme de l’été 2011, 25 % des personnes retenues sont éloignées au cours des cinq premiers jours de leur rétention, c’est-à-dire sans intervention du juge. Aucune d’entre elles ne peut alors bénéficier d’un contrôle judiciaire, pourtant primordial puisqu’il porte notamment sur le travail réalisé par la police et l’administration, de l’interpellation à l’arrivée en rétention, et peut-être lors de la retenue d’un étranger aux fins de vérification de sa situation administrative telle que prévue à l’article 2 du présent projet de loi.