Intervention de Kalliopi Ango Ela

Réunion du 8 novembre 2012 à 21h45
Vérification du droit au séjour et délit d'aide au séjour irrégulier — Article 2, amendement 26

Photo de Kalliopi Ango ElaKalliopi Ango Ela :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste a pris la mesure du souhait du Gouvernement de rompre avec la politique d’hostilité envers les étrangers soutenue par l’ancienne majorité, et j’aurai l’occasion de revenir sur ce point dans la suite de la discussion, en particulier lorsque nous examinerons l’article 8 du projet de loi. Bien entendu, nous saluons et encourageons cette démarche.

Nous avons également conscience de la spécificité de ce texte, dont le champ est extrêmement circonscrit, et nous attendons avec impatience la réforme plus globale du CESEDA.

Cependant, la création de la retenue pour vérification du droit au séjour, prévue par l’article 2 du projet de loi, ne nous semble pas nécessaire. En 2011, lors des débats relatifs à la loi dite « Besson », les sénatrices et sénateurs écologistes avaient vivement contesté la possibilité de punir d’une peine d’emprisonnement et, par conséquent, de placer en garde à vue des étrangers du seul fait de leur situation irrégulière sur le territoire français. Notre groupe s’est donc félicité des arrêts rendus par la Cour de cassation en juillet dernier, qui ont enfin tiré les conséquences des exigences communautaires.

Toutefois, selon nous, ces arrêts n’ont pas créé un vide juridique qu’il serait nécessaire de combler par l’institution d’un nouveau régime de retenue. Nous pensons que le dispositif actuel de vérification d’identité, applicable à tous, suffit amplement. Nous contestons le principe même de la création de mesures particulières et d’un régime de privation de liberté spécifique pour les personnes étrangères.

En outre, dans l’attente d’une réforme globale du droit des étrangers, ce nouveau régime s’inscrit dans le cadre du dispositif d’éloignement en vigueur, qui empêche la plupart des étrangers de bénéficier d’un contrôle du respect de leurs droits par un juge indépendant. En effet, depuis la loi du 16 juin 2011, il faut attendre cinq jours de rétention administrative pour que le JLD puisse enfin se prononcer sur la décision de placement en rétention prise par le préfet, et ce à l’issue du délai maximal imparti au juge administratif. En d’autres termes, si cet article 2 était adopté en l’état, l’étranger retenu jusqu’à seize heures en vue de la vérification de son droit au séjour, et ensuite placé en rétention administrative, risquerait d’être reconduit à la frontière avant même que le JLD ait pu se prononcer sur la régularité de la nouvelle mesure de retenue.

Le fait que l’article 2 du projet de loi prévoie que le procureur de la République peut « mettre fin à la retenue à tout moment » ne suffit évidemment pas à garantir l’effectivité des droits de l’étranger retenu, le procureur n’étant pas une autorité indépendante, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt France Moulin du 23 novembre 2010.

Enfin, je tiens à préciser que, si nous sommes déjà défavorables à l’article 2 issu des travaux de la commission, qui prévoit une durée de retenue ne pouvant excéder dix heures, la retenue pouvant toutefois être prolongée de six heures dans certains cas, nous sommes encore plus défavorables à l’amendement n° 26 rectifié, déposé par le Gouvernement, qui prévoit un retour à la rédaction initiale, c'est-à-dire à une durée de retenue pouvant atteindre seize heures.

Les écologistes contestent le principe même de la mesure d’exception prévue par l’article 2 du projet de loi. Nous plaidons en faveur de l’application aux étrangers de la durée de droit commun de quatre heures prévue dans le cadre des vérifications d’identité, et nous voterons donc contre cet article.

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