Je voudrais, à titre liminaire, excuser Thierry Foucaud, qui ne peut pas être présent aujourd'hui parmi nous, pour des raisons familiales.
L'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire » intervient dans un climat radicalement différent de ce qu'il était l'année dernière à la même époque. En 2013, cette mission bénéficiera de la priorité donnée par le Gouvernement à la jeunesse en général et à l'éducation en priorité.
Comme d'habitude, avec mon collègue Thierry Foucaud, nous nous sommes partagés les très nombreux sujets couverts par la mission. En son absence, après mes propres observations, je vous ferai part de son appréciation sur ce budget.
Un mot tout d'abord des grandes masses budgétaires. Hors CAS pensions, les moyens passeront de 45,4 milliards d'euros en 2012 à 45,7 milliards en 2013 puis 46,1 milliards en 2014 et 46,6 milliards en 2015. En moyenne, entre 2013 et 2015, la progression des crédits s'établit donc à + 0,86 % par an. Contrairement à ce que certains ont pu dire, cette évolution ne représente pas une fuite en avant en faveur de toujours plus de moyens, sans s'interroger sur les finalités pédagogiques des dotations budgétaires. Le Gouvernement n'a pas fait le choix de la quantité contre la qualité.
L'examen des crédits montre simplement que 2013 est une année de transition entre la période que l'on pourrait appeler de « vaches maigres » mise en oeuvre par le précédent Gouvernement et la refondation voulue par le Président de la République.
Au total, les crédits des cinq programmes de la mission « Enseignement scolaire » qui relèvent du ministère de l'éducation nationale inscrits au projet de loi de finances pour 2013 s'élèvent à 62,7 milliards d'euros, contre 60,9 milliards d'euros en 2012, soit une progression de 2,92 %.
Avant d'entrer plus en détail dans leur présentation, je rappellerai d'un mot les mesures d'urgence prises cet été pour la rentrée 2012 dans la loi de finances rectificative de juillet dernier. En juin, les opérations de préparation de la rentrée étaient évidemment très avancées et il était difficile de modifier les choses en profondeur. C'est d'ailleurs pour cette raison que plusieurs des initiatives du précédent Gouvernement sont poursuivies avant de faire l'objet, au cours des mois à venir, d'une évaluation approfondie. Je pense par exemple aux internats d'excellence ou à l'opération « cours le matin, sport l'après-midi ». Il aurait été absurde de remettre en cause dans l'urgence des orientations déjà décidées. Sur le plan pédagogique, on ne peut arrêter brutalement la réforme du lycée sans rien proposer à la place. Si le livret de compétences doit évoluer, on ne peut pas le faire sans réflexion préalable. Tout cela, le Gouvernement l'a bien compris et je crois que nous pouvons tous nous en féliciter.
Mais le calendrier ne l'empêchait pas de prendre de premières mesures. Le collectif de l'été a donc revalorisé de 25 % le montant de l'allocation de rentrée scolaire, qui est versée aux parents de 5 millions d'enfants. La dépense correspondante a été évaluée à 370 millions d'euros, à comparer à une dépense totale d'un milliard et demi d'euros. Le collectif a également majoré les crédits de la mission d'un peu plus de 89 millions d'euros, ce qui a permis de dégager des moyens supplémentaires. Je pense en particulier au recrutement de 1 000 professeurs des écoles, 1 500 auxiliaires de vie scolaire pour les élèves handicapés et 2 000 assistants d'éducation. Toutes ces personnes ont reçu une affectation dès cette rentrée.
J'en viens maintenant au contexte dans lequel nous examinons les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Ils constituent la première traduction législative de la refondation voulue par le Gouvernement et dont le Président de la République a défini les grandes lignes le 9 octobre dernier à la Sorbonne. Celles-ci trouveront leur traduction législative au sein de la loi d'orientation annoncée par le Gouvernement.
J'évoquerai néanmoins une des questions auxquelles une réponse a d'ores et déjà été apportée, celle des rythmes scolaires. Le nombre élevé d'heures passées en classe, la concentration du calendrier scolaire sur le plus petit nombre de semaines et son corollaire, la longueur de la journée, font de l'enseignement français du premier degré un cas à part parmi les pays de l'OCDE. Parallèlement, les résultats des élèves, tels qu'ils ressortent des comparaisons internationales, ne sont guère favorables.
Hier, les élèves ont retrouvé le chemin de leurs classes au terme des premières vacances de la Toussaint de deux semaines entières. Mais l'essentiel de la nouvelle organisation du temps scolaire est à venir à la rentrée 2013. Comme vous le savez, les élèves passeront quatre jours et demi en classe, contre quatre jours actuellement. En contrepartie de l'accueil le mercredi matin, la journée sera raccourcie. Bien évidemment, cette nouvelle organisation du temps scolaire aura une incidence directe sur les dépenses de nos communes et départements : il faudra bien financer l'accueil des enfants le mercredi matin, leur encadrement pendant l'heure dégagée en fin de journée ainsi que les modifications de l'organisation des transports scolaires.
Pour en revenir au budget, les moyens supplémentaires permettront en priorité de financer le remplacement de tous les enseignants ainsi que les recrutements annoncés, qu'il s'agisse d'enseignants, de personnels administratifs ou d'accompagnement. Ces recrutements se dérouleront dans le cadre d'une refonte complète de la formation des enseignants.
Dans le détail, les chiffres mentionnés dans la presse, voire dénoncés par certains, méritent qu'on s'y attarde un instant. D'aucuns ont joué à se faire peur en assimilant volontairement recrutements et créations d'emplois. Premier élément, l'intégralité des personnels partant en retraite sera remplacée. C'est un renversement complet par rapport aux années précédentes, au cours desquelles le ministre de l'éducation nationale s'était efforcé d'être le bon élève de la classe en appliquant avec rigueur la règle du « 1 sur 2 ». Le simple remplacement des départs prévus à la rentrée 2013 représente déjà 22 100 recrutements.
En juin 2013, une seconde série de concours sera organisée afin de recruter les enseignants destinés à pourvoir les postes de la rentrée 2014. 21 350 postes seront ouverts aux étudiants.
En tout, ce sont donc plus de 43 000 nouveaux enseignants qui seront recrutés en 2013. Ces chiffres paraissent très élevés. Mais, au total, le schéma d'emplois n'évolue guère. C'est encore plus vrai du plafond d'emplois, qui n'augmente que de 1 963 équivalent temps plein travaillés, à comparer à un total de 970 031.
Un mot de l'enseignement technique agricole. Les crédits sont reconduits en autorisations d'engagement et progressent de 30 millions d'euros en crédits de paiement, pour atteindre 1,33 milliard d'euros, soit guère plus de 2 % des crédits de la mission. L'année dernière, beaucoup, parmi nous, s'étaient inquiétés de l'hémorragie des emplois. Après les cinquante nouveaux emplois de la rentrée 2012, 200 postes d'enseignants seront créés en 2013. C'est un début de rattrapage après les coupes des dernières années, dont celles de 2012, qui avaient représenté 280 emplois. Le budget 2013 de l'enseignement agricole permet également d'opérer un rééquilibrage entre l'enseignement public et l'enseignement privé. Comme nous avions eu l'occasion de le dénoncer, l'enseignement public avait payé le plus lourd tribut à la politique de réduction des effectifs d'enseignants, puisqu'il avait dû supporter 60 % des suppressions d'emplois, alors qu'il ne représente que 37 % des effectifs. A l'inverse, à la rentrée 2013, l'enseignement public bénéficiera en priorité des postes supplémentaires : 140 sur les 200 prévus.
Le projet de budget permet également de financer, en années pleines, les revalorisations des bourses intervenues à la rentrée 2012, ainsi que celles prévues pour la rentrée 2013. L'accroissement des crédits, qui passent de 619,5 à 634,5 millions d'euros, tient également compte de l'accroissement du nombre d'élèves boursiers.
Pour terminer, je mentionnerai que la mission n'échappe pas à l'effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement courant demandé à l'ensemble des départements ministériels. Evidemment, les masses budgétaires en cause sont sans commune mesure avec les dépenses du titre 2, qui représentent à elles seules 59,55 milliards d'euros sur les 64 milliards de la mission. Mais, ici comme ailleurs, les emplois des opérateurs diminuent et ils sont appelés à rationnaliser leurs dépenses, tout comme les services du ministère.
En conclusion, ce budget témoigne d'un engagement et d'une ambition pour notre système éducatif. Je vous propose donc de donner un avis favorable à son adoption.
Après la présentation très détaillée des grandes orientations de la mission « Enseignement scolaire », je voudrais me faire le messager de notre collègue Thierry Foucaud en portant un éclairage particulier sur la politique de formation des enseignants et des personnels d'accompagnement.
2013 sera une année transitoire et deux concours de recrutement seront successivement organisés. A la rentrée 2013, les enseignants nouvellement affectés devant les classes auront été recrutés selon les modalités encore en vigueur, c'est-à-dire au niveau Master 2. Le précédent Gouvernement avait, en effet, choisi le « tout théorique », sanctionné par un diplôme élevé, au détriment de l'apprentissage du terrain complètement laissé de côté. Des jeunes professeurs se retrouvaient devant les classes, y compris les plus difficiles d'entre elles, avec pour seul soutien l'aide que pouvaient leur apporter leurs collègues.
Le nouveau système prendra ensuite le relais, pour les enseignants appelés à être affectés à la rentrée 2014. Le Gouvernement a annoncé la mise en place d'écoles supérieures du professorat et de l'éducation, sans revenir aux IUFM. Les étudiants seront recrutés en fin de Master 1 et effectueront leur année de Master 2 dans ces établissements d'un genre nouveau, au sein d'un cursus à la fois théorique et pratique. Le contenu précis de cette formation, ainsi que le contour exact des ESPE restent à définir.
Certains de ces étudiants seront recrutés en emplois d'avenir professeur. Le seul point commun avec les emplois d'avenir en général est le public auquel il s'adresse, c'est-à-dire de jeunes boursiers issus en priorité des zones défavorisées. En revanche, bien évidemment, les emplois d'avenir professeur ne sont pas ce qu'on appelle généralement des décrocheurs ou de jeunes diplômés qui n'arrivent pas à s'insérer sur le marché du travail.
Ces emplois constituent à la fois une mesure sociale et une forme de pré-recrutement dès la licence, qu'on peut rapprocher de ce qui existait autrefois pour les écoles normales ou, à un autre niveau, pour les écoles normales supérieures. L'étudiant est rémunéré, jusqu'à 900 euros par mois, contre l'engagement de se présenter aux concours de recrutement de l'éducation nationale. Les crédits inscrits au projet de budget de la mission s'élèvent à 13,8 millions d'euros, pour financer 6 000 emplois d'avenir. Le système devrait monter en puissance en 2014 puis 2015, à raison de 6 000 emplois supplémentaires chaque année.
La question sous-jacente est celle de la crise du recrutement que connaît l'éducation nationale. Selon le ministre, la baisse du nombre des candidats aux concours et la désaffection vis-à-vis des métiers de l'enseignement étaient liées à la diminution des perspectives de recrutement et au manque de considération dans lequel le Gouvernement tenait les enseignants. Nous verrons bien. En tout état de cause, un cap a été fixé. Lors de la conclusion des réflexions sur la refondation, le Président de la République a clairement rappelé ses engagements en faveur de la création de 60 000 emplois pour l'éducation sur la durée du quinquennat.
Autre recrutement financé sur les crédits de l'action « Vie scolaire et éducation à la responsabilité », celui de 2 500 assistants d'éducation, dont 500 pour, selon le projet annuel de performances, exercer une nouvelle mission dite de prévention et de sécurité au sein des « établissements les plus exposés aux incivilités et aux violences, en complément du travail des équipes de vie scolaire et des équipes mobiles de sécurité ».
Autre point d'interrogation pour l'avenir, la place de la formation continue des enseignants au sein des futures écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Cela devrait constituer une de leurs missions. Toujours est-il que les crédits sont simplement reconduits au centime près (12,95 millions d'euros).
L'examen de la politique de formation me fournit une transition pour évoquer l'accompagnement des élèves handicapés. Le nombre des auxiliaires de vie scolaire a été sensiblement augmenté dès la rentrée (1 500 emplois) et le sera encore à la rentrée 2013. Pour autant, les élèves handicapés et leurs parents ont, semble-t-il, rencontré beaucoup de difficultés à la rentrée. Entre l'absence d'AVS le jour J, l'affectation provisoire d'un AVS et son changement au bout de quelques semaines, l'inadéquation de la personne avec l'emploi proposé, les remontées du terrain sont assez négatives. Je crois qu'il existe un véritable problème de formation des personnes dont la mission est d'accompagner les élèves handicapés. Des dispositifs existent mais si vous recrutez la personne à la rentrée, par définition elle n'a pas bénéficié des 60 heures de formation auxquelles elle a droit.
Le projet de budget comporte un effort en faveur de la formation des enseignants référents des élèves handicapés. C'est une bonne chose mais il faut rapidement se pencher sur la formation des AVS, d'autant que nous devons faire face à une triste réalité : les enfants handicapés sont nombreux dans les petites classes mais un décrochage se produit vers 15-16 ans et le taux de scolarisation est beaucoup plus faible à partir de cet âge. C'est aussi le moment où le rôle des AVS change. Il relève moins de l'aide technique et plus d'un soutien éducatif. Encore faut-il que les personnes qui occupent ces emplois soient formées. N'oublions pas, par ailleurs, qu'il s'agit d'emplois précaires le plus souvent. Tout comme les élèves handicapés, les AVS ont besoin de stabilité.
En matière d'aide, il faut aussi évoquer l'éducation prioritaire. Plusieurs rapports récents ont souligné l'empilement des dispositifs, qu'il s'agisse des établissements de réinsertion sociale, des internats d'excellence mentionnés tout à l'heure, du programme Clair puis Eclair (écoles, collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite), des réseaux ambition réussite (RAR). Il faut mettre tout cela au clair et revoir le zonage de l'éducation prioritaire. Le ministre estime pouvoir le faire pour la rentrée 2014. J'espère que cela sera aussi l'occasion de s'interroger sur les moyens des RASED, qui ont beaucoup souffert des réductions de moyens des dernières années. Ce à quoi le Gouvernement répond que l'objectif de « plus de maîtres que de classes » permettra de répondre aux besoins spécifiques des élèves en difficulté.
Affaire à suivre, d'autant que la Cour des comptes a transmis à notre commission des finances un référé pour le moins édifiant. Selon l'analyse de la Cour, non seulement le système éducatif ne corrige pas les inégalités de départ, mais il contribue même à les renforcer. Je sais bien qu'il n'est pas toujours facile de déterminer le bon niveau d'allocation des moyens ou de faire bouger les choses, mais cela doit nous amener à réfléchir, surtout quand on connait le niveau du décrochage scolaire : 150 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans diplôme.
Enfin, je voudrais évoquer la situation du régime additionnel de retraite des personnels enseignants et de documentation des établissements d'enseignement privé sous contrat. Dans un référé qu'elle vient d'adresser à notre commission des finances, la Cour des comptes a constaté sa situation financière préoccupante. Tant la ministre des affaires sociales que le ministre de l'éducation nationale ont annoncé leur volonté de définir, d'ici à la fin de l'année, les mesures à mettre en oeuvre pour assurer la pérennité de ce régime, dont l'objectif est, rappelons le, de garantir le même niveau de retraite aux enseignants du privé qu'à leurs collègues du public. Je crois qu'il faut que nous restions attentifs à ce dossier.
Sous le bénéfice de ces observations, notre collègue Thierry Foucaud, comme je l'ai fait à l'instant, vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2013.