Le budget de l'immigration est celui de la fin d'une politique coûteuse, complexe, et qui a offert les étrangers en sacrifice pour masquer les problèmes plus graves de la perte du savoir vivre ensemble dans notre pays. Visant à interdire toute immigration, toute régularisation, pour décourager les immigrés de venir en France, la législation française est devenue une véritable usine à gaz, qui viole parfois le droit européen. La spécialisation d'avocats et la professionnalisation des associations d'aide aux étrangers ont augmenté le nombre de recours. Au lieu d'attendre un an ou deux pour présenter un nouveau dossier de régularisation, les étrangers préfèrent désormais attaquer directement les refus de titre de séjour, ce qui encombre tellement les tribunaux administratifs que le vice-président du Conseil d'État s'en est ému : un tiers, parfois même la moitié des affaires traitées par ces tribunaux concernent des étrangers.
Cette politique a donc été très coûteuse, en raison de l'insécurité juridique pesant sur les décisions de l'administration à tous les niveaux. Elle n'a pas été pour autant efficace : les centres de rétention administratifs (CRA) des étrangers susceptibles d'être reconduits à la frontière ne sont remplis qu'à 52%. Les économies dégagées par la création des locaux de justice à proximité des CRA n'ont pas été évaluées mais la construction de ces locaux a coûté cher, et ils nécessitent du personnel de justice. Seuls deux sont mis en service aujourd'hui.
La baisse des naturalisations, alors même que le Parlement n'a pas changé les règles d'attribution de la nationalité, provoque une augmentation du nombre de recours devant le tribunal administratif de Nantes, qui est surchargé. La complexité de la législation en cas de décision de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire est telle que la préfecture a plus de sept manières d'éloigner un étranger, sur le fondement de dispositions différentes du Ceseda. Si le préfet se trompe de modalité, la procédure est annulée. Et comme les mémoires atteignent régulièrement dix pages, les jugements en font plus de sept, c'est dire le temps passé par les magistrats sur ces affaires. Le vice-président du Conseil d'État nous a d'ailleurs indiqué qu'il fallait réfléchir à une évolution des réponses juridictionnelles aux demandes d'annulation des décisions des préfectures, afin que le juge administratif statue en plein contentieux et attribue un titre de séjour compte tenu de la situation de l'étranger à la date où il statue.
Les annulations de refus tacite interviennent parfois deux ans et demi après la décision. Du coup, le préfet doit reprendre tout le dossier, car la situation, familiale notamment, du mis en cause a parfois changé. De tels aller-retour entre préfectures et tribunaux administratifs sont une source de coûts importants.
Les crédits directement liés à l'immigration sont en baisse, ceux consacrés à la reconduite à la frontière comme ceux prévus pour l'accueil des immigrés en situation régulière. Le ministre a expliqué qu'il allait, sans procéder à une régularisation générale, traiter les cas les plus flagrants parmi les demandes de régularisation : le nombre de reconduites à la frontière va mécaniquement diminuer. Je partage en revanche la préoccupation exprimée par M. Karoutchi dans son rapport pour la commission des finances sur la baisse des crédits de l'OFII, qui aide les étrangers à mieux s'intégrer, et donc à terme à être naturalisés. Le budget de l'OFII ne dépend pas directement des taxes payées par les étrangers ou leurs employeurs, mais du plafond fixé sur ces taxes par le Gouvernement, le surplus étant reversé au budget général. Je présenterai donc sans doute un amendement pour que l'OFII reçoive l'intégralité du produit des taxes qui portent son nom.
Je propose de voter ces crédits, qui correspondent à la fin d'une politique. L'an prochain, leur structure sera bien différente.