C'est la deuxième année que nous examinons ce programme qui rend compte de l'action du Gouvernement sur deux sujets d'intérêt pour notre commission : la prévention et la lutte contre les violences sexistes ou sexuelles et la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle et politique. Le précédent gouvernement s'était mobilisé à travers un plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes. Les crédits du programme avaient baissé de 5% en 2012, ce qui a mis en difficulté les associations sur lesquelles l'essentiel de cette politique repose. Le nouveau gouvernement donne une nouvelle impulsion à la politique d'égalité entre les femmes et les hommes.
Certaines mesures peuvent paraître symboliques, mais les symboles sont importants : la création d'un ministère de plein exercice au droit des femmes, ou la nomination d'un gouvernement paritaire. L'engagement du gouvernement se manifeste aussi dans la progression de 15% des crédits du programme 137 et dans un changement d'approche : l'action 14 pérennisera, par un fonds d'expérimentation, le financement de dispositifs innovants de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes dans les domaines professionnels, politiques ou sociaux, comme les programmes territoriaux d'excellence, ou de lutte contre les violences faites aux femmes, en mobilisant aussi, par effet de levier, des fonds européens ou régionaux (huit régions se sont déjà portées volontaires). Cette action sera alimentée, en sus de 3 millions de crédits nouveaux, par des transferts de crédits d'autres actions, pour un montant équivalent. Il faudra veiller à ce que les crédits transférés soient aussitôt redéployés vers des associations ou des contrats aidés qui étaient jusqu'à présent financés par le programme 137, sous peine de voir ces partenaires en difficulté. De même, il ne faudrait pas que disparaissent les crédits consacrés à la promotion de l'égalité entre hommes et femmes dans la vie politique.
Le bilan est mitigé pour les crédits dédiés aux associations de lutte contre les violences faites aux femmes et d'accompagnement des femmes victimes : ils sont stabilisés après avoir diminué l'an dernier. Cependant, les demandes d'intervention de ces associations augmentent. La subvention de 910 000 euros attribuée à la Fédération nationale solidarité femme, par exemple, couvre à peine les frais de la plateforme téléphonique du 39.19 qui ne constitue pourtant qu'une partie des activités de l'association.
Dans le domaine des dispositifs législatifs de promotion de la parité dans les entreprises publiques ou la fonction publique, je me félicite de la convergence entre les initiatives du précédent gouvernement, avec la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration ou le volet égalité professionnelle de la loi du 12 mars 2012 relative à la fonction publique, et la forte mobilisation annoncée par le nouveau gouvernement. Toutes les dispositions de ces lois ne sont pas encore entrées en vigueur, afin de laisser le temps aux administrations et aux entreprises de s'y conformer. D'ores et déjà, tous les textes d'application sont prêts, et le pourcentage de femmes dans les sociétés du CAC 40 est passé de 11,3 % en 2009 à 22,3% en janvier 2012.
L'égalité entre femmes et hommes dans les politiques publiques passe par un pilotage interministériel renforcé grâce au comité interministériel des droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes. Deux circulaires d'orientation ont été adressées par le Premier ministre aux membres du gouvernement. La première prévoit la désignation par chaque ministre d'un haut fonctionnaire à l'égalité des droits : il aura une mission transversale d'impulsion et de suivi de l'égalité dans les politiques sectorielles comme dans les politiques de gestion des ressources humaines de son ministère, et assistera personnellement au comité de direction du ministère.
La seconde prend en compte l'égalité entre les femmes et les hommes à tous les stades de la conduite des politiques publiques. Ainsi, tous les projets de loi ou de décret devront être accompagnés d'une étude d'impact intégrant la dimension de l'égalité entre les femmes et les hommes, et qui sera publiée sur le site internet du ministère des droits des femmes.
L'ordonnance de protection continue sa montée en puissance, mais il semble nécessaire de franchir une nouvelle étape. Je me suis rendue au tribunal de grande instance de Bobigny, ainsi qu'au conseil général de Seine-Saint-Denis : exemplaire, l'action conduite sur place devrait inspirer les tribunaux ou les départements en retard dans le déploiement de ce dispositif ou sa bonne mise en oeuvre. Tout repose sur le développement d'une politique partenariale associant non seulement les services judiciaires et ceux du conseil général avec l'observatoire départemental des violences faites aux femmes, mais aussi tous les partenaires de la justice: huissiers, avocats, associations, forces de police ... L'ordonnance de protection, dans ce département, s'inscrit dans un véritable projet de juridiction qui rassemble et mobilise tous les acteurs. Ainsi, une femme victime de violence est-elle prise en charge par un circuit spécifique et rencontre-t-elle, dans la même journée, grâce à un système de permanence adapté, l'ensemble des interlocuteurs compétents. Une convention a été signée avec la chambre des huissiers de justice pour garantir la délivrance, dans la journée, de l'assignation au conjoint violent, ce qui raccourcit considérablement les délais de délivrance de l'ordonnance de protection.
Le succès de cette politique partenariale et celui des innovations qu'elle autorise appelle sa généralisation. Pour diffuser ces bonnes pratiques, un observatoire national assurerait la formation des professionnels, conduirait un travail de prévention et d'étude des situations de violences, et mettrait à disposition des associations des protocoles de bonnes pratiques. Sa création, à laquelle le gouvernement s'est engagé, devrait intervenir dans le courant de l'année 2013, et sera financée par l'action 14.
Il me semblerait utile que les conseils généraux se dotent, de leur côté, d'une structure identique à celle de l'observatoire de Seine-Saint-Denis, pour conduire, en coordination avec les services judiciaires et les associations de victimes, des actions de politique publique de lutte contre les violences faites aux femmes.
Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 137.