Intervention de Sophie Joissains

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 14 novembre 2012 : 3ème réunion
Loi de finances pour 2013 — Programme « stratégie des finances publiques et modernisation de l'etat » de la mission « gestion des finances publiques et des ressources humaines » - examen du rapport pour avis»

Photo de Sophie JoissainsSophie Joissains, rapporteur pour avis :

Le 25 septembre dernier, les inspections générales des finances, de l'administration et des affaires sociales rendaient au Premier ministre un rapport sur le bilan de la révision générale des politiques publiques (RGPP) à laquelle le Gouvernement a souhaité mettre fin.

L'examen des crédits du programme Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État, qui s'intègre à la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines est donc l'occasion d'aborder les nouvelles orientations en matière de modernisation de l'action publique.

Je note d'ores et déjà qu'au-delà des oppositions politiques que nous pouvons avoir sur la RGPP, le Gouvernement a admis que certaines mesures étaient positives et que, sous réserve d'ajustements, elles ne seraient pas remises en cause. D'autres, naturellement plus emblématiques, ont été supprimées. On ne peut pas négliger certaines réalisations notables de la RGPP et dresser maintenant un inventaire apaisé et dépassionné du bilan des mesures décidées dans ce cadre.

L'effort de modernisation de l'action publique doit évidemment se poursuivre car elle répond à des objectifs que nous approuvons tous : améliorer le service rendu aux usagers, faciliter et valoriser le travail des agents publics et supprimer les contraintes qui ne sont pas strictement nécessaires pesant sur les particuliers ou les entreprises, ce dernier point a d'ailleurs été rappelé par le rapport Gallois. Ne masquons pas les divergences qui peuvent exister entre les groupes politiques quant aux moyens à mettre en oeuvre ; ce sera l'objet du débat lors des prochaines mesures législatives.

S'agissant du programme budgétaire, son périmètre n'a pas évolué depuis l'an dernier. Il est proposé, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, de le doter de crédits budgétaires d'un montant de 256 millions d'euros en autorisation d'engagement (AE) et de 258 millions d'euros de crédits de paiement (CP).

Ce programme budgétaire participe à l'effort de redressement des finances publiques. En effet, si les AE augmentent de 4,92 % par rapport à l'an dernier, les CP baissent de 7, 47 %. De même, le plafond d'emploi est en baisse de 5 EPTP par rapport à 2012.

Ce programme est, de par son montant, anecdotique par rapport à la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, puisqu'il ne représente qu'environ, 2,2 % des crédits. Rappelons qu'il ne contient pas, malgré son intitulé, tous les crédits nécessaires à la modernisation de l'État, qui n'est pas en soi une politique publique, mais essentiellement les crédits de fonctionnement des directions d'état-major qui pilotent et animent cette politique de modernisation, c'est-à-dire principalement l'ancienne direction générale de la modernisation de l'État (DGME), la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), la direction du budget, l'organisme national de paie (ONP) et l'agence pour l'information financière de l'État (AIFE).

Comme l'avait souligné notre collègue Éliane Assassi, lorsqu'elle rapportait cet avis budgétaire, le périmètre de ce programme souffre d'une apparente incongruité. Le programme budgétaire contient en effet les crédits destinés à l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) et désormais de l'observatoire des jeux. Le Gouvernement, comme le précédent, justifie ce rattachement en considérant qu'il « permet de tirer parti de la compétence acquise par le ministère du budget sur le secteur des jeux », ce dernier disposant « d'une vision générale et transverse des jeux qui justifie le rattachement de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) au programme 221 ».

Les missions de l'ARJEL relèvent essentiellement de la régulation économique d'un secteur et non pas de la modernisation de l'État. Et le lien avec le ministère du budget n'apparaît plus un argument convaincant puisque la réforme de l'État relève du portefeuille de Mme Lebranchu que nous venons d'entendre, et non de MM. Cahuzac et Moscovici. Cette situation apparaît ainsi en contradiction avec l'article 7 de la LOLF qui exige qu'un programme soit formé d'un ensemble cohérent d'actions.

Même constat pour le responsable budgétaire du programme qui est, depuis cette année, le secrétaire général des ministères économique et financier, et non plus le DGME. Là encore, ce choix est discutable puisque le responsable budgétaire n'a autorité ni sur le nouveau secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), ni sur les autres entités du programme.

La refonte des administrations en charge de la réforme de l'action publique devrait conduire probablement à une refonte de la maquette budgétaire. Aussi, pour la meilleure information du Parlement, je souhaite fermement que dans ce cadre, la cohérence et la lisibilité du programme soit mieux assurée.

S'agissant plus spécifiquement de la politique de modernisation de l'État, la ministre chargée de la réforme de l'État, Mme Lebranchu, l'a rappelé, il est mis fin à la RGPP qui avait été officiellement lancée le 10 juillet 2007 sous le précédent quinquennat. La RGPP poursuivait trois objectifs, que je souhaite rappeler : permettre à l'État de retrouver des marges de manoeuvre face à l'accroissement de la dette publique, moderniser les services publics et valoriser le travail des agents publics.

Je me bornerai à relever les premiers enseignements qui peuvent en être tirés.

Notons, tout d'abord, que le périmètre de la RGPP n'est pas facile à délimiter car des initiatives menées durant le précédent quinquennat ne s'y référaient pas explicitement bien qu'elles participent aux mêmes objectifs. Le rapport des inspections générales, rendu en septembre dernier, constatait que l'on pouvait penser, à tort, que la RGPP est à l'origine de toutes les décisions d'économies budgétaires ou de suppressions d'emplois, ce qui n'est pas le cas.

S'inspirant d'expériences similaires en Suède, au Royaume-Uni ou au Canada, menées devant les vingt dernières années, la RGPP dans son ambition initiale, souhaitait interroger la pertinence de chaque mission exercée par l'Etat. Dans un second temps se posait la question des structures en charge de mettre en oeuvre chaque politique publique.

Dans ce cadre, la RGPP s'est traduite par une rationalisation des structures administratives, pour exemple : la fusion de directions d'administrations centrales avec un passage de 35 à 5 au ministère de l'écologie ou, de 10 à 3 au ministère de la culture.

La mesure la plus connue reste sans doute la création de la direction générale des finances publiques par fusion de la direction générale des impôts (DGI) et la direction générale de la comptabilité publique (DGCP).

L'administration territoriale a également été concernée, dans un second temps, par la rationalisation des structures, aboutissant à la création des agences régionales de santé (ARS), la création des bases de défense ou encore la modification de la carte des implantations des juridictions judiciaires puis par la RéATE (réforme de l'administration territoriale de l'Etat) avec la création des directions départementales interministérielles (DDI). Lors de son audition, Mme Lebranchu a précisé que, par souci de stabilité, leur création ne serait pas remise en cause.

S'agissant de la carte judiciaire, notre commission a exprimé un avis plus réservé lors de la présentation du rapport de notre collègue M. Yves Détraigne et de notre ancienne collègue Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Sur le plan des économies budgétaires, le rapport des inspections générales des finances, de l'administration et des affaires sociales brosse un résultat provisoire.

L'objectif d'économies était de 15 milliards d'euros sur la période 2009-2013 dont 12,3 milliards à échéance de fin 2012. Selon la direction du budget, le montant des économies réalisées à cette échéance devrait finalement être de 11,9 milliards.

Par ailleurs les suppressions d'emplois réalisées dans les services de l'Etat sur 2009-2012 correspondent à 5,4 % des effectifs dont seulement 3 % rattachables aux mesures RGPP.

Une partie des économies budgétaires a été effectuée sur les dépenses de personnel qui sont les plus rigides pour le budget de l'Etat. Le recrutement d'un fonctionnaire implique à long terme le versement d'une rémunération puis d'une pension de retraite d'où la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux.

Il est important de rappeler qu'une partie des économies générées par la RGPP ont été redistribuées aux agents publics sous la forme de retours catégoriels.

Selon les informations transmises par le Gouvernement, la situation dans les ministères a été variable mais a, en moyenne, dépassé 50% des économies engendrées par la maîtrise des effectifs des départements ministériels.

Enfin, la RGPP a soutenu l'effort de simplification administrative. La DGME a mené un effort évident pour consulter les ministères concernés en faveur de la simplification des démarches pour les particuliers.

Pour les citoyens, la simplification s'est traduite par la mise en place de guichets uniques : guichet fiscal, guichet de l'emploi, guichet des entreprises.

De même, l'administration électronique atteint une certaine maturité. Ainsi, plus de 23 millions de formulaires administratifs téléchargés en ligne en 2011 sur le site unique qui regroupe désormais les formulaires administratifs, 35 000 visites quotidiennes sur le portail mon.service-public.fr et près de 4,3 millions de comptes d'usagers sur ce portail. Ces services en ligne s'étoffent progressivement avec un effort de coordination avec les organismes sociaux ou les collectivités territoriales lorsqu'elles sont volontaires.

La DGME a aussi permis des accélérations de procédures. Cette démarche a consisté à demander aux agents de décomposer les procédures qu'ils mettent en oeuvre pour accomplir une formalité afin de détecter les étapes inutiles et ainsi les supprimer.

Cela a permis de belles avancées dans le traitement des demandes des usagers du service public. Je citerai deux exemples que sont la diminution du délai de traitement des affaires civiles par les TGI et les cours d'appel concernés de près de 10 % en trois mois et la baisse du délai d'attente aux contrôles transfrontaliers, à l'aéroport Charles de Gaulle inférieur, à quinze minutes pour 80 % des passagers contre 50 % en septembre 2010 et ce à qualité de contrôle égale.

En forme de bilan, les inspections générales des finances, de l'administration et des affaires sociales relevaient dans leur rapport de septembre 2012 que « la méthode RGPP est une mécanique très intégrée qui se caractérise par un cheminement rapide des dossiers, une instance solennelle (le CMPP) de formalisation des décisions, des arbitrages directs par la présidence de République et le cabinet du Premier ministre et une mise en oeuvre immédiate selon un calendrier suivi de près » et que « c'est là que réside l'efficacité de la démarche ».

La fin de la RGPP s'est traduite par la disparition du comité de modernisation des politiques publiques placé sous la présidence du chef de l'Etat, véritable instance de validation et de suivi de la RGPP et par la disparition du comité de suivi qui réunissait les membres du Gouvernement intéressés par les dossiers qui seraient soumis au CMPP.

En remplacement, un comité interministériel de modernisation de l'action publique a été constitué par décret, réunissant, sous la présidence du Premier ministre, l'ensemble des ministres et le ministre délégué chargé du budget. Les autres membres du Gouvernement pouvant être appelés à siéger en fonction de l'ordre du jour. Le ministre chargé de la réforme de l'Etat est désigné rapporteur général.

Les transformations ont été plus importantes sur les structures permanentes chargées de piloter la politique de modernisation de l'Etat. La DGME a été supprimée par le même décret du 30 octobre 2012 pour fusionner au sein du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP).

Le SGMAP est placé directement sous l'autorité du Premier ministre et rattaché au secrétaire général du Gouvernement. Il s'articule autour de deux directions ministérielles d'un service et de deux missions, dont la direction interministérielle pour la modernisation de l'action publique (DIMAP) qui prend la place de la DGME et le service coordination interministérielle de l'administration déconcentrée de l'Etat assure le suivi des travaux de réforme de l'administration territoriale (Réate).

Le champ d'intervention de la SGMAP n'est plus limité à l'Etat stricto sensu mais aussi à ses opérateurs, ce qui est indispensable pour éviter des réformes en trompe l'oeil qui consistent à transférer les missions anciennement exercées par l'Etat aux opérateurs.

De même, il est indispensable, je crois, que cette modernisation de l'État se fasse en prenant en compte les initiatives et les politiques menées par les collectivités territoriales. Lier la réflexion entre réforme de l'État et décentralisation ou entre réforme de l'administration centrale et celle de l'administration territoriale est un point positif à relever.

S'agissant enfin de la DGAFP dont le budget est contenu dans ce programme budgétaire, il est à noter une refonte de son organisation interne en avril 2012. Elle s'inscrit dans une réforme de la gestion des ressources humaines à la suite des différentes réformes législatives, conduisant la DGAFP à traiter non seulement des questions statutaires des fonctions publiques mais aussi des politiques de ressources humaines. La réduction des corps de la fonction publique a été fortement accentuée par la RGPP, leur nombre passant entre 2005 et 2011 de 700 à 373 avec un objectif d'environ 330 pour fin 2012, ce qui est tout autant une simplification de la gestion des ressources humaines qu'un gage supplémentaire pour la mobilité fonctionnelle des agents.

Le débat sur la RGPP et, plus largement, sur la modernisation de l'action publique, ne peut se réduire à ces simples observations. Je crois que nous aurons l'occasion d'en reparler lors de nos prochaines activités de législation et de contrôle.

Pour ma part, je pense qu'il faudra aborder le bilan de la RGPP, encore provisoire, avec attention et sérénité.

Dans l'attente de nos futurs débats, je reste réservée sur ce programme et m'en remets à la sagesse de la commission pour émettre un avis sur l'adoption des crédits budgétaires.

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