Intervention de Frédéric Cuvillier

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 14 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « écologie développement et aménagement durables » - Audition de M. Frédéric Cuvillier ministre délégué chargé des transports de la mer et de la pêche

Frédéric Cuvillier, ministre délégué :

J'entends beaucoup de choses au sujet du canal Seine-Nord : il aurait été financé avant le 6 mai, mais pas ensuite. Financé par un coup de baguette magique, sans doute ? Ces rumeurs et suspicions motivées par des arrière-pensées politiciennes ne font pas de bien au projet. Les autorités européennes s'interrogent, d'autant que certains invoquent une forte participation des fonds européens. En réalité celle-ci serait de 6 %, par un choix de l'ancien ministre de l'écologie Jean-Louis Borloo qui avait sans doute d'autres priorités à financer. Bouygues, le partenaire, avait exprimé des doutes sur le bouclage financier bien avant les élections : en février dernier. Et c'est à nous que l'on reproche un abandon !

Comment donner une chance à ce projet ? D'abord en définissant l'enveloppe financière, notamment en mobilisant les fonds européens, ce qui n'a pas encore été fait. Puis en s'interrogeant sur la pertinence du PPP, d'autant que le partenaire privé a prévenu qu'il ne serait pas au rendez-vous. Il y a environ 1,5 milliard d'euros à trouver. Les collectivités sont très sollicitées et il faudra définir les modalités de la participation de l'Etat. J'ai demandé une analyse à l'inspection générale des finances et au conseil général du développement durable, elle ne sera ni à charge, ni à décharge, mais il faut songer aussi à protéger nos ports maritimes. Car si le canal doit devenir un axe de desserte du territoire français à partir des ports de l'Europe du Nord, il faut y réfléchir à deux fois et peut-être préférer des travaux pour renforcer la liaison Le Havre-Dunkerque ? Nous avons besoin de temps pour mettre de l'ordre dans le dossier, après un lancement en avril 2011 dans la précipitation et selon un calendrier insoutenable. Prenons également garde à ne pas susciter des attentes illusoires dans les territoires : j'ai lu que 15 000 emplois seraient créés avec la construction du canal. C'est une invention.

Lorsqu'un projet prend une telle mauvaise tournure, il faut construire une alternative, revoir peut-être le cahier des charges. Je ne m'appelle pas M. Borloo, je n'ai pas la science infuse ni les financements magiques, je ne m'adonne pas à des effets de tribune en assénant des contre-vérités à tout instant, parce que je respecte les gens concernés par ce projet.

La question maritime n'est ni de droite ni de gauche, elle mérite une union sacrée. Et lorsque Charles Revet parle, même le ministre se tait. Nous partageons le même constat. Notre stratégie doit consister à bâtir une politique maritime intégrée. Le gouvernement a recréé un ministère de la mer et de la pêche, au sein du ministère des transports, car nous ne tirons pas suffisamment bénéfice de nos façades maritimes, ni en métropole, ni outre-mer. Le Grenelle de la mer a été intéressant, dans sa démarche sinon dans les résultats. Nous lancerons une nouvelle concertation afin de faire éclore cette stratégie maritime, qui exige de mettre l'accent sur les infrastructures portuaires, sur la recherche, sur tout ce qui conforte l'activité maritime. Il nous faut en convaincre tous les acteurs, y compris les administrations d'Etat, inadaptées et fragilisées.

Vous avez failli me convaincre sur la décentralisation portuaire. Je veux que les collectivités soient mieux associées aux enjeux portuaires et d'aménagement territorial, sans cloisonnement entre les deux. Mais une décentralisation malhabile, on l'a vu, peut aussi ligoter les initiatives locales. Rien ne peut se faire contre la volonté des territoires. Nous avons besoin de mécanismes de codécision. Les lois de décentralisation n'ont pas donné aux régions compétence sur les ports...

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