Je me satisfais également de l'écoute et de la cohérence du ministre, qui connaît très bien le maritime et le portuaire. Cependant son budget subit des coupes sombres : je dois bien en tenir compte ! L'État ne tient pas ses engagements, je le dis depuis assez de temps pour ne pas pouvoir me taire aujourd'hui. Un exemple : l'armateur MSC a décidé de s'installer au Havre il y a quelques années, en demandant que le fret qu'il débarquerait puisse être évacué par la voie d'eau ; l'enjeu est de taille, puisque son activité ferait doubler le transit de conteneurs au Havre ; or, que constate-t-on ? MSC est venu, il a rénové son quai et investi 600 millions d'euros - mais l'accès à la Seine n'est toujours pas opérationnel, l'administration tergiverse pour quelques dizaines de millions d'euros entre plusieurs solutions et nous nous faisons promener de service en service, d'étude préalable en étude préalable... Cela ne peut plus durer, à ce rythme c'est notre activité portuaire tout entière qui va sombrer !
Vous me dites, Madame Herviaux, que les investissements portuaires doivent être cohérents avec le raccordement aux réseaux, j'en suis bien d'accord ! Ce qui me frappe plutôt, et vous l'avez constaté avec moi lors de notre rapport d'information, c'est le manque d'ambition en la matière, y compris des ports eux-mêmes. D'où vient la frilosité de nos grands ports maritimes ? De leur tutelle : c'est l'État qui les réfrène ! En préparant la réforme portuaire de 2008, j'ai rencontré tous les directeurs de ports, ainsi que leurs prédécesseurs : tous, je dis bien tous, m'ont dit qu'ils n'avaient jamais reçu d'encouragement à investir, ni même de réponse claire lorsqu'ils proposaient un programme d'investissement dans le temps ! Ailleurs en Europe, les ports ont pris leurs responsabilités parce qu'ils ont les coudées franches et même lorsque l'État est propriétaire, comme en Espagne, il se contente de coordonner ses interventions : les projets de développement, eux, sont faits par les acteurs locaux.
Face aux pirates, ensuite, nous ne pouvons pas laisser notre marine marchande sans solution quand la Marine nationale ne peut répondre aux demandes de protection. Ou bien, une fois encore, c'est accepter de perdre de l'activité, je ne m'y résous pas.
Enfin, Monsieur Filleul, je ne dirai pas que rien n'a changé depuis quinze ans dans nos ports : la réforme de 2008 a modifié l'organisation du travail portuaire, c'est important - au prix de quelques grèves qui resteront dans les mémoires... Ce que je dis, c'est que le problème est maintenant du côté de l'investissement et que nous ne le règlerons pas sans modifier plus avant la gouvernance des ports, en la confiant aux acteurs économiques et politiques locaux, avec tout l'accompagnement de l'État et toutes les précautions nécessaires : c'est la prochaine étape pour que nos ports réussissent !
A l'issue de ce débat, contre l'avis du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « sécurité et affaires maritimes » inscrits au programme 205 et des crédits maritimes inscrits au programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ».