Intervention de Françoise Cartron

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 14 novembre 2012 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « éducation » - examen des rapports pour avis

Photo de Françoise CartronFrançoise Cartron, rapporteure pour avis sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » :

Au cours de la précédente législature, le budget de l'éducation nationale est demeuré enfermé dans un carcan extrêmement rigide qu'était le Révision générale des politiques publiques (RGPP). Il était d'autant plus inadapté que les annonces de réformes et d'expérimentations étaient multipliés tous azimuts, sans réelle cohérence pédagogique. L'empilement de dispositifs nouveaux, coûteux et sans perspective de généralisation s'est substitué à l'adaptation des moyens humains aux besoins éducatifs. On a ouvert ainsi la voie à des inégalités de traitement injustifiées et à des frustrations chez les élèves et les familles qui n'en bénéficiaient pas, tout en drainant inutilement des moyens qui faisaient ensuite défaut dans les établissements ordinaires accueillant l'essentiel des élèves. Le nouveau Gouvernement a entrepris d'inverser la tendance.

Je ne peux que m'en réjouir.

Dans le projet de loi de finances pour 2013, les cinq programmes relevant de l'éducation nationale sont dotés de près de 62,7 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une progression globale de 2,92 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2012. Les mesures de périmètre, de l'ordre de 2 millions d'euros, demeurent extrêmement marginales.

Pour mémoire, le budget consacré à l'éducation n'avait crû que de 6 %, entre 2007 et 2012, ce qui représentait, en réalité une baisse en euros constants. L'effort proposé par le Gouvernement en faveur de l'éducation, conformément aux engagements du Président de la République, paraît donc tout à fait conséquent, au regard des marges de manoeuvre budgétaires dont il dispose. Je me félicite du desserrement maîtrisé et responsable de la contrainte budgétaire, qui permettra de mener à son terme la rénovation de l'école dans de bonnes conditions.

En ce qui concerne le détail des évolutions de chaque programme par rapport à la loi de finances pour 2012, à structure constante, je suis en mesure d'apporter les précisions suivantes.

Le premier degré public progresse fortement de 3,99 % pour s'établir à 18,8 milliards d'euros de crédits de paiement (CP). Un effort particulier est ainsi consenti en faveur du premier maillon de la chaîne éducative, le plus fondamental pour lutter contre l'échec scolaire et la réduction des inégalités sociales et territoriales.

Le second degré public croît de 2,58 % à 30,4 milliards d'euros.

Le programme 230 « Vie de l'élève », qui regroupe notamment la santé scolaire, l'accompagnement des élèves et l'action sociale, connaît une forte hausse de 5,87 % à 4,18 milliards d'euros (CP).

L'enseignement privé du premier et du second degrés reste stable à 7,08 milliards d'euros (CP). Il est vrai qu'il avait été préservé les années précédentes.

Le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » connaît enfin une augmentation sensible de 2,74 % pour 2,15 milliards d'euros de crédits de paiement. Je rappelle qu'il rassemble l'administration centrale et déconcentrée, les services supports et différents opérateurs comme l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) ou le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ).

Les hausses de crédit correspondent à l'accroissement des dépenses de personnel qui résulte lui-même de deux facteurs :

- la trajectoire d'évolution de la masse salariale sous l'effet du glissement vieillesse technicité (GVT) et des pensions ;

- des créations de postes afin de corriger les effets destructurants de la politique ancienne de suppression d'emplois et de non-renouvellement des départs en retraite.

Afin de maîtriser l'enveloppe globale, il était nécessaire en contrepartie de limiter les dépenses hors titre 2, qui sont plus flexibles par nature. Les arbitrages budgétaires mesurés du Gouvernement me paraissent pertinents.

Je souhaite toutefois qu'en matière de dépense hors personnel, la plus grande attention soit apportée à la gestion des moyens des fonctions support, réunis dans le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale ». Les dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention pour la logistique, les systèmes d'information et l'immobilier représenteraient environ 365 millions d'euros en autorisations d'engagement au titre de 2013. Des progrès importants peuvent être réalisés sur les grands projets si l'on en croit les indicateurs renseignés dans les documents budgétaires. Rappelons-nous les « bugs » rencontrés par le logiciel Chorus : il y a deux ans, ils avaient rendu nécessaire un rebasage du plafond d'emplois après la découverte de milliers d'emplois non comptabilisés.

Sur trois grands projets informatiques en cours, d'un coût supérieur à 10 millions d'euros, deux d'entre eux connaissent d'importants retards. Le projet SIRHEN (système d'information des ressources humaines de l'éducation nationale) est emblématique. Il concerne l'ensemble des personnels gérés par le ministère de l'éducation nationale et intègre le développement de la paye. De toute évidence, le projet a été mal préparé et mal suivi, malgré sa dimension structurante et stratégique pour piloter l'évolution des ressources humaines. En effet, deux ans de retard sur le calendrier d'achèvement du projet sont déjà prévus et le coût en a été réévalué de 80 à 200 millions d'euros, soit 150 % d'augmentation.

De même, en matière immobilière, la construction du rectorat de l'académie de Toulouse et du service départemental de la Haute-Garonne a pris également deux ans de retard, tandis que son coût est passé de 31 à 41,5 millions d'euros, soit 34 % de réévaluation.

Je souhaite que les trajectoires révisées après audit interne des projets immobiliers et informatiques soient désormais strictement tenues. A défaut, les marges de manoeuvre dégagées pour l'éducation nationale ne doivent pas être grignotées au détriment de l'ambition pédagogique et éducative portée par le Gouvernement.

Dans le PLF 2013, le Gouvernement prend le contrepied de la politique antérieure pour préparer la refondation de l'école. L'arrêt de la révision générale des politiques publiques, le renouvellement des départs en retraite et les créations de postes, notamment dans le premier degré, contribueront à renforcer l'offre éducative et à préparer l'étape indispensable de la reconstruction du recrutement et de la formation des enseignants. Je soutiens sans réserve ces orientations.

Le schéma d'emplois pour 2013 intègre l'extension en année pleine des mesures mises en place dès la rentrée pour atténuer les 14 000 suppressions d'emplois prévus par la loi de finances pour 2012. Rappelons le financement des 1 000 emplois de professeurs des écoles, 1 500 enseignants du second degré, 100 emplois de conseillers principaux d'éducation et 1 500 emplois d'AVS-i pour accompagner les élèves handicapés, prévu dans le collectif budgétaire adopté au mois de juillet dernier.

A la rentrée 2012, est également intervenu le recrutement de 2 000 assistants d'éducation supplémentaires afin d'assurer principalement des fonctions de surveillance. En outre, 500 assistants de prévention et de sécurité ont été affectés dans les établissements les plus exposés aux incivilités et aux violences, en complément du travail des équipes de vie scolaire et des équipes mobiles de sécurité.

Au-delà de l'extension en année pleine, le schéma d'emplois 2013 comporte des mesures nouvelles afin d'arrêter net les suppressions d'emplois dans l'éducation nationale et de procéder à des créations de postes dans le cadre fixé par le Président de la République.

Pour assurer le remplacement de la totalité des départs à la retraite et recréer l'année de formation des maîtres, le Gouvernement a donc prévu l'organisation de deux concours en préalable à la refondation de la formation initiale.

Afin de remplacer tous les départs définitifs d'enseignants en 2013, ce sont 22 100 postes qui seront ouverts à la session normale des concours de recrutement externe dont les épreuves d'admissibilité auront lieu à l'automne 2012 et les épreuves d'admission en juin 2013.

A la rentrée 2013, 8 781 nouveaux emplois équivalents temps plein (ETP), soit 8 281 ETP enseignants et 500 ETP non-enseignants, seront parallèlement créés. Ces emplois nouveaux permettront d'éviter toute dégradation des taux d'encadrement. Dans le premier degré, l'accueil des élèves de moins de trois ans sera renforcé, tandis que dans le second degré, les efforts porteront particulièrement sur les lycées d'enseignement professionnel.

Est précisément prévue la création de 11 476 équivalents temps plein (ETP) d'enseignants stagiaires dans le cadre de la réforme de la formation initiale. Ceci correspond à l'ouverture de 21 350 postes supplémentaires. Le recrutement interviendra lors d'une deuxième session de concours en Master 1, dont les épreuves d'admissibilité se tiendront en juin 2013 et les épreuves d'admission en juin 2014.

En outre, sera consacré l'équivalent de 458 ETP au financement des aménagements de service pour les stagiaires.

Pour parvenir au solde net affiché dans le PLF, il faut enfin intégrer la suppression de 3 653 ETP qui servaient de supports aux stages en responsabilité des étudiants de Master 2, compte tenu de la réforme de la formation initiale.

Un dernier mot sur la situation des RASED. Malgré leur intérêt pédagogique, ils ont été durement touchés par les suppressions de poste entérinées sous la précédente législature, sous l'argument que l'aide personnalisée mise en place avec la réforme du primaire de 2008 les rendait largement inutiles. Devant l'organisation chaotique de l'aide personnalisée et son faible impact sur les résultats des élèves, j'estime au contraire qu'il faut maintenir des effectifs suffisants dans ces réseaux.

A la rentrée 2011, le nombre d'emplois implantés en RASED a diminué 693 unités, soit une chute de 6,4 % de l'effectif total. Les postes de RASED ont manifestement supporté la part essentielle de l'effort budgétaire demandé à la rentrée 2011. En moyenne, entre le tiers et la moitié des suppressions de postes ont touché des RASED. A Toulouse, les retraits d'emplois dans les RASED ont même représenté 77 % des suppressions d'emploi. A Caen et dans les Bouches-du-Rhône, tous les postes de maître G étaient en voie de suppression.

A l'issue de la phase initiale de préparation de la rentrée 2012, les suppressions d'emplois prévues en RASED ont représenté près des deux tiers des retraits initialement envisagés dans le premier degré par le précédent gouvernement.

Après la mise en oeuvre du plan d'urgence adopté en loi de finances rectificative en juillet dernier, une centaine de postes a été rétablie au bénéfice des RASED. La correction initiée par le ministre de l'éducation nationale me paraît tout à fait pertinente.

Au bénéfice de ces observations, je rendrai un avis très favorable à l'adoption des crédits de la mission « enseignement scolaire », qui constitue le prélude nécessaire à la refondation de l'école engagée par le Gouvernement.

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