Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 14 novembre 2012 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • apprentissage
  • enseignant
  • pédagogique

La réunion

Source

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission propose les candidatures de MM. Maurice Antiste comme membre titulaire, et Abdourahamane Soilihi comme membre suppléant à la nomination du Sénat pour siéger au sein la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.

La commission examine le rapport de Mme Françoise Laborde sur la proposition de loi n° 120 (2011-2012) relative aux écoles de production.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Nous allons examiner le rapport de Françoise Laborde sur la proposition de loi relative aux écoles de production. Mais auparavant, dans l'esprit convivial et démocratique de notre commission, je donne la parole à Jean-Claude Carle pour qu'il nous présente l'objet de son texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Les écoles de production sont une voie originale pour des jeunes en rupture scolaire et sociale, qui ont quitté l'école pour se retrouver dans la rue, et ne peuvent même pas prétendre à un contrat d'apprentissage. Soit on les laisse à leur triste sort, soit on tente de les réinsérer. Ces établissements sont le lieu d'une pédagogie nouvelle, puisque l'école est intégrée à l'entreprise et vice versa, sur un même lieu. Ils accueillent environ 500 élèves et leur offrent une formation, une éducation au sens large, afin qu'ils puissent ensuite décrocher un diplôme - plus de 80 % ont obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou un baccalauréat professionnel - et trouver un emploi. Des carrières intéressantes s'ouvrent ainsi à eux : beaucoup créent une entreprise, quelques-uns ont même entrepris des études d'ingénieur.

Cette initiative mérite d'être encouragée. Au Danemark, 110 écoles de production accueillent près de 15 000 élèves. Or les écoles françaises souffrent aujourd'hui de leur précarité juridique : ce sont des écoles techniques d'enseignement privé, reconnues par l'État mais hors contrat, ce qui ne leur permet pas - non plus qu'aux élèves - de recevoir des aides publiques : bourses, cartes d'étudiant, etc. Leur précarité est aussi financière, car la scolarité y est presque gratuite, les élèves payant au plus 800 euros par an. Les écoles tirent 40 % de leurs revenus de leur production, 25 % d'aides régionales, en Rhône-Alpes notamment, et elles sont autorisées à percevoir une part de la taxe d'apprentissage, au titre du barème mais non du quota.

Je propose de clarifier leur statut en les rattachant au ministère de l'emploi et de la formation professionnelle, qui exercera son contrôle, et de les faire bénéficier pleinement de la taxe d'apprentissage, dans le cadre aussi bien du barème que du quota. Les jeunes pourraient être éligibles aux bourses de l'éducation nationale et recevoir une carte d'étudiant.

Certes, cela pose des problèmes d'ordre juridique, et c'est pourquoi le texte prévoit une expérimentation afin de procéder dans cinq ans aux ajustements nécessaires. Le Danemark s'est lui-même inspiré de l'exemple français pour améliorer sa législation.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Cette proposition de loi donne aux écoles de production, à titre expérimental, un nouveau cadre juridique. Ces écoles se caractérisent par une méthode pédagogique spécifique privilégiant la formation par la pratique : la formation en atelier représente les deux tiers du temps pédagogique, le dernier tiers étant consacré à la formation théorique en classe. Destinées principalement à des jeunes de 14 à 18 ans ayant décroché du système éducatif traditionnel, elles se proposent de former leurs élèves en les plaçant en situation réelle de production, en réponse à des commandes de clients, sans les contraindre à alterner comme les apprentis entre l'école et l'entreprise. Elles revendiquent donc leur statut d'« écoles-entreprises ».

Les écoles de production n'étant pas sous contrat avec l'État, elles ne sont pas soumises au contrôle pédagogique du ministère de l'éducation nationale. Elles sont cependant agréées comme centres d'examen de certains diplômes de niveau V et IV tels que le certificat d'aptitude professionnelle (CAP), le brevet d'études professionnelles (BEP) ou le baccalauréat professionnel. Les métiers enseignés couvrent une large palette de secteurs économiques : des métiers de la métallerie et de la menuiserie à la mécanique industrielle et automobile, en passant par des métiers d'art ou de services tels que l'ébénisterie, la haute couture, la restauration et l'hôtellerie. La Fédération nationale des écoles de production (FNEP) dénombre aujourd'hui quinze écoles de production, dont huit en région Rhône-Alpes.

La FNEP indique qu'en juin 2010, 85 % des élèves des écoles de production ont obtenu leur diplôme. Pour ce qui est de l'insertion professionnelle, l'efficacité de cette voie de formation semble démontrée : la moitié des diplômés accèdent sans grande difficulté à un emploi, l'autre moitié choisissant en général de poursuivre leurs études. Ces écoles sont un élément intéressant de notre réseau national d'enseignement technique, qui a fait la preuve de son succès.

Toutefois, le statut hybride taillé sur mesure par cette proposition de loi me paraît inopportun ; on peut douter de la proportionnalité des mesures envisagées, qui favorisent une quinzaine d'établissements regroupant tout au plus 700 élèves, autant que de leur faisabilité juridique.

Tout d'abord, les articles 2 et 3 transfèrent l'agrément et le contrôle des écoles de production du ministère de l'éducation nationale à celui de la formation professionnelle, car ces structures privées refusent de soumettre leur organisation pédagogique aux règles des contrats d'association de la « loi Debré », ce qui supposerait de mettre en conformité leurs enseignements théoriques avec les règles et programmes de l'enseignement public, de recruter leurs enseignants par concours, de respecter un volume horaire minimal d'enseignement théorique. En rattachant ces établissements au ministère de la formation professionnelle, on les assimilerait à des organismes de formation par l'apprentissage, afin qu'ils en tirent des bénéfices financiers - recettes de la taxe d'apprentissage au titre du quota - et statutaires - les élèves, considérés comme des apprentis, recevraient la carte « Étudiant des métiers ».

Or les services d'inspection du ministère de la formation professionnelle ne disposent pas des compétences nécessaires pour évaluer les méthodes pédagogiques des écoles de production. Faut-il rappeler que même les formations par apprentissage s'appuient sur des diplômes dont le contenu et l'organisation pédagogiques ont été préalablement validés par le ministère de l'éducation nationale ? Il est inenvisageable de transférer à l'inspection du travail le contrôle d'écoles scolarisant des élèves mineurs, soumis aux exigences de l'instruction obligatoire jusqu'à 16 ans.

L'article 4 vise à faire bénéficier les entreprises partenaires des versements exonératoires de la taxe d'apprentissage au titre du hors quota, correspondant à la part « barème » de la taxe d'apprentissage. Contrairement aux intentions exprimées dans l'exposé des motifs, l'article ne garantirait pas aux écoles de production le bénéfice de la part « quota » de la taxe d'apprentissage : il rappelle seulement que les écoles dont les formations technologiques et professionnelles figurent sur la liste publiée annuellement par le préfet de région peuvent bénéficier des versements exonératoires de la taxe d'apprentissage au titre du barème, à raison des dépenses effectivement réalisées par les employeurs partenaires en faveur du fonctionnement et des équipements de ces établissements. Étendre le bénéfice d'une partie du quota de la taxe d'apprentissage aux écoles de production serait incompatible avec la législation en vigueur, car le quota de cette taxe, qui correspond à 53 % de son produit global, finance exclusivement les établissements formant des apprentis - ce que les écoles de production ne sont pas, puisque leurs élèves ne sont pas rémunérés : le rattachement au ministère de la formation professionnelle n'y changerait rien.

De même, l'article 5 tend à octroyer aux élèves des écoles de production la carte « Étudiants des métiers », qui leur offrirait des avantages et des réductions tarifaires identiques à ceux dont jouissent les apprentis et les étudiants. Or ils ne sauraient être assimilés à des apprentis : certains d'entre eux n'ont que 14 ans, alors que l'apprentissage est réservé aux plus de 15 ans, et ils ne perçoivent aucune rémunération en l'absence de contrat d'apprentissage.

L'article 6 rendrait ces élèves éligibles aux bourses nationales délivrées par l'éducation nationale, ce qui répond à un vrai problème, puisque cette éligibilité est aujourd'hui soumise à l'accord du Conseil supérieur de l'éducation nationale, qui y a donné un avis défavorable en 2006.

Les articles 5 et 6, en cela qu'ils constituent une aggravation des charges publiques, me semblent irrecevables sur le fondement de l'article 40 de la Constitution.

Au-delà des problèmes rédactionnels et juridiques, j'ai le sentiment que l'introduction d'un statut hybride taillé sur mesure en faveur des quinze écoles de production existantes, constituerait une rupture d'égalité à l'égard des 875 autres établissements d'enseignement technique privés recensés par l'Union nationale de l'enseignement technique privé (UNETP). L'incohérence du texte est manifeste : d'un côté, il retire les écoles de production du champ scolaire en en faisant des organismes de formation alternée placés sous l'autorité du ministère de la formation professionnelle, au même titre que les CFA ou les sections d'apprentissage, bénéficiant des recettes du quota de la taxe d'apprentissage comme du statut d'apprenti pour leurs élèves ; de l'autre, il est admis que ces élèves ne peuvent être tenus pour de véritables apprentis, puisqu'ils ne perçoivent aucune rémunération, et c'est pourquoi on veut les rendre éligibles aux bourses de l'éducation nationale pourtant réservées aux élèves placés sous statut scolaire.

Il faut cependant mettre fin à la situation ambiguë entretenue par le ministère de l'éducation nationale qui semble s'accommoder d'un réseau d'écoles de production prenant en charge des élèves auxquels l'offre scolaire traditionnelle n'est plus adaptée, sans toutefois leur reconnaître une réelle légitimité, ces écoles faisant seulement l'objet d'une reconnaissance formelle de l'État par arrêté qui n'emporte aucun droit. Il est donc indispensable de poursuivre la réflexion, afin de définir des règles minimales d'organisation de la scolarité, en concertation avec les écoles. Un temps de formation générale incompressible doit être garanti, au-delà des seuls enseignements théoriques appliqués dans le cadre de la production. Gardons à l'esprit qu'un certain nombre de ces jeunes ont entre 14 et 16 ans. Ils doivent acquérir les connaissances fondamentales - lecture, écrit, mathématiques - nécessaires à l'exercice de la citoyenneté. Pour votre information, un certain nombre sont des « primo-arrivants » qui maîtrisent difficilement le français.

Le contrôle de l'offre pédagogique devrait reposer sur une habilitation ou une accréditation du personnel appelé à accompagner les élèves dans leur formation théorique et générale. Non que cette accréditation doive être subordonnée à l'obtention d'un titre à l'issue d'un concours, comme c'est prévu par les contrats d'association : il faut préserver une certaine souplesse de recrutement, parmi les bénévoles et les professionnels de l'industrie.

Qu'ils soient inscrits dans un établissement sous contrat ou une école de production, tous les élèves en formation alternée doivent pouvoir bénéficier d'aides à la scolarité. Sans doute faut-il prévoir un traitement différencié des élèves en fonction de leur âge. De 14 à 16 ans, les élèves devraient idéalement être inscrits dans des établissements ou organismes proposant des voies de formation en alternance adaptées à leur situation, reconnues et sous contrat avec le ministère de l'éducation nationale. Maintenus sous statut scolaire, ils bénéficieraient d'aides à la scolarité. Plusieurs dispositifs agréés existent déjà : les élèves de 14 ans peuvent suivre une « formation d'apprenti junior », c'est-à-dire un parcours d'initiation aux métiers effectué sous statut scolaire dans un lycée professionnel ou un centre de formation d'apprentis ; les jeunes âgés d'au moins 15 ans peuvent avoir accès au dispositif d'initiation aux métiers de l'alternance (DIMA) et reçoivent alors une formation non rémunérée afin de commencer une activité professionnelle tout en demeurant sous statut scolaire ; les maisons familiales rurales peuvent aussi accueillir des jeunes de plus de 14 ans pour des formations par alternance. De 16 à 18 ans, les élèves qui le désirent pourraient être inscrits dans des écoles de production, réservées à la scolarité post-obligatoire. Ils se verraient alors reconnaître par les ministères de l'éducation nationale et de la formation professionnelle le statut de stagiaires de la formation continue non rémunérés, et bénéficieraient le cas échéant d'une allocation versée par le conseil régional.

Les pistes que je viens de tracer devraient être étudiées dans le cadre d'une mission conduite par les ministères de l'éducation nationale et de la formation professionnelle, destinée à évaluer l'ensemble des dispositifs de formation alternée existants. J'en ferai la demande au ministre.

Je vous propose donc de ne pas adopter de texte et de conclure au rejet de la proposition de loi en séance : il me semble plus raisonnable de nous donner le temps de la réflexion. Grâce à la mission que je viens d'évoquer, nous verrons s'il est opportun de réformer le cadre réglementaire de l'enseignement technique privé, et quelles modifications législatives s'imposent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Merci pour ce brillant exposé. Cette proposition de loi est surprenante, mais elle m'a permis de découvrir une réalité que je connaissais mal. Je suis éberlué de constater que les écoles de production défient l'obligation scolaire jusqu'à 16 ans : des jeunes de 14 ans passent 60 % de leur temps à travailler, un peu comme dans les ateliers ou les mines du dix-neuvième siècle... Il s'agit d'une véritable exploitation, puisque les produits qu'ils fabriquent sont vendus et rapportent de l'argent aux établissements, dont les formateurs sont des bénévoles ou des retraités. Des chefs d'entreprise n'ont pas tous vocation à former des adolescents. Un de nos collègues, éminent capitaine d'industrie, plaide régulièrement pour mettre les gens au travail dès le plus jeune âge et les rémunérer le moins possible... En tant qu'enseignants et citoyens, nous sommes choqués.

L'éducation nationale doit impérativement évaluer ces établissements. Bref, notre rapporteure a été claire en soulignant tous les inconvénients de cette proposition de loi. Le groupe socialiste suivra ses conclusions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je salue l'initiative de Jean-Claude Carle qui attire notre attention sur des établissements qui existent depuis longtemps et dont les résultats sont probants. Ce coup de projecteur était utile. Les jeunes en difficulté doivent être scolarisés et formés afin de trouver un travail. Il ne faut pas rejeter a priori un système qui permet à certains jeunes en échec scolaire d'entrer dans la vie professionnelle.

J'ai été secrétaire d'État à la formation professionnelle et je puis témoigner des rivalités entre le ministère du travail, qui veut avoir autorité sur la formation professionnelle, et le ministère de l'éducation nationale qui la considère comme un sous-ensemble de l'enseignement technique. Ces querelles administratives sont dérisoires ; seuls les résultats comptent.

A juste titre, on a voulu démocratiser l'enseignement ; mais le collège issu de la « loi Haby » a rassemblé dans les mêmes classes des jeunes issus de trois formations différentes, d'où la disparition de techniques pédagogiques innovantes.

Les écoles de production obtiennent de bons résultats : pourquoi interdire à des jeunes en situation d'échec de s'insérer dans le monde du travail ? Avec Jean-Claude Carle et Françoise Laborde, la réflexion doit se poursuivre. A trop vouloir mettre tout le monde sous le même boisseau, nous risquons de passer à côté de méthodes pédagogiques novatrices.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Il s'agit ici d'une initiative essentiellement régionale. Comme nous sommes particulièrement préoccupés par les 150 000 décrocheurs scolaires et que nous prônons la liberté pédagogique, cette proposition de loi nous semble à plus d'un titre intéressante, même si le dispositif juridique paraît inapproprié.

Pourquoi ne pas mettre à profit ce texte pour travailler sur la liberté pédagogique ? Ces jeunes, à n'en pas douter, doivent relever de l'éducation nationale. La question est de savoir comment celle-ci peut valoriser leurs talents. Veillons à ne pas rallumer la guerre scolaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Notre rapporteure a clarifié le débat en rappelant les arguments en présence. Notre groupe n'est pas favorable au développement de ce type d'écoles, même à titre expérimental. La première école de production a été ouverte en 1882 par le chanoine Boisard...

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

De tels établissements doivent relever de l'éducation nationale. Le décrochage scolaire révèle l'échec du système éducatif qui peine à se remettre en question. Nous ne pouvons être favorables à des écoles où des enfants de 14 ans travaillent à 60 % de leur temps pour des entreprises. Cette professionnalisation est bien trop précoce.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Je salue le travail de Jean-Claude Carle qui maîtrise parfaitement les questions de formation et d'éducation. Pourquoi vouloir à tout prix garder des jeunes à l'école alors qu'ils ont décroché ? Cette initiative doit être regardée avec intérêt, même si elle ne concerne que 700 élèves. Toute expérimentation est bonne à prendre, et cette proposition de loi prévoit une clause de revoyure dans cinq ans. Allons-nous rejeter d'un revers de main une méthode qui a permis à des jeunes de trouver un emploi ou de reprendre des études ? Beaucoup d'emplois intéressants dans le bâtiment ou dans l'artisanat ne sont pas pourvus.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Mais cette expérience est unique et elle permet de combler des manques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Merci à Jean-Claude Carle de m'avoir fait découvrir une réalité que je ne connaissais pas, alors même que j'ai vécu dans la région lyonnaise. Merci aussi à notre rapporteure d'avoir bien posé le problème.

Si ces écoles existent, c'est qu'il y a une défaillance dans le système : l'exclusion ou le décrochage nous obligent à nous remettre en cause. Cela dit, on ne peut laisser des enfants de moins de 15 ans dans des écoles de production - appellation d'ailleurs un peu choquante. Celles-ci ne sauraient fonctionner sans contreparties, sans contrôle et sans évaluation permanente de l'éducation nationale et de la formation professionnelle. Je souscris donc aux conclusions de notre rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je salue le travail fouillé et méthodique de notre rapporteure qui décrit le fonctionnement des écoles de production. Je déplore qu'elles s'affranchissent de toutes les contraintes qui encadrent la formation des jeunes.

Certes, 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification, mais nous aborderons cette question majeure à l'occasion de la loi de refondation de l'école présentée par M. Peillon. Nous devrons nous interroger sur la place de l'apprentissage dans l'éducation nationale et sur les liens entre lycées professionnels et entreprises. M. Legendre a salué la pédagogie des écoles de production, mais peut-on encore parler de pédagogie quand 60 % du temps des élèves est consacré à la production et que les enseignements ne sont soumis à aucun contrôle ? Les ministères de l'éducation nationale et de la formation professionnelle doivent évaluer ces pratiques pour que nous y voyions clair. Enfin, peut-on s'affranchir de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans ? Est-ce en faisant travailler des jeunes de 14 ans que l'on répond à leurs souffrances ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je salue ce rapport très précis. La loi prévoit de donner aux enfants un socle commun de connaissances théoriques durant leur scolarité obligatoire. Il ne s'agit pas de chamailleries administratives, mais d'un devoir républicain ! Certes, l'échec scolaire nous impose l'humilité : certains enfants ayant du mal avec la théorie, toutes les expériences pédagogiques méritent d'être tentées. En revanche, les demandes des écoles de production sont inacceptables. C'est par intérêt financier qu'elles veulent être rattachées au ministère de la formation professionnelle ! Elles souhaitent bénéficier des bourses et autres aides de l'éducation nationale, tout en s'exonérant de toute contrainte. C'est d'ailleurs un texte de circonstance que l'on nous propose, qui favorise un projet pédagogique lancé dans une région : ce n'est pas de bonne méthode.

Lorsque nous débattrons de la loi de refondation de l'école, nous aborderons la question de la formation professionnelle avec les deux ministres en charge de ce dossier et qui doivent travailler de concert. Gardons-nous des fausses solutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Merci à Françoise Laborde et Jean-Claude Carle de m'avoir fait découvrir ces écoles de production. Notre commission gagnerait à aller voir de près ce qui se passe dans ces établissements, alors que l'obligation scolaire est fixée à 16 ans. Comment sont-ils contrôlés ? Il faudra le demander au ministre.

Lors d'une vie professionnelle antérieure, j'ai mené à la demande de mon inspecteur d'académie une enquête sur les sectes. Comment savoir s'il n'y a pas de dérives sectaires dans telle ou telle école de production ? Les élèves de 14 à 16 ans doivent demeurer sous le contrôle pédagogique de l'inspection académique. Pourquoi n'enverrions nous pas une délégation de la commission pour visiter ces écoles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Il faudrait aussi s'interroger sur leurs financements.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

La formation professionnelle déborde largement le cadre des seules écoles de production : on ne doit pas oublier les sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) ni les établissements régionaux d'enseignement adapté. Plutôt que ce bricolage, mieux vaut aborder la question de façon plus générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Comme nombre d'entre vous, je suis détachée de l'éducation nationale et je défends ardemment l'école gratuite, laïque et républicaine. Pourtant, face aux 150 000 jeunes laissés sur le bord du chemin, l'urgence est extrême. Nous devons apporter de promptes réponses et toute expérimentation est bienvenue. Quand 100 % des élèves des écoles de production réussissent leur insertion professionnelle, on ne peut parler de fausse solution, monsieur Assouline ! Pourquoi refuser une expérimentation, puisque le législateur sera amené à faire le point dans cinq ans ? Ce texte ne nous empêchera pas de nous pencher sur la formation professionnelle à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la refondation de l'école. Soyons pragmatiques plutôt que dogmatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je remercie Françoise Laborde pour son travail qui a permis d'affiner certains points juridiques. Je vous invite, mes chers collègues, à visiter ces écoles : votre jugement évoluera. Vous aurez du mal à en trouver qui soient dirigées par un chanoine : il n'y en a plus depuis belle lurette.

C'est après en avoir moi-même visitées, lorsque j'étais chargé de la formation dans la région Rhône-Alpes, que j'ai pris des mesures pour les soutenir. Après l'alternance, Mme Demontès et M. Queyranne, bien loin de les supprimer, ont amplifié ces aides et M. Collomb m'a récemment fait part de son soutien. Certes, elles ne scolarisent que 500 élèves, mais ce sont autant de jeunes qui ne sont plus à la rue. Demain ils pourraient être 5 000. C'est pourquoi je propose de sortir ces établissements de leur précarité juridique et matérielle. Peut-être est-ce du bricolage ; pourquoi pas si cela réduit le chômage ? Soit l'on attend que tous les problèmes juridiques soient réglés, et l'on risque d'attendre longtemps, soit on lance une expérimentation pendant cinq ans, comme nous y autorise la Constitution, sous la responsabilité du ministère de la formation professionnelle.

Mme la rapporteure souhaite donner du temps au temps, ce qui m'attriste pour ces jeunes, mais je ne désespère pas de parvenir à des résultats concrets, car l'Association des régions de France (ARF) s'intéresse à ces écoles de production. Le bon sens finira, j'en suis persuadé, par l'emporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Merci de vos compliments et merci à Jean-Claude Carle qui m'a donné l'occasion d'approfondir un sujet sur lequel je souhaite continuer à travailler.

La question de la dimension confessionnelle de ces écoles est secondaire, monsieur Magner. Les jeunes de ces écoles sont de confessions et d'origines sociales diverses. Sont-ils exploités ? Je n'ai pas de réponse précise et catégorique, c'est pourquoi je réclame une évaluation. Le produit des ventes sert à couvrir les dépenses de fonctionnement des établissements, qui bénéficient aussi d'autres ressources, comme une part de taxe d'apprentissage ou des subventions de régions. Certains versent une - maigre - allocation à leurs élèves sous la forme d'un pécule en fin de scolarité.

M. Legendre s'est félicité du coup de projecteur sur ces écoles. Dès lors que des très jeunes y sont scolarisés, ne les éloignons pas de l'éducation nationale pour ne pas rouvrir la guerre de la scolarité à 14 ou à 16 ans. Lorsque nous examinerons le projet de loi sur la refondation de l'école, nous devrons trouver les référentiels adéquats, afin de garantir l'égalité de traitement entre les élèves.

Je me réjouis que Corinne Bouchoux soit favorable à l'innovation pédagogique, absolument indispensable, mais n'oublions pas les exigences communes de l'instruction obligatoire. Une remise à plat générale s'impose donc.

La fédération nationale des écoles de production ne garantit pas un référentiel commun de formation théorique, madame Férat. Des référentiels obligatoires sont pourtant nécessaires, car il arrive que des cours soient supprimés lorsqu'une commande doit être terminée.

L'arrêté du 19 juin 2006 a reconnu sept écoles de production comme établissements privés d'enseignement technique, mais cela ne leur donne aucun droit supplémentaire. La situation est donc loin d'être satisfaisante. Jean-Claude Carle propose que ces écoles changent de tutelle, mais pourquoi ne seraient-elles pas soumises, comme les CFA, à la double tutelle des ministères de l'éducation nationale et de la formation professionnelle ? Les élèves ne doivent pas non plus être considérés comme des apprentis, puisque certains ne sont âgés que de 14 ans alors que l'apprentissage a vocation à commencer à partir de 15 ans révolus.

Certains lycées professionnels vendent aussi leur production, monsieur Assouline, ne serait-ce que pour acheter du matériel.

Les quinze écoles actuelles ne me semblent pas présenter de risques sectaires, monsieur Domeizel, mais comme le président de la FNEP m'a dit que 20 à 25 écoles supplémentaires pourraient rapidement être créées, nous devons effectivement être attentifs à ce problème. Je préfère donc que l'on règle la situation des écoles actuelles avant d'envisager d'en créer de nouvelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je vous propose, comme l'a suggéré M. Domeizel, de nous rendre à Lyon pour réfléchir à la scolarisation des enfants de 14 à 16 ans. Les écoles de production feront partie de notre circuit.

Nous allons passer à l'examen des articles.

L'article 1er n'est pas adopté, non plus que les articles 2, 3, 4, 5 et 6.

La commission repousse l'ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

La commission n'ayant adopté aucun texte, c'est la proposition de loi initiale qui sera examinée en séance.

La commission procède à l'examen des rapports pour avis de Mmes Françoise Cartron, Brigitte Gonthier-Maurin et Françoise Férat sur les crédits de la mission « Éducation » du projet de loi de finances pour 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Au cours de la précédente législature, le budget de l'éducation nationale est demeuré enfermé dans un carcan extrêmement rigide qu'était le Révision générale des politiques publiques (RGPP). Il était d'autant plus inadapté que les annonces de réformes et d'expérimentations étaient multipliés tous azimuts, sans réelle cohérence pédagogique. L'empilement de dispositifs nouveaux, coûteux et sans perspective de généralisation s'est substitué à l'adaptation des moyens humains aux besoins éducatifs. On a ouvert ainsi la voie à des inégalités de traitement injustifiées et à des frustrations chez les élèves et les familles qui n'en bénéficiaient pas, tout en drainant inutilement des moyens qui faisaient ensuite défaut dans les établissements ordinaires accueillant l'essentiel des élèves. Le nouveau Gouvernement a entrepris d'inverser la tendance.

Je ne peux que m'en réjouir.

Dans le projet de loi de finances pour 2013, les cinq programmes relevant de l'éducation nationale sont dotés de près de 62,7 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une progression globale de 2,92 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2012. Les mesures de périmètre, de l'ordre de 2 millions d'euros, demeurent extrêmement marginales.

Pour mémoire, le budget consacré à l'éducation n'avait crû que de 6 %, entre 2007 et 2012, ce qui représentait, en réalité une baisse en euros constants. L'effort proposé par le Gouvernement en faveur de l'éducation, conformément aux engagements du Président de la République, paraît donc tout à fait conséquent, au regard des marges de manoeuvre budgétaires dont il dispose. Je me félicite du desserrement maîtrisé et responsable de la contrainte budgétaire, qui permettra de mener à son terme la rénovation de l'école dans de bonnes conditions.

En ce qui concerne le détail des évolutions de chaque programme par rapport à la loi de finances pour 2012, à structure constante, je suis en mesure d'apporter les précisions suivantes.

Le premier degré public progresse fortement de 3,99 % pour s'établir à 18,8 milliards d'euros de crédits de paiement (CP). Un effort particulier est ainsi consenti en faveur du premier maillon de la chaîne éducative, le plus fondamental pour lutter contre l'échec scolaire et la réduction des inégalités sociales et territoriales.

Le second degré public croît de 2,58 % à 30,4 milliards d'euros.

Le programme 230 « Vie de l'élève », qui regroupe notamment la santé scolaire, l'accompagnement des élèves et l'action sociale, connaît une forte hausse de 5,87 % à 4,18 milliards d'euros (CP).

L'enseignement privé du premier et du second degrés reste stable à 7,08 milliards d'euros (CP). Il est vrai qu'il avait été préservé les années précédentes.

Le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » connaît enfin une augmentation sensible de 2,74 % pour 2,15 milliards d'euros de crédits de paiement. Je rappelle qu'il rassemble l'administration centrale et déconcentrée, les services supports et différents opérateurs comme l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) ou le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ).

Les hausses de crédit correspondent à l'accroissement des dépenses de personnel qui résulte lui-même de deux facteurs :

- la trajectoire d'évolution de la masse salariale sous l'effet du glissement vieillesse technicité (GVT) et des pensions ;

- des créations de postes afin de corriger les effets destructurants de la politique ancienne de suppression d'emplois et de non-renouvellement des départs en retraite.

Afin de maîtriser l'enveloppe globale, il était nécessaire en contrepartie de limiter les dépenses hors titre 2, qui sont plus flexibles par nature. Les arbitrages budgétaires mesurés du Gouvernement me paraissent pertinents.

Je souhaite toutefois qu'en matière de dépense hors personnel, la plus grande attention soit apportée à la gestion des moyens des fonctions support, réunis dans le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale ». Les dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention pour la logistique, les systèmes d'information et l'immobilier représenteraient environ 365 millions d'euros en autorisations d'engagement au titre de 2013. Des progrès importants peuvent être réalisés sur les grands projets si l'on en croit les indicateurs renseignés dans les documents budgétaires. Rappelons-nous les « bugs » rencontrés par le logiciel Chorus : il y a deux ans, ils avaient rendu nécessaire un rebasage du plafond d'emplois après la découverte de milliers d'emplois non comptabilisés.

Sur trois grands projets informatiques en cours, d'un coût supérieur à 10 millions d'euros, deux d'entre eux connaissent d'importants retards. Le projet SIRHEN (système d'information des ressources humaines de l'éducation nationale) est emblématique. Il concerne l'ensemble des personnels gérés par le ministère de l'éducation nationale et intègre le développement de la paye. De toute évidence, le projet a été mal préparé et mal suivi, malgré sa dimension structurante et stratégique pour piloter l'évolution des ressources humaines. En effet, deux ans de retard sur le calendrier d'achèvement du projet sont déjà prévus et le coût en a été réévalué de 80 à 200 millions d'euros, soit 150 % d'augmentation.

De même, en matière immobilière, la construction du rectorat de l'académie de Toulouse et du service départemental de la Haute-Garonne a pris également deux ans de retard, tandis que son coût est passé de 31 à 41,5 millions d'euros, soit 34 % de réévaluation.

Je souhaite que les trajectoires révisées après audit interne des projets immobiliers et informatiques soient désormais strictement tenues. A défaut, les marges de manoeuvre dégagées pour l'éducation nationale ne doivent pas être grignotées au détriment de l'ambition pédagogique et éducative portée par le Gouvernement.

Dans le PLF 2013, le Gouvernement prend le contrepied de la politique antérieure pour préparer la refondation de l'école. L'arrêt de la révision générale des politiques publiques, le renouvellement des départs en retraite et les créations de postes, notamment dans le premier degré, contribueront à renforcer l'offre éducative et à préparer l'étape indispensable de la reconstruction du recrutement et de la formation des enseignants. Je soutiens sans réserve ces orientations.

Le schéma d'emplois pour 2013 intègre l'extension en année pleine des mesures mises en place dès la rentrée pour atténuer les 14 000 suppressions d'emplois prévus par la loi de finances pour 2012. Rappelons le financement des 1 000 emplois de professeurs des écoles, 1 500 enseignants du second degré, 100 emplois de conseillers principaux d'éducation et 1 500 emplois d'AVS-i pour accompagner les élèves handicapés, prévu dans le collectif budgétaire adopté au mois de juillet dernier.

A la rentrée 2012, est également intervenu le recrutement de 2 000 assistants d'éducation supplémentaires afin d'assurer principalement des fonctions de surveillance. En outre, 500 assistants de prévention et de sécurité ont été affectés dans les établissements les plus exposés aux incivilités et aux violences, en complément du travail des équipes de vie scolaire et des équipes mobiles de sécurité.

Au-delà de l'extension en année pleine, le schéma d'emplois 2013 comporte des mesures nouvelles afin d'arrêter net les suppressions d'emplois dans l'éducation nationale et de procéder à des créations de postes dans le cadre fixé par le Président de la République.

Pour assurer le remplacement de la totalité des départs à la retraite et recréer l'année de formation des maîtres, le Gouvernement a donc prévu l'organisation de deux concours en préalable à la refondation de la formation initiale.

Afin de remplacer tous les départs définitifs d'enseignants en 2013, ce sont 22 100 postes qui seront ouverts à la session normale des concours de recrutement externe dont les épreuves d'admissibilité auront lieu à l'automne 2012 et les épreuves d'admission en juin 2013.

A la rentrée 2013, 8 781 nouveaux emplois équivalents temps plein (ETP), soit 8 281 ETP enseignants et 500 ETP non-enseignants, seront parallèlement créés. Ces emplois nouveaux permettront d'éviter toute dégradation des taux d'encadrement. Dans le premier degré, l'accueil des élèves de moins de trois ans sera renforcé, tandis que dans le second degré, les efforts porteront particulièrement sur les lycées d'enseignement professionnel.

Est précisément prévue la création de 11 476 équivalents temps plein (ETP) d'enseignants stagiaires dans le cadre de la réforme de la formation initiale. Ceci correspond à l'ouverture de 21 350 postes supplémentaires. Le recrutement interviendra lors d'une deuxième session de concours en Master 1, dont les épreuves d'admissibilité se tiendront en juin 2013 et les épreuves d'admission en juin 2014.

En outre, sera consacré l'équivalent de 458 ETP au financement des aménagements de service pour les stagiaires.

Pour parvenir au solde net affiché dans le PLF, il faut enfin intégrer la suppression de 3 653 ETP qui servaient de supports aux stages en responsabilité des étudiants de Master 2, compte tenu de la réforme de la formation initiale.

Un dernier mot sur la situation des RASED. Malgré leur intérêt pédagogique, ils ont été durement touchés par les suppressions de poste entérinées sous la précédente législature, sous l'argument que l'aide personnalisée mise en place avec la réforme du primaire de 2008 les rendait largement inutiles. Devant l'organisation chaotique de l'aide personnalisée et son faible impact sur les résultats des élèves, j'estime au contraire qu'il faut maintenir des effectifs suffisants dans ces réseaux.

A la rentrée 2011, le nombre d'emplois implantés en RASED a diminué 693 unités, soit une chute de 6,4 % de l'effectif total. Les postes de RASED ont manifestement supporté la part essentielle de l'effort budgétaire demandé à la rentrée 2011. En moyenne, entre le tiers et la moitié des suppressions de postes ont touché des RASED. A Toulouse, les retraits d'emplois dans les RASED ont même représenté 77 % des suppressions d'emploi. A Caen et dans les Bouches-du-Rhône, tous les postes de maître G étaient en voie de suppression.

A l'issue de la phase initiale de préparation de la rentrée 2012, les suppressions d'emplois prévues en RASED ont représenté près des deux tiers des retraits initialement envisagés dans le premier degré par le précédent gouvernement.

Après la mise en oeuvre du plan d'urgence adopté en loi de finances rectificative en juillet dernier, une centaine de postes a été rétablie au bénéfice des RASED. La correction initiée par le ministre de l'éducation nationale me paraît tout à fait pertinente.

Au bénéfice de ces observations, je rendrai un avis très favorable à l'adoption des crédits de la mission « enseignement scolaire », qui constitue le prélude nécessaire à la refondation de l'école engagée par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Le groupe CRC se prononcera en faveur l'adoption de ces crédits. Je voudrais saluer le changement de cap et l'arrêt de la politique mortifère de la RGPP. Une tâche de reconstruction immense s'ouvre à nous. Je suis interrogative sur l'ampleur des moyens alloués. Il faut réaffirmer la nécessité d'une grande loi-cadre de refondation de l'école qui donne de la lisibilité et de la stabilité en termes de scénario, d'organisation et d'emplois.

J'ai une première question qui concerne le concours de recrutement prévu en 2014. Rien n'est encore annoncé. Aura-t-il bien lieu ?

Je ne reviens pas sur la nécessité de la formation des enseignants. Je voudrais également vous interroger sur le devenir des bourses Chatel en Master 2 que je ne retrouve pas dans les bleus budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Je soutiens les conclusions de la rapporteure sur les crédits de la mission « enseignement scolaire » pour 2013. Je saluerai aussi l'engagement du ministre de l'éducation nationale s'agissant de la planification des crédits sur trois ans. Si la hausse est de près de 3 % pour 2013, il faut se féliciter d'une progression de 7 % sur les trois prochaines années. Cette programmation donne de la visibilité et permet d'envisager une poursuite de l'effort engagé dès cette année.

Il est important que la priorité soit donnée à l'école primaire car elle a été fragilisée, particulièrement de 2007 à 2012. La diminution des postes l'a lourdement affectée, notamment à l'école maternelle qui est une école à part entière, et la base de la réussite scolaire. La préscolarisation, en particulier dans les secteurs défavorisés, des moins de trois ans qui a baissé de 13 % dans les dernières années relève aujourd'hui des priorités affichées par le ministère.

Un dispositif de prérecrutement des enseignants devra être mis en place. Il devra veiller à mieux répartir démocratiquement le vivier des candidats potentiels ainsi qu'en fonction des disciplines, certaines étant en déshérence comme les mathématiques ou la littérature.

On évoquait précédemment l'engagement de jeunes dès 14 ans dans des filières professionnelles. Concernant le prérecrutement, il faut éviter de les enfermer trop rapidement dans ce métier et leur proposer des passerelles. Ces précautions envisagées pour les étudiants de l'enseignement supérieur doivent l'être également pour les jeunes de 14-15 ans.

Je demande à notre rapporteur pour avis que les travaux de notre groupe de travail sur le prérecrutement soient bien pris en compte lors de l'examen du futur projet de loi de refondation de l'école.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Nous avons pu rencontrer le ministre de l'éducation nationale. Les travaux récents de notre commission sur le métier d'enseignant, la carte scolaire et le prérecrutement nous ont permis d'approfondir ces sujets.

Au regard des budgets contraints, il faut saluer le choix de favoriser le ministère de l'éducation et les moyens destinés à l'éducation.

Le groupe RDSE votera les crédits affectés à l'enseignement scolaire pour 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Selon le rapport pour avis, le budget de l'enseignement scolaire est en hausse afin de permettre le recrutement de 40 000 enseignants dont 22 000 qui compensent les départs en retraite.

Or les études montrent que ce n'est pas la hausse des moyens financiers et humains qui conditionne la réussite éducative d'un pays.

Les pays les plus performants, tels que la Finlande ou le Japon, ne sont pas ceux qui consacrent les sommes les plus importantes au budget de l'éducation. Cette décision démagogique est critiquable, surtout dans un contexte de réduction des déficits publics et alors que le budget de l'éducation nationale n'a cessé d'augmenter depuis vingt ans. Il s'agit d'ailleurs du premier budget de l'État.

Ces moyens financiers seront pris au détriment d'autres budgets, comme celui de la culture par exemple, et des traitements des enseignants. Il faut rappeler qu'en février 2012, l'OCDE a étudié le lien entre les moyens et les résultats, concluant que les pays les plus performants attirent les meilleurs élèves vers le métier d'enseignant en leur offrant des salaires plus élevés et un meilleur statut professionnel.

Le gouvernement précédent l'avait bien compris. La moitié des économies faites par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a permis d'augmenter le traitement des jeunes enseignants.

Le pouvoir d'achat des enseignants effectuant des heures supplémentaires vient d'être affecté par le projet de loi de finances rectificative de juillet dernier. Ce budget ne permet pas l'amélioration de la profession d'enseignant.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je trouve important qu'on puisse mettre la priorité sur l'enseignement primaire. Le gouvernement précédent avait décidé de concentrer ses efforts sur l'enseignement supérieur et la recherche parce qu'ils avaient été délaissés et devaient prioritairement être soutenus.

Tout moyen affecté à l'école primaire est à saluer. Dans le cadre de la refondation de l'école, je souhaiterais qu'on puisse élargir le débat et ne pas être dans une position assez simpliste qui consiste à dire qu'il faut plus de moyens et plus d'enseignants.

Je suis attachée à un taux d'encadrement nécessaire et suffisant, prenant en compte la difficulté de certains territoires, mais la question ne peut se résumer à cela.

Nous aurons une réflexion sur la réforme des rythmes scolaires. J'ai des inquiétudes sur son application en raison de son coût alors que les collectivités territoriales subiront une réduction sans précédent de leur dotation de fonctionnement, à savoir 2 milliards d'euros.

Mieux accompagner la formation initiale et continue des enseignants est primordial. Il faut aussi s'interroger sur le contenu de leur mission dans un monde en mouvement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

L'école a beaucoup souffert des politiques de réduction des moyens. Le nombre d'enfants par classe est très important : 24 est un bon objectif.

L'accueil précoce est favorable à la réussite scolaire, comme en témoignent les résultats de l'académie de Rennes qui connaît un fort taux de scolarisation des moins de trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Oui, mais il ne faut pas réduire davantage les moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

S'ils ne sont pas tout, les engagements financiers contribuent largement aux performances du système éducatif. Il faut se féliciter d'un budget 2013 qui prépare la rentrée 2014 en fonction de la loi sur la refondation de l'école.

Lorsqu'on dit que la suppression d'un fonctionnaire sur deux a permis d'augmenter les traitements des jeunes enseignants, c'est uniquement dû à un artifice de calendrier, puisqu'ils sont rentrés dans la fonction deux ans plus tard. C'est une juste reconnaissance du déroulement de carrière.

Le ministre avait répondu à une de mes questions sur la remise en place du Conseil de l'innovation pédagogique pour préparer les rentrées 2014 et suivantes. Est-ce que cet engagement se retrouve dans une ligne budgétaire pour 2013 ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

J'ai une interrogation concernant les recrutements d'enseignants cette année en Master 2. Pour pallier le manque de postes et le remplacement des départs, on envisage une décharge de trois heures par semaine pour accompagner ces enseignants stagiaires. Où se situent les crédits correspondant à ces trois heures ? Est-ce à la charge des établissements de dégager du temps ou est-il envisagé la mise en place d'une formation pédagogique en dehors de l'établissement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Ils sont prévus dans la dotation horaire globale. Ce sont les établissements qui doivent l'organiser.

Remettre des enseignants face à des élèves dépasse le seul cadre des moyens, en particulier à l'école maternelle. La scolarisation précoce, en particulier dans les zones difficiles, peut apporter une contribution majeure à la réussite scolaire et aux apprentissages fondamentaux que sont la lecture et la langue.

Restaurer la formation des enseignants qui avait été sinistrée participe d'une redistribution de moyens nécessaire à la refondation de l'école.

Lors de déplacements dans différentes académies, avant le changement de majorité, les recteurs rencontrés nous ont dit qu'ils ne savaient plus faire en l'état actuel des moyens. Ils disaient : « Nous sommes désormais à l'os ».

Soit l'éducation et la jeunesse sont une priorité soit elles ne le sont pas. Gouverner c'est choisir. Je crois que c'est un bon pari pour l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Comme vous le savez, l'enseignement professionnel connaît depuis 2008 une réforme extrêmement profonde, que j'avais qualifiée dans un précédent rapport d'onde de choc, sans pouvoir déterminer jusqu'où porterait la déstabilisation.

La refonte n'a quasiment rien épargné de la carte des formations, de la construction des parcours et des modalités pédagogiques d'enseignement. J'estime donc nécessaire aujourd'hui d'en faire un premier bilan afin d'envisager les premiers correctifs.

En juin 2012, pour la première fois, les candidats au baccalauréat passés par le nouveau cursus en trois ans étaient nettement majoritaires. C'est aujourd'hui que l'épreuve de vérité commence pour les nouveaux bacheliers professionnels, qui doivent s'insérer sur un marché du travail très dégradé. Ou s'engager dans des études supérieures, dont tout laisse à penser qu'ils y sont mal préparés, j'y reviendrai.

Pour mémoire, je n'étais pas opposée par principe au bac professionnel en trois ans pour les meilleurs élèves. En revanche, j'ai toujours plaidé pour le maintien en parallèle de l'ancienne voie en quatre ans, via le BEP, parce que je m'inquiétais du sort des élèves les plus fragiles et des risques de multiplication des sorties sans qualification. Malheureusement, mes craintes se confirment.

Certes, il convient de noter un point positif. En volume, jamais il n'y aura eu autant de bacheliers professionnels que cette année. Ils sont près de 190 000, soit environ 35 000 de plus qu'en 2011. Cela s'explique par une forte augmentation du nombre de candidats.

Pour partie, c'est un effet de la réforme qui a attiré, de façon limitée, de nouveaux publics vers la voie professionnelle.

Mais surtout, il faut rappeler qu'un tiers encore des candidats en 2012 ont suivi l'ancien parcours en quatre ans, via le BEP.

Ce bourrelet dû aux doubles cohortes parallèles est censé s'éteindre définitivement en 2014. Dès l'année prochaine, le nombre de candidats et le nombre de bacheliers professionnels va se réduire fortement, de façon mécanique.

Il y a d'autant moins lieu d'être satisfaits que le taux de réussite au bac pro a chuté en 2012 de 5,6 points par rapport à 2011. C'est la troisième année de baisse consécutive du taux de réussite. La baisse concerne tous les secteurs, aussi bien la production que les services.

Le taux de mentions délivrées au bac pro diminue également de 3 points. Le ministère veut y voir la contrepartie de l'effet volume : plus de candidats présentés entraînerait moins de reçus en proportion.

Je crains, comme les professionnels, qu'il faille aussi s'inquiéter plus sérieusement de l'organisation de la scolarité en trois ans, qui est à la racine des échecs aux épreuves finales.

La certification intermédiaire et le contrôle en cours de formation cristallisent une grande partie des écueils de cette réforme.

La progression pédagogique est perturbée, la charge de planification et d'organisation est démesurée, la fiabilité des évaluations est très incertaine, l'articulation avec l'accompagnement personnalisé et les périodes de formations en entreprise est déficiente.

Autre sujet d'inquiétude : le nombre des sorties du système scolaire demeure très élevé.

Pour l'année 2011, sont concernés 18,4 % des élèves à la fin de la première année de CAP, 13,6 % en seconde professionnelle et 12,8 % en première professionnelle. On peut considérer que 60 000 élèves quittent la voie professionnelle avant même d'être entrés en dernière année de formation.

Et même si le suivi statistique est loin d'être efficient, il fait peu de doute que ces sorties débouchent très peu sur un contrat de travail, même en apprentissage, étant donné les réticences des entreprises à embaucher dans le contexte économique actuel. Il s'agit donc bien de décrochage.

C'est certainement là l'échec majeur de la réforme de la voie professionnelle, qui demanderait à lui seul d'en revoir profondément l'architecture. Plusieurs de mes interlocuteurs lors des auditions ont avancé par exemple l'idée d'ouvrir des cursus plus souples en quatre ans. A minima, il faudrait construire des passerelles effectives entre les cursus de bac et de CAP.

En revanche, j'avoue être très réticente à l'ouverture de parcours mixtes entre le statut scolaire et l'apprentissage. Par exemple, des parcours dits « 1+2 » ou « 2+1 » : un an sous statut scolaire puis un contrat d'apprentissage sur deux ans ou bien deux ans en lycée professionnel et un an en alternance.

Pourquoi mes réticences ? Je perçois deux risques majeurs. D'abord, le risque que les employeurs débauchent vers l'apprentissage les « meilleurs » élèves dès la fin de la seconde ou de la première, avec la perspective d'un salaire immédiat pour le jeune. Dans ce cas, les « meilleurs » iraient tous vers l'apprentissage, en renonçant d'ailleurs sans le savoir à toute poursuite d'études, quand dans le même temps, les autres élèves resteraient dans l'éducation nationale, qui accumulerait les difficultés sans accroître parallèlement ses moyens financiers.

Deuxième élément de réticence : le développement annoncé de l'apprentissage au sein des lycées professionnels.

Cette option ne me semble pas constituer une bonne piste, qui nécessiterait de toute façon, de prime abord, d'apporter des réponses à certaines interrogations de fond. Les cohabitations entre publics différents et parcours différents posent, en effet, des problèmes pédagogiques et d'organisation très lourds. Comment compte-t-on procéder ?

Il faudrait aussi revoir la répartition du produit de la taxe d'apprentissage, qui, selon le dernier chiffrage disponible en 2010, représente 1,9 milliard d'euros. Comme le taux d'imposition est proportionnel à la masse salariale, la montée du chômage fait baisser mécaniquement le produit. Pour mémoire, 52 % de taxe d'apprentissage, le « quota » revient obligatoirement à l'apprentissage, via des versements calibrés aux CFA, à un fonds national et au Trésor public. Les 48 % restants, le « barème », sont en réalité des versements libératoires des entreprises vers les formations technologiques et professionnelles de leur choix. Aujourd'hui, les lycées professionnels pâtissent d'un affaiblissement alarmant des contributions des entreprises. La construction de la taxe et l'affectation des fonds par les organismes collecteurs désavantagent très nettement les élèves de l'enseignement professionnel public.

Ainsi, au niveau de l'ensemble du second degré, le public reçoit à peine plus que le privé alors que ce dernier scolarise cinq fois moins d'élèves. Et plus finement, au sein du second degré public, les lycées généraux et technologiques reçoivent environ 5 % du produit contre moins de 3 % pour les lycées professionnels.

Plus fondamentalement, je m'interroge sur la façon dont le gouvernement entend tenir les deux objectifs qu'il promeut. En effet, comment à la fois développer l'apprentissage, notamment au niveau V et élever le niveau de qualification globale de la population ? C'est à dire comment concilier dans le même temps l'objectif d'insertion professionnelle rapide et celui d'élévation du niveau de qualification ?

A ce stade, les auditions que j'ai réalisées pour cet avis budgétaire ne m'ont pas permis d'obtenir des réponses concrètes. Ce dilemme reste donc encore à trancher.

Il me semble que si l'on favorise trop l'apprentissage, on renonce alors à l'élévation du niveau de qualification au profit de l'insertion rapide.

A long terme, cela risque de n'être profitable, ni individuellement, ni collectivement.

En effet, pour la carrière professionnelle du jeune, une insertion rapide, avec les plus bas diplômes possibles, sera synonyme de moindre faculté d'adaptation, de moindre capacité à la reconversion et donc au final de moindre progression de carrière. Pour la compétitivité globale de l'économie, si d'actualité de nos jours, renoncer à l'élévation du niveau de qualification paraît à rebours des enjeux posés et affichés.

Dans les discours qui ont accompagné la réforme, et qui ne sont pas remis en cause aujourd'hui, la possibilité de poursuite d'études dans le supérieur a été mise en avant.

Elle a d'ailleurs séduit bon nombre de familles, si bien que les demandes de poursuite dans le supérieur, vers le BTS notamment, explosent.

Pour autant, aucun dispositif concret d'accompagnement des bacheliers professionnels n'a été mis en place. Les résultats ne sont évidemment pas bons à l'université mais aussi en BTS.

Nous devons donc réfléchir aux moyens de soutenir les bacheliers professionnels au cours de leur transition vers le supérieur. Les lacunes dans les matières générales et dans l'acquisition des méthodes de travail, nécessiteraient la mise en place d'un sas, peut-être d'une année, d'une sorte de propédeutique, de remise à niveau avant l'entrée en BTS ou en DUT.

Tant du point de vue de la capacité d'insertion sur le marché du travail que des poursuites d'études, la réforme commence à susciter de la frustration dans les familles et chez les élèves qui ont cru au discours de revalorisation de la voie professionnelle.

Ce sont bien sûr les milieux populaires et les moins favorisés qui sont les plus exposés. Je rappelle en effet que la moitié des élèves en voie professionnelle sont enfants d'ouvriers, de chômeurs ou d'inactifs, alors qu'ils ne représentent qu'un tiers de l'effectif global du second degré. Nous ne pouvons donc pas nous contenter de l'existant. C'est pourquoi je plaide pour que des corrections interviennent impérativement.

Enfin pour conclure, j'aimerais dire un mot sur les divers projets de régionalisation.

Un possible transfert aux conseils régionaux de la compétence sur les lycées professionnels, y compris les personnels enseignants, est semble-t-il écarté. Je m'en félicite, car les ressources financières des régions sont trop minces et leur expertise pédagogique trop faible.

Cependant, il est prévu de transférer aux régions la fixation de la carte des formations professionnelles et de leur laisser la maîtrise du service public territorialisé d'orientation. Les détails et même les contours exacts de ces projets ne sont pas encore connus.

Je me contenterai donc de vous faire part de quelques interrogations, qui ont notamment été soulevées lors de mes auditons : quelle répartition des rôles entre les présidents de conseils régionaux et les recteurs ? Comment éviter l'aggravation des inégalités sociales et territoriales entre les élèves ? Quelles garanties pour les personnels, notamment pour les conseillers d'orientation-psychologues ?

Autre point qui m'interroge : la transformation des GRETA en GIP. Le délai imposé par la loi Warsmann II arrive à échéance en 2013 et ne sera pas tenu en tout état de cause. Une modification législative est nécessaire au moins pour repousser l'échéance. Dans quelle mesure pouvons-nous aller plus loin et proposer des garanties statutaires aux personnels ? Ne pourrions-nous d'ailleurs pas revenir tout simplement sur le principe même de la transformation en GIP ? Des négociations sont ouvertes entre le ministère de l'éducation nationale et les personnels, mais il est difficile d'en prévoir l'issue, d'autant que ce dossier dépend également du ministre de la fonction publique.

Telles sont les observations et interrogations que je voulais vous soumettre. Et sous les réserves que j'ai formulées, je vous propose de rendre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je souhaite intervenir sur un point qui me semble important. Il s'agit du bac professionnel et de la poursuite des études dans l'enseignement supérieur.

Contrairement aux bacs généraux et technologiques qui ont pour vocation la poursuite vers l'enseignement supérieur, le bac pro est un diplôme d'entrée dans la vie professionnelle. C'est déjà un progrès en termes de connaissances générales, parce qu'avant on entrait dans la vie professionnelle avec un CAP ou un BEP.

Mais ceux qui ont un bac pro et qui veulent poursuivre leurs études dans l'enseignement supérieur subissent de gros échecs.

L'objectif du bac technologique est de donner accès aux BTS sans que ces jeunes se voient prendre les places par ceux qui viennent de bacs généraux.

Je souhaite que l'État accorde une garantie aux lycéens des bacs pro afin qu'ils puissent reprendre une formation grâce à la validation des acquis de l'expérience (VAE). Il faut tenir un discours de vérité et dire aux bacheliers pro qu'ils ne peuvent pas aller actuellement dans l'enseignement supérieur, sinon c'est l'échec assuré.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Le RDSE est mitigé sur cette formation du bac pro en 3 ans car les attentes des professeurs et des parents ne sont pas toujours en adéquation avec les possibilités des élèves. Les résultats du bac pro montrent que ce n'est pas une réussite. De façon générale, nous pensons qu'il faut valoriser la culture générale au cours des études.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Je suis favorable à la valorisation des filières techniques et de la filière professionnelle. Il faut changer l'image et les parcours, mettre de la souplesse et offrir des passerelles. Dans un quart des cas, la route des jeunes n'est pas tracée à l'avance et il faut donc pouvoir changer de filière.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Beaucoup de questions se posent sur cette voie professionnelle. Il faut laisser de la souplesse et des ouvertures dans cette voie. Pour la 3e année consécutive, il y a une diminution sensible de la réussite au bac pro. Je m'interroge également sur le bienfondé de la scolarité en 3 ans. L'amélioration de cet enseignement s'inscrit dans le cadre de la refondation de l'école. L'enseignement professionnel mérite toute notre attention.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je constate une prise de conscience générale sur la volonté de revalorisation de cette voie professionnelle qui pose également à la question du décrochage scolaire. Le bac professionnel en 3 ans a crée une véritable onde de choc au risque de désorganiser la carte des formations. On est en train de la vivre et de la constater. Un certain nombre d'élèves qui auraient pu choisir une voie générale se sont tournés vers la voie professionnelle en pensant pouvoir accéder à un BTS. Je plaide pour la prise de conscience de cet état de fait. L'effet pervers de la réforme, c'est de ne pas préparer la poursuite d'études à l'enseignement supérieur tout en la stimulant. Il y a une sorte de dualité entre l'insertion professionnelle et la poursuite des études, qui devient de plus en plus difficile avec un niveau de formation générale en baisse. Enfin, je regrette un assèchement de toutes les passerelles. Il est nécessaire de prendre des mesures d'urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Madame la Présidente, mes chers collègues. Périodiquement, quel que soit le ministre en charge, les mêmes soucis reviennent sans que se dessine et se stabilise une trajectoire lisible et favorable au développement de l'enseignement agricole. Je tiens aussi à préciser que je souhaite que toutes les composantes de l'enseignement agricole - le public comme le temps plein et le rythme approprié - puissent en bénéficier parce que chacune sait répondre différemment aux besoins des jeunes, des parents et des territoires.

Le PLF pour 2013 consacre à l'enseignement agricole 1,325 milliard d'euros, soit une hausse de 1,66 % en crédits de paiement. L'enseignement agricole est donc plutôt moins bien traité que l'éducation nationale cette année, puisque son budget doit, quant à lui, augmenter de 2,92 %. Certes les réseaux ne sont pas organisés de la même façon, mais il faut rappeler que les années passées, l'enseignement agricole a payé un lourd écot à la révision générale des politiques publiques. Il a considérablement modernisé son organisation et sa gestion des crédits, sans rien de comparable à l'éducation nationale. Cette année encore, il participe à l'effort de maîtrise des finances publiques avec notamment une réduction de 4,1 % des crédits de l'inspection et de 4,7 % des fonds destinés à l'organisation des examens.

En termes d'emplois, le PLF 2013 prévoit 250 créations de postes, 50 déjà adoptées dans le cadre du collectif budgétaire de juillet et 200 nouvelles à la rentrée 2013. Ces créations sont bienvenues alors que le non-renouvellement des départs à la retraite avait pu atteindre par le passé un ratio de deux tiers.

Cependant, la répartition des créations de postes pose des difficultés. En premier lieu, il n'est inscrit que des créations de postes d'enseignants. Mais, dans l'enseignement public, il serait nécessaire de prévoir des postes non-enseignants, car les établissements ont du mal à fonctionner avec des personnels administratifs en nombre insuffisant. En second lieu, la répartition des créations entre le public et le privé du temps plein est contestable. En effet, il est appliqué un ratio de 70 % pour le public et de 30 % pour le Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP). Or, les suppressions de postes d'enseignants intervenues ces dernières années respectent plutôt un ratio de 55 % pour le public et 45 % pour le temps plein environ. Par parallélisme, il serait juste de retenir la même proportion lors des nouvelles créations de postes d'enseignants.

Beaucoup plus préoccupante me paraît, toutefois, l'évolution des crédits hors titre 2, qui correspond au calcul des subventions à l'enseignement privé et du rythme approprié. Cette année, dans les deux cas, il ne semble pas que soient respectées les dispositions du code rural et les protocoles d'accord signés pour mettre fin au contentieux administratifs pendants.

Pour le CNEAP, le problème vient de l'enquête quinquennale qui sert à réévaluer le coût d'un élève dans le public pour calculer sur cette base la subvention aux établissements du temps plein. Le ministère a achevé l'enquête mais se refuse à en communiquer les résultats. En réalité, en raison de décision unilatéralement appliquée dans l'enseignement public comme le plafonnement des effectifs par classe, l'État n'est pas en mesure de respecter les dispositions législatives et réglementaires. C'est pourquoi les documents budgétaires sont muets sur le mode de construction de la subvention au temps plein, puisqu'elle est dépourvue de base juridique.

Pour les maisons familiales rurales (MFR), le problème vient de l'application du protocole d'accord Barnier de 2009 sur la revalorisation du taux d'encadrement, à partir de laquelle est calculée la subvention servant à payer les formateurs. L'interprétation restrictive par l'État de l'enveloppe de 17 millions d'euros allouée à l'époque ne semble pas conforme au protocole, qui avait déjà réduit la créance des MFR sur l'État. De même, le plafonnement des effectifs est très discutable à la fois dans son mode de calcul et dans sa légitimité. Il me paraît personnellement inconcevable d'accepter que 2 000 élèves ne soient pas financés et que d'autres restent tout bonnement sur le bord du chemin !

Je crains que nous ne soyons entrés dans une nouvelle phase difficile comme tous les cinq ans environ. L'État n'est pas en mesure de respecter l'intégralité de ses engagements, même revus à la baisse après négociation. On en vient à douter de la capacité de l'État à respecter la législation et la réglementation, qu'il tend à interpréter de manière unilatérale. Le CNEAP comme les MFR saisissent la commission de conciliation et s'engagent dans une phase précontentieuse, avant un nouveau tour de négociation et la signature prévisible de nouveaux protocoles.

Ce mode de fonctionnement n'est bien entendu pas satisfaisant car ce sont les élèves qui en pâtissent directement. Chaque année, chaque mois perdu dans des négociations difficiles, mettent en péril des établissements et des filières.

On ne peut en tenir rigueur au nouveau ministre de l'agriculture, qui découvre une situation déjà sédimentée et que l'on a connue sous plusieurs gouvernements, depuis le vote de la loi Rocard en 1984. En revanche, je souhaite qu'il intervienne fortement pour que soit trouvée dans la négociation une solution pérenne et lisible au financement de l'enseignement agricole privé. Charge ensuite à l'État de tenir ses engagements : le fait du Prince est devenu inacceptable !

Un mot sur la réforme du baccalauréat professionnel dont la mise en oeuvre dans l'enseignement agricole s'achève avec la rénovation des filières des services en milieu rural et hippiques. Je dois avouer une certaine inquiétude sur les résultats au baccalauréat : par rapport à l'année précédente, les résultats de la session de juin 2012 enregistre une baisse de 6,7 points. Il conviendra d'examiner précisément les raisons de ce reflux, qui néanmoins laisse à la filière agricole un taux de réussite de 83,1 % contre seulement 77,5 % dans l'éducation nationale.

Enfin, je ne peux que redire cette année encore que les synergies avec le ministère de l'éducation nationale doivent être plus systématiquement recherchées. C'est vrai au niveau central pour la définition des politiques éducatives, la mise en oeuvre des réformes, les référentiels des formations et la conception des épreuves. Trop souvent, l'éducation nationale décide seule de tous les dispositifs et impose ses choix à l'enseignement agricole. Mais au niveau régional, il faut aussi aller plus loin dans la mise en commun de locaux et l'optimisation de la carte des formations. Les échanges de services d'enseignants entre établissements de l'éducation nationale et de l'agriculture devraient également se développer. Pour l'instant, on reste trop dépendant des bonnes volontés personnelles de tel ou tel recteur ou de tel ou tel directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF). La nouvelle directrice générale que j'ai rencontrée dès sa prise de fonctions m'a paru tout à fait disposée à travailler en ce sens.

En conclusion, en reconnaissant à la fois l'engagement du ministre de l'agriculture et les difficultés structurelles rencontrées pour respecter les engagements de l'État à l'égard des établissements privés, je recommande la sagesse sur l'adoption des crédits de la mission « enseignement scolaire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Je tenais tout d'abord à remercier madame la rapporteure pour son intérêt connu et reconnu pour la cause de l'enseignement agricole. L'enseignement agricole est actuellement en plein changement de paradigme après des années de spirale négative. Un point positif, c'est que l'enseignement agricole est aujourd'hui plus innovant que l'éducation nationale car cela fait des années qu'il se sent menacé et lutte pour sa survie financière. Son rôle dans la promotion sociale est aussi primordial puisque, dans les 15 écoles supérieures d'agriculture, on va retrouver entre 18 et 45 % de boursiers. Ces écoles sont donc des modèles importants et peuvent être le point de départ pour des pistes d'innovation, à la fois dans le public et dans le privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Comme ma collègue, je voudrais à nouveau saluer l'engagement de la rapporteure sur le sujet. Cependant, j'ai quelques petites interrogations sur ce qu'elle nous a dit : les postes supplémentaires sont essentiellement des postes d'enseignants, mais 3,5 millions serviront aussi à créer des emplois d'auxiliaires de vie scolaire. Et ce sont 30 postes qui vont être ajoutés aux 40 déjà créés en 2012. Pourquoi affirmer alors qu'il n'y aura pas de création de postes non-enseignants ? Sinon, je rejoindrai les propos de la rapporteure.

C'est vrai que l'enseignement agricole est un lieu de vraie innovation dont l'organisation et les méthodes pédagogiques sont très différents de ce que l'on trouve dans l'enseignement académique général.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Au vu des moyens supplémentaires qui sont alloués, le groupe RDSE se prononce en faveur d'un avis très favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je tenais pour ma part à revenir sur les 200 créations de postes : ce sera 140 postes dans le public et 60 dans le privé, ce dont on ne peut que se féliciter.

Néanmoins, sur le terrain, c'est la débandade et les demandes sont très pressantes. Il faut faire très attention avec les chiffres car si on prend en compte les années précédentes, le solde des créations et des suppressions de postes demeure négatif. L'attention doit être redoublée surtout au vu de la hausse des effectifs...

Concernant la création de postes d'enseignants et de non-enseignants, je tenais à mettre en avant le désert en termes de médecine scolaire et le nombre de postes dans l'administration qui ont été supprimés ces dernières années.

Mais je tiens quand même à donner un avis favorable sur ce budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Pour les suppressions de postes d'enseignants, le ratio appliqué au cours de la précédente législature était de 55 % dans le public et de 45 % dans le privé alors que les actuelles recréations de postes répondent à un ratio de 70/30, ce qui, bien évidemment, fait naître des inquiétudes légitimes au CNEAP puisque les besoins sont les mêmes dans tous les systèmes.

Je rappelle que par le passé deux tiers des départs en retraite n'ont pas été renouvelés alors que dans l'éducation nationale, ce n'était qu'un sur deux. Le ressenti au sein même des établissements de l'enseignement agricole est que la situation avait atteint un point critique.

Concernant l'enseignement agricole supérieur, je vous renvoie aux travaux effectués par ma collègue Dominique Gillot, rapporteure pour avis.

Les auxiliaires de vie scolaire sont inscrits en crédits de titre 6 et ne sont dès lors pas comptabilisés en tant que tels dans le plafond d'emplois de titre 2.

Enfin, sur le rapport enseignant/non-enseignant, je soulignerais que, si les enseignants sont indispensables, c'est aujourd'hui l'accompagnement administratif qui fait le plus défaut dans les établissements publics.

Je suis objective dans mes propos et mes demandes et je continue de soutenir que la crédibilité de l'enseignement agricole a un prix. C'est pourquoi je requiers l'adoption d'un avis de sagesse : il n'y a pas de meilleur moyen pour faire une demande. Et je souhaite aussi que les ministres concernés se concertent et adoptent une position commune forte au moment des arbitrages budgétaires qui se dérouleront au printemps prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Depuis des années, j'admire la pugnacité de Mme la sénatrice Férat sur le dossier de l'enseignement agricole.

J'aurais tout de même aimé savoir s'il était envisagé une éventuelle mise à plat de toutes les formations, notamment afin de simplifier les doubles tutelles...

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Le seul à pouvoir remettre à plat le fonctionnement de l'enseignement agricole, c'est le ministère de l'agriculture qui conserve seul la tutelle. Mais il reste évident que les deux ministères sont tous les deux responsables budgétaires de la mission « enseignement scolaire ». C'est pourquoi, conformément à la LOLF (loi organique relative aux lois de finances), nous étions obligés de prélever des crédits sur l'éducation nationale lorsque nous voulions soulager l'enseignement agricole. Mais ce n'était pas de gaîté de coeur puisque nous avions l'impression de déshabiller Paul pour habiller Jacques. Pour éviter ces choix cornéliens, il est temps d'assurer un traitement équitable de l'enseignement agricole dès la construction des budgets.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Ne pourrait-on pas alors envisager une audition du ministre de l'agriculture ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Vous me ravissez ma conclusion puisque j'allais proposer la même chose...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Décidemment, Mme Blondin ennuie beaucoup de monde, puisque, moi aussi, je m'apprêtais à vous faire part de la même volonté...

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Vous connaîtrez la position de mon groupe sur l'ensemble de la mission « enseignement scolaire » lors de l'examen en séance.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».