Intervention de Aurélie Filippetti

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 14 novembre 2012 : 3ème réunion
Loi de finances pour 2013 — Audition de Mme Aurélie Filippetti ministre de la culture et de la communication

Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication :

Le ministère de la culture contribuera l'an prochain, comme les autres, au redressement des finances publiques. Je tiens à saluer le sens des responsabilités des professionnels concernés, qui ont fait preuve, sinon d'enthousiasme, du moins de solidarité. Les Français comprendraient mal que la culture soit exemptée de tout effort. J'ai voulu mettre plus particulièrement à contribution les secteurs qui ont les reins solides, afin de ne pas nuire aux missions fondamentales du ministère et de ses établissements.

Mon ministère sera doté en 2013 d'une enveloppe globale de 7,4 milliards d'euros, en baisse de 2,3 %, en y comprenant le compte d'affectation spéciale « Pensions ». La mission « Culture » recevra pour sa part 2,63 milliards d'euros, soit 94 millions et 3,3 % de moins que cette année, et la mission « Médias, livre et industries culturelles » 1,219 milliard d'euros, auxquels s'ajoutent les 3,398 milliard d'avance à l'audiovisuel public, pour un total de 4,617 milliards en recul de 1,8 %.

La baisse des crédits s'explique bien sûr par la situation exceptionnellement grave que nous connaissons. Si cet effort peut être consenti, c'est parce que la politique culturelle a longtemps été réduite à une kyrielle de grands projets, impliquant des lourdes dépenses d'investissement puis de fonctionnement, entamant par là même les marges du ministère et jusqu'aux moyens de fonctionnement des structures existantes, et menaçant l'accomplissement de nos missions fondamentales. J'ai trouvé en arrivant rue de Valois une liste impressionnante de grands travaux projetés, certes alléchants si le ministère disposait de moyens infinis, mais dont l'accumulation est aujourd'hui déraisonnable : deuxième musée de la photographie à l'Hôtel de Nevers, nouvelle salle de la Comédie-Française, tour Utrillo de Clichy-Montfermeil, Centre national de la musique, Maison de l'Histoire de France... Les projets en cours d'achèvement pèsent aussi sur nos finances : Archives nationales de Pierrefitte, Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) de Marseille, Philharmonie de Paris dont le gros oeuvre est déjà sorti de terre et qu'il serait donc irresponsable d'abandonner, Quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France. Si l'on y ajoute les projets envisagés, il aurait fallu 1 milliard d'euros en trois ans ; les financements prévus n'en couvraient que la moitié. Il m'a donc fallu prendre des décisions difficiles d'arrêt, de rééchelonnement ou de redimensionnement.

Quant à l'audiovisuel public, il pâtit de la réforme de 2009 qui ne lui a pas assuré de financement pérenne : la compensation des recettes publicitaires perdues étant soumise aux aléas de la conjoncture économique, France Télévision subit aujourd'hui une double peine.

Bref, des annonces précipitées ont fragilisé la politique culturelle. Une série de grands projets ne remplace pas une politique de long terme, qui fait vivre les établissements dans nos régions. La culture ne se résume pas à Paris et à l'Île-de-France : elle est indispensable à chaque territoire, à son attractivité, à son développement économique et à l'emploi, au renforcement du lien social. J'ai mis à l'arrêt les projets de Maison de l'Histoire de France et de musée à l'Hôtel de Nevers, redimensionné la tour Utrillo de Clichy en concertation avec les élus, et remis à plat le projet de Centre national de la musique (CNM). Pour financer les mesures d'aide à la transition numérique, structurer la filière musicale, encourager la création et la diffusion, il faudra un outil efficace et des ressources sûres. Le CNM, c'était d'un côté un établissement de plus, avec ses coûts fixes, ses emplois à prélever sur d'autres secteurs ministériels, d'autre part un financement par une dérivation de la taxe sur les services de télévision des distributeurs (TSTD), dont le produit n'est nullement assuré puisqu'elle fait l'objet d'un examen approfondi de la part de la Commission européenne : nous avons dû dénotifier son assiette, et dans les jours qui viennent nous notifierons une nouvelle assiette, maintenant un lien avec le chiffre d'affaires des entreprises de télécommunications, mais comportant un abattement pour éviter les dérives observées ces dernières années.

J'ai donc voulu revenir aux fondamentaux, c'est-à-dire aux besoins réels. Au sein du ministère a été créée une mission spéciale dédiée à la musique et reliant les directions générales de la création artistique et des médias et industries culturelles. Une enveloppe de 200 000 euros est destinée à soutenir l'édition et la production phonographique, notamment les entreprises victimes du dépôt de bilan d'un prestataire. En collaboration avec l'association « Tous pour la musique », nous verrons comment maintenir ces acquis et dégager de nouveaux financements. Je précise que le crédit d'impôt phonographique sera prorogé, son plafond ramené de 1,3 million à 800 000 euros, mais son taux porté à 30 % pour les PME, tandis qu'il était jusqu'ici de 20 % pour toutes les entreprises.

Les missions fondamentales du ministère seront préservées, dans tous les secteurs de la création : arts plastiques, spectacle vivant, édition, musique, cinéma, audiovisuel, diversité de la presse. Tout en faisant supporter aux entreprises et opérateurs les plus solides les principaux efforts, j'ai maintenu les crédits d'intervention en région et les actions de soutien à l'emploi et à l'activité des entreprises culturelles. Dans des conditions difficiles, j'ai voulu que ce budget soit le plus équitable possible.

Les plus grands établissements verront leur subvention baisser dans une proportion comprise entre 1 et 2,5 %, et ceux qui ont des réserves, comme le Louvre ou l'Opéra de Paris, subiront un prélèvement exceptionnel, qui ne saurait être réitéré sauf à mettre en cause l'existence même des réserves. Dans le secteur audiovisuel, l'effort sera également concentré sur ceux peuvent le mieux le supporter. Conformément aux recommandations du rapport Cluzel, j'ai préservé les crédits de l'Audiovisuel Extérieur de la France, afin que cette entreprise essentielle pour la diffusion des médias français à l'étranger poursuive son travail de consolidation et d'apaisement. Radio France verra ses crédits amputés de 0,5 % seulement, Arte, qui a connu de beaux succès d'audience et dont la qualité des programmes ne se dément pas, de 0,3 %. De même, l'Institut national de l'audiovisuel (Ina) sera épargné, car ses succès sont indéniables et ses missions - constitution de fonds d'archives, formation des professionnels - fondamentales.

La diminution des crédits nous a conduits à effectuer des choix courageux afin d'assurer un financement pérenne de l'audiovisuel public. La redevance est la recette la plus sûre, la plus durable, celle qui préserve le mieux l'indépendance des chaînes. Le Gouvernement propose donc un relèvement modéré de 2 euros, à quoi s'ajoute l'évolution liée à l'inflation : la redevance s'établirait donc à 129 euros au lieu de 125. Peut-être le Parlement choisira-t-il de la porter à 131 euros en métropole : le Gouvernement y est très favorable. Cela ne dispensera pas France Télévisions d'efforts de gestion. Notre redevance restera d'ailleurs bien inférieure à celle d'autres pays européens : 180 euros au Royaume-Uni, 216 euros en Allemagne.

Malgré cette hausse, France Télévisions verra ses recettes diminuer de 32,5 millions d'euros, ce qui ne mettra pas en péril ses missions stratégiques. Le contrat d'objectifs et de moyens devra être révisé par un avenant qui sera présenté au Parlement en janvier.

Dans le domaine du cinéma, le principal opérateur est le Centre national de la cinématographie (CNC). Ses résultats sont exceptionnels : le cinéma français est une grande réussite artistique et économique. C'est le seul avec le cinéma indien à résister à l'hégémonie américaine, puisque les films français représentent 40 % de la fréquentation des salles en France. Celle-ci est d'ailleurs en hausse, et l'on devrait encore dépasser 200 millions de spectateurs cette année. Le budget du CNC, souvent contesté, se justifie donc pleinement. L'établissement sera pourtant mis à contribution, comme les autres : 150 millions d'euros seront prélevés sur son fonds de roulement. Que l'on ne dise plus, dans les commissions des finances, que le ministère de la culture est dépensier !

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