J'ai moi-même siégé à la commission des finances de l'Assemblée nationale !
Ce budget se caractérise aussi par un rééquilibrage des moyens entre les régions, puisque les grands opérateurs, soumis aux efforts les plus importants, sont pour la plupart établis à Paris. J'ai veillé à ce que les enveloppes hors investissements des directions régionales de l'action culturelle (Drac) soient préservées. Le budget alloué au spectacle vivant augmentera de 1,2 % pour atteindre 422 millions d'euros, celui des monuments historiques sera maintenu à hauteur de 322 millions. Il en va de même de l'architecture, qui joue un rôle essentiel dans la protection et la mise en valeur des espaces urbains et paysagers, alors que les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) se transforment en aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (Avap). Je souhaite d'ailleurs que la loi sur le patrimoine qui sera présentée fin 2013 supprime la date-limite de 2015, qui paraît difficile à respecter. Les arts plastiques, le livre, la lecture publique, ainsi que - pour la mission « Médias » - le cinéma et la musique voient aussi leurs crédits maintenus. De même, les radios associatives recevront toujours 29 millions d'euros.
J'entends aussi relancer le dialogue avec les élus locaux par le biais du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), que je souhaite voir doter d'antennes dans les territoires. J'ai demandé à poursuivre l'expérience des contrats territoire-lecture, aujourd'hui au nombre de 80, et des contrats locaux d'éducation artistique et culturelle.
Le Gouvernement donnant priorité à la jeunesse, les moyens de l'enseignement artistique et culturel et de l'enseignement supérieur seront accrus : nous n'appliquons pas un rabot monochrome et aveugle. Certes, l'enseignement artistique et culturel n'est pas doté de moyens immenses, mais ils progresseront de 8 % pour atteindre 33,2 millions d'euros. Un comité de pilotage présidé par Marie Desplechin travaillera à la généralisation des actions remarquables menées dans beaucoup de collectivités, mais qui ne concernent que 10 à 15 % des enfants : il faut faire un état des lieux et travailler localement avec les professionnels de l'éducation et de la culture, avec les élus et les opérateurs nationaux, pour améliorer l'accès aux oeuvres. Quant à l'enseignement supérieur et à la recherche, ce furent longtemps les parents pauvres du ministère : les moyens des écoles d'arts et d'architecture sont deux fois inférieurs à ceux des autres écoles d'enseignement supérieur, alors même que leur excellence est reconnue. Les écoles nationales supérieures d'architecture de Grenoble et Lyon viennent d'ailleurs d'obtenir le prix Solar Decathlon. Il faut achever la mise en place du système LMD, et conforter la recherche qui voit ses crédits progresser de 2 % pour s'établir à 232,2 millions d'euros. Les écoles bénéficieront de 30 emplois supplémentaires, dont 20 pour la recherche. Le dixième mois de bourse sera désormais financé, d'où une hausse de 10,8 %. Ces efforts contribueront à professionnaliser les secteurs culturels, où la France bénéficie déjà d'un avantage comparatif très net. A l'heure du pacte de compétitivité, ne nous lassons pas de le redire : la culture française est très compétitive, il faut l'encourager !
Quant aux emplois d'avenir, j'ai participé avec le Premier ministre à la signature des premières conventions il y a quinze jours. Le Louvre, Versailles, le Centre des monuments nationaux recevront ainsi des jeunes, qui acquerront une expertise et une formation, gages d'insertion professionnelle. C'est d'autant plus important que les métiers de la culture sont très attractifs pour les jeunes, valorisants à défaut d'être toujours bien payés.
La gratuité des musées pour les jeunes de 18 à 25 ans, décidée par le précédent gouvernement et qui vient de faire l'objet d'une excellente évaluation de l'Inspection générale des affaires culturelles, sera maintenue : cette mesure, lorsqu'elle est assortie d'une communication efficace et d'un accompagnement lors des visites, sert à diversifier le public. La compensation versée aux musées n'était pas inscrite jusqu'ici en loi de finances initiale, c'est chose faite, avec une ligne de 18 millions d'euros.
Nos 157 000 entreprises culturelles, qui emploient plus de 700 000 salariés, ont produit 2,8 % du PIB français en 2010, soit un peu moins de 30 milliards d'euros. Musées, théâtres et festivals ne désemplissent pas, nos écrivains et musiciens font toujours preuve de la même créativité : c'est un facteur de croissance et d'attractivité touristique.
Malgré la grave crise de la presse écrite, le programme 180 dédié aux aides à la presse est lui aussi mis à contribution, ses crédits baissant de 3,3 % ; mais cela correspond pour une large part à l'extinction progressive de certains dispositifs, les mécanismes fondamentaux n'étant pas remis en cause, notamment l'aide à la transition numérique. L'Agence France-Presse verra son budget maintenu à hauteur de 119,6 millions d'euros, et le problème soulevé par la Commission européenne - selon qui les abonnements des administrations pourraient être considérés comme des aides d'État - est en voie de résolution. L'État continue à promouvoir le pluralisme de la presse : les aides aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, aux quotidiens régionaux à faibles recettes tirées de petites annonces et à la presse hebdomadaire régionale s'élèveront à 12 millions d'euros. La subvention versée à Presstalis, d'un montant de 18,9 millions d'euros, couvrira une partie des surcoûts liés à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information générale dans tous les territoires. L'accord conclu le 30 septembre entre Presstalis, les éditeurs de presse et les Messageries lyonnaises de presse (MLP) doit être appliqué, c'est une question de survie pour tous. La loi Bichet de 1947 a posé le principe de la mutualisation des coûts, les nouveaux entrants comme les MLP en bénéficient ; il est donc normal que tous participent. Presstalis devra cependant réduire ses effectifs pour assurer sa viabilité ; des discussions sont en cours entre partenaires sociaux, et le rapport d'expertise économique demandé par les syndicats et accepté par la direction doit être rendu le 23 novembre ; les syndicats ont d'ailleurs été reçus au ministère.
Les aides à la presse demeurent trop peu sélectives. Il faudra les réformer, afin de mieux accompagner la transition numérique et d'encourager le pluralisme. L'aide à la modernisation se monte à 19,7 millions d'euros, le fonds stratégique pour le développement de la presse est doté de 33,5 millions, et l'aide au portage représente 38 millions.
Dans le domaine du livre, une réflexion est en cours pour mieux soutenir les libraires indépendants. Il existe aussi des aides au transport des livres en outre-mer et à l'étranger, et j'ai voulu que la Banque publique d'investissement (BPI) soutienne la numérisation.
Quant aux entreprises culturelles, qui pour 95 % d'entre elles emploient moins de 20 salariés, elles ont besoin de mesures fiscales adaptées. Le taux réduit de 5,5 % sera ramené à 5 %. Le spectacle vivant recevra 69 millions d'euros. Les sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (Sofica) continueront à soutenir la filière cinématographique, et les dispositifs fiscaux encourageant le mécénat, de même que le Malraux pour l'entretien des bâtiments historiques, seront conservés puisqu'ils ont fait la preuve de leur efficacité. Ces mesures rapportent en fait de l'argent à l'État, puisqu'elles génèrent de l'activité, donc des recettes fiscales. Pour le cinéma, le Gouvernement proposera plusieurs mesures dans le cadre du pacte de compétitivité. Le crédit d'impôt international, qui encourage le tournage de films étrangers en France, sera reconduit : de 3 % de tournages étrangers, on pourrait passer à 30 %. De même, le crédit d'impôt cinéma et audiovisuel, destiné à prévenir la délocalisation du tournage de films français, sera prorogé : c'est important pour les métiers techniques du cinéma. Si l'on y ajoute le crédit d'impôt phonographique, le total de la dépense fiscale s'élève à 794 millions d'euros, dont 573 millions pour la mission « Culture » et 271 millions pour la mission « Médias ». Cette vingtaine de mesures rapporte in fine plus de 1,5 milliard d'euros de recettes fiscales.
L'État aidera aussi les entreprises par des prêts garantis et des dotations en capital, en collaboration avec la BPI. Je me félicite que le rapport Gallois ait souligné l'excellence de nos industries culturelles et appelé à les soutenir.
La culture prend donc sa part de l'effort commun de redressement, mais des incitations fiscales, maintenues ou améliorées, viennent compléter les crédits budgétaires. Je veux promouvoir une vision globale et ambitieuse de la politique culturelle, et donner un sens à ce budget.
Je me réjouis que les effectifs du ministère soient préservés : les administrations centrales ne perdront que 15 équivalents temps plein (ETP), les établissements 85. La réorganisation sera faite avec le plus grand soin, et ce sont surtout des postes non pourvus qui seront supprimés. Voilà qui témoigne de l'attachement du Gouvernement aux missions fondamentales du ministère de la culture.