Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'alternance intervenue en mai dernier a suscité de grandes attentes chez nos concitoyens. Après cinq années au cours desquelles la solidarité et l'égalité entre les Français avaient été mises à mal, notamment dans le domaine fiscal, il est tout à fait naturel que le premier budget présenté par le nouveau gouvernement soit observé avec la plus grande attention.
Ce projet de loi de finances pour 2013, dont nous entamons aujourd'hui l'examen, n'a sans doute pas répondu à toutes les questions ni résolu toutes les difficultés qui se posent, mais il n'en constitue pas moins un tournant très important dans la politique fiscale de notre pays. Établir un budget consiste d'abord à définir une série de priorités politiques et de grandes orientations pour la conduite des affaires de la nation.
De ce point de vue, ce texte répond à deux préoccupations essentielles.
Le premier objectif du Gouvernement est le redressement de nos comptes publics, laissés dans un bien mauvais état, même si, il faut le reconnaître objectivement, le creusement abyssal du déficit et de la dette n'est pas le fait d'un seul gouvernement ou d'une seule majorité : les responsabilités sont largement partagées, et ce depuis des décennies.
Quoi qu'il en soit, il est urgent d'établir enfin une gestion saine et responsable de nos finances publiques. C'est en effet le seul moyen de dégager des marges de manœuvre suffisantes pour conduire des réformes ambitieuses et justes, pour nos concitoyens comme pour nos territoires, mais c'est aussi une question de responsabilité vis-à-vis des générations futures.
Le second objectif visé par le Gouvernement avec ce projet de loi de finances pour 2013 est le rétablissement de la justice et de l'équité dans notre système fiscal.
Ainsi, le projet de loi de finances tend à « rétablir la progressivité » de l'imposition des ménages. Cette volonté est illustrée notamment par la création d'une tranche supplémentaire dans le barème de l'impôt sur le revenu, au taux de 45 % pour la fraction des revenus supérieurs à 150 000 euros. Je tiens à rappeler que les membres du groupe RDSE, profondément attachés à la progressivité de l'impôt – et pour cause, les radicaux en revendiquent légitimement la paternité ! – avaient déposé à de nombreuses reprises des amendements en ce sens.
Parallèlement, afin de protéger les plus défavorisés, le Gouvernement a pris un certain nombre de dispositions, comme la revalorisation de la décote applicable à l'impôt sur le revenu, prévue à l'article 2.
Cependant, dans le contexte actuel, il me semble que, pour garantir véritablement l'équité et la progressivité de l'impôt, il est indispensable de « tout remettre à plat ».
Les radicaux de gauche appellent en effet de leurs vœux la fusion de l'impôt sur le revenu et de la cotisation sociale généralisée, pour créer un impôt unique sur le revenu véritablement progressif. Cette fusion correspond d'ailleurs à une proposition du candidat François Hollande, et j'espère qu'elle sera mise en œuvre le plus vite possible.
Conformément à une autre promesse de campagne, ce projet de budget pour 2013 vise à rapprocher la fiscalité des revenus du capital de celle des revenus du travail. Il s'agit, là aussi, d'une question de justice fiscale. Mais il faudra également introduire plus de justice et d'équité dans la fiscalité des entreprises, et ce projet de loi de finances s'y emploie pour partie. Il est bien sûr choquant que les taux d'imposition effectifs soient beaucoup plus faibles pour les grandes entreprises que pour les petites.
François Hollande proposait d'ailleurs, dans son programme, de moduler le taux de l'impôt sur les sociétés en fonction de la taille de l'entreprise. Cette proposition n'a pas été retenue dans le présent projet de budget, mais la question du taux facial n'est peut-être pas la plus importante : c'est l'assiette de l'impôt sur les sociétés, « mitée » par de nombreux dispositifs dérogatoires, qui pose véritablement problème.
Et c'est bien suivant cet axe que le Gouvernement tente de rééquilibrer la fiscalité des entreprises dans ce projet de loi de finances pour 2013, en limitant les avantages fiscaux qui bénéficient principalement aux grandes entreprises, tout en renforçant les dispositifs destinés à favoriser le développement des petites et moyennes entreprises.
Monsieur le ministre, vous avez procédé, à juste titre me semble-t-il, à un certain nombre d'ajustements lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, notamment sur l'article 6, relatif aux plus-values de cession d'entreprises. Je proposerai, avec plusieurs de mes collègues, des amendements pour renforcer la logique retenue en faveur des entreprises et de leur compétitivité.
En effet, s'il est essentiel que la fiscalité des entreprises soit juste, il est tout aussi primordial qu'elle ne constitue pas un obstacle à la volonté d'entreprendre, à l'innovation et au développement de nos entreprises. Nous savons tous qu'un des freins à notre croissance économique est l'absence d'un tissu d'entreprises de taille intermédiaire suffisamment solide et structuré.
La fiscalité doit également être plus simple, plus lisible, plus stable, aussi, afin de permettre une lutte efficace contre l'évasion fiscale, qui constitue un véritable fléau pour les recettes de l'État et des collectivités territoriales. Le Sénat a beaucoup travaillé sur cette question dans le cadre de sa commission d'enquête.
Afin de redresser les comptes publics, ce projet de loi de finances, ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale, prévoit un effort sans précédent. La répartition de cet effort est connue : un tiers en économies sur les dépenses et deux tiers de recettes supplémentaires dues à des hausses de prélèvements sur les ménages et sur les entreprises. Ce choix peut susciter quelques interrogations, quand on sait que la Cour des comptes préconise plutôt un effort également réparti entre recettes et dépenses pour garantir une réduction durable du déficit.