La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M . Jean-Pierre Raffarin.
La séance est reprise.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national du bruit, en qualité de suppléant.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose la candidature de Mme Gisèle Printz pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2013.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, toute élection nationale en France suscite un espoir immédiat. Au niveau national, le Président de la République nouvellement élu bénéficie d'une popularité plus élevée que le jour du vote. Au niveau international, il est toujours attendu d'une nouvelle présidence qu'elle gomme les défauts de la précédente.
Qu'a fait la nouvelle majorité de ces espérances ? Rien ! Au contraire, vous avez tout fait pour que, très rapidement, l'inquiétude gagne nos concitoyens et pour que la perplexité naisse chez les observateurs extérieurs.
Il est certain que le mauvais état de notre pays ne date pas d'aujourd'hui ; nous vivions sous la menace d'une nouvelle dégradation. Soit !
Mais quels signaux positifs avez-vous émis depuis votre accession au pouvoir ? Qu'est devenue notre crédibilité ? Quid de la confiance que nous pouvions inspirer ?
Après six mois d'exercice du pouvoir, la dégradation de notre note par Moody's constitue plus qu'un avertissement : c'est un signal d'alarme. Le passage d'une perspective stable, en début d'année, à une dégradation de la notation il y a deux jours traduit un jugement négatif sur la politique que vous avez menée.
Certes, la perte de compétitivité, les rigidités du marché du travail, le coût de ce dernier, la faiblesse de l'innovation, la désindustrialisation ont précédé votre politique, mais tout ce que vous avez mis en place depuis – le matraquage fiscal, l'absence de réformes structurelles, l'annonce d'embauches de fonctionnaires – a conduit à la dégradation de notre note.
Gardons à l'esprit que la dégradation peut se poursuivre, et manière fulgurante ! Je vous rappelle ainsi que les subprimes américains sont passés du triple A au statut de junk bonds en six mois.
Plutôt que de faire semblant de réformer, envoyons un message fort à nos partenaires, convainquons-les de la réalité de nos réformes ! Monsieur le ministre, j'attire votre attention sur ce point. Hélas ! les politiques économiques que vous proposez rappellent au contraire les années quatre-vingt et leurs recettes éculées, comme si le bouleversement de la mondialisation, l'intégration économique et financière, la création de l'euro n'avaient pas existé.
Quelle est la cause majeure de nos déséquilibres et de toutes les conséquences qu'ils entraînent ? Selon le Président de la République, notre dépense publique est trop élevée. Il a raison !
À ce sujet, monsieur le ministre, je vous saurai gré de dissiper un doute que j'ai : connaissez-vous le niveau de la dépense publique en France ? S'agit-il de 54, 3 % du PIB, comme indiqué dans le projet de loi de finances, ou de 57 %, comme l'a évoqué le Président de la République ?
Quel est le bon chiffre ? Cette différence relève-t-elle de l'insincérité ou de la légèreté ? La baisse des dépenses de 60 milliards d'euros, annoncée par le Président de la République, correspond à l'exact écart entre ces deux pourcentages. Cela laisse interrogateur et perplexe !
Tout converge vers la nécessité absolue de la baisse de la dépense publique : le bon sens, les recommandations de la Cour des comptes, les politiques menées par nos partenaires européens, les préconisations du FMI.
Lisez les commentaires de la presse internationale ! Écoutez les institutions internationales ! On perd confiance en nous ! Je crains que nous ne devenions la source d'inquiétude, voire, pour les moins amicaux, la risée de l'Europe.
« Je suis toujours prêt à apprendre, bien que je n'aime pas toujours qu'on me donne des leçons ». Il serait souhaitable que vous vous inspiriez de cette déclaration de Sir Winston Churchill ! Il ne s'agit pas de vous donner de leçons mais, amis ou adversaires politiques, nous devons tous vous rappeler au bon sens.
Au Congrès des maires, le Président de la République a déclaré que l'État devait montrer l'exemple. Cet exemple doit se traduire avant tout par la réduction drastique de la dépense publique. Rien ne peut justifier que l'on dépense plus en France que chez nos voisins, pour des services publics qui ne sont pas meilleurs qu'ailleurs !
Je vous l'accorde, il est difficile de baisser très rapidement les dépenses. Mais qu'a fait l'Italie depuis un an ? Elle a adopté un plan de libéralisation de l'économie, lancé un projet de réforme du marché du travail, réformé une justice trop lente, amélioré l'efficacité de l'administration publique, réduit les charges sociales, sans oublier les économies d'énergie, afin d'améliorer la compétitivité. Bien que subordonnées à la continuation des réformes, les satisfecit internationaux qu'elle a reçus ont été unanimes.
Pourquoi ne pas prendre exemple sur ce pays, qui réalise de bien plus gros efforts que nous, malgré sa compétitivité supérieure, puisque son déficit commercial s'élève à la moitié du nôtre ?
Vous avez les moyens d'endiguer notre perte de crédibilité et de confiance. Pour cela, l'audit de la Cour des comptes, le rapport Gallois, nos engagements européens – unanimement acceptés – doivent guider votre action.
Vous devriez vous inspirer des leçons de réalisme de François Mitterrand – je passe sur son cynisme. Oubliant ses engagements électoraux après deux ans de divagation du pouvoir ayant provoqué trois dévaluations, l'ancien Président de la République a radicalement changé de politique, dans un contexte pourtant beaucoup moins critique qu'aujourd'hui, en libéralisant l'économie.
Vous affirmez présenter un budget de combat et de vérité. Le combat ? Où est-il ? Quant à la vérité, nous verrons...
Mais où se manifestent le courage et l'incitation ? Sans verser dans l'allégorie, on peut affirmer qu'un budget insuffle de l'énergie ou qu'il bride, qu'il encourage ou qu'il décourage ; en un mot, il dynamise ou il stérilise l'économie d'un pays. Pour cela, afin d'optimiser toutes nos capacités, il est possible de demander plus d'efficacité à l'impôt et moins d'efforts au contribuable, en baissant les dépenses.
La fiscalité que vous mettez en place est-elle incitative ? Non ! Elle décourage par avance tout esprit entrepreneurial. Une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu assortie de deux tranches exceptionnelles, le renforcement de la taxation des plus-values de cession au nom de l'égalité entre taxation du travail et taxation du capital, tout cela assèche la trésorerie des ménages comme celle des entreprises.
Un revenu salarié n'est pas comparable, par nature, avec le revenu d'un entrepreneur ! Pour inciter à créer, une cession d'entreprise doit pouvoir récompenser des années de travail. En effet, celles-ci se caractérisent souvent par un salaire rarement à la hauteur des efforts accomplis, par une prise de risque considérable sur des biens en garantie et par une fragilisation de la vie familiale.
Votre crédit d'impôt, difficilement compréhensible, ne concerne que les entreprises en bonne santé et en mesure d'embaucher. Si l'entreprise ne fait pas de bénéfices, quel crédit d'impôt peut-elle espérer ? C'est une complexité de plus dans une avalanche de normes et de formulaires, source d'exaspération, puis de découragement.
Pour beaucoup de ceux qui ont osé la créer, une entreprise est un rêve qui a pris forme ; l'impôt ne doit pas venir briser cet élan. C'est pourtant ce que vous amorcez dans les articles 5, 6 et 7 du présent projet de loi de finances. Alors que la fiscalité doit être incitative et donner envie d'investir, de créer, de produire, vous la rendez dissuasive et confiscatoire ! L'impôt ne peut protéger le pouvoir d'achat sans stimuler l'économie, l'offre et la production ; il ne doit pas décourager les entrepreneurs, petits ou grands, indispensables à la création de la richesse nationale, en leur donnant le sentiment que l'État va pénaliser leur travail et leur réussite éventuelle.
Monsieur le ministre, nous sommes très inquiets. Aujourd'hui, vous considérez que vous avez raison contre l'ensemble de nos partenaires européens. Aujourd'hui, vous estimez que votre politique économique et fiscale est la seule qui soit bonne. Cette arrogance française, si fréquente, qui s'abrite derrière nos spécificités, n'est pas nouvelle, mais elle est source de bien des désillusions. Je ne vous demande pas de mettre en œuvre la doctrine de Schumpeter, les Français n'y sont pas prêts, mais décidez des mesures de bon sens.
Certains pays connaissaient une situation beaucoup plus inquiétante que la nôtre, et ils ont su se rétablir. Prenons exemple sur eux en appliquant les solutions qui leur ont réussi !
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'alternance intervenue en mai dernier a suscité de grandes attentes chez nos concitoyens. Après cinq années au cours desquelles la solidarité et l'égalité entre les Français avaient été mises à mal, notamment dans le domaine fiscal, il est tout à fait naturel que le premier budget présenté par le nouveau gouvernement soit observé avec la plus grande attention.
Ce projet de loi de finances pour 2013, dont nous entamons aujourd'hui l'examen, n'a sans doute pas répondu à toutes les questions ni résolu toutes les difficultés qui se posent, mais il n'en constitue pas moins un tournant très important dans la politique fiscale de notre pays. Établir un budget consiste d'abord à définir une série de priorités politiques et de grandes orientations pour la conduite des affaires de la nation.
De ce point de vue, ce texte répond à deux préoccupations essentielles.
Le premier objectif du Gouvernement est le redressement de nos comptes publics, laissés dans un bien mauvais état, même si, il faut le reconnaître objectivement, le creusement abyssal du déficit et de la dette n'est pas le fait d'un seul gouvernement ou d'une seule majorité : les responsabilités sont largement partagées, et ce depuis des décennies.
Quoi qu'il en soit, il est urgent d'établir enfin une gestion saine et responsable de nos finances publiques. C'est en effet le seul moyen de dégager des marges de manœuvre suffisantes pour conduire des réformes ambitieuses et justes, pour nos concitoyens comme pour nos territoires, mais c'est aussi une question de responsabilité vis-à-vis des générations futures.
Le second objectif visé par le Gouvernement avec ce projet de loi de finances pour 2013 est le rétablissement de la justice et de l'équité dans notre système fiscal.
Ainsi, le projet de loi de finances tend à « rétablir la progressivité » de l'imposition des ménages. Cette volonté est illustrée notamment par la création d'une tranche supplémentaire dans le barème de l'impôt sur le revenu, au taux de 45 % pour la fraction des revenus supérieurs à 150 000 euros. Je tiens à rappeler que les membres du groupe RDSE, profondément attachés à la progressivité de l'impôt – et pour cause, les radicaux en revendiquent légitimement la paternité ! – avaient déposé à de nombreuses reprises des amendements en ce sens.
Parallèlement, afin de protéger les plus défavorisés, le Gouvernement a pris un certain nombre de dispositions, comme la revalorisation de la décote applicable à l'impôt sur le revenu, prévue à l'article 2.
Cependant, dans le contexte actuel, il me semble que, pour garantir véritablement l'équité et la progressivité de l'impôt, il est indispensable de « tout remettre à plat ».
Les radicaux de gauche appellent en effet de leurs vœux la fusion de l'impôt sur le revenu et de la cotisation sociale généralisée, pour créer un impôt unique sur le revenu véritablement progressif. Cette fusion correspond d'ailleurs à une proposition du candidat François Hollande, et j'espère qu'elle sera mise en œuvre le plus vite possible.
Conformément à une autre promesse de campagne, ce projet de budget pour 2013 vise à rapprocher la fiscalité des revenus du capital de celle des revenus du travail. Il s'agit, là aussi, d'une question de justice fiscale. Mais il faudra également introduire plus de justice et d'équité dans la fiscalité des entreprises, et ce projet de loi de finances s'y emploie pour partie. Il est bien sûr choquant que les taux d'imposition effectifs soient beaucoup plus faibles pour les grandes entreprises que pour les petites.
François Hollande proposait d'ailleurs, dans son programme, de moduler le taux de l'impôt sur les sociétés en fonction de la taille de l'entreprise. Cette proposition n'a pas été retenue dans le présent projet de budget, mais la question du taux facial n'est peut-être pas la plus importante : c'est l'assiette de l'impôt sur les sociétés, « mitée » par de nombreux dispositifs dérogatoires, qui pose véritablement problème.
Et c'est bien suivant cet axe que le Gouvernement tente de rééquilibrer la fiscalité des entreprises dans ce projet de loi de finances pour 2013, en limitant les avantages fiscaux qui bénéficient principalement aux grandes entreprises, tout en renforçant les dispositifs destinés à favoriser le développement des petites et moyennes entreprises.
Monsieur le ministre, vous avez procédé, à juste titre me semble-t-il, à un certain nombre d'ajustements lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, notamment sur l'article 6, relatif aux plus-values de cession d'entreprises. Je proposerai, avec plusieurs de mes collègues, des amendements pour renforcer la logique retenue en faveur des entreprises et de leur compétitivité.
En effet, s'il est essentiel que la fiscalité des entreprises soit juste, il est tout aussi primordial qu'elle ne constitue pas un obstacle à la volonté d'entreprendre, à l'innovation et au développement de nos entreprises. Nous savons tous qu'un des freins à notre croissance économique est l'absence d'un tissu d'entreprises de taille intermédiaire suffisamment solide et structuré.
La fiscalité doit également être plus simple, plus lisible, plus stable, aussi, afin de permettre une lutte efficace contre l'évasion fiscale, qui constitue un véritable fléau pour les recettes de l'État et des collectivités territoriales. Le Sénat a beaucoup travaillé sur cette question dans le cadre de sa commission d'enquête.
Afin de redresser les comptes publics, ce projet de loi de finances, ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale, prévoit un effort sans précédent. La répartition de cet effort est connue : un tiers en économies sur les dépenses et deux tiers de recettes supplémentaires dues à des hausses de prélèvements sur les ménages et sur les entreprises. Ce choix peut susciter quelques interrogations, quand on sait que la Cour des comptes préconise plutôt un effort également réparti entre recettes et dépenses pour garantir une réduction durable du déficit.
Une autre interrogation, monsieur le ministre, porte sur l'hypothèse de croissance sur laquelle repose ce projet de loi de finances. Elle est de 0, 8 %, alors que la Commission européenne ou le Fonds monétaire international tablent plutôt sur 0, 4 % ; certains conjoncturistes prévoient même des chiffres encore plus alarmants.
Dans ce cas, ne serait-il pas plus prudent, monsieur le ministre, de réduire l'hypothèse de croissance sous-jacente, quitte à avoir de « bonnes surprises » en cours d'exercice, plutôt que de partir sur une hypothèse trop optimiste, au risque de vous obliger à annoncer prochainement des efforts supplémentaires qui pèseront sur les finances et, surtout, sur le moral des Français ?
Je rappelle au passage que la Cour des comptes, en cas de croissance nulle en 2013, évaluait à 44 milliards d'euros l'effort nécessaire pour respecter les objectifs fixés en matière de réduction du déficit public.
L'effort de redressement sera, quant à lui, partagé entre l'État, les collectivités territoriales et les opérateurs de l'État. Cependant, si les collectivités locales sont généralement vertueuses - mais doit-on le rappeler ici ? - il faudra néanmoins rester vigilant à l'égard des opérateurs, même s'ils doivent participer à l'effort collectif et s'il est nécessaire de corriger certains abus, afin de ne pas risquer de remettre en cause les missions de service public qu'ils exercent, le plus souvent de façon satisfaisante. Le problème que posent ces opérateurs, d'abord et avant tout, tient à leur multiplication et à l'absence de lisibilité de l'action publique qui en résulte.
Sans transition, je souhaite dire quelques mots des articles 10 et 11 qui concernent le logement, sujet particulièrement sensible pour nos concitoyens. Dans l'ensemble, ces articles vont dans le sens de ce que le groupe RDSE défend : une fiscalité qui dissuade la rétention foncière. Je pense, par exemple, au renforcement de la taxe sur les logements vacants, prévu par l'article 11. Un amendement du RDSE, adopté lors de la discussion de la loi de finances rectificative de cet été, avait déjà relevé le taux de cette taxe ; aujourd'hui, le Gouvernement va encore plus loin. Nous nous en réjouissons !
De même, la suppression des abattements pour durée de détention sur les plus-values de cession de terrains à bâtir nous conforte, là encore, dans nos préconisations.
En revanche, monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur l'efficacité de l'abattement exceptionnel de 20 % sur les plus-values de cession de terrains bâtis, prévu à l'article 10 : ce dispositif ne serait-il pas avant tout créateur d'un effet d'aubaine, comme nous avons pu le dénoncer dans le passé pour d'autres mesures ? Pourriez-vous me faire part de votre sentiment sur ce point particulier ?
Enfin, je souhaiterais souligner la mesure prévue à l'article 27, qui ne fait peut-être pas partie des articles phare de ce projet de loi de finances, mais qui me tient néanmoins beaucoup à cœur : il s'agit de l'affectation d'une partie, encore trop modeste, à mes yeux, du produit de la taxe sur les transactions financières au Fonds de solidarité pour le développement.
Je suis également très sensible aux questions relatives à l'aide publique au développement, en raison de mes fonctions de rapporteur spécial et de membre du conseil d'administration de l'Agence française de développement. J'espère avoir l'occasion, durant l'examen des crédits de la seconde partie de ce projet de loi de finances, de présenter ici même mes travaux sur cette question. Permettez-moi d'ailleurs de regretter d'emblée une amputation de 6 millions d'euros des crédits de cette mission, au détriment de l'aide en faveur des pays en voie de développement.
Pour conclure, malgré les quelques interrogations ou réserves que j'ai pu exprimer et auxquelles vous pourrez répondre au cours de la discussion, je l'espère, monsieur le ministre, les radicaux de gauche et la grande majorité des membres du RDSE soutiennent ce projet de loi de finances pour 2013, qui nous paraît volontariste. Dans un esprit constructif, nous proposerons une série d'améliorations en défendant un certain nombre d'amendements.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous sommes à un moment charnière de notre histoire ; nous vivons une période difficile qui impose de prendre de grandes décisions pour de grands changements. Nous nous trouvons, comme le dit M. le ministre de l'économie et des finances, « à la croisée des chemins ».
Les écologistes approuvent les décisions politiques courageuses en faveur de la solidarité et de la justice fiscale, mais restent perplexes sur certains choix stratégiques, voire sur l'absence de choix stratégiques !
Les mesures du projet de loi de finances pour 2013 sont destinées à atteindre l'objectif d'un déficit public ramené à 3 % du PIB, en faisant un effort budgétaire de 30 milliards d'euros, soit 10 milliards d'euros de recettes supplémentaires sur les ménages, 10 milliards d'euros de recettes sur les entreprises et 10 milliards d'euros d'économie en dépenses.
J'ai déjà eu l'occasion de vous témoigner mon inquiétude par rapport à ces objectifs, que je considère trop contraignants. Les conséquences de cette doctrine risquent d'être graves, sur les plans tant économique, social et écologique que démocratique.
Le budget pour l'année 2013 s'en ressent naturellement. La plupart des ministères seront touchés, les collectivités territoriales également, elles qui sont les moteurs de notre dynamisme économique et démocratique sur le territoire. Les crédits pour la culture, la santé, la fonction publique ou l'écologie, par exemple, sont particulièrement affectés.
D'après l'excellent rapport de mes collègues rapporteurs spéciaux Gérard Miquel, François Fortassin et Marie-Hélène des Esgaulx, à périmètre constant, les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » diminuent de 4, 5 % en autorisations d'engagement et de 3, 7 % en crédits de paiement par rapport à 2012.
Ces données chiffrées ne se suffisent pas à elles-mêmes et sont à mettre en relation avec les actions à mener dans ce secteur. Ainsi, le rapport indique que la France ne respecte pas les objectifs imposés par les directives européennes en la matière, ce qui l'expose à des contentieux, avec un risque de sanction financière à la clé.
Si notre pays ne parvient pas à convaincre la Commission européenne qu'il a mis en œuvre toutes les mesures pour respecter les valeurs limites imposées par la directive, il s'exposera à un deuxième manquement et devra payer une amende de l'ordre de 11 millions d'euros ainsi que des astreintes journalières de l'ordre de 100 millions d'euros la première année, puis de 85 millions d'euros les années suivantes. En termes d'économies, on peut évidemment mieux faire ; en termes de santé et d'environnement aussi !
Bien que ces baisses de crédits pour la mission « Écologie, développement et aménagement durables » soient un mauvais signal, en période de contraintes budgétaires, nous ne pouvons évidemment pas espérer des augmentations disproportionnées. La hausse des crédits n'est d'ailleurs pas suffisante en soi pour amorcer une transition écologique, car il s'agit d'une problématique transversale.
L'essentiel, ce sont les arbitrages politiques. Or c'est également sur ce point que le bât blesse. J'évoquerai un seul chiffre, mais il est éloquent : d'après le rapport spécial de nos collègues, le secteur aérien dispose d'une hausse non négligeable des dépenses entre 2012 et 2013, de près de 4 % en crédits de paiement et de 3, 35 % en autorisations d'engagement.
La priorité pour le ministère de l'écologie et celui des transports est-elle la construction d'un aéroport inutile et polluant ? Nous avons pu avoir un débat sur le sujet lors de la séance de questions d'actualité en début d'après-midi.
Le fret ferroviaire et le transport de voyageurs sont pourtant très mal en point, notamment en Île-de-France, et notre pays est à la traîne dans les filières des énergies renouvelables.
Nous aurions également beaucoup à dire sur les crédits attribués à la défense et au nucléaire – je sais que mes collègues André Gattolin et Hélène Lipietz partagent mes préoccupations sur ces sujets. En période de crise, est-il vraiment nécessaire de dépenser des milliards d'euros pour de nouveaux missiles M51 qui seront sans doute obsolètes le jour où il faudra les utiliser ?
De manière générale, je le répète, le Gouvernement a choisi une trajectoire de réduction des dépenses très stricte et des solutions pour répondre à la crise qui me laissent dubitatif.
Le pacte de compétitivité n'apporte pas, selon moi, les bonnes réponses pour relever les enjeux économiques et sociaux de la France, mais nous aurons l'occasion d'y revenir lors du prochain projet de loi de finances rectificative, voire plus tard.
Cette stratégie globale, dictée en partie par les agences de notation et les marchés, ne semble d'ailleurs pour le moment guère porter ses fruits, comme le démontre la perte du triple A dernièrement, même si cette dégradation de la note de la France, et je partage sur ce point l'analyse du Gouvernement, est plutôt « une sanction de la gestion du passé ». Cela doit tout de même nous alerter, les agences de notation en voulant toujours plus.
Je rejoins néanmoins l'analyse de l'agence sur un point, une fois n'est pas coutume : les perspectives économiques de long terme sont affectées de manière négative par de multiples défis structurels.
Oui, mes chers collègues, les défis sont avant tout « structurels ».
J'ai cherché méticuleusement dans le projet de loi de finances, mais je n'ai pas trouvé grand-chose sur la transition écologique de l'économie, qui représente pourtant une véritable solution de long terme. C'est dès maintenant qu'il faut agir. La raréfaction des matières premières et la montée inéluctable des dépenses énergétiques nous exhortent à repenser notre modèle de développement.
On ne peut plus continuer à miser sur un modèle du passé, fondé sur l'augmentation infinie de la croissance – pas si infinie que cela, d'ailleurs –, sur la surconsommation, la surproduction et la pollution. On ne peut plus se le permettre, d'autant que d'autres options sont possibles. Je pense à l'économie de fonctionnalité ou à l'économie circulaire - nos concurrents chinois sont très en avance en ces domaines -, ou à des modèles écologiquement responsables et économiquement rentables.
Qu'attendons-nous pour innover et nous engager dans le développement soutenable ? Qu'attendons-nous pour investir dans l'économie verte, les énergies renouvelables, pour exporter notre savoir-faire en matière de transports collectifs ?
Nous accusons malheureusement, en France, un retard de dix ans dans le développement des énergies renouvelables et nous passons à côté de millions d'emplois potentiels. Je reçois des dizaines d'entrepreneurs du secteur éolien qui sont consternés de devoir investir chez nos amis allemands ou marocains plutôt qu'en France. L'Europe importe 29 milliards d'euros par an de panneaux solaires chinois, tandis que nos voisins se lancent dans le marché de l'éolien, qui devrait doubler d'ici à 2025.
La fiscalité écologiste constitue aussi une réponse aux enjeux de la compétitivité, en taxant les externalités négatives comme l'utilisation des ressources naturelles ou la pollution, et en détaxant en partie le travail, renouvelable à l'infini. Va-t-on attendre la fin du quinquennat pour la mettre en œuvre ?
Le Gouvernement cherche à faire des économies ? Nous avons des propositions à la fois simples et concrètes, applicables dès maintenant, sans attendre 2014 ou 2016 : supprimer les indécentes niches fiscales qui détruisent l'environnement et la santé, telles que les subventions au diesel, aux pesticides, au kérosène. Le cas du diesel est d'autant plus affligeant qu'avec ces aides nous avons réussi à nous mettre dans le corner de la compétitivité avec une grande marque nationale que nous allons devoir soutenir d'année en année par des subventions diverses et variées…
Ces dépenses irresponsables liées au passé, qui ne relèvent donc pas de la responsabilité de l'actuel gouvernement, doivent cesser. Les nombreux et utiles amendements que nous avons déposés parviendront, je l'espère, à attirer l'attention du ministre et celle de nos collègues de la Haute Assemblée sur ces sujets.
J'ai bon espoir – l'espoir fait vivre §que le Gouvernement sera sensible à ces propositions, puisque « amorcer la transition vers une fiscalité écologique » est l'un des objectifs de sa stratégie fiscale.
J'ai d'ailleurs noté avec plaisir que le Gouvernement avait suivi certaines recommandations du rapport de Guillaume Sainteny sur le renforcement de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, afin d'augmenter l'effet dissuasif de cette taxe et d'améliorer la qualité de l'air. Le malus automobile va également être accru, et je m'en réjouis. Ces mesures restent malgré tout trop faibles pour répondre à la hauteur de l'ambitieux objectif affiché.
Je salue également, pour être complet, l'effort du Gouvernement en faveur des ménages modestes et son souci constant de justice fiscale, qui est un atout fort de ce projet de budget pour 2013. Les plus hauts revenus contribueront davantage à l'effort national de redressement des comptes grâce à une refonte de l'impôt de solidarité sur la fortune et de l'impôt sur le revenu ou encore grâce à la mise en place d'une contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d'activité.
Il semble assez raisonnable, en période de crise, de faire payer ceux qui ont beaucoup plutôt que ceux qui ont peu, comme le faisait le gouvernement précédent.
On pourrait aller plus loin, comme le groupe écologiste vous le proposera via ses amendements, mais ces mesures sont tout de même un signal positif et un premier pas très significatif.
Les PME seront également mieux considérées grâce à l'élargissement du crédit d'impôt recherche. Lors du débat que nous avons eu en commission à ce sujet, M. le ministre nous a apporté des éclairages tout à fait intéressants.
Je me réjouis en outre des crédits supplémentaires attribués aux secteurs prioritaires tels que la jeunesse, l'éducation, la justice ou encore la sécurité. En tant que rapporteur spécial de la mission « Sécurité », j'ai pu constater la satisfaction unanime des acteurs de la sécurité sur les moyens humains et matériels affectés à cette mission
Nous en avons débattu en commission, monsieur Delattre, et vous partagiez en partie ce sentiment, même si vous avez émis, avec le talent qui vous caractérise, des réserves non négligeables.
J'ai également observé une véritable rupture avec la « politique du chiffre » qui a fait tant de dégâts ces cinq dernières années, sans donner d'ailleurs de résultats probants.
En ce qui concerne le logement, il convient de noter le renforcement de la taxe sur les logements vacants ou encore l'amélioration de la qualité de la performance énergétique.
Telle est la vision équilibrée, bien que nécessairement subjective, du groupe écologiste sur les points positifs et essentiels du projet de loi de finances pour 2013, symbole d'un gouvernement de gauche.
L'an dernier, à la même époque, je déplorais les cadeaux fiscaux aux plus fortunés en période de crise et l'augmentation invraisemblable de la dette décidés par l'ancien gouvernement. Nous sommes maintenant dans la nouvelle majorité, qui met à l'honneur la solidarité et la justice fiscale, malgré un contexte difficile.
Comme j'ai l'habitude de le dire, la confiance n'empêche pas la franchise et la lucidité, voire la perplexité. Alors, oui, nous sommes perplexes sur un certain nombre de points que j'ai pu détailler, et nous jugerons aux résultats. Le Président de la République a lui-même indiqué, de façon volontariste, qu'il attendait des résultats pour l'année prochaine. Nous exprimons aujourd'hui notre satisfaction. Quant à notre perplexité, nous attendons l'année prochaine pour juger.
Le groupe écologiste votera donc le projet de loi de finances pour 2013. Nous vous donnons également rendez-vous l'année prochaine, parce que c'est important pour les Françaises et les Français, qui souffrent beaucoup.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au printemps dernier, les Françaises et les Français ont clairement exprimé leur volonté de changement politique en signifiant à Nicolas Sarkozy la rupture de son bail élyséen.
Après dix années de réduction des recettes publiques et particulièrement de celles provenant de l'impôt sur les plus riches, sur les plus grandes sociétés, le bilan est clair.
Notre pays, en 2012, se trouve dans une situation économique et sociale particulièrement tendue, confirmant l'analyse que nous avons défendue pendant les dernières élections présidentielle et législatives. La perception des conséquences des choix portés par Nicolas Sarkozy et son gouvernement avait été largement partagée, me semble-t-il, en novembre 2011, et traduite dans des propositions soutenues par la nouvelle majorité de gauche du Sénat lors de l'examen de la précédente loi de finances.
La France compte aujourd'hui cinq millions de chômeurs, dont trois millions à temps complet, et sept à huit millions de salariés faiblement payés.
Si l'on en croit les termes de l'intéressant rapport Gallois, notre pays souffrirait d'une forme de déficit de compétitivité cumulant réduction progressive des marges brutes des entreprises, faiblesse de la création d'emplois, retards en matière de recherche et développement dans le secteur privé, rationnement du crédit bancaire, retards accumulés en matière de formation des salariés et crise des débouchés pour la production nationale.
Il manque toutefois un élément à ce constat, souvent repris dans la presse, et je m'empresse de l'ajouter : l'accroissement de la part de la richesse consacrée à la rémunération des actionnaires, parallèlement à la réduction de celle qui est destinée à la masse salariale.
En même temps, les comptes publics sont, depuis longtemps, entrés dans le rouge, et ils le sont de plus en plus : dix années de gestion de droite ont profondément dégradé la situation du point de vue du déficit courant comme de la dette publique.
Je suis d'ailleurs toujours surprise d'entendre ceux-là mêmes qui étaient aux affaires hier nous conseiller sur la politique qu'il conviendrait de conduire aujourd'hui, notamment dans les matières fiscale et financière.
Comment peut-on, par exemple, accorder le moindre crédit aux assertions de ceux qui préconisent la maîtrise de la dépense publique et qui ont, entre autres dispositifs, étendu l'application des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, inventé la défiscalisation des heures supplémentaires, mis en place le coûteux dispositif de l'ISF-PME et appliqué en, dix ans, une réduction notoire des prélèvements sur les revenus les plus importants ?
Dans la loi de finances pour 2002, alors même que je participais pour la première fois à la discussion d'une loi de finances, le taux maximal de l'impôt sur le revenu était de 52, 75 % et nombre de nos impôts étaient plus productifs de ressources fiscales pour l'État qu'aujourd'hui.
Le grand mal dont souffre le budget de l'État est donc identifié de longue date : c'est celui de l'insuffisance des ressources budgétaires, une insuffisance générée par le mouvement perpétuel de mise en cause des recettes fiscales et de l'impôt, au nom du soutien à l'activité économique, politique qui a pourtant fait la brillante démonstration de son « efficacité » au fur et à mesure du gonflement de la dette publique…
C'est à dessein que je ne prendrai qu'un seul exemple pour illustrer mon propos, celui de la contribution économique territoriale, exemple ô combien pertinent, puisque nous sommes au Sénat.
Grande réforme du quinquennat précédent, présentée comme telle, en tout cas, pour répondre aux attentes des entreprises, la disparition de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale, composée de la cotisation foncière des entreprises, perçue localement, et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, elle, nationale, montre ses premiers effets.
D'abord, l'appel de fonds lancé aux entreprises s'est réduit, aux alentours de 4 milliards d'euros en moyenne par an, ce qui a automatiquement amélioré le rendement de l'impôt sur les sociétés au profit du budget de l'État.
Ensuite, si certaines industries ont vu leurs impositions locales se réduire, et souvent dans des proportions importantes, une partie de la charge fiscale a été reportée sur de plus petites entreprises.
Ainsi, dans le bonus fiscal des entreprises, on trouvait tout à la fois de véritables « gagnants », mais aussi beaucoup de petits « perdants », confrontés à une hausse soudaine de leur contribution.
Pour notre part, nous n'avons jamais partagé l'avis de ceux qui considèrent que cet impôt était imbécile et antiéconomique. On sait combien le tissu économique a bénéficié de l'intervention des collectivités pour se développer.
Nous ne pouvons nous satisfaire de la situation née de cette réforme.
Le pouvoir de lever l'impôt des élus locaux est désormais amoindri.
Pour ce qui est de développer l'emploi et l'investissement - cette réforme fiscale majeure avait été élaborée dans cet objectif, nous avait-t-on dit, au motif que les charges de cet impôt local constituaient une entrave à l'activité -, quel est le premier bilan ?
En 2012, l'investissement productif des entreprises est orienté à la baisse et l'INSEE estimait, à la fin du mois d'octobre, que le taux de chômage devrait atteindre 10, 6 % à la fin de l'année. Dans le même temps, les collectivités se retrouvent avec des ressources moins dynamiques, ce qui réduit leurs capacités d'action.
Réhabiliter l'impôt en tant qu'outil d'une politique publique au service du développement humain, voilà l'essentiel dans la conjoncture difficile qui est la nôtre.
La situation économique de notre pays est dégradée. Nous ne voyons pas, dans les orientations qui nous sont présentées comme dans le présent projet de loi de finances, de dispositif permettant de mettre réellement un terme à cette dégradation générale. Le pacte de compétitivité, dont nous parlerons bientôt, ne me semble pas non plus tirer toutes les leçons de l'expérience.
Le projet de loi de finances comporte un certain nombre de dispositions qui méritent d'être examinées avec le plus grand intérêt.
Il en est ainsi de l'article 15, animé du souci de combattre les dispositifs d'optimisation financière en cours dans les entreprises, ou de l'article 5, qui tend à traiter de la même manière revenus du capital et revenus du travail au titre de l'impôt sur le revenu.
Depuis plusieurs années, les sénateurs du groupe CRC mènent un patient et nécessaire combat contre les dispositifs dérogatoires au droit commun, contre les cadeaux fiscaux distribués sans discernement tant aux ménages les plus aisés qu'aux entreprises les plus puissantes et les plus florissantes. Il est donc normal que nous appréciions comme il convient toute mesure allant dans le bon sens en la matière.
Ainsi, nous apprécions, s'agissant de l'épargne populaire, notamment de l'épargne financière des ménages, au demeurant souvent limitée à un capital médian de 10 000 euros, la disparition des prélèvements forfaitaires libératoires, ce qui dispense enfin les épargnants les plus modestes du paiement inutile d'un impôt à la source sur le faible rendement de leur épargne, et ce par simple intégration dans les revenus soumis au barème général.
L'application de la progressivité du barème à l'ensemble des épargnants est l'une des avancées du projet de loi de finances pour 2013 dans le sens de la justice fiscale.
Mais à quoi servira la hausse globale du produit de l'impôt prévue dans le présent projet de loi de finances ? Servira-t-elle à doter de moyens supplémentaires les collectivités territoriales, qui rencontrent aujourd'hui des difficultés pour financer leurs investissements ? Hélas non, car la DGF va être gelée. En outre, l'enveloppe globale des concours de l'État aux collectivités va, elle aussi, connaître, en vertu de la loi de programmation, la réduction des moyens attribués par l'État.
Permettra-t-elle de répondre aux besoins collectifs ? Servira-t-elle notamment à construire des logements sociaux, indispensables pour répondre à une demande sans cesse plus pressante ? Non ! En effet, non seulement le budget du logement va connaître dans les années à venir une contraction, mais, de plus, on va encore prélever plusieurs centaines de millions d'euros sur les ressources des organismes d'HLM et des collecteurs du « 1 % logement » afin de permettre à l'État de se désengager de ses obligations dans ce domaine, sans égard pour les attentes de la collectivité et de la société.
Que des priorités aient été affirmées par le Gouvernement en matière de dépenses publiques – l'éducation, la sécurité, la justice, la recherche – ne nous dérange aucunement, bien au contraire. Tous ces domaines d'intervention ont été mis à mal ces dernières années, l'emploi public étant passé à la moulinette d'une révision générale des politiques publiques fondée sur des critères comptables. Mais que les priorités soient gagées sur de nouvelles coupes claires dans les effectifs des autres secteurs d'intervention publique ne nous paraît pas constituer une solution parfaitement admissible.
Ainsi, pour la vingtième année consécutive ou peu s'en faut, l'administration fiscale va connaître une nouvelle ponction sur ses effectifs budgétaires.
Pourtant, chacun sait pertinemment ici que la complexité grandissante de bien des procédures fiscales, le foisonnement des niches fiscales et des régimes particuliers, notamment pour les entreprises, constituent autant de bonnes raisons de laisser à l'administration fiscale et financière de l'État les moyens d'instruire, de décider et d'agir au nom de l'intérêt général et du respect de la loi fiscale. Sans compter que l'expansion du secteur public local est également un facteur de progression de la demande objective de services adressée à l'administration.
Cette politique de réduction des effectifs est contre-productive au moment même où la lutte contre la fraude fiscale devrait au contraire justifier au moins une stabilisation des moyens. À moins que la lutte contre la fraude fiscale ne soit pas encore élevée au rang de priorité, ce qui serait bien dommage…
Thierry Foucaud interviendra tout à l'heure et complétera notre point de vue sur ce projet de loi de finances. Toutefois, si aucune modification sensible, porteuse de sens, n'est apportée à ce texte, si aucune marque clairement de gauche n'est imprimée à ce texte – ce sera l'objet de nos amendements –, les sénatrices et les sénateurs du CRC ne pourront s'associer au soutien de ce projet de loi de finances.
L'attente de changement était forte en mai dernier : il convient maintenant, mes chers collègues, d'y répondre !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avant d'en venir au projet de loi de finances pour 2013 lui-même, permettez-moi de déplorer que les multiples projets de loi de finances que nous avons examinés récemment aient été autant d'occasions manquées de nous retrouver.
Je le rappelle en effet, le projet de loi de finances rectificative que nous avons examiné en juillet 2012 peut être qualifié de « texte de déconstruction » des mesures votées sous la précédente législature : suppression des exonérations de charges sociales et fiscales ; suppression de la « TVA compétitivité », et le tout avec 3 milliards d'euros d'impôts supplémentaires pour les entreprises !
Le projet de loi de programmation des finances publiques, que le Sénat a récemment rejeté, confirmait ces fortes augmentations de prélèvements sur les entreprises.
Quant au projet de loi de finances pour 2013 que nous allons examiner, il va dans le même sens, puisqu'il prévoit une augmentation des recettes de 20 milliards d'euros, dont 10 milliards d'euros prélevés sur les entreprises.
Cela étant, après l'adoption du présent projet de loi de finances en conseil des ministres, le Gouvernement, à la suite de la publication du rapport Gallois, a découvert la nécessité de la compétitivité.
Nous venons d'apprendre qu'il allait déposer des amendements dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année afin d'y intégrer dès maintenant le crédit d'impôt au profit des entreprises.
Cette politique d'aller-retour, de volte-face budgétaire et fiscale, est très difficilement compréhensible.
S'il était en effet urgent d'agir en faveur de la compétitivité, comme nous le pensons, il aurait été plus efficace de ne pas revenir sur les mesures adoptées sous la précédente législature. Plus exactement, il aurait été plus lisible de les intégrer dans le projet de loi de finances pour 2013. Tel n'est pas le cas.
Dès lors, on peut s'interroger sur l'utilité d'examiner ce projet de loi de finances au moment même où l'Assemblée nationale se prépare à le contredire en adoptant dans le collectif les mesures nouvelles sur la compétitivité. Comprenne qui pourra…
Le premier projet de loi de finances du quinquennat de François Hollande est donc une nouvelle occasion manquée de nous retrouver, au-delà de nos divergences politiques, sur l'essentiel, au nom de l'intérêt général.
L'essentiel tient à deux choses : l'objectif que l'on s'assigne, mais aussi la trajectoire qui permettra de l'atteindre. L'objectif, nous le partageons, car c'est bien le retour à l'équilibre de nos comptes publics et à 3 % de déficit public en 2013. La trajectoire, elle, se définit comme la répartition de l'effort entre économies de dépenses et nouvelles recettes, dans un contexte de croissance donné, afin de dégager les moyens financiers nécessaires pour parvenir à la réduction du déficit escomptée.
Le choix des recettes fiscales proposées et des réductions de dépenses envisagées aurait sans doute appelé de notre part des critiques, mais nous aurions pu nous retrouver sur l'équilibre proposé. Malheureusement, tel n'est pas non plus le cas.
Vous avez décidé de ne suivre ni la Cour des comptes, ni l'Inspection générale des finances ni la Commission européenne, qui, dans leurs rapports, vous recommandaient de réduire avant tout la dépense publique.
Les 10 milliards d'euros d'économies de dépenses que vous proposez ne représentent qu'un tiers seulement de l'effort global, alors que les rapports précités préconisaient un effort de 50 % au minimum.
Nos concitoyens sont bien plus lucides que le Gouvernement : dans le sondage du 28 septembre dernier réalisé par l'IFOP pour Acteurs publics, 78 % des Français jugent en effet que, pour ramener les comptes de l'État à l'équilibre, l'effort doit porter avant tout sur la réduction des dépenses publiques.
Certes, vous prévoyez dans le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques que nous avons rejeté un effort plus important à compter de 2014. Le Président de la République évoque maintenant – enfin ! – plus de 60 milliards d'euros d'économies sur cinq ans.
Mais, monsieur le rapporteur général, pourquoi attendre ?
À cette question lancinante la réponse semble malheureusement claire : pour arriver au pouvoir, vous avez dû faire des promesses que vous saviez inadéquates, mais sans doute fructueuses en termes électoraux. Puis, pour échapper à la critique, vous avez fait le choix de tenir vos promesses. Sur la forme, il est louable de tenir ses promesses, mais, sur le fond, en la circonstance, cela pose problème.
En effet, la première étape consista, d'une part, à détricoter l'ensemble des mesures emblématiques du précédent quinquennat, quand bien même elles eussent pu être vertueuses, et, d'autre part, à augmenter des dépenses pour répondre à vos électeurs : augmentation du nombre de fonctionnaires, remise en cause partielle de la réforme des retraites, revalorisation du SMIC et de l'allocation de rentrée scolaire, baisse de la TVA sur le livre et le spectacle vivant.
Ce choix perdure dans le projet de budget pour 2013 : augmentation d'effectifs dans certains corps de la fonction publique, exemption de l'outre-mer de l'effort global de réduction des niches fiscales, stigmatisation des Français les plus fortunés et des grandes entreprises.
Pour autant, vous restez prisonniers à la fois d'une majorité et de promesses électorales qui ne résistent pas à l'épreuve de la réalité économique, et elle pèse sur la prise de décision.
La réalité budgétaire est que le choc, pour ne pas dire le matraquage fiscal, imposé aux plus fortunés et aux grandes entreprises ne suffira pas à rééquilibrer nos comptes. C'est pourquoi la hausse de la fiscalité, et vous le savez, impacte également les classes moyennes et les PME-TPE.
La réalité économique est que la compétitivité est aussi une affaire de coût du travail. Diminuer ce coût passe, là encore, par la TVA. Sur ce sujet également, on assiste à un revirement du Gouvernement qui est tout à fait éclairant. Quelques mois seulement après avoir supprimé la « TVA compétitivité », il propose l'augmentation prochaine de la TVA, augmentation que François Hollande avait pourtant qualifiée d'« injuste » durant sa campagne électorale. Je rappelle également que, le 26 septembre dernier, le Premier ministre affirmait lui aussi qu'il ne toucherait pas à la TVA.
Le Gouvernement a-t-il donc besoin d'un rapport pour avoir une vision claire des réformes à mener, des choix économiques nécessaires et des décisions à prendre pour améliorer notre compétitivité ? Il n'était pourtant nul besoin d'attendre les conclusions du rapport Gallois pour connaître les réponses à apporter pour relever le défi de la compétitivité !
Le Gouvernement nous explique, comme cela est indiqué dans le rapport Gallois, que la compétitivité n'est pas seulement une affaire de baisse des charges. C'est un point sur lequel nous sommes d'accord : nous n'avons jamais dit autre chose.
Les autres facteurs de compétitivité sont bien l'innovation et la recherche. Là encore, comme pour la « TVA compétitivité », nous avions agi ! À cet égard, je rappelle, puisque M. le rapporteur général m'interpelle, le renforcement du crédit d'impôt recherche, l'ISF-PME, que vous avez finalement heureusement décidé de conserver, les pôles de compétitivité, les 35 milliards d'euros d'investissements d'avenir financés par le Grand emprunt, l'effort consenti en faveur des budgets de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'autonomie des universités. Toutes ces mesures sont à mettre au crédit de l'ancien gouvernement.
Nous sommes au début d'un quinquennat, ce qui devrait être l'occasion de mettre en œuvre des réformes structurelles. Or vous avez fait l'inverse : vous avez reporté, voire remis en cause des réformes de structure, puis vous avez décidé d'augmenter les dépenses et d'accroître la pression fiscale, ce qui sera contre-productif.
Je le rappelle, il y a très exactement un an, l'ensemble de la gauche parlementaire avait poussé des cris d'orfraie, quand il s'était agi de réduire les dotations aux collectivités territoriales de seulement 200 millions d'euros, dans le cadre du plan Fillon de réduction des dépenses. Aujourd'hui, le Gouvernement annonce un effort de réduction de ces mêmes dotations de plus de 2 milliards d'euros, d'ici à 2015 !
Il est vrai que, à l'époque, nous étions à la veille du congrès des maires de France. Nous sommes, cet après-midi, au lendemain du même congrès, si j'en crois les tribunes vides !
Si l'objectif du présent projet de loi de finances – réduire le déficit public à 3 % du PIB en 2013 – semble clair sur le papier, les possibilités qu'il trouve une concrétisation sont beaucoup plus floues.
Il semble inatteignable, en effet, en raison des faibles économies sur les dépenses que le Gouvernement propose, et cela se traduit par un véritable choc fiscal au détriment du pouvoir d'achat de nos concitoyens, donc de la consommation, mais aussi au détriment des entreprises, ce qui va freiner leurs investissements, donc les embauches.
Très concrètement, depuis septembre, alors que 9 millions de Français ont été touchés par la fiscalisation des heures supplémentaires, que 12 millions ont été concernés par la suppression de l'avantage du forfait social, les nouvelles mesures vont affecter très directement le pouvoir d'achat des Français, les plus fortunés comme les autres, et pas seulement celles qui sont contenues dans le présent projet de loi de finances : n'oublions pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale et les 7 millions de retraités dont le prélèvement social va doubler.
En définitive, le projet de budget pour 2013 risque donc de se traduire par une moindre consommation des ménages, déjà très lourdement taxés, et par un ralentissement du développement et des investissements des entreprises. Alors qu'elles demeurent un moteur essentiel de la croissance, nos entreprises seront trop fortement imposées et gravement impactées par l'alourdissement de leur fiscalité.
Or vous n'êtes pas sans savoir que le coût du travail en France est déjà l'un des plus élevés. Tous les rapports le disent, y compris les plus récents.
Mais le Gouvernement fait les choses à l'envers : au lieu de maintenir la « TVA compétitivité », qui aurait rapporté 13 milliards d'euros et permis de taxer les importations, il a fait le choix de taxer les entreprises à hauteur du même montant ! En effet, après les 3 milliards d'euros votés dans le cadre du collectif budgétaire de juillet, ce sont 10 milliards d'euros supplémentaires que le présent projet de loi de finances prévoit.
On peut, enfin, s'interroger sur la sincérité d'un budget dont les hypothèses macroéconomiques sont caduques et qui n'intègre pas, le président de la commission des finances l'a évoqué, la créance des entreprises au titre du crédit d'impôt, que vous reportez sur les années suivantes.
Je rappelle que le présent projet de loi de finances repose sur une hypothèse de croissance de 0, 8 %, alors même que la Commission européenne table d'ores et déjà sur une prévision de croissance de 0, 4 % seulement. Le Gouvernement, nous le savons, ne pourra pas tenir l'objectif de 3 % de déficit en 2013 sans un nouveau plan de rigueur, enclenchant alors un cercle vicieux.
En résumé, le Gouvernement commet ici une très grave erreur, car il résultera de ce projet de budget pour 2013 un véritable choc fiscal du fait d'un trop faible effort sur les dépenses, auquel il faut ajouter, plus largement, le report des réformes structurelles en faveur de la compétitivité et de la flexibilité du marché du travail, notamment.
Une grave erreur en effet, là où l'on attendait une réponse appropriée face à la dégradation de la note souveraine de la France par l'agence Moody's, intervenue il y a trois jours, pour les raisons que je viens d'évoquer.
Puisqu'il est aujourd'hui beaucoup question de l'Allemagne, je rappellerai que, le 31 octobre dernier, l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, social-démocrate, n'a pas caché sa consternation quand il a affirmé : « Les promesses de campagne du président français finiront par se fracasser sur le mur des réalités économiques ». Et d'ajouter : « Deux ou trois mauvais signaux et nos amis Français seront rattrapés par les réalités ».
Monsieur le ministre, les réalités nous rattrapent déjà. Il est temps de se ressaisir et d'accepter la modification du présent projet de budget, sans attendre, donc, de futurs et douloureux collectifs budgétaires. Le groupe UMP défendra des amendements en ce sens.
Nous vous y avions invités il y a quelques jours, lors de la discussion du projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, nous vous le répétons aujourd'hui : il faut revoir votre copie. À défaut, le groupe UMP s'opposera fermement au projet de loi de finances, tel qu'il nous arrive de l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur les travées de l'UMP. –M. le président de la commission des finances et M. Jean Arthuis applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'orateur précédent nous a confirmé ce que nous avions bien compris depuis le 28 septembre dernier : le présent projet de loi de finances ne lui plaît pas assez, car il augmente trop les impôts et ne diminue pas assez les dépenses publiques.
D'autres concluront à peu près de même, mais avec des arguments opposés : le présent projet de loi de finances ne leur plaît pas, car il n'augmente pas assez les recettes et baisse trop les dépenses.
Ce projet de loi de finances, finalement, ne plaît pas du tout aux uns, c'est une certitude, et pas assez aux autres, à ce qu'il semble !
M. François Rebsamen. Mais, monsieur le ministre, ce texte nous convient parfaitement, à nous, socialistes !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Ah ! sur les travées de l'UMP.
« Gouverner, ce n'est pas plaire », disait l'un de nos illustres prédécesseurs sur ces travées, François Mitterrand.
Certes, l'adhésion à nos projets nous importe. Mais nous faisons aujourd'hui ce que nous avions annoncé, et c'est en connaissance de cause que les Français nous ont accordé leur confiance. Forts de ce soutien, nous ne cherchons ni à séduire ni à nous livrer à de la surenchère permanente. Bien plutôt, nous pensons que gouverner – et cela va vous faire plaisir ! –, c'est choisir.
C'est ce que nous faisons, et nous assumons nos choix !
Notre choix, en matière économique, budgétaire et fiscale, ce choix que nous avons défendu ensemble au Sénat depuis plus d'un an, que François Hollande a porté tout au long de la campagne présidentielle et que le Gouvernement met aujourd'hui en œuvre, c'est celui de la justice et de l'équilibre.
Cet équilibre ne doit pas seulement être budgétaire, même si l'engagement du Gouvernement et de la majorité parlementaire est clair sur ce point. Contrairement à ce que j'ai parfois entendu, d'ailleurs, sachez que le déficit budgétaire aurait dérapé encore une fois si nous n'étions pas arrivés au pouvoir. Notre politique, mes chers collègues, fait le choix d'un effort fiscal et budgétaire justement réparti, selon les moyens et les besoins de chacun, ménages, entreprises et administrations, afin d'assurer à la fois l'équilibre social et l'équilibre économique.
Pour assurer d'abord l'équilibre social et mettre un terme aux distorsions que dix ans de gouvernement de droite ont introduites dans la progressivité de l'impôt sur le revenu, nous devons refaire de l'imposition au barème le principe pour les revenus du capital, rendre à l'ISF sa force et sa progressivité – sur ce point, des efforts restent à faire –, et concentrer l'effort fiscal sur les ménages les plus aisés, que la précédente majorité n'a eu de cesse d'exonérer !
M. Francis Delattre s'exclame.
C'est pour cela que nous soutenons le Gouvernement lorsqu'il intègre les revenus du capital pour les soumettre au barème de l'impôt sur le revenu. En quoi les dividendes et les intérêts, perçus régulièrement comme la contrepartie d'un capital mis à disposition, sont-ils fondamentalement différents d'un salaire, perçu régulièrement comme la contrepartie d'un travail mis à disposition ?
Lorsqu'on cède une entreprise, la plus-value réalisée n'est-elle pas la rétribution d'un travail et d'un capital mis en œuvre pour développer l'entreprise ? Les actions gratuites, comme l'épargne salariale, ne sont-elles pas des alternatives au salaire ?
Il était donc juste et légitime de les soumettre au barème de l'impôt sur le revenu, au même titre que les salaires. Il est également juste et légitime de prendre en compte la durée de détention des titres, afin de récompenser l'investissement patient et productif, qui laisse aux entreprises le temps et les fonds nécessaires à leur développement.
M. Gérard Longuet proteste.
Le présent projet de loi de finances fait aussi le choix d'un équilibre économique s'articulant autour de deux axes principaux. Il tend, en effet, à inciter à l'investissement plutôt qu'à la distribution des dividendes, et à rapprocher l'imposition effective des grandes entreprises de celle des PME.
Certains pourraient considérer que, en nous abstenant de demander plus à l'ensemble des entreprises et des entrepreneurs, nous faisons des concessions excessives et injustifiées. Pourtant, si nous agissons ainsi, c'est parce que de telles distinctions nous semblent nécessaires au développement de notre économie, de l'investissement, de l'innovation et de l'emploi, à un développement réel donc, et non pas simplement financier, fondé, lui, sur la maximisation du profit.
Voilà pourquoi les dispositions proposées par le Gouvernement prévoient des régimes dérogatoires : ce ne sont, en aucun cas, je l'affirme avec force, des concessions fiscales, c'est plutôt un soutien assumé et nécessaire aux PME, aux entrepreneurs qui innovent et à ceux qui les soutiennent sur la durée.
À la droite de l'hémicycle, on nous accuse d'être des idéologues, au motif que tout impôt serait une pression indue sur les entreprises et qu'il ne devrait, en aucun cas, sanctionner des comportements afin d'inciter à de meilleures pratiques. Pour la droite, chers collègues, le seul comportement légitime face à l'impôt serait l'optimisation fiscale, …
... et le Gouvernement aurait le devoir d'y inciter, en donnant à certaines entreprises tous les moyens pour la pratiquer.
Or c'est l'optimisation qui a conduit aux inégalités criantes que nous constatons aujourd'hui entre les PME et les grandes entreprises, à la multiplication des niches - elles ont coûté bien cher aux finances publiques -, …
… ainsi qu'à la circulation obscure et improductive des capitaux.
Les mesures proposées par le Gouvernement s'inscrivent dans la lignée de celles qui ont été adoptées en juillet dernier. À travers elles, nous défendons non seulement une vision de l'impôt, mais aussi une vision de l'économie : les entreprises se renforceront en investissant, et en se dotant de capitaux propres.
Lorsque des entreprises ou des particuliers se lancent dans le développement d'un projet économique, il est tout à fait juste de prendre en compte le temps du développement de ce projet.
Cet équilibre social et cet équilibre économique, nous les assumons. Nous les pensons opportuns et nous les savons nécessaires au redressement des comptes publics, à la justice sociale et au dynamisme de notre économie.
Nous entendons les critiques. Je n'irai pas jusqu'à dire que les critiques des uns annulent celles des autres
L'orateur désigne tour à tour la droite et la gauche de l'hémicycle.
Je le dis clairement, laisser croître l'ensemble de la dépense publique n'est pas la seule façon de mener une politique de gauche : préparer l'avenir, ce n'est pas nécessairement maintenir le statu quo, qui pourrait à terme priver l'État de tout moyen d'action, voire de son indépendance. Ce n'est certes pas ce qui a été dit par certains orateurs, mais je tire le fil des propos que j'ai entendus.
Préparer l'avenir, au contraire, c'est s'assurer des marges de manœuvre de long terme pour garantir la souveraineté budgétaire de notre pays et éviter d'être sanctionné non seulement par les agences de notation, mais aussi et surtout par le déclin. Comme l'a dit le Président de la République, « le déclin n'est pas notre destin ».
Tout ne peut pas passer par l'impôt : l'effort que nous demandons aux Français est certes important, mais il est équitablement réparti et il répare dix ans d'injustice.
Nous nous refusons à prendre un quelconque risque social et économique aujourd'hui.
Chers collègues de la précédente majorité, il est un peu facile de se poser en défenseur tout à la fois des classes populaires, des classes moyennes et des classes aisées, en promoteur des PME et des grandes entreprises.
Il faut choisir ! On ne peut prétendre défendre l'intérêt de tous et s'opposer à chacune de nos propositions.
La droite prétend que son bilan est bon, et que la fiscalité qu'elle a établie ne doit en rien être modifiée. Or, pendant dix ans, sa politique, dont nous prenons l'exact contre-pied, consistait à favoriser ceux qui avaient beaucoup au détriment de ceux qui avaient peu, de ceux qui avaient moins.
Cette méthode a fait la preuve de son inefficacité économique et, surtout, de son injustice. C'est bien pour cela que les Français vous ont retiré leur confiance, et ils ont eu raison.
La situation de la France, le chômage, la dette, les déficits que vous nous laissez en sont malheureusement la preuve.
Mes chers collègues, nous ne cherchons aucune revanche, nous voulons l'équilibre et la justice, nous traçons une autre voie.
C'est parce qu'il pense que ce budget est juste, qu'il est de gauche et qu'il répond aux exigences de la situation de notre pays que le groupe socialiste le votera, et j'appelle solennellement l'ensemble de la majorité sénatoriale à faire de même.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Mes chers collègues, par courrier en date de ce jour, M. Jacques Mézard, président du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, a demandé que le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, inscrit à notre séance de demain, vendredi 23 novembre, soit examiné en séance publique selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
La conférence des présidents réunie le 7 novembre a fixé à une heure le temps attribué aux orateurs des groupes politiques dans la discussion générale.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2013.
(Sourires.) Comme quoi on peut avoir une discussion budgétaire anormale sous une présidence normale…
Rires sur les travées socialistes.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous livre une information à caractère technique : le nombre d'amendements déposés sur la première partie du projet de loi de finances pour 2013 s'établit à plus de 400, soit 50 % de plus que la moyenne des années que j'oserai qualifier de « normales » ! §
Aussi, mes chers collègues, si vous voulez que les articles de la première partie, dont l'article d'équilibre, soient mis aux voix à une heure raisonnable mercredi 28 novembre, je vous propose, de siéger samedi le matin, l'après-midi et, éventuellement, le soir. Je crois comprendre que M. le ministre, ainsi que M. le rapporteur général, en serait d'accord. À ce stade, il ne me semble pas encore indispensable de siéger dimanche.
Mais cela pourrait le devenir !
En effet ! Nous aviserons en fonction de l'état d'avancement de nos travaux. La journée de dimanche reste en quelque sorte ouverte…
M. le président. Merci, monsieur le président de la commission, de nous avoir éclairés sur notre avenir à court terme !
Sourires.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean Arthuis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette discussion générale nous éclaire sur les enjeux, les vertus et les faiblesses du projet de loi de finances pour 2013.
Permettez-moi, tout d'abord, de remercier M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général pour la présentation qu'ils ont faite de ce texte.
Convenons cependant, mes chers collègues, que si la tâche du ministre du budget est délicate en ces temps de crise, l'exercice auquel nous convie le Gouvernement est inouï.
Nous avions compris, au soir du 6 novembre, que la loi de finances initiale pour 2013 devrait faire l'objet d'une rectification en février prochain pour prendre en compte les arbitrages résultant des recommandations formulées dans le rapport établi par Louis Gallois.
Vous vous en souvenez, mes chers collègues, le ministre chargé du budget nous avait soumis, lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, un amendement visant à nous informer, de façon élégante, certes, mais lapidaire, des modifications substantielles que la trajectoire des recettes et des dépenses était susceptible de connaître.
Dernier avatar, le projet de loi de finances rectificative destiné à régler les recettes et les dépenses de l'année 2012 devrait, semble-t-il, consacrer le crédit d'impôt de 10 milliards d'euros destiné à alléger les charges sociales dont devront s'acquitter les entreprises sur les salaires versés en 2013. Est-ce un nouvel allégement à crédit ? N'est-ce pas, monsieur le ministre, un manquement à l'exigence de sincérité budgétaire ?
Il s'agit du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, nos interrogations à propos de cette discussion budgétaire. Quel sera le moment de la véritable délibération ? D'ores et déjà, force est de constater que ce projet de loi de finances initiale est une sorte de préfiguration de ce que sera la loi de finances pour 2013.
Je comprends bien que la profondeur de la crise justifie des initiatives exceptionnelles, et je ne vous en fais pas grief, monsieur le ministre. Mais comment se fait-il que le levier supposé de la croissance, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, ne soit pas connu et débattu ici et maintenant ?
Avant d'exprimer des réserves, je voudrais, toutefois, rendre un hommage particulier au Gouvernement, …
… car deux tabous sont en train de tomber.
Premier tabou, le poids des charges sociales est reconnu comme étant l'un des freins significatifs à la compétitivité des entreprises et à l'emploi.
Second tabou, l'augmentation de la TVA cesse d'être un chemin interdit.
M. Jean Arthuis. En effet ! M. le ministre s'identifie sans doute à saint Paul !
Sourires.
Je veux souligner ce double progrès et rendre hommage au Gouvernement.
Je mesure la révolution copernicienne que représente cette avancée. C'est une lueur d'espoir ; peut-être même est-ce la sortie programmée d'un tunnel dogmatique ?
Cela étant, le Gouvernement tarde quelque peu à prendre la mesure des réformes à accomplir pour que cette vision nouvelle donne lieu à une action significative, susceptible de produire les effets attendus.
Le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, appelle, de ma part, trois critiques.
Première critique, la montée du chômage semble acceptée comme une fatalité ; le Président de la République l'a reconnu publiquement à l'occasion de la conférence de presse qu'il a tenue la semaine passée, en affirmant que le chômage allait augmenter.
L'allégement des charges sociales sera limité, en 2013, à 10 milliards d'euros, et les employeurs devront faire l'avance, puisqu'ils ne seront remboursés qu'en 2014 : 15 milliards d'euros en 2014 remboursés en 2015 et 20 milliards d'euros en 2015 remboursés en 2016.
À cet égard, permettez-moi de vous faire partager une conviction : même les 30 milliards d'euros que recommande Louis Gallois ne suffiront pas. Si l'on veut susciter un véritable « choc de compétitivité », il faut aller jusqu'à 50 milliards d'euros. Cela étant, alors que Louis Gallois préconise un choc immédiat de 30 milliards d'euros, le Gouvernement retient un allégement à hauteur de 20 milliards d'euros, et de surcroît étalé dans le temps.
Accessoirement, vous mettez à rude épreuve, monsieur le ministre, l'exigence de sincérité des comptes publics, …
… dans la mesure où, si les entreprises sont autorisées à constater, à la clôture de leurs propres comptes, une créance sur l'État, en revanche, l'État semble s'exonérer de la reconnaissance de sa dette.
Au fond, le déficit 2013 devrait être augmenté de 10 milliards d'euros. Vous avez fait référence, monsieur le ministre, au crédit d'impôt recherche, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'on légitime la façon dont on l'a pris en compte jusqu'à maintenant.
D'ailleurs, les sommes en jeu ne sont pas les mêmes, avec 4 milliards d'euros d'un côté et 20 milliards d'euros de l'autre.
Vous me permettrez de penser que le déficit 2013 ne sera pas celui que vous affichez dans ce projet de loi de finances, car il faut y ajouter les 10 milliards d'euros qui correspondent à cet allégement des charges sociales. En effet, il faudra attendre l'année 2014 pour collecter le financement, via des hausses de TVA.
Il s'agit là d'une question cruciale : il faudra attendre le projet de loi de finances rectificative de février 2013 ou bien celui de fin d'année pour examiner tout ou partie du dispositif résultant du « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi », un titre prometteur, convenons-en, pour une mécanique qui risque d'être complexe et dont le calibrage n'est manifestement pas à la hauteur du défi de la lutte contre le chômage.
Deuxième critique, pour permettre à la France de respecter ses engagements européens, certes, mais aussi, et surtout, pour préserver son crédit international tout autant que sa souveraineté, vous choisissez le matraquage fiscal, au risque de décourager tous ceux qui entreprennent, qui innovent, qui investissent, qui vont de l'avant en créant des richesses et des emplois.
Si les plus-values doivent tendre, j'en conviens, à titre personnel, à relever du barème normal de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, je veux vous rendre attentif au fait qu'il faudrait tenir compte de la durée de détention des titres et de l'érosion due à l'inflation, car il existe des détenteurs qui ne sont pas des adeptes de la tyrannie du court-termisme et qui détiennent de longue date des titres. Aussi, je souhaite que vous admettiez de mettre en place des abattements dès lors qu'il s'agit de titres d'entreprises détenus à moyen ou à long terme.
Au surplus, le taux de croissance que vous avez retenu pour évaluer ces recettes tient compte d'une hypothèse manifestement irréaliste, comme en témoignent le consensus des économistes ainsi que les prévisions du Fonds monétaire international et de la Commission européenne. Il va vous manquer assez rapidement 4 ou 5 milliards d'euros, monsieur le ministre.
J'ajoute que votre « tsunami fiscal » va susciter nombre de délocalisations de patrimoines et d'assiette fiscale.
Au total, vous ne percevrez pas les impôts que vous escomptez et vous constaterez forcément des moins-values par rapport à vos prévisions.
Troisième critique, le reflux de la dépense publique reste incantatoire.
Les annonces sont vagues, et je souhaiterais que les points d'application soient clairement identifiés. En l'absence de réformes structurelles, je ne crois pas à l'effectivité des économies, en dehors de la facilité qui consiste, bien sûr, à réduire le montant des investissements.
Pour désactiver la dépense, nous attendons du Gouvernement qu'il mette un terme à l'hystérie normative.
Lors de la conclusion des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le président du Sénat, j'ai entendu avec satisfaction les engagements de François Hollande : le Président de la République se propose d'alléger les normes en vigueur. Formidable ! Mais, cinq jours plus tard, la ministre déléguée à la famille annonce l'abrogation du décret de 2010, visant à alléger les normes relatives à l'accueil des jeunes enfants dans les structures collectives.
Voilà une contradiction manifeste !
Puis-je souligner également la difficulté de supprimer l'addiction à la dépense publique ?
Voilà un an, vous vous en souvenez sans doute, mes chers collègues, nous avions voté, nous appuyant sur un rapport de la Cour des comptes, l'abaissement du taux de cotisation au Centre national de la fonction publique territoriale, ...
Or, qu'avez-vous fait dès le premier projet de loi de finances rectificative, chers collègues de la majorité ? Vous avez rétabli le taux de 1 % !
Dans la foulée, on va augmenter les taux de cotisations dues par les employeurs à la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, et assujettir les indemnités des élus locaux aux cotisations de sécurité sociale. En 2013, il ne sera pas nécessaire d'amputer les dotations de fonctionnement ; le compte y sera déjà par ces nouvelles charges !
Je souhaiterais que nous soyons, les uns et les autres, extrêmement vigilants quant à la nécessité de réduire les dépenses publiques.
Parmi les normes à corriger, il en est une dont la remise en cause est nécessaire avant tout : la norme relative à la durée du temps de travail. Nous n'y échapperons pas !
Lorsque le gouvernement Jospin avait légiféré pour réduire la durée du temps de travail, il s'adressait à la sphère privée, et souhaitait créer des emplois.
M. Jean Arthuis. Mme Aubry n'avait pas manqué de souligner alors que cette norme ne s'appliquerait pas aux fonctions publiques. Or, un an plus tard, cette réforme a été généralisée. On connaît la suite : 25 milliards d'euros de dépenses supplémentaires !
Eh oui ! sur les travées de l'UMP.
Mes chers collègues, je vous le répète, nous n'échapperons pas à la remise en cause de cette norme sur la durée du temps de travail dans les trois fonctions publiques, ainsi que pour les opérateurs de l'État et ceux des collectivités territoriales !
Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.
L'examen des articles nous permettra peut-être de corriger les insuffisances et les excès du projet de loi de finances ; mais, dans tous les cas, le budget pour 2013 demeurera instable, puisqu'il est destiné à être modifié, dans les semaines à venir, sur l'initiative du Gouvernement lui-même.
Monsieur le ministre, je doute que votre majorité – si tant est que vous en ayez une au Sénat – nous autorise à corriger votre copie et à rectifier le cap.
Le fait est que, dans son état actuel, le projet de loi de finances que vous présentez n'est pas acceptable, car il donne l'illusion de l'assainissement et renonce à déclencher le sursaut de compétitivité sans lequel la montée du chômage devient une fatalité assumée.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis déterminé à rejeter dans leur ensemble les articles de la première partie du projet de loi de finances.
Si je n'exclus pas de m'abstenir lors du vote sur l'article d'équilibre, c'est pour permettre au Sénat d'examiner les crédits des missions et de montrer qu'il peut proposer des économies et amplifier le reflux de la dépense publique.
Il est évident que cette position ne vaut en aucune façon approbation implicite du budget présenté par le Gouvernement. C'est ce que je confirmerai lors du vote final, si toutefois notre discussion se prolonge au-delà du mercredi 28 novembre.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc devant l'exercice incontournable de l'examen du budget pour l'année nouvelle.
Le projet de loi de finances pour 2013 va poursuivre, dans le droit fil de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, la mise en œuvre d'une politique de redressement des comptes publics.
Chers collègues de droite, je ne vais pas vous faire le coup de l'héritage
Exclamations sur les travées de l'UMP.
mais admettez que vous laissez un passif beaucoup plus lourd que l'actif !
Je vous le demande : si votre stratégie avait été aussi bonne que vous le prétendez, comment expliquez-vous que nous nous retrouvions avec cette dette abyssale ?
Monsieur le président de la commission des finances, la crise est bien entendu une réalité ; mais peut-être aussi y a-t-il eu une erreur de stratégie que vous ne voulez pas reconnaître.
Si les 35 heures, que notre collègue Arthuis a mises en cause, sont une mesure aussi mauvaise que vous le dites, n'est-il pas surprenant que votre majorité, qui a gouverné pendant dix ans, n'y ait pas mis un terme ?
M. François Fortassin. Vous le reconnaissez ? Chers collègues de l'opposition, si vous reconnaissez vos torts sur ce sujet, peut-être en avez-vous aussi dans d'autres domaines !
Sourires.
Nous ne nous déroberons donc pas devant nos responsabilités, mais il n'en reste pas moins que l'inventaire est long des mesures aux conséquences négatives qui ont, hélas !, des répercussions sur le quotidien de nos concitoyens les plus fragiles.
Le diagnostic macroéconomique est sans appel : nous avons une dette abyssale de 1 700 milliards d'euros qui représente 86 % du PIB ; le déficit structurel s'établit à 4, 2 % du PIB, la croissance peine à décoller en 2012 – c'est un euphémisme – et le taux de chômage s'élève à plus de 10 %.
Pour les Français, les dégâts sont palpables. Les inégalités sociales sont, certes, liées à la crise, mais l'opposition ne peut certainement pas les imputer à six mois de gouvernement de gauche !
D'ailleurs, l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale a récemment mis en évidence une augmentation de la très grande pauvreté en France.
En outre, l'accès aux services publics est de plus en plus difficile. Or, si les services publics sont utiles à tout le monde, ils sont indispensables à nos concitoyens les plus fragiles.
Chers collègues de l'opposition, il faut bien dire que vous avez quelque peu massacré les services publics !
C'est ainsi qu'une fracture sanitaire est en train de se creuser, des milliers de familles étant privées des soins médicaux les plus élémentaires.
Les collectivités territoriales ont bien essayé de panser les plaies, mais elles n'ont pas toujours pu faire face aux difficultés de la manière la plus satisfaisante.
Certes, la crise mondiale n'est pas étrangère à la situation, mais c'est l'absence de réformes pertinentes qui a précipité notre pays sur le chemin de la récession !
En définitive, l'idée de la « France forte » s'est perdue dans les brouillards de novembre…
Murmures sur les travées de l'UMP.
Le budget présenté par le Gouvernement est marqué par une volonté de redressement et, surtout, de justice et d'équité sociales.
Bien entendu, nous sommes utiles à l'ensemble de nos concitoyens ; mais c'est surtout des plus fragiles que nous devons nous préoccuper !
Nous sommes invités à respecter nos engagements européens et à créer les conditions d'une trajectoire saine des finances publiques. À mon sens, le projet de loi de finances répond à cette double exigence nationale et européenne.
Le processus de réduction effective du déficit à 3 % du PIB est fermement engagé, de surcroît sans artifice comptable, ce qui n'a pas toujours été le cas par le passé.
Il est vrai que le Gouvernement anticipe quelque peu la capacité de rebond de l'économie française ; mais, dans les périodes difficiles, il faut bien faire preuve d'audace !
Pour ma part, je me félicite de cette orientation courageuse, qui permet de dégager quatre priorités dont certaines relèvent, à mes yeux, de l'équité, d'autres de la responsabilité.
C'est ainsi que le projet de loi de finances renforce la progressivité de l'imposition sur les personnes - les radicaux de gauche, créateurs de l'impôt sur le revenu, ne peuvent qu'approuver -, rééquilibre l'imposition des entreprises pour favoriser l'investissement, mobilise la fiscalité pour accroître l'offre de logements et amorce la transition vers une fiscalité écologique.
J'ajoute qu'une politique tournant le dos aux avantages fiscaux indus me paraît de nature à redonner à nos concitoyens une certaine confiance ; elle confirme la volonté du Gouvernement de faire partager l'effort.
Des mesures de redressement sont prévues à hauteur de 30 milliards d'euros. Cette somme est obtenue pour un premier tiers par des augmentations de prélèvements, pour un deuxième tiers par des augmentations de prélèvements sur les entreprises et pour le dernier tiers par une baisse des dépenses publiques. Il me semble voir ici un équilibre de bon aloi.
Mais le choix manifeste de maîtriser les dépenses publiques n'est pas contradictoire avec l'activité économique.
Nous sommes de ceux qui pensent que l'éventuelle reprise de la croissance mondiale profitera aux petites et aux moyennes entreprises, et même aux très petites entreprises.
Mes chers collègues, depuis la présentation du projet de loi de finances pour 2013, nous entendons parler de recul ou de renoncement par rapport à nos promesses de campagne. Mais le moins que peuvent faire des élus, c'est de s'engager sur les promesses faites !
Comment aussi ne pas se féliciter de l'alignement de la taxation des revenus du capital sur celle des revenus du travail, ainsi que de la suppression des allégements d'ISF ?
Par ailleurs, je souhaite que l'on s'insurge contre les agences de notation, en particulier contre Moody's, qui a dégradé la note de la France en considération de sa dette mais sans tenir compte de l'épargne des particuliers, qui n'a jamais été aussi abondante dans notre pays. Comme si l'épargne domestique ne faisait pas partie de la richesse nationale !
Monsieur le ministre, nous souhaitons aussi que la Banque publique d'investissement…
M. François Fortassin. … facilite très rapidement la concrétisation des aspirations des investisseurs potentiels, qu'il s'agisse d'entreprises ou de collectivités. Il faut libérer les bas de laine !
Murmures sur les travées de l'UMP.
M. François Fortassin. De ce point de vue, il faut que le système bancaire soit plus souple. Il y a dans notre pays une épargne populaire très forte et des collectivités territoriales qui souffrent beaucoup, même si certaines crient avant d'avoir mal.
Sourires.
Il faut faciliter l'accès de ces collectivités aux emprunts. Car, lorsqu'une petite collectivité territoriale désireuse d'emprunter 100 000 ou 200 000 euros se voit répondre que son dossier doit être accepté par trois banques, c'est pour elle un véritable parcours du combattant !
En définitive, monsieur le ministre, il faut faciliter la libération des investissements et, plus généralement, mettre en place une stratégie de combat pour relancer l'économie.
Entre une économie saine et une économie qui traîne la patte, il y a en définitive un écart de 5 % : c'est la confiance !
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous, sur votre détermination, votre savoir-faire et même votre charisme, pour que les investisseurs potentiels de notre pays, publics ou privés, retrouvent confiance.
Si les radicaux de gauche regrettent, dans le projet de loi de finances, l'absence de certaines mesures, comme la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG et la mise en place de trois taux différents pour l'impôt sur les sociétés, ils constatent une vraie volonté d'engager la France sur le chemin de la prospérité.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous vous soutiendrons dans votre entreprise, qui est des plus complexes !
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, élaborer la loi de finances de la France pour 2013 est un exercice périlleux, qui revient à tenter de concilier les contraires.
Il nous faut éviter tout à la fois le gouffre de la dette et l'effondrement de l'action publique, qui conduiraient tous les deux à l'austérité.
Je veux dire avec force à cette tribune que la culture politique incarnée au Sénat par notre groupe, parce qu'elle est écologiste, considère la dette financière comme un véritable fléau.
Nous considérons tout simplement qu'au même titre que la dilapidation du « capital planète », la consommation à outrance des ressources naturelles et la destruction de notre environnement, une dette massive et toujours plus incontrôlée revient à faire peser les conséquences de notre inconscience passée et présente sur les générations à venir.
C'est la raison ontologique, fondamentale, pour laquelle nous soutenons l'effort réalisé par le Gouvernement ; celui-ci est le premier depuis l'après-guerre à n'avoir pas, en situation d'alternance politique, cédé aux sirènes qui conduisent habituellement à lâcher la bride sur les dépenses lors du premier exercice budgétaire en guise de remerciement somptuaire à celles et à ceux qui ont contribué à la victoire…
Dans un premier temps, ce courage politique mène souvent les gouvernants à l'impopularité ; accessoirement, il pousse aussi à la schizophrénie ceux qui, passés des affaires à l'opposition, redoublent soudainement d'audace en parole pour mieux faire oublier leur inaction d'hier.
Mais la situation actuelle est si grave qu'elle mérite autre chose que la polémique.
Elle mérite que nous débattions en bonne intelligence, c'est-à-dire de manière argumentée et contradictoire, que notre assemblée soit source de propositions effectives pour le pays et pour nos concitoyens, et que le Gouvernement, quelle que soit sa haute compétence, monsieur le ministre, sache entendre toutes les suggestions qui vont dans le sens à la fois de la réduction de la dette, d'une relance saine, durable et soutenable de l'activité en privilégiant les enjeux du futur, de la justice sociale, tant dans l'effort demandé que dans la marge étroite de redistribution qu'autorise un budget de crise, et, enfin – ce n'est pas le moindre des défis ! –, dans le sens d'une meilleure coordination et complémentarité de l'action de l'État avec les autres strates d'intervention publique qui l'entourent, les collectivités locales et territoriales, d'une part, et l'Union européenne, d'autre part.
Si nous devons juger ce budget dans sa globalité, force est de reconnaître qu'il traduit bel et bien un effort considérable s'agissant de la réduction de la dette. Nous nous félicitons que cet effort se fasse avec le souci de préserver une véritable justice sociale.
Le journal Les Echos titrait ce matin que la France deviendrait ainsi le pays imposant le plus les hauts revenus. C'est exact, mais comment pourrait-il en être autrement si nous voulons restaurer notre intégrité budgétaire sans sacrifier les plus défavorisés de nos concitoyens ?
De la même façon, nous saluons les efforts réalisés sur les missions prioritaires que sont l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche, missions dont les moyens augmentent, parce qu'elles sont les mieux à même de préparer l'avenir.
En réalité, si nous avons quelques regrets, ces derniers se justifient principalement par les pistes et les ressources qui permettraient d'approfondir encore ces orientations et qui, à notre sens, n'ont pas été assez explorées.
Je pense notamment aux niches fiscales anti-écologiques, dont, voilà un an, la Cour des comptes évaluait le coût à plus de 19 milliards d'euros. La Cour regrettait alors que, sur les vingt-six niches de ce type qui avaient été identifiées, seules deux aient été remises en cause depuis le Grenelle de l'environnement. Les progrès à faire en la matière se font encore tristement attendre !
De même, dans ce projet de loi des finances, les aspects relatifs à la mutation écologique de l'économie et à la transition énergétique demeurent négligés et s'éloignent des promesses et des ouvertures faites par le président de la République lors de la Conférence environnementale de septembre dernier.
Des regrets face à ce projet de loi de finances, nous en avons également en matière de politique fiscale. Certes, l'effort est là, avec un souci indéniable de justice sociale. Mais nous restons dans une fiscalité très traditionnelle, qui repousse encore à l'année prochaine l'introduction d'une véritable fiscalité écologique et qui néglige également des pans entiers de l'économie, telle qu'elle fonctionne aujourd'hui et telle qu'elle continuera à se développer demain.
Ainsi, nous sommes toujours au point mort concernant la fiscalité de l'économie numérique. Alors que nous cherchons, il est vrai de manière un peu irréaliste, à relocaliser la production industrielle sur notre territoire, nous ne parvenons toujours pas à localiser les recettes et les revenus tirés dans notre pays par les géants de l'internet et de la nouvelle économie !
À l'heure où les politiques européennes en la matière tardent à se mettre en place, le Gouvernement aurait tout intérêt à se saisir des propositions déjà nombreuses et précises formulées dans ce domaine par le Sénat, singulièrement par le président de sa commission des finances.
Je parlais d'Europe, c'est justement le dernier élément que j'évoquerai. Le sujet est d'autant plus d'actualité que le Conseil européen se réunit ce soir pour parler, lui aussi, de questions budgétaires ! Nous pouvons avoir quelques inquiétudes à ce propos, tant le comportement des uns et des autres est à l'économie, voire à l'austérité.
Tous les efforts budgétaires produits par notre gouvernement n'auront de sens en matière de reprise et d'adaptation de l'activité économique que si l'Union européenne se dote de réels moyens et de politiques coordonnées en matière de développement, de solidarité et d'innovation.
Doubler la rigueur budgétaire à l'échelle nationale d'une véritable austérité à l'échelle de l'Union européenne serait véritablement suicidaire pour l'avenir de notre économie.
Le groupe écologiste du Sénat, comme cela a déjà été annoncé par son président, votera le projet de loi de finances en dépit de ses craintes et de ses regrets... En retour, nous attendons du Gouvernement qu'il sache entendre, bien mieux que lors de la discussion du projet de la loi de finances rectificative pour 2012 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, les amendements bienveillants et constructifs que nous lui proposons.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la France et l'Europe sont confrontées à une profonde modification économique et sociale. C'est, me semble-t-il, la crise d'un modèle de développement. Un cycle économique se termine, et il me paraît indispensable que nous nous mobilisions pour trouver les nouveaux chemins de la croissance et de l'emploi.
Sourires.
En fait, les mots « croissance » et « emploi » se déclinent ensemble. L'expérience qui a été la mienne en tant que ministre du travail m'a démontré que, sans croissance, il n'y a pas de création d'emplois et, sans création d'emplois, il n'y a pas de résorption du chômage.
En ce sens, cette crise est un défi, un défi pour engager les changements et les réformes pour lever les handicaps qui, depuis longtemps, caractérisent notre pays : un chômage structurel élevé, un marché du travail dual, la désindustrialisation, l'aggravation du déficit de sa balance commerciale, la faiblesse des marges de ses entreprises, une compétitivité qui s'étiole au fil des années et, ne l'oublions pas, la souffrance sociale des citoyens les plus exposés à ces maux.
Dans cette perspective, une voie s'impose, qui est étroite et nécessite courage et détermination, c'est celle des réformes pour moderniser notre économie et nos relations sociales ; c'est aussi la voie de la consolidation budgétaire.
Le projet de loi de finances que nous présente aujourd'hui le Gouvernement, je le dis d'emblée, ne me paraît pas à la hauteur des enjeux. Il me semble difficile d'y voir clair dans la politique économique choisie pour notre pays, notamment après les annonces faites à la suite du rapport Gallois.
Quand la politique budgétaire est contrainte par un niveau élevé d'endettement public - près de 80 % du PIB -, quand la politique monétaire vise d'abord à rendre finançables les dettes souveraines tout en respectant l'objectif d'inflation, alors, la seule marge de manœuvre pour dépasser la crise, nourrir la croissance, notamment la croissance potentielle, me paraît clairement être celle des réformes structurelles.
Engager de telles réformes structurelles signifie deux actions, qu'il faut conduire en même temps.
D'une part, il est nécessaire de réduire notre déficit public en réduisant les dépenses publiques... Mais ce n'est que la trentième décision de votre pacte pour la croissance, alors qu'elle aurait dû figurer dans les premières !
D'autre part, il faut agir pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Vous vous y essayez, et c'est une avancée - Jean Arthuis le soulignait voilà quelques minutes -, mais vous ne nous convainquez pas encore. Il y a d'abord des hausses massives d'impôts, puis la promesse d'un crédit d'impôt pour les entreprises. Cette politique est un peu celle de la douche écossaise pour les entreprises, quelle que soit leur taille !
Depuis six mois, trop souvent pour des raisons idéologiques, me semble-t-il, vous avez déconstruit ce qui avait été fait – insuffisamment, le président de la commission des finances l'a dit ce matin – pour améliorer la compétitivité de notre économie, alors qu'il aurait fallu persévérer et amplifier.
Vous êtes revenu – peu l'ont évoqué – sur la réforme des retraites, alors qu'elle était indispensable à la viabilité sur le long terme de nos régimes sociaux et de notre dette publique. À ce titre, monsieur le ministre, il me semble qu'il serait judicieux d'activer le plus rapidement possible l'article 1er de la loi de 2010 portant réforme des retraites et de demander au Conseil d'orientation des retraites son analyse de l'équilibre financier de nos régimes, notamment à l'horizon 2020 et au-delà, et d'engager la réforme systémique telle que cela est prévu par la loi. Le Sénat a pris une part toute particulière dans cette réforme voulue par un certain nombre de partenaires sociaux.
Vous avez alourdi le coût du travail et, beaucoup l'ont dit, vous avez supprimé la « TVA compétitivité » et êtes revenus sur la baisse des charges sociales, alors que les autorités européennes et la Cour des comptes estimaient, comme nombre d'entre nous, qu'il s'agissait d'une mesure adaptée à notre pays.
Aujourd'hui, on voit bien que vous essayez de rattraper cette erreur par un mécanisme de crédit d'impôt qui sera complexe. Par expérience, nous savons que ces systèmes sont très lourds, moins efficaces et aussi coûteux qu'un système direct !
Mais nous pouvons vous décerner un vrai satisfecit pour ne pas avoir tenu deux des engagements du candidat François Hollande !
Vous n'avez pas tenu l'engagement d'un ONDAM à 3 %. Vous êtes devenus plus raisonnables en le fixant à 2, 7 % ; la Cour des comptes recommandait même 2, 5 %. On sait que l'équilibre des comptes sociaux est fondamental dans l'équilibre global de nos finances publiques !
Vous n'avez pas plus tenu l'engagement d'une renégociation du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG. Vous l'avez soumis à ratification, dans l'état où il avait été négocié par le précédent président de la République et le précédent gouvernement, sans aucune modification. Nous avons voté ce texte ; nous attendons maintenant que vous lui donniez un contenu probant.
De fait, vous avez utilisé les six premiers mois à déconstruire ce qui avait été réalisé et, aujourd'hui, vous tentez de colmater les brèches à coup de mortier fiscal en traçant peu de perspectives. Le projet de loi de finances pour 2013 en apporte la preuve.
Votre hypothèse de croissance pour 2013 suscite beaucoup d'interrogations. Au-delà du consensus des économistes que Jean Arthuis évoquait, la Commission européenne et le FMI n'y croient guère.
Vous construisez le volet « recettes » du budget sans anticiper les changements de comportement que vont entraîner chez des agents économiques les fortes augmentations d'impôts que vous décidez. Je ne suis pas certain que ces recettes seront présentes en raison précisément de ces changements.
Rappelons que vous avez fait le choix de l'augmentation des impôts pour tous, entreprises et ménages, alors que plusieurs exemples, théoriques et historiques, prouvent que les consolidations budgétaires réussies passent d'abord par une baisse des dépenses publiques. Vous vous y essayez, mais de façon très modeste, trop modeste, et surtout ambiguë.
Monsieur le ministre, en hésitant sur le chemin à prendre en matière de compétitivité et de réforme de la protection sociale, il me semble que vous perdez un temps précieux pour notre pays, au risque de voir notre économie continuer à s'affaiblir et être distancée par nos partenaires européens. Un certain nombre d'entre eux ont engagé avec détermination des réformes structurelles d'ampleur ; je pense en particulier à l'Italie, où il n'a fallu que quelques mois à M. Monti pour agir en ce sens.
Monsieur le ministre, sur les travées du groupe auquel j'appartiens, nous sommes inquiets pour l'avenir économique de notre pays. Nous craignons que vous ne péchiez par excès d'optimisme en pensant que la crise serait derrière nous, comme l'a dit voilà peu le Président de la République.
En commençant par augmenter très fortement les impôts et en reportant les réformes structurelles, vous enfermez notre pays dans la spirale de la seule hausse fiscale. Or vous vous êtes vous-mêmes lié les mains. Parce que vous avez commencé par augmenter massivement les impôts, vous ne pouvez plus accompagner fiscalement une politique de compétitivité. Selon moi, il sera indispensable que, sans attendre 2014, vous nous proposiez ce qui est tout de même un ersatz de la « TVA compétitivité », afin que nous y voyions clair sur cette proposition de modification de la valeur ajoutée.
Vous ne vous attelez pas à une politique claire de baisse de la dépense publique. Vous allez être confronté à un calendrier difficile au printemps, quand il s'agira de démontrer à nos partenaires que nous tenons nos engagements, notamment en matière de résorption de nos déficits. Votre stratégie économique est peu compréhensible. Or la confiance dépend beaucoup de la clarté des objectifs d'un gouvernement.
Aujourd'hui, nous avons l'étrange impression qu'après la remise du rapport Gallois et les annonces du Gouvernement vous essayez de donner le change et de rattraper le temps perdu. Est-ce le temps de la nouvelle politique qu'évoquait ce matin le président Philippe Marini ?
Nous serions heureux que vous vous rendiez à la raison et que vous renouiez notamment avec un engagement de baisse des charges sociales pour les entreprises et une compétitivité qui soit plus largement retrouvée.
Un des points qui m'inquiètent le plus est la hausse de la fiscalité sur l'épargne financière et la limitation de la déductibilité des intérêts d'emprunt pour nos entreprises. C'est là un sujet majeur.
En fait, monsieur le ministre, votre budget est fiscalement dur, politiquement peu courageux, ...
M. Gérard Larcher. ... économiquement incertain. Finalement, ce n'est pas le changement, c'est l'évitement des vrais problèmes qui en est la marque : je ne le voterai donc pas !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président de notre groupe, François Rebsamen, l'a dit tout à l'heure : nous voici saisis d'un budget d'équilibre social et d'équilibre économique. Ambitieux et volontaire, ce projet de loi de finances vise à mettre en œuvre les différentes priorités du Gouvernement et de la majorité parlementaire qui le soutient.
Il faut tenir compte non seulement du contexte pour assurer l'avenir, mais aussi des besoins pour pouvoir y répondre et des capacités contributives de chacun.
La situation dans laquelle se trouvent les comptes publics est connue : la dette a doublé en dix ans, menaçant tout à la fois notre crédibilité, notre compétitivité et notre capacité d'action.
Notre crédibilité politique au niveau européen est en effet menacée, car l'abandon du combat pour le redressement des comptes risque de marginaliser la parole de la France en Europe et dans le monde sur les sujets économiques. Il serait alors difficile d'obtenir des accords comparables au pacte de croissance, obtenu au sommet européen du 29 juin dernier, ou des avancées sur l'union bancaire. Nous verrons d'ailleurs combien le prochain week-end sera précieux à cet égard.
Mais notre compétitivité économique est également en jeu, car une hausse des taux d'intérêts pour la France non seulement augmenterait le coût de la dette pour l'État, mais aurait également des conséquences directes sur les taux payés par l'ensemble des entreprises françaises.
Enfin, notre capacité d'action est, elle aussi, menacée, car nous pourrions ne plus être maîtres de nos décisions faute de ressources financières. Or nous conservons notre ambition, et nous la porterons. Le changement ne sera en effet durable que si des mesures pour demain sont prises dès aujourd'hui. Pour cela, plusieurs combats seront menés de front, au travers d'actions conduites par l'État.
J'évoquerai en premier lieu l'emploi et l'éducation. Dès les premiers mois de son action, le Gouvernement s'est engagé à mettre en œuvre les promesses de notre candidat : faciliter l'emploi des jeunes grâce, en partie, aux emplois d'avenir…
... et permettre, aux salariés plus âgés de choisir librement entre la poursuite de leur carrière, en vertu du projet de loi que nous examinerons bientôt sur le contrat de génération, et un départ anticipé, en fonction de la durée et de la pénibilité de leur carrière.
Le présent projet de loi de finances renforce les capacités d'action de Pôle emploi, et son offre de services : près de 4 000 agents supplémentaires seront déployés entre la fin de l'année 2012 et 2014, pour être dirigés vers les demandeurs d'emploi qui en ont le plus besoin, et ils sont de plus en plus nombreux, comme nous le voyons tous.
Nous nous félicitons d'une telle mesure. Nous défendrons également un certain nombre d'amendements visant à renforcer les dispositifs existants, en particulier s'agissant du bénéfice de l'allocation transitoire de solidarité, dont se trouvent exclues des dizaines de milliers de personnes, ce qui les laisse dans une situation économique et sociale dramatique. Je sais le Gouvernement sensible à ce sujet, et nous en reparlerons.
Ce budget, c'est également le retour des deux priorités, trop négligées depuis des années, que sont la jeunesse et l'éducation.
Dès 2013, les étudiants pourront compter sur des bourses revalorisées, dont l'enveloppe globale a été augmentée de 154 millions d'euros. De nouveaux moyens seront apportés à l'École et à l'Université dans le cadre de la compétition internationale des savoirs : près de 9 000 emplois seront créés dans l'éducation nationale, et 1 000 postes supplémentaires dans les universités. Le Président de la République considère qu'il s'agit là des priorités de son mandat ; nous serons derrière lui et son gouvernement pour soutenir ces choix.
J'en viens, en second lieu, à la compétitivité. Le constat dressé dans le rapport Gallois sur l'économie française est alarmant, nous l'avons dit. On découvre le bilan de plusieurs années de difficultés.
François Rebsamen l'a rappelé tout à l'heure, le projet de loi de finances pour 2013 s'inscrit dans la recherche d'un soutien accru aux petites et moyennes entreprises. Une telle démarche se poursuivra dans les prochaines semaines avec l'examen du projet de loi portant création de la Banque publique d'investissement et des mesures souhaitées par le Gouvernement pour soutenir la compétitivité de l'économie française.
Certains de nos collègues nous diront que ces mesures auraient dû figurer dans le projet de loi de finances. Ils semblent oublier qu'un certain temps est nécessaire pour consulter et étudier les mécanismes fiscaux. Nous agissons avec méthode, et non avec précipitation. Convenons-en, cela nous change du gouvernement précédent !
Au-delà des chiffres bruts de la dette publique, il y a une réalité que nous combattons sans relâche depuis notre arrivée au pouvoir. Elle se trouve à nouveau au cœur du projet de loi de finances que nous nous apprêtons à examiner : je veux parler de l'« impôt sur la naissance » auquel nous a conduits le gouvernement précédent.
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy avait commencé par l'instauration d'un bouclier fiscal à 50 %, et s'était terminé par un « détricotage » complet de l'ISF. Face à la dégradation financière des comptes du pays, deux principes nous différencient fondamentalement de nos prédécesseurs : la justice et la solidarité.
Oui, nous l'assumons, les Français seront sollicités, comme nous l'avions d'ailleurs dit dès le mois de juillet dernier, mais à raison de leur capacité à porter ces efforts. Renforcement de l'ISF, nouvelle tranche à 45 % de l'impôt sur le revenu : ces réformes ne toucheront pas les classes moyennes, et c'est l'honneur des plus aisés d'apporter leur pierre au redressement de la nation.
L'autre pan de cette politique, c'est la solidarité. La meilleure illustration en est peut-être l'allocation de rentrée scolaire : nous nous étions engagés à l'augmenter de 25 % ; nous l'avons fait. Près de 5 millions d'enfants en bénéficieront. Ils sont issus de familles modestes et pauvres, souvent monoparentales. Nous savons tous aujourd'hui combien la pauvreté des familles conduit, pour beaucoup d'enfants français, à la pauvreté extrême et à des difficultés durables. Nombre de nos collègues pointent du doigt la difficulté que nous avons à appréhender une telle situation, et c'est bien tout l'enjeu de cette mesure. Elle sera financée, car en remettant de la progressivité et de la justice dans l'imposition des ménages, nous ne nous contentons pas de rembourser l'ardoise laissée par ceux qui sont aujourd'hui dans l'opposition : nous construisons l'avenir.
Vous le voyez, mes chers collègues, le projet de loi de finances dont nous allons débattre, que nous défendrons avec la force de nos convictions, n'est pas seulement la traduction d'un effort sans précédent décidé pour redresser la situation financière calamiteuse dont nous avons hérité ; il porte des valeurs de justice et de solidarité. En demandant à l'ensemble des acteurs de ce pays d'y participer, et à ceux, ménages comme entreprises, qui sont en capacité de fournir cet effort, c'est l'avenir du pays que nous reprenons en main. Voilà ce dont nous allons débattre dans cette enceinte.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du présent projet de loi de finances se situe bien évidemment dans le prolongement des débats fondamentaux que nous avons eus depuis le début de la session.
Ce texte porte les stigmates de la loi autorisant la ratification du traité budgétaire européen, de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques et enfin de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques elle- même. Il ne serait donc que la première manifestation de ces trois éléments essentiels des politiques publiques des années à venir.
Une telle approche, parfaitement concevable, amène d'ailleurs à adopter a priori une position sur le présent texte.
Résumons-nous : si l'on est contre le traité budgétaire, ce qui est notre position, contre la règle d'or issue de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, ce qui est également notre position, et que l'on a rejeté la loi de programmation, comme c'est encore notre cas, on peut en déduire, aussi logiquement que mécaniquement, qu'il n'y a pas à débattre du présent projet de loi de finances et qu'il faut se préparer à le rejeter.
Mais nous croyons pour notre part aux vertus du débat public et à celles de l'analyse concrète d'une situation concrète. Nous pensons que les débats parlementaires que nous allons mener permettront peut-être de dégager d'autres solutions à la grave crise des finances publiques que nous connaissons, quitte à dévier quelque peu de la trajectoire apparemment tracée par les textes précédemment cités.
Nous partageons évidemment le constat de la gravité de la situation. Dix années d'exercice du pouvoir par la droite ont conduit au doublement de la dette publique et à une dégradation généralisée de la situation économique et sociale.
Cette dégradation prend des caractères extrêmement variables, allant de l'insécurité grandissante dans certains quartiers dits « sensibles » au développement du chômage et de la précarité, en passant par l'échec scolaire et certains reculs de la vie associative. Mon amie et collègue Marie-France Beaufils vient de donner des chiffres en la matière.
Le développement des inégalités sociales est donc allé de pair avec une dégradation du lien social. Dix ans de pouvoir de droite ont conduit les Françaises et les Français à un recul de la citoyenneté, un recul de ce qui fait sens dans la communauté des habitants de notre pays.
Remédier à cette situation commande-t-il, comme on le fait dans le présent projet de loi de finances, de mettre en œuvre une sorte de « choc fiscal » marqué par un accroissement sensible du rendement de nos impôts et taxes en vue d'une réduction, en théorie, du déficit public, tout en menant parallèlement une politique d'austérité qui, sous bien des aspects, n'a rien à envier à ce qui se fait un peu partout en Europe ?
Dans les faits, la plupart des instances internationales reconnues distinguent clairement les situations.
L'Asie va continuer de connaître, dans les années à venir, une croissance relativement soutenue, même si le modèle chinois de développement économique donne quelques signes d'essoufflement ; les Grecs ou les Portugais l'échangeraient aisément contre l'actuelle austérité qui prévaut chez eux. Une croissance, même ralentie, à 7, 5 % du PIB, qui n'en voudrait pas ?
Les États-Unis, désormais libérés des contingences de l'élection présidentielle et des incertitudes relatives à son résultat, semblent devoir connaître une certaine forme d'embellie, ce qui fait désormais d'eux le premier client de la Chine. Pour autant, le FMI estime que la croissance américaine atteindra 2, 75 % en 2013.
Les pays d'Europe non membres de l'Union européenne ne sont pas nécessairement en mauvaise forme, la Russie tournant autour des 4 % de croissance, tandis que les autres pays émergents – Brésil, Argentine, notamment – connaissent des croissances du même ordre, tout juste ralenties par les conséquences des politiques d'austérité mises en œuvre en Europe.
Tous les pays européens, singulièrement ceux de la zone euro, présentent aujourd'hui une tendance récessive. Les prétendus plans de sauvetage de la Grèce, de l'Irlande, du Portugal, de l'Espagne ou de l'Italie, que nous n'avons pas soutenus, conduisent ces pays à la récession, à l'abaissement, à la perte de leurs capacités, voire à la ruine de leur économie.
Tout se passe aujourd'hui comme si l'austérité imposée aux uns, contre toute logique et sans autre résultat que l'accroissement de leurs difficultés, était exportée chez les autres et engendrait d'elle-même de nouvelles politiques d'austérité aussi stupides que néfastes.
Tout cela, pour quoi faire ? À quoi sert le TSCG ? À maintenir la parité de l'euro par rapport aux autres devises ? C'est un échec de ce point de vue : le dollar s'est apprécié par rapport à l'euro, et il faut aujourd'hui 1, 30 dollar pour 1 euro ! Quant au franc suisse, il vaut aujourd'hui 83 centimes d'euro, alors qu'il cotait 68 centimes d'euro il y a dix ans…
L'euro, monnaie unique, cet outil « formidable », s'est dévalué, victime de l'austérité, et cela ne sert même pas aux économies de la zone euro – si l'on excepte l'économie allemande – pour gagner en efficacité dans le commerce international.
Toujours est-il que même l'Allemagne semble en situation de récession : la croissance au troisième trimestre n'y est pas meilleure qu'en France ; le niveau de chômage tend à croître, malgré les emplois à cinq euros de l'heure, voire moins, et les comptes publics n'y sont plus aussi florissants qu'avant.
À vouloir imposer une austérité sans borne à l'ensemble de l'Europe, voici donc Mme Merkel aux prises avec le carcan qu'elle a souhaité imposer aux autres, mettant en péril l'économie et la société de ce pays vieillissant et quelque peu inquiet de l'avenir qu'est devenue l'Allemagne fédérale.
Dès lors, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est grand temps que nous sortions de l'ornière dans laquelle la course exténuante au fameux 3 % de déficit risque d'entraîner notre pays, comme elle entraîne en ce moment l'Europe !
Vous avez raison, monsieur le ministre, de vouloir la justice fiscale, de traiter les revenus du capital comme ceux du travail – mais j'aurais des choses à dire sur ce point ! –, de considérer les plus-values comme des revenus « ordinaires » et de pourchasser l'optimisation fiscale des grands groupes, comme vous le faites, je dois le dire, dans une partie non négligeable du présent projet de loi de finances.
Mais, là où vous avez tort, nous semble-t-il, c'est de confronter l'aspiration à la justice fiscale, qui s'est largement traduite au printemps dernier dans le vote des Français, monsieur Rebsamen, et les fortes attentes de justice sociale à la réduction de la dépense publique, au gel de la rémunération des fonctionnaires, à la saignée pratiquée dans les crédits de la culture, aux artifices comptables des prélèvements autoritaires destinés à « boucher les trous », au retard apporté à certains projets et, en partie, à la soumission acceptée aux marchés financiers.
Tout à l'heure, monsieur Rebsamen, vous établissiez une distinction entre le groupe CRC et la droite. Je vous rejoins bien évidemment. En revanche, mon point de vue diverge du vôtre sur ce que souhaitent les Françaises et les Français. Quitte à caricaturer quelque peu votre propos, je ne crois pas que nos concitoyens accueillent presque avec joie la politique menée actuellement.
Mes chers collègues, rappelons-nous : l'ennemi, c'était la finance, disait-on du côté du Bourget au printemps. L'ennemi, ma foi, on semble s'en être accommodé, puisque la justice fiscale proclamée va surtout servir à payer la rente de 50 milliards d'euros – ou peu s'en faut – que les marchés exigent de la France au titre des intérêts de la dette publique !
Il faudra bien, mes chers collègues, que nous nous penchions sérieusement sur le rôle joué par les marchés financiers dans l'absence d'investissements industriels répondant aux nécessités de développement de la production et de l'emploi, de la croissance.
Les pressions que le lobby bancaire fait peser sur le projet de loi relatif à la création de la banque publique d'investissement et sur le projet de loi de réforme bancaire ne peuvent manquer de nous inquiéter de ce point de vue.
Mais quand donc aura-t-on le courage politique de mettre en question le rôle d'une Banque centrale européenne qui protège si bien la parité de l'euro au point que celle-ci s'est affaissée au regard des grandes devises de la planète ?
Dans le cadre de cette discussion, nous, parlementaires du groupe CRC, avons déposé un certain nombre d'amendements dont la finalité générale est d'aller plus loin que ne le fait le projet de loi de finances voté par l'Assemblée nationale. Bien sûr, mes chers collègues, nous ne partons pas de rien : pour une part essentielle, ces amendements sont identiques à ceux que la majorité de gauche du Sénat, dans une belle unanimité, comme pour affirmer un manifeste, a votés l'an dernier, lors de la discussion de la loi de finances pour 2012.
Nous ne pouvons donc que reprendre le travail là où il a été laissé et là il nous avait menés.
Notre objectif est clair : créer les conditions de la croissance, faciliter l'investissement productif, rendre aux plus modestes et aux salariés du pouvoir d'achat, aller plus loin sur la voie de la justice sociale.
Sur le plan budgétaire, cela se traduirait par un accroissement des ressources de l'État sans doute plus élevé que celui qui est prévu par le texte initial. Cela signifie, bien évidemment, que nous sommes clairement partisans de briser le tabou du gel de la dépense publique et de définir, en fonction des priorités et de l'utilité sociale, une dépense publique nouvelle, utilisant ce surplus de recettes, donnant une impulsion spécifique à l'activité économique.
Le New deal, monsieur le ministre, ensemble d'outils de sortie de crise défini par Roosevelt et ses conseillers, n'a jamais été un plan d'austérité !
Nul doute que la France ne puisse sortir de la crise sans que soient menées des politiques publiques audacieuses et déterminées, sortant des schémas qui nous ont conduits à la croissance zéro d'aujourd'hui, du fait de la politique menée par la droite.
Et les 120 milliards d'euros du pacte de croissance européen ne suffiront pas à faire le compte, croyez-moi, pas plus que les 20 milliards d'euros du « pacte de compétitivité » ne seront plus efficaces que les 170 milliards d'euros de cadeaux fiscaux et sociaux déjà accordés aux entreprises pour relancer, prétendument, l'activité industrielle.
En conclusion, c'est en fonction de l'évolution du contenu de la première partie de la loi de finances que nous serons amenés à nous déterminer.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, autant le dire tout de suite, nous partageons les objectifs de ce projet de budget, à savoir réduire le déficit à 3 % du PIB et donner la priorité à l'éducation, à la recherche, à la justice, à la sécurité et à l'emploi.
En revanche, sur la façon d'atteindre ces objectifs, notre avis diverge.
Monsieur le ministre, vous privilégiez l'augmentation des impôts, au risque de décourager tous ceux qui font vivre notre économie. Vous continuez d'accroître l'endettement de notre pays, qui augmentera de 65 milliards d'euros. Vous demandez aux collectivités locales des efforts que vous n'imposez ni à vous-mêmes ni aux opérateurs qui dépendent de vous. Vous augmentez les dépenses de nombre de missions qui ne font pas partie des priorités. Enfin, vous faites preuve d'un excès d'optimisme dans les prévisions de croissance et de recettes qui frise l'insincérité.
C'est un défaut majeur, vous en conviendrez, pour un budget.
Les bons gestionnaires connaissent la recette : un bon budget, c'est la prudence tant en recettes qu'en dépenses, et, au final, vous n'aurez que des bonnes surprises.
Eh bien, à l'échelon de l'État, j'ai l'impression que cette recette est ignorée, quels que soient les gouvernements.
Aujourd'hui, les questions qui nous sont posées sont simples.
En matière budgétaire, pourquoi ne pas adopter des règles de prudence et de bonne gestion comme celles que j'avais proposées, sans succès, l'an dernier ?
Comment pourrions-nous accepter un budget qui prévoit un tel matraquage fiscal, sans précédent, et qui, de plus, surévalue largement les recettes ?
Combien de temps les marchés vont-ils nous faire confiance ?
Année après année, les gouvernements, quels qu'ils soient, retiennent des hypothèses trop optimistes en matière de croissance. C'était déjà le cas l'an dernier ; cela l'est encore cette année
Je vous rappelle que le budget qui nous avait été soumis en 2011, à pareille époque, tablait sur une croissance de 1, 75 %, quand les économistes, de façon consensuelle, l'estimaient à 1, 2 %. Au final, le taux de la croissance atteindra au mieux 0, 3 %...
Cette année encore, le Gouvernement établit ses hypothèses budgétaires sur une prévision de croissance à 0, 8 %. Or tout le monde sait parfaitement que celle-ci, sauf miracle, n'est pas tenable.
Alors, pourquoi ne pas faire tout de suite preuve de prudence en retenant le taux estimé de manière consensuelle par les économistes – au mieux 0, 4 %, parfois 0, 2 % – et pourquoi ne pas aller au-delà en le diminuant encore de 0, 5 %, de façon à limiter au maximum le risque de mauvaise nouvelle ?
Non seulement vos prévisions de croissance sont trop optimistes, monsieur le ministre, mais en plus vous prévoyez une croissance spontanée des recettes, hors nouvelles mesures, de 8 milliards d'euros, soit 3 % de plus ! Je n'ai pas connaissance que cette année les revenus des Français, la consommation des ménages, l'investissement et les résultats des entreprises aient progressé dans une telle proportion. Nous en aurions entendu parler et, honnêtement, nous nous en réjouirions.
Alors, l'optimisme, pourquoi pas ? Un individu, tout comme un peuple, en a besoin. Mais l'excès d'optimisme peut confiner à l'aveuglement et au déni de réalité. En matière de gouvernement, c'est une faute grave, très grave même.
Je renouvelle aujourd'hui une deuxième proposition : retenir le principe de proposer autant d'économies de dépenses que de hausses d'impôts.
Ce serait un très bon signe envoyé aux Français et à tous les acteurs économiques, le signe que l'État est enfin raisonnable et que les efforts qu'il demande, et qui devront durer quelques années, n'en doutons pas, ne sont pas sollicités en vain. C'est fondamental si l'on veut garder la confiance des Français.
Nous devrons tôt ou tard – mieux vaudrait tôt – opérer une correction importante à la baisse de nos dépenses publiques. D'ailleurs, le Président de la République l'a lui-même annoncé récemment. Là aussi, il nous faut en finir avec cette trop grande timidité qui nous empêche de prendre le problème à bras-le-corps. Nous devons être courageux, rigoureux, justes et cohérents. Ce n'est qu'ainsi que nous obtiendrons l'accord d'une majorité de Français pour engager des efforts dans la durée.
Visiblement, monsieur le ministre, vous n'êtes pas prêt à retenir ces principes. Vous privilégiez les hausses d'impôts. Ces hausses d'impôts, nous ne pourrons pas les approuver. Non seulement parce qu'elles ne sont pas accompagnées des indispensables réductions des dépenses publiques, mais aussi parce qu'elles sont clairement excessives.
Le Gouvernement, à la suite de la publication du rapport Gallois, a enfin pris conscience de la nécessité de favoriser la compétitivité de nos entreprises.
Le Premier ministre nous annonce un plan d'aide aux entreprises de 20 milliards d'euros sur trois ans. Dans le même temps, il continue de nous proposer un projet de budget qui prélève chaque année 10 milliards d'euros d'impôts supplémentaires sur ces mêmes entreprises. Dans trois ans, les prélèvements s'élèveront à 30 milliards d'euros, soit 10 milliards d'euros de plus que le montant du plan d'aide !
C'est clair, monsieur le ministre : le premier geste du Gouvernement est de traire les vaches à lait de notre économie. Bientôt, elles n'auront plus de lait et ne pourront plus jouer le rôle de locomotive pour l'économie et l'emploi !
Quand on aura tué nos belles entreprises en les faisant crouler sous les impôts et les taxes, il ne faudra pas venir pleurer parce qu'elles délocaliseront leur production ou les accuser de s'être trompées de stratégie.
Le Gouvernement risque d'ici peu d'être entièrement responsable d'un désastre économique malheureusement annoncé.
Mme Michèle André s'exclame.
L'augmentation des impôts concerne aussi les ménages. M. le Premier ministre nous a indiqué que les augmentations d'impôts ne toucheraient qu'un Français sur dix, les plus riches bien sûr. Devant cette énormité, à l'Assemblée nationale, vous avez tempéré cette affirmation en disant qu'il fallait comprendre que 90 % de l'effort fiscal serait assuré par 10 % des contribuables.
La réalité, c'est que la décote que vous proposez pour les premières tranches du barème de l'impôt sur le revenu n'empêchera pas des personnes qui ne payaient pas d'impôt l'an dernier d'en acquitter l'an prochain à la suite de la fiscalisation des heures supplémentaires.
La réalité, c'est que votre décision de maintenir le gel du barème, contre lequel vous aviez voté l'an dernier, concernera la plupart des contribuables. Or savoir que les riches payent plus ne soulagera pas beaucoup ces derniers lorsqu'ils devront eux aussi passer à la caisse !
Décidément, cette première partie du budget, qui comporte 20 milliards d'euros d'impôts supplémentaires, lesquels s'ajoutent aux 7 milliards d'euros décidés au mois de juillet, est sans doute sans précédent en matière de prélèvements sur les entreprises et sur les particuliers.
Ce n'est pas ainsi, en maintenant par ailleurs un niveau de dépenses extrêmement élevé, dont une partie est inefficace, que nous pourrons assainir durablement l'état de nos finances publiques et remettre notre pays sur les rails d'une croissance saine et durable.
Dans ces conditions, et j'en arrive à ma troisième question, combien de temps encore les marchés vont-ils nous faire confiance ?
Malgré des hausses d'impôts en cascade, en 2013, nous allons continuer à emprunter sur les marchés plus de 500 millions d'euros par jour, heureusement, pour l'instant – et pourvu que ça dure ! –, à des conditions extrêmement favorables.
Malgré cela, les charges de la dette représentent le deuxième poste budgétaire de l'État et engloutissent la quasi-totalité de l'impôt sur le revenu. Le jour où les marchés vont corriger leurs positions, la situation sera intenable.
On pourra toujours insulter les marchés, qu'on aura sollicités tant et plus auparavant, pointer du doigt la Commission européenne, l'euro, le FMI comme responsables et boucs émissaires, nous ne devrons nous en prendre qu'à nous-mêmes.
Il est temps d'être courageux, monsieur le ministre, et je suis sûr que, au fond de vous, vous l'êtes.
Et je suis sûr que, de temps en temps, le matin, en vous rasant, vous n'êtes pas loin de penser, comme moi, qu'il faudrait aller beaucoup plus loin en matière de réduction des dépenses.
Enfin, pour conclure, je citerai un homme dont j'ai toujours admiré la lucidité, Raymond Aron, qui a dit : « Quand les hommes ne choisissent pas, les événements choisissent pour eux. » Évitons de nous retrouver dans cette configuration peu confortable, vous en conviendrez.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Monsieur le président, Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur un sujet dont il a été beaucoup question ces dernières semaines : la compétitivité. Et je veux souligner combien ce sujet majeur pour notre avenir est absent du présent débat budgétaire. Pis, nous ne sommes pas loin de penser que la politique d'augmentation massive des impôts qui est menée est anticompétitive.
La crise économique historique que nous traversons, les difficultés successives des gouvernements européens à enrayer la contagion de la crise de la dette souveraine et des perspectives de croissance faible rendent encore plus urgente la recherche de solutions afin d'améliorer structurellement la compétitivité de notre pays et de nos entreprises.
Certes, la compétitivité est un concept global, parfois difficile à appréhender, mais c'est d'abord de la compétitivité des entreprises qu'il s'agit et celle-ci est largement déterminée et influencée par les pouvoirs publics du fait de la politique fiscale, du droit du travail, des choix effectués en matière de dépenses publiques.
Le rapport Gallois développe, à très juste titre, cette approche globale. Mais il n'est pas le seul, et j'aimerais rappeler ici des travaux précédents tout aussi intéressants, qui ont nourri le débat et qu'il serait aujourd'hui dommage d'oublier sous prétexte que la nouvelle doxa est celle du rapport Gallois.
Je citerai volontiers les travaux de Terra Nova – voyez si mes sources sont larges ! – ceux de l'Institut de l'entreprise, de l'Institut Montaigne, de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale, sans oublier le rapport des partenaires sociaux du mois de juillet 2011 et, bien entendu, les états généraux de l'industrie.
M. Gallois n'est donc pas arrivé en terrain inconnu ! Au contraire, la principale vertu de son rapport, au-delà des qualités pédagogiques de son auteur, est bien d'aider le Gouvernement à faire accepter ce qu'il s'est refusé d'accomplir jusqu'à présent et qu'il ne fait pas non plus via le présent texte.
En effet, monsieur le ministre, vous ne tenez absolument pas compte de ces recommandations dans le budget de la France pour 2013. Pis, vous donnez le sentiment d'essayer de gagner du temps, d'attendre que la reprise économique revienne toute seule, et de reporter toutes les mesures préconisées à 2014.
La « révolution copernicienne » qu'évoque M. Moscovici est d'autant plus difficile à engager que le mot « compétitivité » était absent des engagements du candidat Hollande.
Vous perdez ainsi un temps précieux pour notre pays et, en attendant, les dispositions du présent projet de loi de finances ne traduisent aucune volonté d'engager une politique de soutien à la compétitivité.
Dans un contexte où le niveau des prélèvements obligatoires est déjà très élevé, vous nous proposez d'augmenter encore et fortement les impôts, alors que la voie de la réduction des charges publiques devrait être votre priorité pour assurer une véritable stratégie de consolidation budgétaire.
De fait, une politique résolue de baisse de la dépense publique est primordiale pour permettre, à terme, de réduire la fiscalité, de restaurer le taux de marge de nos entreprises, de nourrir la croissance, de créer des emplois et de retrouver des marges de manœuvre budgétaires.
La Cour des comptes recommande d'ailleurs un équilibre à 50-50 entre la hausse de la fiscalité et la baisse des dépenses. Vous avez décidé de ne pas suivre cette recommandation, et le présent texte atteint même le rapport de deux tiers de hausses d'impôts au titre du volet recettes contre un tiers de baisses des dépenses. Qui plus est, le Gouvernement ne tient pas compte des augmentations d'impôts déjà importantes induites par le projet de loi de finances rectificative du mois de juillet dernier.
Monsieur le ministre, à nos yeux, le chemin que vous choisissez est erroné. Vous augmentez fortement les impôts pour pouvoir continuer à alimenter la dépense publique alors qu'il faudrait faire l'inverse et reconnaître une fois pour toutes que nous ne pouvons plus financer le modèle économique et social issu de l'après-guerre de la même manière sans courir le risque de nous appauvrir et de nous laisser distancer par nos partenaires européens.
C'est le niveau de la dépense publique qu'il faut revoir. Notre ratio de dépenses publiques par rapport au PIB est de dix points supérieur à celui de l'Allemagne. Les citoyens français sont-ils moins bien éduqués, moins bien soignés, moins bien protégés que les citoyens allemands ? Non !
En France, 20 % de l'emploi total relève de la fonction publique, contre 10 % en Allemagne. Notre fonction publique emploie 5 millions de personnes pour une population active de 26 millions, hors chômage. Le service public est-il plus défaillant en Allemagne ? Non !
En conséquence, la France détient des records en termes de prélèvements : elle figure au deuxième rang des vingt-sept pays de l'Union européenne pour l'importance des charges sociales. Les prélèvements sur les entreprises représentent 39 % des prélèvements obligatoires, soit dix points de plus que la moyenne de l'Union européenne. Ils sont supérieurs de 47 milliards d'euros à ceux qui pèsent sur les entreprises allemandes.
La voie de la baisse de la dépense n'est pas impraticable. Nous disposons d'exemples historiques illustrant le succès d'une politique de redressement des finances publiques grâce à une réduction massive des dépenses. La réussite est double, en termes de résorption des déficits comme en termes de redémarrage de la croissance et de baisse du chômage. Pourquoi ? Parce que l'on constate une baisse du taux d'épargne des ménages et une reprise de l'investissement des entreprises.
Je songe notamment aux expériences menées par le Canada et la Suède dans les années quatre-vingt-dix : dans les deux cas, les dépenses publiques ont baissé d'environ dix points de PIB en quelques années, grâce à la réforme de l'État et à l'amélioration de l'efficacité de la dépense.
Or non seulement vous ne choisissez pas clairement cette voie, mais encore la diminution de la dépense publique que vous envisagez d'opérer ne commencera que modestement, à partir de l'an prochain. Qui plus est, vous diluez cette réduction de dépenses sur cinq ans, et sans clarté.
En outre, vous supprimez les seuls outils existant pour organiser rationnellement cette baisse, à savoir le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Vous les remplacez par une concertation menée dans le cadre de la modernisation de l'action publique dont on sait très peu de choses à ce stade. Nous sommes très sceptiques quant à ce choix, car il n'offre aucune garantie d'atteindre l'objectif visé.
Au total, ce que vous nous promettez en matière de réduction de la dépense publique est bien évasif. À cet égard, il n'y a absolument aucune révolution copernicienne. Et, une fois de plus, vous ne prenez pas en considération les suggestions de la Cour des comptes. Or dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, en date du mois de juillet dernier, celle-ci trace les grandes lignes d'une méthode dont le Gouvernement pourrait judicieusement s'inspirer.
Que dit, en effet, la Cour ? Qu'il faut agir en priorité sur les dépenses publiques ; que le poids de ces dernières peut être réduit sans remettre en cause la qualité des services publics, grâce à des gains d'efficacité collective ; que l'action publique doit être modernisée ; que toutes les dépenses d'intervention doivent être réexaminées à la toise de l'efficacité.
Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, à nos yeux, un choc de compétitivité est nécessaire pour nos entreprises. Nous regrettons que vous ne nous le proposiez pas via le présent texte, alors que vous disposez, avec le rapport Gallois et celui de la Cour des Comptes, de tous les conseils pour mettre en œuvre une stratégie pour la compétitivité de notre pays dès maintenant, dès le projet de loi de finances pour 2013. §
C'est tout le sens de la récente dégradation de la note de la France par l'agence Moody's. Cette décision doit vous encourager à définir un cap, …
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, depuis le début de la discussion générale, nos collègues de l'opposition montent régulièrement à cette tribune pour nous expliquer que nous sommes confrontés à une crise historique. Nous le concevons, encore qu'il faille fixer des limites à cette affirmation.
Par ailleurs, ils soutiennent que nous nous trompons totalement, que le Gouvernement n'est pas conscient de la situation, et que, en définitive, il suffirait de diminuer les dépenses publiques sans toucher aux impôts pour que nos problèmes soient résolus.
Je me permets modestement de leur indiquer que, depuis dix ans, des gouvernements et des premiers ministres de leur sensibilité se sont succédé, et que si le remède était si simple, il leur suffisait de l'appliquer !
À mes yeux, la question n'est pas tout à fait là. Certes, cette crise est historique, mais nous en avons connu d'autres ! Je le rappelle, à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, la dette dépassait les 100 % du PIB, et il a bien fallu continuer.
Aussi me semble-t-il nécessaire de faire quelques rappels de politique et, plus précisément, de politique économique.
Finalement, pourquoi en sommes-nous arrivés là, après dix années marquées par tant d'événements, en France comme à l'étranger ? À mon sens, c'est un système tout entier qui doit être condamné. Au cours de la période qui a précédé la crise, marquée par une relative expansion économique, l'endettement des marchés financiers a entraîné la situation à laquelle nous sommes à présent confrontés.
Cette crise, c'est également la crise d'une certaine forme de politique, expérimentée aux États-Unis à la fin de la présidence Reagan et au début du mandat de Bush père. C'est au surplus la fin du mythe de l'autocorrection des marchés, ou doctrine Greenspan, qui prônait de faire confiance aux marchés, ces derniers s'autorégulant. C'est enfin la crise de la dérégulation et de l'avidité financière. C'est bien en ce sens que la finance, et non les entreprises, constitue un ennemi. §
Que s'est-il passé aux États-Unis, de Ronald Reagan à Bush père ? En douze ans, la dette a été multipliée par quatre. On peut établir des comparaisons ! De fortes réductions d'impôts ont bénéficié aux plus riches et aux plus grandes entreprises : ces mesures ont été payées sur le dos de la collectivité, si je puis dire, par le creusement de la dette.
Du reste, la bourse l'a bien compris, mon cher collègue ! En effet, dans le même temps, le Dow Jones a été multiplié par près de quatre, puisque cet indice a cru de 750 à 2 900 points. Il faut tenir compte de cette donnée. Je note à ce propos que les débats sont parfois un peu plus agités aux États-Unis, entre démocrates et républicains, que dans notre pays.
À nos yeux, il convient bien entendu de résoudre le problème du niveau de la dette – de fait, nous dépensons plus que nous ne récoltons, et cette situation est évidemment insoutenable à long terme.
Toutefois, on ne peut pas y remédier d'un seul coup. Il importe donc de se concentrer sur la tendance et sur la trajectoire à suivre.
Or, ce qui, pour une bonne part, explique les déficits structurels des dernières années en France, je le rappelle à nos collègues de l'opposition, c'est la baisse des recettes, conséquence des réductions fiscales qui se sont succédé !
Certes, des tentatives ont été esquissées. Ainsi, le grand emprunt a constitué un stimulus important, mais cette mesure a très peu ajouté au ratio du déficit rapporté au PIB, par rapport à l'impact des réductions d'impôts qui, elles, ont fortement creusé la dette par rapport au PIB. Il est donc normal que, tenant compte des expériences internationales et nationales, le Gouvernement commence par une hausse d'impôts, en répartissant cet effort d'une manière juste.
M. Jean Germain. Naturellement, l'impôt n'est jamais populaire : raison de plus pour l'appliquer dans la justice. C'est ce que fait le Gouvernement !
M. Roland du Luart manifeste sa circonspection.
Parallèlement, nous devons tenir compte d'une pente très forte. Certes, ce qu'il est convenu d'appeler en économie le « stimulus keynésien » est par définition temporaire, et se résume bien souvent à un grand emprunt. Néanmoins, dans notre société, un certain nombre de charges, elles, ne sont pas passagères : il faut tenir compte du vieillissement de la population comme de la hausse du coût des soins de santé. Ces facteurs pèseront durablement.
Certains d'entre vous, mes chers collègues, ont fait référence à la notation de Moody's, qui a rétrogradé la note de la France, la faisant passer du triple A au double A.
À ce titre, je ne résiste pas au plaisir de vous citer les propos qu'a tenus un économiste de Harvard, Jared Bernstein, lorsque Standard & Poor's a dégradé la note des États-Unis de trois à deux A. Vous pourrez d'ailleurs vérifier l'authenticité de cette citation, retranscrite dans la revue américaine Democracy. M. Berstein a affirmé : cela me rappelle la prière de la sérénité des alcooliques anonymes qui invite à faire la différence entre le changeable et l'inchangeable.
Rires.
Monsieur le président de la commission des finances, à mon sens, le présent budget opère cette distinction, par les hypothèses de croissance qui sont retenues.
À l'affirmation selon laquelle le Gouvernement se fonde sur un taux de croissance optimiste, je réponds : « Peut-être ! » Toutefois, en lisant le rapport économique, social et financier figurant en annexe du présent projet de loi de finances, et qu'impose l'article 50 de la LOLF, on s'aperçoit que trois scénarios ont été mis à l'étude, et que le Gouvernement a choisi le cas de figure intermédiaire.
Nous connaissons les scénarios catastrophiste et optimiste. Le scénario intermédiaire, quant à lui, tient compte de la réélection du président Obama aux États-Unis.On ne peut tout de même pas se contenter de discuter de la France ! On ne peut pas évoquer quotidiennement la mondialisation tout en gardant les yeux rivés sur notre seul pays !
Ainsi, par le projet de loi de finances qu'il nous soumet, le Gouvernement nous propose de réduire les déficits tout en restaurant la compétitivité. Avant l'examen du présent texte, via le projet de loi de programmation, et après, via le collectif budgétaire qui sera adressé dès le 3 décembre à la commission des finances de l'Assemblée nationale, il fait la différence entre ce qui est de notre ressort et ce qui relève de l'Europe.
Il est notamment du ressort de l'Europe d'avoir des taux d'intérêt stables, de savoir quel spread est acceptable avec les Allemands et comment les pays en difficulté peuvent obtenir des taux d'intérêt plus bas que les États qui fonctionnent bien, ce qui est quand même le minimum de la solidarité européenne.
Dans ce cadre, je pense que le Gouvernement respecte totalement le programme sur lequel le Président de la République a été élu : éviter le déclin et assumer une social-démocratie qui reconnaît un certain nombre d'échecs, comme le disait François Rebsamen, mais estime aussi que le libéralisme, dont l'expérience a été tentée dans plusieurs pays, a totalement échoué.
Et les attaques actuelles des doctrinaires britanniques relatives à l'économie sont aussi dues au fait que nos voisins sentent bien qu'ils vont s'enfoncer dans de très grandes difficultés, alors que nous, nous, avons des chances d'en sortir.
Je voudrais très rapidement dire un mot sur les collectivités locales : le fait que le Gouvernement ait mis le fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, en dehors de la régulation budgétaire est une bonne chose, car les collectivités territoriales sont nécessaires à la croissance, laquelle est tout à fait indispensable l'année prochaine.
Je souhaite que nous puissions discuter d'un pacte avec le Gouvernement et aussi, évidemment, dans le cadre de l'examen du futur projet de loi sur la décentralisation, des réformes que nous devons faire. On ne peut quand même pas aborder l'acte III de la décentralisation en disant simplement que l'on ne change rien à l'article 1er, que tout le monde conserve la compétence générale à l'article 2, et que les collectivités territoriales ne feront aucun effort à l'article 3… Si c'est cela, épargnons-nous le débat : on peut évidemment ne rien changer !
Il faut aussi engager le débat sur les normes. Ce sujet n'est peut-être pas jugé important en haut lieu, mais il l'est pour les communes, quelle que soit leur taille. Quand on examine ces normes à l'aune de leur coût, certaines sont valables, comme celles qui sont liées au nouveau développement industriel autour de la croissance verte ; d'autres, en revanche, pèsent très fortement sur les collectivités territoriales.
À l'instar d'autres collègues, vous avez indiqué, monsieur le président de la commission des finances, que nous allions attendre l'année prochaine pour examiner les modifications consécutives aux conclusions du rapport Gallois.
Je ne le pense pas, puisque, dès le 3 décembre, seront présentés à la commission des finances de l'Assemblée nationale, d'une part les modalités du crédit d'impôt, pour que les entreprises soient rassurées sur leurs perspectives pour l'année 2013, d'autre part, les trois nouveaux taux de TVA, à savoir 5 %, 10 % et 20 %, autant de mesures importantes qu'il convient de mettre en œuvre.
La TVA ne me semble pas être un impôt totalement injuste ; elle peut compléter utilement l'impôt sur le revenu, qui est évidemment l'impôt le plus juste, mais sur lequel on ne peut faire porter tous les efforts, sous peine d'avoir des effets d'éviction.
Je terminerai en disant qu'il nous faut aussi retrouver des valeurs de solidarité, et que l'on ne sortira pas de la crise pour revenir à la situation antérieure. C'est en tout cas le souhait que le groupe socialiste formule.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur la taxation des revenus du capital.
Vous proposez en effet, Monsieur le ministre, de mettre en œuvre dans ce projet de loi de finances l'une des mesures phares du programme de François Hollande, à savoir l'alignement de la taxation des revenus du capital sur celle des revenus du travail.
Pour résumer, les revenus du capital, notamment les intérêts, dividendes et plus-values mobilières, ne bénéficieront plus désormais d'un taux forfaitaire plus favorable, mais seront soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu, au même titre que les revenus du travail.
Je n'irai pas par quatre chemins, monsieur le ministre : ces mesures de durcissement de la taxation du capital sont une erreur ; elles auront de fortes conséquences sur les détenteurs d'entreprise, c'est-à-dire les créateurs de richesses et d'emploi, et sont contre-productives économiquement.
Encore une fois, si je puis me permettre, vous faites les choses à l'envers : vous annoncez au bout de six mois, enfin, un geste en faveur des chefs d'entreprise, avec le crédit d'impôt compétitivité, mais vous avez préalablement assommé ces mêmes entreprises avec 13 milliards d'euros d'impôt supplémentaire !
Le vent de la révolte a soufflé et vous a fait reculer sur la taxation des plus-values de cession de valeurs mobilières. Mais ce n'est clairement pas suffisant.
Dans sa version initiale, l'article 6 du projet de loi de finances, notamment, avait pour objet d'imposer au barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques les gains nets de cession de valeurs mobilières réalisés par des particuliers. Cette mesure conduisait à un quasi-doublement de la taxation des plus-values réalisées à l'occasion de cessions de valeurs mobilières, la faisant passer de 34, 5 %, le taux proportionnel actuellement en vigueur, déjà largement augmenté dans la précédente loi de finances par le gouvernement Fillon, à 60, 5 %.
Ce niveau de taxation des gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers représente un effort démesuré et nuisible au bon fonctionnement de l'économie, car il découragerait les chefs d'entreprise de prendre des risques, sachant que la plus-value réalisée lors de la cession de leurs parts dans leur entreprise serait taxée à un niveau sans équivalent dans la zone euro.
Un tel niveau d'imposition des plus-values de cession est plus de deux fois, voire trois fois, supérieur aux taux d'imposition observés chez nos principaux partenaires européens : 28 % en Allemagne et au Royaume-Uni, 21 % en Italie, 13 à 20 % en Espagne.
Sans même évoquer les pays, comme la Belgique, qui exonèrent les plus-values, un tel différentiel d'imposition de plus de 30 à 40 points ne peut que décourager les investisseurs de long terme et favoriser la délocalisation des entrepreneurs.
En favorisant l'évaporation de la base imposable française, la mesure risque donc non seulement de manquer l'objectif budgétaire poursuivi, mais également de stériliser le financement des entreprises françaises par les capitaux privés.
N'oublions pas que les revenus du capital ont déjà supporté une première taxation au titre de l'impôt sur les sociétés. En outre, leur réalisation est par nature aléatoire, à la différence des revenus du travail, sur lesquels la partie variable ne concerne qu'une infime minorité des dirigeants.
Il faut également rappeler que la mise en place par Michel Rocard des prélèvements sociaux prenait alors en compte le fait que les plus-values étaient faiblement taxées. La hausse importante de leur taxation, additionnée aux prélèvements sociaux, aboutit aujourd'hui à une fiscalité confiscatoire.
Par ailleurs, il me semble erroné de considérer une plus-value comme un revenu : les dividendes d'actions, les intérêts d'obligations sont des revenus du capital, mais la plus-value issue de leur cession est un simple « désinvestissement », qui sera probablement suivi par un « réinvestissement », lequel générera de nouveaux revenus taxables, issus du même capital.
Sur Internet, cette mesure a entraîné une fronde très médiatique d'entrepreneurs, qui se sont eux-mêmes surnommés les « pigeons », fronde qui a abouti à un recul partiel du Gouvernement, preuve, s'il en est, de l'impréparation de la disposition qu'il nous soumet, ce que je ne peux pas croire, ou de son manque de prise avec les réalités économiques, ce que je crois, en revanche.
Ce recul demeure néanmoins insuffisant, car il subsiste plusieurs problèmes.
Citons, par exemple, le seuil de 10 % : imaginons le cas de deux co-entrepreneurs, l'un détenant 9, 5 % du capital et le second 10, 3 %, et qui céderaient leurs parts au bout de quelques années, à la suite du développement de leur entreprise : avec l'effet de seuil, le premier pourrait être imposé à 45 % et le second à 19 %, soit moins de la moitié.
Les plus petits actionnaires sont donc pénalisés. Ce fait peut décourager les entrepreneurs de diminuer leurs parts au profit de leurs salariés et de tenter d'augmenter leur capital et donc la taille de leur entreprise, car cela diminuerait leurs parts également.
Certes, la majorité a revu sa copie sur certains points : ainsi, afin de limiter un exil massif du capital-investissement français qui aurait des conséquences dramatiques pour notre économie, à l'Assemblée nationale, Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, a exclu les revenus issus du carried interest du champ de la taxation à 75 % des revenus d'activité : imposés comme des salaires, ils sont déjà soumis à une contribution sociale spécifique de 30 %, qui porte leur imposition totale à hauteur de 73, 5 % en 2012.
Si l'alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail peut paraître en théorie séduisante à certains, un problème demeure. En effet, en pratique, en taxant également le capital lui-même, via l'ISF notamment, en plus des revenus de ce capital, les socialistes appliquent la double peine : taxation du flux et du stock de capital. Au final, le capital sera plus taxé que le travail…
Sans ouvrir la polémique, pour être juste, il eût peut-être fallu supprimer l'ISF, auquel s'ajoute désormais la taxation à 75 %...
Taxer à 75 % n'a aucune logique économique : ce n'est qu'une mesure d'affichage politique, la volonté de tenir une promesse électorale, ce qui, pour certains, peut paraître louable ; mais, sur le fond, c'est un contresens économique. Non seulement, sur le papier, une telle mesure rapporte très peu au budget de l'État, mais encore, elle fait fuir le capital.
Les appels du pied à l'exil fiscal se multiplient. Après le Premier ministre britannique David Cameron, c'est un ancien gouverneur du Mississipi, Haley Barbour, qui, au mois d'août dernier, s'est dit prêt à dérouler le tapis rouge aux « millionnaires français surtaxés ».
De surcroît, seuls les très riches contribuables ne songent pas à quitter la France. Les professionnels de certaines activités particulièrement visées par des hausses d'impôts envisagent, eux aussi, une délocalisation à Londres, Bruxelles, Luxembourg ou Genève. C'est le cas de ceux du capital-investissement français, secteur qui compte quelque 3 000 professionnels gérant un total de 80 milliards d'euros, investis dans 5 000 entreprises, dont 80 % sont des PME françaises. Ces entreprises vont, pour la plupart, se transplanter à la City.
Dans une interview au journal Le Parisien du 3 octobre dernier, le ministre de l'économie et des finances affirmait péremptoirement : « Il n'y a aucun indice d'exil fiscal massif aujourd'hui. »
Au regard de ce propos, il n'y a qu'une seule alternative : soit le ministre est de mauvaise foi, ce que je ne peux pas croire, soit nous ne vivons pas dans le même monde !
J'ai recueilli de nombreux témoignages d'avocats fiscalistes : tous m'ont confirmé que beaucoup de grandes fortunes, de sièges sociaux, de grands cadres dirigeants, de managers de fonds sont en train, aujourd'hui, de se délocaliser ou songent à le faire. Au cours de leur carrière – elle s'étale sur plusieurs décennies pour certains d'entre eux –, ils n'ont jamais vu autant de personnes envisager de quitter la France.
Ces derniers mois, ils ont constaté que les colloques qui traitaient, notamment, du transfert de résidence fiscale au Royaume-Uni, en Belgique ou en Suisse étaient inhabituellement fréquentés. L'effet de l'alourdissement de la fiscalité est faible sur les finances publiques, mais très fort sur les mentalités des personnes visées.
L'exil fiscal est une chose, mais le plus grave tient essentiellement au fait que cette stigmatisation de la fortune, de la réussite, du mérite décourage également les investisseurs étrangers de venir en France et, surtout, décourage les jeunes Français, pour lesquels notre pays a supporté le coût d'une éducation exceptionnelle, de prendre des risques, de réussir et d'entreprendre en France – je connais d'ailleurs plusieurs jeunes créateurs de start-up très prometteurs qui songent à partir.
Avant de conclure, je voudrais souligner que la Chine, régime communiste converti au libéralisme, est, elle, fière de ses millionnaires et sait les faire rester au pays. Nous devrions nous inspirer de cette social-démocratie.
Ils ont aussi une banque publique très efficace que nous avons perdue en 1973 !
M. Roland du Luart. Peut-être mènerons-nous le même combat au cours du présent débat, madame Beaufils !
Sourires.
Quoi qu'il en soit, pour toutes ces raisons, comme l'ensemble du groupe de l'UMP, je ne pourrai voter ce projet de loi de finances pour 2013.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2013 est un budget de combat contre la crise, une nécessité tant la situation de nos finances publiques est dégradée.
Il est en même temps un acte important de redressement du pays, redressement qui doit rassurer quant à la volonté du Gouvernement d'établir ou de rétablir des marges de manœuvre.
À ce titre, dès ce premier budget du quinquennat, le cap fixé par le Président de la République se décline dans de nombreuses mesures prises en matière d'emploi, pour les jeunes en particulier, de réforme fiscale dans la justice, de préservation du pouvoir d'achat des classes populaires et des classes moyennes, de préservation de nos PME, mais aussi en matière d'éducation, de sécurité, de justice et de logement.
Des efforts équilibrés sont faits en faveur du changement que nos concitoyens attendent. C'est un vrai changement de politique car, cette fois, les outre-mer ne sont pas oubliés. Cela rompt avec le traitement budgétaire que leur a infligé le précédent gouvernement, à savoir une diminution constante de l'effort total consenti par l'État en direction des territoires ultramarins.
En effet, durant la période 2007-2012, les outre-mer ont été doublement pénalisés, au titre, d'une part, de la crise et, d'autre part, des coups de rabot successifs pratiqués sur les niches fiscales.
Tel n'est pas le cas dans le présent budget pour 2013. En dépit de la crise, l'effort total consenti par l'État en direction des territoires ultramarins tel qu'il est retracé dans le document de politique transversale, le DPT, s'élève à 16, 98 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 16, 4 milliards d'euros en crédits de paiement. À l'intérieur de ce montant, la mission « Outre-mer », croît de 4, 5 % en autorisations de programme et de 5 % en crédits de paiement. Les dépenses fiscales, elles, sont maintenues à 3, 1 milliards d'euros.
Il faut tout de même observer que cette présentation territoriale des crédits à l'intérieur d'un document de politique transversale unique est réservée à l'outre-mer. La raison officielle invoquée est la traduction de la mise en œuvre budgétaire des politiques publiques conduites par l'État dans les outre-mer, mais il n'en demeure pas moins que cette pratique traduit le coût des outre-mer. Cela peut donner lieu à des interprétations cartiéristes qui se limiteraient à remarquer que les outre-mer pèsent 4, 52 % des dépenses du budget général et représentent 27, 3 % du déficit budgétaire.
Vous le constatez, mes chers collègues, à certains moments, on n'hésite pas à compter les outre-mer de façon exceptionnelle, unique, alors que, à d'autres, l'on sait trop facilement les oublier !
Rappelons que la population des outre-mer, soit 2, 7 millions d'habitants, représente 4, 5 % de la population française, soit l'équivalent de son poids dans les dépenses publiques. Il convient donc de rompre avec cette vision cartiériste trop répandue.
Les outre-mer disposent aussi d'importants atouts qui leur offrent des perspectives de développement susceptibles d'améliorer les conditions de vie de leurs citoyens. Mais il faut, pour cela, laisser aux acteurs locaux la latitude nécessaire pour valoriser ces atouts dans l'intérêt de leurs territoires et mettre à leur disposition des moyens appropriés afin de leur permettre d'exploiter leurs richesses.
Or demeurent beaucoup de freins et de blocages, que François Hollande a décidé de lever en prenant trente engagements spécifiques aux outre-mer. Je me réjouis de constater que bon nombre d'entre eux prennent forme dans le présent projet de loi de finances.
Le premier de ces engagements portait sur la relance de la production et de la croissance. Si les départements et collectivités d'outre-mer sont touchés, comme les autres territoires, par les difficultés économiques internationales, celles-ci s'ajoutent à leurs propres difficultés structurelles. D'importants écarts subsistent, en effet, avec la métropole. Selon les départements, le taux de chômage est encore trois à cinq fois plus élevé et le niveau de vie y est plus faible, avec un PIB moyen par habitant estimé à 17 000 euros en 2010 pour les quatre DOM initiaux, alors qu'il atteignait 29 000 euros en métropole en 2010. Par ailleurs, au 31 décembre 2010, le nombre de bénéficiaires des minima sociaux, RMI et RSA, s'élevait à 7, 6 % de la population des quatre DOM, contre 2, 9 % dans l'Hexagone. En 2009, le revenu disponible brut par habitant en métropole était 1, 7 fois supérieur à la moyenne des quatre DOM.
La politique de soutien à l'emploi doit donc constituer la priorité de l'action publique en outre-mer. À cet égard, je me réjouis de l'augmentation des crédits du Fonds exceptionnel d'investissement, qui passera de 17 millions d'euros en 2012 à 50 millions d'euros en 2013, et surtout du maintien de la défiscalisation et des plafonnements spécifiques dans les outre-mer. Ce sont là des signaux très marquants qui illustrent le sérieux du Président de la République.
La situation économique et sociale très difficile à laquelle sont confrontés nos compatriotes appelle des réponses fortes. La défiscalisation en est une. Elle sous-tend des équilibres fragiles, que l'on ne saurait déstabiliser par des réformes dont l'on n'aurait pas pesé toutes les conséquences. Cela ne signifie pas que ces dispositifs sont immuables ; il y a des critiques qu'il faut pouvoir entendre. Mais cela ne veut pas dire non plus qu'il faut supprimer ou plafonner indifféremment ces dispositifs. En réalité, leur évolution devra être pensée dans le souci d'en améliorer le fonctionnement, au profit d'une croissance durable et pourvoyeuse d'emplois outre-mer. Ce travail sera mené en 2013 et devra l'être dans un esprit d'ouverture, de pragmatisme, de concentration, autant que de sagesse dans l'usage de la dépense publique.
Un autre engagement très fort du Président de la république était de redonner espoir aux nouvelles générations des outre-mer en « combattant le chômage [qui] frappe particulièrement les jeunes » et en remettant l'éducation et la jeunesse au cœur de l'action publique. Je rappelle que 30 % de la population outre-mer est âgée de moins de vingt ans. Là aussi, je suis satisfait de constater que les dispositions figurant dans le projet de loi de finances pour 2013 n'oublient pas les outre-mer, contrairement aux années précédentes.
C'est ainsi que 10 000 emplois d'avenir leur sont réservés, soit 10 % de l'enveloppe, et que 50 postes de professeurs des écoles leur ont été accordés.
S'agissant du service militaire adapté, qui obtient des résultats significatifs en termes d'insertion en fin de contrat, l'augmentation des crédits de 40 % dès 2013 justifiée par les investissements nécessaires pour accueillir des stagiaires supplémentaires mérite d'être soulignée.
Pour ce qui concerne le logement social, dont les besoins dans les outre-mer sont considérables – près de 100 000 demandes ne sont pas satisfaites en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion et à Mayotte –, je suis, de même, satisfait que la ligne budgétaire unique connaisse une augmentation, même légère. Je salue également le fait que le mécanisme de défiscalisation spécifique au logement social, à l'origine d'une relance effective de la construction de logements sociaux dans les DOM, ait été maintenu.
En 2011, le nombre de logements financés dépassait de près de 70 % la moyenne enregistrée au cours des années allant de 2006 à 2009 ; 90 % des logements sociaux financés ont eu recours, au moins partiellement, à l'aide fiscale et un tiers à la seule défiscalisation.
La sécurité, grand sujet d'inquiétude, est aussi prise en considération, notamment avec la création de quatre zones prioritaires de sécurité en Guyane. C'est un triste record, mais il répond à la demande de sécurité des habitants de ce département.
J'apprécie que, dans le présent projet de loi de finances, de réelles réponses aient été apportées aux problèmes que rencontrent les outre-mer. En cette période difficile, nous comprenons néanmoins que toutes les demandes ne puissent être satisfaites et qu'un classement par priorité soit la règle.
En ces temps de raréfaction des recettes provenant de l'État et de gel des finances des collectivités locales, nous savons qu'il est illusoire d'escompter obtenir des dotations supplémentaires, même si celles-ci paraissent justifiées.
Pour cette raison, il est essentiel que la totalité des droits financiers et fiscaux des collectivités d'outre-mer soit rétablie, car les recettes fiscales demeurent pour elles la seule possibilité d'améliorer leur situation financière. Mais il faut pour cela que leur gestion soit correctement assurée !
Or à ce sujet, un rapport de la chambre régionale des comptes, daté du mois de juillet 2011, est révélateur. Il constate que, contrairement à la métropole, l'outre-mer n'a connu aucune actualisation des bases fiscales en 1980, que de nombreux abattements et exonérations ne sont, pour l'essentiel, pas compensés par l'État, que des bases cadastrales sont peu ou mal renseignées faute de géomètres, d'où des pertes financières très lourdes pour les collectivités locales. À titre d'exemple, la cour des comptes prend le cas de la Guyane, mon département, dont l'écart potentiel mobilisable s'élève à 32 millions d'euros, selon la direction régionale des finances publiques, ce qui se traduirait par une perte annuelle d'environ12 millions d'euros pour les communes.
Monsieur le ministre, donnez les moyens nécessaires aux directions des finances publiques dans les outre-mer ! À population équivalente, elles sont beaucoup moins bien loties en ressources humaines que les directions métropolitaines. §
… par la baisse de notre notation – elle est passée du triple A au double A1 – par l'agence Moody's, qui a formulé des commentaires très inquiétants. Cette agence a affirmé que « sans réformes, la note de la France sera encore dégradée », elle a sanctionné « l'incapacité de la France à se réformer » et mis notre pays « sous haute surveillance ». Tout cela est très inquiétant ! Le Gouvernement ne semble pas encore avoir pris conscience des raisons de cette dégradation, puisque le Président de la République a déclaré qu'il fallait « tenir le cap » de la politique suivie, c'est-à-dire ne rien changer au budget pour 2013, déjà voté par l'Assemblée nationale. C'est très regrettable !
Or la cause principale, et la plus grave, de la décision de Moody's est que les prévisions de croissance pour 2013 sont trop élevées, et qu'il existe donc un risque important de dérapage budgétaire. Autrement dit, le budget pour 2013 ne pourra pas permettre de limiter le déficit à 3 %, quoi que vous en disiez, alors que c'est un engagement répété du Président de la République. Et ce sera la catastrophe !
En effet, comment relancer la croissance en augmentant de façon sans précédent les impôts pesant sur les entreprises et les entrepreneurs, qui continuent à partir pour investir ailleurs et ne pas perdre leur patrimoine, ou encore en maintenant des coûts de production trop élevés dus aux 35 heures, fétiche mortel de votre idéologie dont vous ne voulez pas vous départir ? On ne travaille pas assez en France, et vous ne voulez pas le comprendre !
Pour l'État, cette mesure correspond chaque année à un coût de 21 milliards d'euros d'allègements de charges consentis aux entreprises, sans limite de durée ! Cela ne cessera que lorsque l'on sera revenu aux 39 heures !
Notre perte de compétitivité est aussi due aux charges sur salaires finançant la maladie et la politique familiale, qui coûtent aux entreprises 220 milliards d'euros chaque année. Et, je peux vous l'assurer, la baisse envisagée de 20 milliards d'euros, soit 10 % des charges sociales patronales, n'y changera pas grand-chose. D'autres formules permettraient de reporter ces charges en frais généraux des entreprises, de réduire de 55 % les charges sur salaires, de favoriser l'emploi tout en améliorant la compétitivité. Je vous en reparlerai lorsque nous examinerons une proposition de loi relative à ce sujet.
Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Par ailleurs, l'une des réformes préconisées par Moody's serait de développer la flexibilité de l'emploi, autre fétiche dont vous ne voulez pas, …
… mais qui permettrait aux entreprises de ne pas supporter des augmentations de dépenses en cas de pertes de recettes. Pourtant, une telle disposition faciliterait les embauches et réduirait le chômage. Aujourd'hui, sachez-le, les entreprises n'embauchent pas par crainte de l'avenir. Une libération des contraintes pesant sur les contrats à durée déterminée ou la mise en place de contrats d'exécution de tâches seraient des solutions immédiates et faciles à appliquer pour flexibiliser l'emploi.
Par ailleurs, les hausses d'impôts destinées à financer les augmentations de dépenses auxquelles vous avez procédé ― vous n'en parlez pas ! ― et l'absence d'économies sont une faute grave, que la Cour des comptes a déjà soulignée. Mais le Gouvernement n'en a tenu aucun compte.
Telles sont les réformes immédiates que nous demande Moody's, sans lesquelles nous risquons une augmentation considérable de nos taux d'intérêts qui nous mettrait en cessation de paiement.
Murmures sur les travées du groupe socialiste.
Or sachez qu'une augmentation de nos taux d'intérêts – de l'ordre de 1, 8 %, à 3, 6 % – affectant nos emprunts annuels, qui s'élèvent à 180 milliards d'euros, dont 100 milliards d'euros servent à rembourser le capital et 48 milliards à 50 milliards d'euros à financer le déficit budgétaire, pourrait augmenter la charge de notre dette de 48 milliards d'euros, voire plus si les taux passent à 5 % !
Nous ne pourrons pas payer et personne en Europe ne pourra payer pour nous. Personne ! Nous serons alors dans la situation de la Grèce ! Si nous ne faisons rien, cela peut arriver demain ; pas après-demain, demain ! Bientôt, il sera trop tard pour réagir !
Aujourd'hui, c'est vous qui êtes au pouvoir ; c'est donc à vous de résoudre les problèmes. Si vous ne vouliez pas vous en charger, il ne fallait pas demander le pouvoir.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il a raison, pour une fois ! C'est à nous de réparer les erreurs des autres !
Sourires
Votre boulot, c'est de faire ce qu'il faut pour résoudre les problèmes. Si vous ne vouliez pas l'assumer, il ne fallait pas gagner les élections !
Cela étant, il est extrêmement urgent de réaliser les réformes exigées par Moody's. Je ne suis pas le seul à le dire.
Il faudrait revenir aux 39 heures, …
… supprimer 21 milliards d'euros de déficit, ce qui faciliterait la tâche de M. le ministre délégué chargé du budget, instaurer une certaine flexibilité de l'emploi pour permettre des embauches, supprimer des augmentations de dépenses non urgentes – nous n'avons pas de quoi les financer – et annuler les impôts supplémentaires que vous avez mis en place depuis six mois et qui vont tuer toute croissance.
Et puis, comme je vous l'ai déjà indiqué, il existe une méthode simple pour assurer le financement des dépenses indispensables. Portons le taux de TVA à 23 %, comme l'ont fait les Allemands. Il ne s'agit pas de diminuer les charges sur salaires ; là, ce serait juste une pichenette. Le véritable objectif, c'est de réduire…
… le déficit budgétaire de 20 milliards d'euros, ce qui est tout de même important pour vous.
En augmentant la TVA et en limitant les réductions de taux, vous pouvez obtenir non pas 20 milliards d'euros, mais peut-être 25 milliards d'euros ou 30 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Et avec les 21 milliards d'euros récupérés grâce à l'abrogation des 35 heures, vous aurez plus de 50 milliards d'euros de recettes supplémentaires ! Vous serez ainsi sauvés ; nous serons tous sauvés. Et nous pourrons travailler tous ensemble, ce qui évitera à notre pays de tomber dans une crise financière ! §Cela vaudrait tout de même la peine d'y réfléchir !
Pour un État comme pour une entreprise, il y a deux manières de gérer. La première consiste à envisager la situation avec optimisme et à se persuader qu'on va gagner ; cela peut très mal finir. La seconde consiste à faire preuve de plus de pessimisme, à envisager le cas de figure le moins favorable ; et quand cela va mieux que prévu, on a gagné ! Pour une entreprise, il vaut mieux anticiper des recettes dues aux commandes faibles et avoir une bonne surprise plutôt que miser sur des recettes trop ambitieuses et devoir ensuite en subir les conséquences financières… C'est comme ça. Il faut considérer le cas de figure dans lequel on dispose de la plus faible somme d'argent.
Vous pouvez toujours arguer que tout est de la faute des gouvernements précédents, qui n'ont pas fait les réformes nécessaires. D'ailleurs, c'est en partie vrai ; je suis d'accord avec vous. Si vos prédécesseurs avaient supprimé l'ISF, les investisseurs partis en Belgique et en Grande-Bretagne – ils sont plus de 100 000 – seraient restés en France et investiraient aujourd'hui chez nous, contribuant ainsi à la croissance de notre pays. S'ils avaient supprimé les 35 heures, on n'aurait pas dépensé 20 milliards d'euros par an, soit 200 milliards d'euros en dix ans, pour ne pas travailler. Et s'ils avaient augmenté la TVA, nous serions déjà à l'équilibre budgétaire. Bref, personne n'a fait ce qu'il fallait.
Mais, à présent, c'est vous qui êtes aux manettes. C'est donc à vous de diriger le pays, quelles que soient les erreurs commises par vos prédécesseurs.
Reconnaissez que, depuis six mois, vous avez créé un sacré paquet d'impôts supplémentaires ! Vous avez aussi augmenté les dépenses ; les gens que vous avez recrutés sont peut-être très intéressants, mais vous n'avez pas de quoi les payer. Dans une entreprise comme dans un État, on fait avec l'argent que l'on a, pas avec celui que l'on n'a pas !
« Le déclin n'est pas le destin de la France », déclarait tout à l'heure notre collègue François Rebsamen. Mais je crains que, avec un tel budget, notre pays ne soit voué au déclin.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous sur le même bateau, et il est en train de couler.
M François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il faut écoper, alors !
Sourires
Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée, et je proclame Mme Gisèle Printz membre suppléant du Conseil national du bruit.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.