Sans revenir sur les équilibres généraux du budget 2013 du ministère de l'agriculture, je souhaite évoquer les questions du renouvellement des générations en agriculture, à travers les moyens consacrés à l'installation, de la forêt dont le programme 149 porte les crédits, du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural », de la « stratégie export » de la France et de la difficile situation de la viticulture.
Comment conserver une politique ambitieuse avec des moyens réduits ? Voici la question qui se pose à la politique d'installation. Le renouvellement des générations reste une ambition intacte de la politique agricole, en atteste l'augmentation - légère - des moyens consacrés à l'enseignement technique agricole, qui ne figurent pas au budget de l'agriculture mais à celui de l'enseignement scolaire. En revanche, les enveloppes de crédits nationaux consacrés à l'installation s'inscrivent en baisse sensible : la dotation jeunes agriculteurs (DJA) passe de 55 millions d'euros en 2012 à 51 millions en 2013 et l'enveloppe des prêts bonifiés pour les jeunes agriculteurs connait une baisse importante : 52 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2013 au lieu de 94,5 en 2012. Les crédits d'accompagnement à l'installation pour leur part sont aussi en nette réduction. L'enveloppe qui subsistait pour financer les missions des Association départementale pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (ADASEA), intégrées aux chambres d'agriculture, a tout simplement disparu, les chambres devant prélever sur leurs moyens propres les ressources nécessaires. Le Fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture (FICIA) perd également 4 millions d'euros de crédits, passant de 11,5 à 7,5 millions. Cependant, il serait injuste de s'arrêter à ce constat. La diminution des crédits ne traduit pas un abandon de la politique d'installation. En réalité, la baisse du rythme des installations n'est pas une nouveauté : on comptait 21 500 installations en 1997, pour un peu plus de 13 000 l'année dernière. Sur ces 13 000, seules un peu plus de 5 000 sont aidées. Les autres se font hors du cadre réglementaire, soit parce que les nouveaux installés ne remplissent pas les conditions, notamment d'âge, pour toucher la DJA, soit parce qu'ils ne souhaitent pas s'intégrer dans le parcours d'installation, qui est assez contraignant. Les collectivités territoriales mettent d'ailleurs souvent en place des dispositifs concurrents d'aide à l'installation, prisés des agriculteurs. À l'arrivée, l'enveloppe 2012 n'a pas été consommée et le réajustement des prêts et de la dotation DJA en 2013 correspond davantage à un recalibrage des crédits pour correspondre à la demande effective d'aides. Les crédits de DJA effectivement consommés en 2011 s'élevaient à moins de 40 millions, pour plus de 50 millions inscrits. Pour être justes, saluons l'engagement du ministre d'abonder en cours d'exercice les crédits du FICIA, grâce à des marges de manoeuvres trouvées en gestion sur le budget de l'agriculture. Mais attention à ne pas reproduire cette technique année après année et sur l'ensemble des lignes budgétaires car un tel bricolage serait alors intenable.
Les dispositifs fiscaux et sociaux d'aide à l'installation - abattement sur le revenu imposable les 5 premières années et exonération de charges dégressive pendant 5 ans - sont maintenus. Je note aussi que la réforme de la PAC prévoit une réserve de droits à paiements de base de 2 % qui doit être consacrée dans chaque État membre à l'installation de nouveaux agriculteurs. L'ensemble des problématiques liées à l'installation, notamment les conditions d'accès et les problèmes de portage financier du foncier seront abordées à partir de janvier 2013, lors des assises de l'installation auxquelles les parlementaires pourraient utilement prendre part, car l'avenir de nos campagnes et de notre modèle agricole fait de fermes familiales à taille humaine en dépend.
Concernant la forêt, le budget 2013 ramène les crédits à leur niveau d'avant la tempête Klaus de 2009, à 291 millions d'euros en AE et 315 millions d'euros en CP, soit une baisse respectivement de 17 % et 12 %. Comme l'a souligné un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) adopté en octobre, la valorisation de la forêt française est insuffisante, alors qu'elle couvre 16 millions d'hectares. La filière bois doit se structurer pour répondre à des enjeux économiques nouveaux : le développement du bois-énergie, le bois-construction. L'ensemble de la filière représente tout de même 450 000 emplois. La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) a mis en place une série d'outils pour développer la production de bois, en étendant notamment l'obligation de se doter de plans simples de gestion pour les 3,5 millions de propriétaires privés, mais les résultats tardent à apparaître. Nous continuons à enregistrer plus de 6 milliards de déficit de la balance commerciale sur le bois, en exportant du bois brut et en important du bois transformé. Cette situation n'est plus acceptable.
L'essentiel de l'effort budgétaire de la nation sur la forêt est consacré en 2013 à la remise à flot de l'Office national des forêts (ONF), avec des crédits maintenus à hauteur de 185 millions d'euros, prenant en compte le versement compensateur de 120 millions d'euros pour les missions de gestion de la forêt domaniale et la rémunération des missions d'intérêt général. Cette enveloppe représente près des deux tiers des crédits du programme 149. L'État respecte donc bien la convention d'objectifs et de performance (COP) signée avec l'Office et couvrant la période 2012-2016. Tant que les cours du bois resteront bas, l'ONF aura cependant du mal à équilibrer ses comptes. L'Office escompte une perte d'encore 50 millions d'euros cette année. A l'évidence, le salut viendra d'une meilleure valorisation des ventes de bois par l'Office.
Les autres crédits du programme 149 sont en nette baisse : il s'agit des crédits d'intervention destinés au développement de la filière, qui passent de 140 millions environ en 2012 à 100 millions en 2013, toujours en CP. L'essentiel de cette baisse s'explique par la disparition de certaines aides spécifiques suite à la tempête Klaus et à la tempête de 1999. Prévu pour s'étaler de 2009 à 2016 et bénéficiant d'une enveloppe globale de 415 millions d'euros, le plan Klaus a déjà reçu 304 millions en quatre exercices, dont 286 millions effectivement consommés. Pour 2013, le plan Klaus est doté de 44 millions d'euros en AE et 51 millions en CP, ce qui devrait permettre de poursuivre son exécution. Le ministre Stéphane Le Foll s'est engagé à augmenter l'enveloppe globale pluriannuelle de 60 millions soit 12 millions par an durant 5 ans. De plus, il prévoit que 15 millions d'euros par an pourront être mobilisés sur crédits européens. Espérons que cette mobilisation financière réelle aura au final un impact visible sur le terrain.
Enfin, la forêt ne saurait passer à côté des quotas carbone. Il a été décidé que le produit de la vente de quotas carbone irait à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH). Une réflexion devrait être engagée rapidement pour permettre l'affectation d'une fraction de ces recettes nouvelles à l'amélioration de l'exploitation de la forêt. Un fonds forestier national a existé de 1946 à 1999. Il manque aujourd'hui un instrument de modernisation de la filière, qui couvre l'ensemble de la chaîne, de l'amont à l'aval, car en aval, le manque de performance de l'outil de transformation constitue une grave faiblesse. Il pourrait être alimenté par une fraction de la taxe carbone.
La dotation du compte d'affectation spéciale sur le développement agricole et rural (CASDAR) est reconduite pour 2013, à hauteur de 110 millions d'euros. La taxe sur le chiffre d'affaires des entreprises agricoles, dont 85 % du produit alimente en recettes le CASDAR, pourrait cependant avoir une évolution plus dynamique que celle des dépenses correspondantes. Dans ce cas, il serait souhaitable que le surplus de recettes revienne au CASDAR, car l'objet du compte n'est pas d'alimenter le budget général de l'État. L'argent des agriculteurs doit rester à l'agriculture. Ces 110 millions d'euros servent essentiellement à financer le programme national de développement agricole et rural (PNDAR) pour la période 2009-2013 et sont versés aux instituts techniques agricoles, aux chambres d'agriculture, à Coop de France, aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR). Environ 10 % des crédits servent à financer des projets dans le cadre d'appels à projets lancés par le ministère de l'agriculture.
Une mission de contrôle budgétaire de la commission des finances a été lancée sur la question de la stratégie export de la France en matière agricole et agroalimentaire mais n'a pas encore rendu ses conclusions. La compétitivité constitue un enjeu interne, car les produits proposés sur le marché français sont soumis à la concurrence féroce de produits importés, mais aussi externe car notre agriculture et notre industrie agroalimentaire qui en est le débouché doivent conserver une vocation exportatrice. Ce ne sont manifestement pas les crédits budgétaires sur lesquels nous pourrons compter pour développer de nouvelles actions à l'export : l'enveloppe dédiée aux conventions avec la SOPEXA, UBIFRANCE ou encore d'Association pour le développement des échanges internationaux de produits et techniques agroalimentaires (ADEPTA) continue de décroitre : 17,7 millions d'euros en 2011, 16,7 millions d'euros en 2012 et seulement 10,9 millions d'euros en 2013. C'est vraiment faible. Certes, les opérateurs devront trouver des ressources nouvelles, mais il est à craindre que la conquête de marchés à l'exportation soit plus difficile. A terme, je souhaite que soit envisagée la fusion de ces organismes. Un point est positif dans le cadre de la stratégie export : le souci de rapprochement des administrations, confirmé lors de l'audition de la direction générale de l'alimentation (DGAL), afin d'accélérer l'ouverture de marchés extérieurs. Enfin, l'aide à l'export doit s'inscrire dans le cadre des mesures prévues par le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, annoncé début novembre par le Premier ministre.
L'année 2012 a été mauvaise en termes de volume pour la viticulture française. Avec une pression parasitaire forte et des conditions climatiques peu favorables, la récolte a baissé de 20 % environ, après une année 2011 record. Avec un peu plus de 40 millions d'hectolitres, la France rentre dans le rang. Cette baisse de performance aura des conséquences sur le revenu des viticulteurs dans les mois qui viennent. Mais une autre inquiétude mobilise nos esprits : la question des droits de plantation. Alors que le groupe de haut niveau mis en place par la Commission européenne pour étudier la question de leur maintien devra rendre à la mi-décembre ses conclusions, on a l'impression que rien n'avance. Les bonnes intentions sont là, les ministres se suivent et réaffirment vouloir conserver avec la quasi-totalité des autres États membres de l'Union européenne producteurs du vin, un outil de régulation de la production qui ne coûte rien et qui a fait ses preuves. Une nouvelle initiative parlementaire pourrait être prise pour rappeler notre opposition farouche à la libéralisation des droits de plantation, qu'il s'agisse des vins sous signe de qualité ou des autres, car toute la filière aurait gros à perdre au retour de la surproduction en Europe.
A titre personnel, je ne voterai par les crédits de la mission : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». J'émets en tant que rapporteur un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ».