Intervention de Yves Krattinger

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « défense » et compte d'affectation spéciale « gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'état » - examen du rapport spécial

Photo de Yves KrattingerYves Krattinger, rapporteur spécial :

La mission affiche des crédits de 30,15 milliards d'euros en 2013, hors pensions, et des ressources exceptionnelles de 1,27 milliard d'euros provenant principalement de la cession de fréquences hertziennes et, pour 0,2 milliard d'euros, de la vente de biens immobiliers. Au total, la défense dispose d'un budget de 31,42 milliards d'euros. A cela s'ajoutent les surcoûts des opérations extérieures (OPEX) non intégralement couverts en loi de finances initiale, qui sont en partie financés par décret d'avance. Après un montant record en temps de paix de 1,2 milliard d'euros en 2011, les Opex, avec la fin de l'opération Harmattan en Libye et le retrait de nos troupes d'Afghanistan, se voient consacrer 630 millions d'euros de crédits en loi de finances initiale pour 2013, soit un montant qui devrait se rapprocher du surcoût total.

L'impératif d'une dépense publique maîtrisée, contrairement à ce que certains craignaient, ne pèse pas excessivement sur la défense. Avec des crédits globalement stables, cette mission, qui enregistre un léger recul de 0,5 %, se situe dans la moyenne, abstraction faite des secteurs prioritaires - l'enseignement, la justice et la sécurité. Elle contribue à l'effort global d'économies par 2,2 milliards de reports de programmes d'équipement. Il s'agit de reports, j'y insiste, et non d'annulations. Le niveau des dépenses d'équipement est identique à celui de l'année 2012, soit 16 milliards d'euros, et les programmes prioritaires sont maintenus - je pense notamment aux livraisons de l'hélicoptère NH90 utilisé par l'armée de terre et la marine. La continuité prévaut également en matière de suppressions de postes : conformément au Livre blanc, la déflation porte sur quelque 54 000 postes sur la période 2008-2016, dont 7 200 en 2013. Les économies réalisées financeront la modernisation technologique et la revalorisation de la condition militaire. Sur ce dernier point, la situation n'est guère satisfaisante : le retour aux agents des économies de personnel suite aux suppressions de postes, sous forme de primes catégorielles, serait inférieur à 30 % en 2012. En outre, certaines mesures catégorielles ont été votées, mais non appliquées. De là notre souhait de confier à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), une enquête sur les primes et indemnités de la Défense ainsi que sur les nombreux et préjudiciables dysfonctionnements du nouveau logiciel de paie Louvois.

Cette année, M. Trucy et moi-même avons consacré une mission de contrôle budgétaire aux conséquences de la réforme de la carte militaire. Cela nous a conduits, entre autres, à visiter la base aérienne de Luxeuil et à rencontrer le secrétaire général du ministère. Qu'en ressort-il ? Le chiffrage des économies réalisées est incertain, en raison de coûts d'accompagnement de la réforme réévalués chaque année. A ce jour, l'économie nette attendue à terme serait de 1,2 milliard d'euros par an, soit 4 % environ des crédits de la défense. Cette évaluation, plus prudente que celle de l'an passé, mérite d'être affinée en vue du nouveau Livre blanc et de la prochaine loi de programmation militaire (LPM), attendue à la fin du premier semestre 2013.

Quel est le bilan ? Les dépenses cumulées ont été inférieures de 4,1 milliards d'euros à la programmation 2009-2013. Une différence qui est imputable, pour 2,5 milliards d'euros, aux budgets votés par l'ancienne majorité. Cela dit, par le passé, aucune LPM n'a été respectée. Le Livre blanc avait fixé comme objectif une hausse de 1 % par an des dépenses en volume jusqu'en 2020. Par rapport à cet objectif, la norme de stabilisation en valeur signifie une perte de ressources d'environ 35 milliards entre 2009 et 2020.

Dans ces conditions, il faudra retenir un format de nos forces adapté aux menaces sur la sécurité nationale et au rôle que la France veut jouer dans le monde ; et encourager les coopérations européennes. La production de drones tactiques avec les Britanniques, consacrée par le traité de Lancaster House du 17 février 2012, constitue un heureux exemple. La France, qui dispose du deuxième budget militaire d'Europe après le Royaume-Uni, doit, pour maintenir son rang, fixer un seuil minimal de PIB consacré à la défense ; le Gouvernement évoque le chiffre de 1,5 % au moins, quelle que soit la conjoncture économique. L'impératif de rétablissement des comptes publics s'imposera à la prochaine LPM. Du succès de cette politique dépend d'ailleurs la relance ultérieure de l'investissement public, y compris dans le domaine militaire. Grâce à la programmation pluriannuelle, nous pourrons lisser l'effort en mettant l'accent sur les priorités - les véhicules blindés multi-rôles, les avions de transport MRTT, les sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda et l'avion A400M - afin d'éviter les ruptures capacitaires.

La future loi de programmation militaire, j'y insiste, devra s'appuyer avant tout sur des dotations budgétaires, et non des ressources exceptionnelles qui sont bienvenues, mais aléatoires. En attendant le Livre blanc et la nouvelle LPM, la programmation budgétaire stabilise le budget de la défense de 2013 à 2015, un choix qu'il faut saluer en période de « vaches maigres ». Au bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Défense » et ceux du compte d'affectation spéciale retraçant la gestion et la valorisation des ressources du spectre hertzien qui contribue à l'équilibre financier en faveur de la défense nationale.

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