Je crains de n'être pas tout à fait d'accord avec mon collègue rapporteur. L'avantage d'être dans l'opposition, c'est qu'on peut exprimer librement son désaccord. En tant que chef d'entreprise et spécialiste des problèmes de l'emploi, je désapprouve ces crédits.
Le Président de la République a exprimé sa volonté de donner la priorité à l'emploi et à la réduction du chômage, et il a raison. Malheureusement, les moyens proposés sont les mêmes, à peu de chose près, que ceux proposés par les gouvernements précédents. Ainsi que je l'avais annoncé année après année, de telles mesures n'ont jamais créé le moindre emploi productif. Il en ira de même cette fois ; le seul résultat sera une aggravation du déficit budgétaire. C'est un budget de maintien de l'emploi bien plus que de création d'emplois nouveaux - comme tous les précédents ! Emplois d'avenir : mais quel avenir ? Un poste temporaire dans une administration, une association, une mairie ? Celles-ci embaucheront des jeunes qui ne sont pas formés. Rien à voir avec des emplois productifs ! Ce sont les entreprises qui créent des emplois qu'il faut aider. Le chômage est dû aux 35 heures, qui coûtent chaque année 21 milliards d'euros en allègements de charges. Les gens ne travaillent pas assez ; les produits ne sont plus compétitifs ; ils ne se vendent pas ; les entreprises n'embauchent plus. Le coût total de la politique de l'emploi qui avoisine les 50 milliards d'euros ne réduira pas le chômage et n'aura aucun effet sur la croissance.
L'absence de formation professionnelle adaptée aux besoins de notre économie a des conséquences nuisibles : 150 000 jeunes sortent chaque année de l'éducation nationale sans être en mesure d'exercer un métier. Qu'ils sortent du collège, du lycée ou de l'université, ils ne parviennent pas à trouver un emploi parce qu'ils n'ont pas appris de métier. Le collège unique est désastreux. Il faudrait apprendre un métier aux jeunes dès l'âge de quatorze ans, au lieu de les forcer à passer un baccalauréat qui ne leur sert à rien. Mais aucun des ministres successifs de l'éducation nationale ne fait quoi que ce soit, pas plus l'actuel que les précédents.
Les missions locales sont beaucoup plus utiles que Pôle emploi, car elles s'occupent concrètement des jeunes qui sortent sans aucun bagage du système scolaire. Or l'État leur accorde trop peu de crédits et ce budget ne contient rien de nouveau à leur égard. Mes amendements tendant à augmenter leurs moyens ont toujours été repoussés. Bref, rien de ce que je propose pour réduire le chômage ne figure dans ce programme. Pourtant, chef d'entreprise et ancien maire de Corbeil-Essonnes, je sais de quoi je parle. Je connais bien, malheureusement, les dérives que cela engendre pour ces jeunes désoeuvrés.
Le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » a pour objectif d'améliorer les conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel, ce qui est louable. Des crédits de 78 millions d'euros sont prévus pour renforcer la sécurité et la santé au travail, pour assurer des droits effectifs, pour développer le dialogue et la démocratie sociale. Mais il ne suffit pas de comparer les budgets successifs, il faut se demander si celui de l'année précédente a été efficace...
Le seul moyen d'améliorer les relations sociales dans le monde du travail, c'est d'appliquer la gestion participative, c'est-à-dire le dialogue direct, dans l'entreprise, entre l'employeur et les salariés qui veulent travailler, et non seulement entre l'entreprise et les syndicats. J'appelle aussi de mes voeux une nouvelle proposition de loi prévoyant de diviser les bénéfices nets après autofinancement en deux parts égales, pour les actionnaires et pour les salariés : cela règlerait bien des problèmes.
Le programme 155 assure la « conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail ». Il s'agit du programme support de la mission « travail et emploi ». Il en regroupe les moyens de soutien, c'est-à-dire essentiellement le personnel. Sur les 782 millions d'euros de crédits de paiement de ce programme, 638 sont consacrés aux dépenses de personnel et 137 aux dépenses de fonctionnement.
M. Patriat déclarait l'an dernier : « ce budget ne sera pas de nature à influer activement sur la conjoncture, et à faire face à la dégradation du marché de l'emploi ». Il proposait à votre commission de rejeter ces crédits - il avait entièrement raison. Il vous propose aujourd'hui d'adopter le même budget, à quelques millions d'euros près ! Moi qui suis à présent dans l'opposition, je vous propose de le rejeter.