Intervention de René Beaumont

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission action extérieure de l'etat programme « diplomatie culturelle et d'influence » - examen du rapport pour avis

Photo de René BeaumontRené Beaumont, co-rapporteur pour avis :

La situation est moins défavorable concernant les deux volets importants que sont la politique d'attractivité et l'enseignement français à l'étranger.

288 544 étudiants étrangers sont inscrits dans les établissements de l'enseignement supérieur en France. Ils représentent aujourd'hui 12,3 % des étudiants inscrits, soit une augmentation de plus de 65 % en dix ans.

Selon les données de l'UNESCO, la mobilité étudiante internationale s'est accrue depuis 2005 de plus de 30 % avec 3,3 millions d'étudiants en 2009. Les projections pour 2025 tablent sur un nombre d'étudiants en mobilité à l'étranger de 7 millions. Le marché de la formation universitaire à l'étranger est donc en plein développement et il est devenu très concurrentiel.

Aujourd'hui 8 pays concentrent près de 70 % des étudiants en mobilité internationale. La France serait aujourd'hui à la 3ème. Elle est la deuxième destination des étudiants en échange Erasmus derrière l'Espagne.

Dans ce contexte, la politique d'attractivité de qualité à l'attention des élites étrangères, tend à promouvoir la mobilité des étudiants dans des disciplines prioritaires (sciences, économie, droit) à des niveaux master et doctorat et de rééquilibrer les flux en faveur de la France.

Cette politique repose sur la promotion des études en France à travers le réseau culturel, mais aussi sur l'allocation de bourses.

En 2011, le nombre total de bourses du Gouvernement français s'élève à 14 687. Ce nombre est en baisse sensible depuis une dizaine d'années (22 437 en 2002). Les crédits affectés n'ont cessé de diminuer passant de 105 millions d'euros en 2005 à 70,5 millions d'euros en 2012. La France peine donc à maintenir sa politique en la matière. Il faut donc se réjouir du maintien des crédits en 2013, malgré le contexte économique.

Les étudiants originaires du continent africain ne représentent plus que 39,5 % des boursiers ; la part des Européens reste stable (18,8 %) mais cette part modeste s'explique par la montée en puissance des systèmes de bourses sur fonds communautaires. Le continent asiatique (18,2 %) progresse, ce qui est conforme à l'action menée en direction des émergents, comme le Proche-Moyen Orient et le continent américain.

Les orientations suivies en matière de disciplines sont respectées : les étudiants en sciences et sciences de l'ingénieur représentent 36 % des boursiers, ceux en administration-économie-gestion 20 %, les étudiants en droit et sciences politiques 6 %.

Une réforme est en cours de préparation pour simplifier le système des bourses. Le nouveau dispositif devra permettre une importante simplification des procédures de traitement des dossiers par l'opérateur et une plus grande visibilité pour les postes diplomatiques prescripteurs. La réforme devrait être effectuée à coût constant et préserver le volume des bourses. La mise en oeuvre de la réforme pour la rentrée universitaire 2013 est visée.

Comme prévu par la loi du 27 juillet 2010, Campus France a été créé sous forme d'établissement public industriel et commercial. Sa mise en place est effective depuis le 1er mai 2012. Le transfert des bourses gérées par le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires a eu lieu le 1er septembre. Un contrat d'objectifs et de moyens est en préparation.

La France dispose désormais comme ses concurrents allemands et britanniques avec le DAAD et le British Council, d'un véritable opérateur.

Pour mener à bien son action, l'établissement s'appuie sur le réseau des Espaces Campus France, intégrés au réseau diplomatique et culturel, mais aussi, en France, sur le « forum Campus France » qui anime la communauté des établissements qui reçoivent des étudiants étrangers.

L'attribution des bourses reste de la compétence du réseau ou de l'administration centrale. La mission de Campus France consiste à prendre en charge l'étudiant à son arrivée et à lui verser en temps utile la bourse qui lui a été allouée. En contrepartie, Campus France reçoit une rémunération pour frais de gestion.

Outre, la gestion des bourses du Gouvernement français ou le l'AEFE, une part de l'activité de Campus France consiste à gérer les bourses dites « des Gouvernements étrangers » qui sont en réalité mises en place par des institutions de nature diverse. Ces bourses représentent aujourd'hui entre un quart et un tiers des fonds gérés par l'établissement (40 millions d'euros sur 150 millions d'euros).

La présence d'un opérateur identifié et performant est un atout puisqu'il permet de proposer à des bailleurs étrangers une prestation de qualité, adaptée à leur besoin et enrichie de prestations de conseil, de placement des étudiants auprès des établissements, de suivi.

Le développement de ces prestations répond à un besoin comme en témoignent les récentes conventions conclues par la France avec plusieurs pays étrangers, la plus emblématique étant celle conclue avec le Brésil dans le cadre de son programme « Science sans frontière » qui prévoit de former d'ici 4 ans 10 000 étudiants. Ces activités nouvelles, outre qu'elles répondent à l'objectif d'attractivité, sont en mesure de pallier les insuffisances de notre politique en lui permettant de se concentrer sur des cibles plus précises et d'être plus sélective. Elle permet en outre à l'établissement de se procurer des ressources propres pour financer ses activités grâce aux frais de gestion qu'il facture.

Si la subvention de fonctionnement de Campus France est stabilisée en euros courants en 2013 à hauteur de 1,82 million d'euros afin d'assurer le bon déroulement de sa mise en place, l'opérateur bénéficie d'un transfert de 2,40 millions d'euros destinés à financer la reprise des activités internationales du CNOUS. Cette subvention couvrira la rémunération de 25 ETP ainsi qu'une part du fonctionnement de l'établissement pour les activités transférées. Le montant global de la subvention de Campus France en 2013 sera donc de 4,22 millions d'euros et le plafond d'emplois de l'opérateur s'établira à 243 ETP sous plafond et de 43 ETP hors plafond (financés par les ressources propres de l'EPIC).

Cette subvention pour charges de service public est complétée par l'allocation de 1,9 million d'euros du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Nous nous réjouissons du maintien de l'essentiel des crédits destinés aux bourses du Gouvernement français, et de la subvention de fonctionnement à Campus France en phase de montée en puissance. Nous comptons beaucoup sur le dynamisme de cet établissement et sur la cohérence de ses actions pour développer un pan important de notre politique d'attractivité.

L'enseignement français à l'étranger est l'un des instruments majeurs de la présence et de l'influence de la France dans le monde, de la promotion de la langue française et de la francophonie.

L'AEFE est l'opérateur pivot dans le dispositif. Sur les 485 établissements homologués, l'AEFE gère directement 75 d'entre eux dits « établissement en gestion directe » (EGD), et a passé des conventions avec 159 autres établissements dits « conventionnés ». Les premiers sont des services déconcentrés de l'Agence, les seconds des entités juridiquement distinctes avec lesquelles celle-ci entretient des liens contractuels. Ces 234 établissements, conventionnés et en gestion directe, constituent le réseau proprement dit de l'AEFE. Ils perçoivent des subventions versées par l'Agence qui assure également la rémunération des personnels titulaires détachés grâce à la subvention allouée par l'État.

A la demande de l'État, l'AEFE a renforcé son rôle en matière d'animation du réseau des autres établissements homologués en signant des accords avec la quasi-totalité d'entre eux.

L'appui du MAE apporté aux établissements couvre principalement le financement de personnels titulaires, l'attribution de bourses - les crédits correspondants sont inscrits au programme 151 - ainsi que la formation continue des enseignants

Dans l'ensemble, le périmètre du réseau varie peu et se développe sur tous les continents. Sa croissance est surtout le fait du rattachement d'établissements par homologation alors que le nombre des établissements en gestion directe ou conventionnés diminue.

Le réseau scolaire français à l'étranger scolarise dans sa totalité 306 475 élèves (en hausse de 8,9 % par rapport à l'année précédente) avec une part d'élèves étrangers qui représentent 62,6 % des effectifs.

Le nombre d'enfants scolarisés est en forte croissance, et dans tous les cycles.

Pour satisfaire une demande de scolarisation en hausse dans son réseau, l'AEFE est confrontée à plusieurs défis : la gestion du parc immobilier des établissements en gestion directe, le recrutement et l'affectation des professeurs, et le financement de son activité.

Compte tenu de la demande croissante des familles, la problématique immobilière est une contrainte forte. Elle a représenté pour l'année 2011 un montant de 15 millions d'euros de dépenses et génère une prévision de dépenses pour 2012 de l'ordre de 41 millions d'euros.

Le financement des opérations est assuré par prélèvement sur le fonds de réserve de l'établissement concerné ; par une aide de l'AEFE prélevée sur ses fonds propres ; par recours à des avances de France Trésor sur autorisation annuelle.

Si l'Agence n'est plus autorisée à contracter des emprunts bancaires d'une durée supérieure à un an, elle pourra recourir à des avances de l'Agence France Trésor, pour un montant de 12,5 millions d'euros en 2013. Ces avances sont servies à un taux d'intérêt réduit mais elles ne sont consenties que pour une période de huit ans. En conséquence, la charge de l'annuité de remboursement pour les établissements peut être importante. L'assouplissement de ce dispositif et l'allongement de la durée de remboursement des avances mériteraient d'être étudiés pour les gros projets.

Dans les pays où la situation politique devient instable, l'Agence doit renforcer les conditions de sécurité de ses établissements, comme cela a été le cas récemment dans les pays d'Afrique du Nord et du Sahel. Une subvention exceptionnelle a été allouée à hauteur de 4 millions d'euros pour la sécurisation des locaux en 2012 par le MAE.

Une seconde contrainte concerne le recrutement de personnels enseignants titulaires détachés de l'éducation nationale. Leur présence est une garantie de l'enseignement dispensé et de l'attractivité des établissements, c'est d'ailleurs une des conditions de leur homologation. Or le ministère de l'éducation nationale soumis à ses propres contraintes de recrutement de professeur titulaire est moins en mesure de satisfaire la demande pour ne pas démunir son propre réseau et combler les « vides » par des personnels moins qualifiés.

En 2012, l'AEFE rémunère 10 819 ETP en poste dans son réseau : 6 353 emplois sous plafond et 4 466 emplois hors plafond (financés sur ressources propres). Pour 2013, elle est autorisée à recruter 95 ETP hors plafond.

L'Agence est financée par l'allocation d'une dotation budgétaire annuelle de fonctionnement et par des ressources propres. Le montant de la dotation pour 2013 s'établit à 425 millions d'euros. Elle bénéficie de la priorité donnée par le président de la République à l'éducation. La subvention est majorée de 5,5 millions d'euros destinés à couvrir pour partie le coût de la part patronale de la pension civile. Entre 2012 et 2015, la croissance de la pension civile est estimée à 25 millions d'euros. Le Gouvernement a souhaité accompagner l'effort budgétaire à accomplir par une dotation supplémentaire de 5,5 millions d'euros en 2013 et 2014 puis de 10,5 millions d'euros en 2015 par rapport à 2012. L'effort supplémentaire à fournir pour absorber pleinement la charge pour pensions civiles devra être financé sur ses ressources propres par l'Agence.

Nous ne pouvons qu'être satisfaits de voir l'opérateur et les établissements échapper aux contraintes qui pèsent sur les autres opérateurs de l'action extérieure de l'État, nous nous inquiétons néanmoins de l'accroissement des charges qui incombent à l'Agence et qui ne reçoit depuis plusieurs années que des financements palliatifs au compte-goutte ce qui conduit les établissements à rechercher par l'augmentation des scolarités demandées aux familles les moyens de leur développement au risque d'en exclure certaines. L'articulation avec le système des bourses est dès lors une question sensible.

Cette situation, comme les évolutions perceptibles dans les systèmes éducatifs de certains pays, oblige naturellement à se reposer la question de nos outils. La place de l'enseignement français à l'étranger est incontestablement un atout, mais il est sans doute possible, à partir de ce socle, de faire évoluer notre action avec des outils nouveaux. L'AEFE a ouvert un champ de coopération avec les établissements étrangers qui ont développé des sections bilingues en créant en 2012 le label d'excellence « FrancÉducation » pour distinguer ceux qui satisfont aux critères d'un cahier des charges ambitieux. Ce label a été attribué à 17 établissements depuis mars 2012 et pourrait en concerner une centaine à l'horizon 2014/2015.

Une réflexion est par ailleurs en cours au ministère sur le réseau d'enseignement français à l'étranger, qui débouchera en 2013 sur une réforme du système d'attribution des bourses, mais également sur la définition de nouvelles orientations stratégiques. Elle arrive à un moment opportun.

C'est sur la base de ces travaux qu'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens devrait être signé avec l'État en novembre 2013. Nous souhaitons qu'il soit soumis pour avis aux commissions compétentes des assemblées parlementaires, ce qui n'avait pas été le cas en 2010.

En conclusion, notre satisfaction doit toutefois être assortie d'un bémol : l'essentiel des augmentations de crédits portent sur des ajustements techniques qui n'impactent pas le niveau de la dépense publique puisqu'il s'agit pour l'AEFE de la compensation d'une hausse de la contribution au CAS Pensions, et pour Campus France d'un simple transfert du budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche vers celui des affaires étrangères. Leur impact sur le niveau d'activité des opérateurs sera donc peu élevé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion