Intervention de Leila Aïchi

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission action extérieure de l'etat programme « action de la france en europe et dans le monde » - examen du rapport pour avis

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi, co-rapporteur pour avis :

J'interviendrai sur trois points : le réseau diplomatique, la diplomatie d'influence et le centre de crise.

La réflexion sur l'évolution de notre réseau diplomatique, désormais le 3ème du monde derrière les États-Unis et la Chine, vient d'être relancée par le Gouvernement. Le constat est bien connu : nous avons un réseau exceptionnel, universel, à la mesure de notre ambition de rayonnement international, mais, fruit de l'histoire, c'est plus un réseau « d'héritage » qu'un réseau « d'avenir ».

Dans les « grosses » ambassades au format « d'exception » figurent toujours, à côté des États-Unis ou de l'Allemagne, des pays comme le Sénégal, le Maroc ou encore Madagascar. Aucune trace des émergés ou des émergents qui tirent le commerce mondial comme la Chine, l'Inde, la Russie, le Brésil, ou la Corée du Sud... Nous avons en Chine moins de personnel diplomatique qu'au Maroc, en Russie moins qu'au Sénégal, en Corée du Sud, quatre fois moins d'agents qu'à Madagascar... Nous avons commencé le rééquilibrage ces dernières années, mais, à enveloppe constante, le mouvement est douloureux : il s'effectue à dose homéopathique.

La diplomatie économique c'est aussi avoir ses « pions » placés aux bons endroits, et d'ailleurs -je fais une incidente- s'assurer qu'ils se coordonnent bien et travaillent en réelle synergie, autour d'un ambassadeur qui soit une réelle « tour de contrôle », suivant l'expression consacrée, de tous les acteurs publics.

Sans parler du « pivot » américain, le Foreign Office, comparable au Quai d'Orsay, vient de se doter d'une doctrine concernant 20 pays émergents, parmi lesquels l'Indonésie, le Mexique, la Turquie ou les monarchies du Golfe. Le réseau devrait être réorganisé, avec l'ouverture de 7 consulats en Chine, Inde et Brésil, et un renforcement des effectifs de 300 agents, par redéploiement, dont 50 en Chine et 30 en Inde, avec une priorité donnée à l'expertise dans les domaines économiques et commerciaux. Il y a là matière à réflexion.

Laurent Fabius a lancé 3 missions d'étude sur le réseau diplomatique et consulaire, dont nous avons rencontré les responsables. La doctrine n'est pas encore établie, malgré une priorité affichée pour les nouveaux émergents, et la réflexion est pour l'instant fragmentée. L'idée est de partir des missions pour éviter les coupes « aveugles ». Laissons au Gouvernement le bénéfice du doute, dans l'attente de ses propositions au début 2013. Nous suivrons naturellement ce dossier avec la plus grande attention. En tout état de cause, la tâche n'est pas facile car il faudra trouver 600 emplois en 3 ans. J'ai pu observer comment, dans les pays du Golfe, nous pouvions perdre des marchés faute d'être présents là où certains États, comme le Brésil par exemple, étaient au contraire en phase d'expansion de leur réseau...

J'ai été particulièrement attentive à l'évolution des crédits d'influence que sont les crédits de coopération de défense. Ils sont touchés par la baisse de 7 %, et diminueront même de 15 % sur les 3 prochaines années. Je comprends ce choix budgétaire, compte tenu des autres priorités à financer, mais je regrette qu'on accélère ainsi un recentrage forcé sur les quelques missions les plus essentielles. La coopération de défense et de sécurité, coopération « structurelle », est un réel outil d'influence et de prévention des conflits. En aidant les pays partenaires à structurer, dans le long terme, leurs élites militaires, elle contribue au maintien de la paix et au renforcement de leurs capacités à assumer des missions de protection civile, comme la lutte contre les catastrophes naturelles, le déminage, la dépollution...

Ces crédits (32 millions d'euros en 2013) ont un fort effet de levier et permettent d'agir à grande échelle, en partenariat avec 139 autres états ou organisations internationales, dans des régions particulièrement sensibles comme la zone Sahélienne, où le renforcement des capacités des États à lutter contre la menace terroriste est un enjeu vital pour la stabilité de la région. L'impact d'un directeur des études français dans une école régionale africaine de maintien de la paix est considérable rapporté aux crédits budgétaires nécessaires pour le financer. L'enjeu est de mettre les pays partenaires en situation de traiter des enjeux tels que le terrorisme islamique, la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants, l'insécurité des flux maritimes....

Ce sont des problématiques auxquelles je suis particulièrement sensible : les forces armées peuvent remplir, notamment en Afrique, des missions de sécurité civile au service des populations et de la préservation de l'environnement qui me paraissent particulièrement utiles.

Enfin, nous sommes allés visiter le centre de crise du Quai d'Orsay, qui gère toutes les situations d'urgence : rapatriements, catastrophes naturelles, mais aussi situations personnelles comme les enlèvements, et les otages. Nous avons longuement échangé avec le Directeur et les personnels, qui nous ont impressionnés par leur professionnalisme et leur réactivité. Vous trouverez dans notre rapport écrit des détails sur l'activité du centre, sur les enjeux juridiques de son cadre d'intervention. Je voulais souligner que son budget, modeste (2 millions d'euros) est maintenu en 2013, mais ne lui permet pas de satisfaire tous ses besoins opérationnels. Le manque d'un hôpital de campagne facilement projetable, en complément des moyens plus lourds dont dispose le ministère de la défense, comme les antennes chirurgicales, se fait cruellement sentir. Comme nous avons la responsabilité, en tant que commission, d'assurer le redressement de nos comptes publics, j'envisage de déposer en mon nom personnel un amendement d'appel sur ce sujet, qui visera à provoquer une discussion, qui sera fructueuse, je l'espère, au sein du quai d'Orsay, sur cette dépense de 1 million d'euros. Les crédits seraient redéployés depuis les autres programmes de la mission.

Je vous proposerai d'émettre un avis favorable pour l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

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