La commission, en application de l'article 73 quinquies, alinéa 3, du Règlement du Sénat, examine le rapport de M. Bernard Piras, rapporteur, et élaboration du texte proposé par la commission, sur la proposition de résolution européenne n° 787 (2011-2012) présentée par M. Jean-François Humbert et adoptée par la commission des Affaires européennes, relative à la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet.
Nous sommes appelés à nous prononcer sur une proposition de résolution européenne, présentée par notre collègue M. Jean-François Humbert et plusieurs de nos collègues membres du groupe d'information sénatorial sur le Tibet, relative à la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet.
Je précise que cette proposition de résolution a été cosignée par 24 des 27 membres du groupe d'information sur le Tibet, représentant la quasi-totalité des groupes politiques du Sénat. Elle n'obéit donc à aucune considération partisane. L'attachement aux droits de l'Homme n'est ni de droite, ni de gauche, c'est une tradition de notre Haute assemblée.
Cette proposition de résolution européenne, fondée sur l'article 88-4 de la Constitution, a été déjà examinée par la commission des affaires européennes, qui m'avait désigné comme son rapporteur.
Sur mon initiative, la commission des affaires européennes a apporté plusieurs modifications, qui, sans remettre en cause son objet, ont visé à éviter de chatouiller la Chine sur son intégrité territoriale. La proposition de résolution ainsi modifiée a été adoptée à l'unanimité par la commission des affaires européennes le 25 octobre dernier, et renvoyée à notre commission.
Si nous l'adoptons, elle deviendra une résolution du Sénat, à moins que, dans un délai de trois jours francs, le président du Sénat, le président d'un groupe, le président d'une commission permanente, le président de la commission des affaires européennes ou le Gouvernement demande, dans ce délai, qu'elle soit examinée en séance publique.
Avant de vous présenter le contenu de cette proposition de résolution, je pense utile de revenir brièvement sur la situation au Tibet.
Avec la multiplication des immolations depuis 2010, la question tibétaine est au coeur de l'actualité. Face à la propagande chinoise qui ne désarme pas, à la colonisation qui s'amplifie et la répression de toute protestation, il est légitime d'attirer l'attention de la communauté internationale sur cette violation constante des droits de l'Homme au Tibet depuis 1951. Depuis l'annexion forcée du Tibet par la Chine en 1950 et après le départ du Dalaï-Lama pour Dharamsala en 1959, les Tibétains n'ont jamais accepté ce qu'ils ressentent comme une domination étrangère. Après l'écrasement de la résistance armée tibétaine, les ravages de la révolution culturelle, après la répression du soulèvement à Lhassa en 1989, celui du printemps 2008 a été lourdement réprimé. Depuis, les Tibétains sont privés de leurs droits et libertés les plus élémentaires.
L'affirmation de l'histoire officielle chinoise, selon laquelle le Tibet appartient à la Chine ne saurait justifier la politique menée par la Chine au Tibet depuis 1951. Il est également impossible d'accepter la banalisation de la question tibétaine comme le propose la Chine, quand elle prétend que l'affaire relève de ses affaires intérieures, au titre d'une politique générale des minorités ethniques.
Loin de constituer une minorité noyée au sein des Hans majoritaires, les Tibétains sont les héritiers d'une civilisation millénaire à part entière, avec sa langue, sa culture, sa religion, et qui aspire à survivre.
Car, que demandent les Tibétains ? Tout simplement le respect de l'identité culturelle et religieuse de leur peuple dans le respect de l'intégrité territoriale de la Chine.
Dans un esprit d'apaisement, à deux reprises, le chef spirituel des Tibétains a avec réalisme ouvert la voie d'un compromis en donnant à la Chine la possibilité de sortir, à son avantage et sans perdre la face, de ces tensions permanentes.
À Strasbourg, devant le Parlement européen, le Dalaï-Lama a proposé en 1988 un plan de paix en cinq points : transformation du Tibet en une zone de paix démilitarisée ; abandon des transferts de population chinoises par la Chine ; respect des droits de l'Homme et des libertés individuelles ; restauration et protection de l'environnement naturel, avec l'abandon du stockage des déchets nucléaires chinois au Tibet ; ouverture de négociations sur le futur statut du Tibet. Il abandonnait la revendication d'indépendance pour se contenter d'une autonomie au sein de la Chine, ce qui constituait une concession majeure. Enfin, le Dalaï-Lama a cédé le pouvoir à un Premier ministre du gouvernement en exil, choisi par la diaspora, pour ne conserver qu'un magistère moral et religieux.
Toutes ces concessions n'ont eu aucun effet sur la politique de la Chine et les négociations sino-tibétaines demeurent au point mort. La multiplication des immolations par le feu (plus de 72 depuis 2009 d'après les données de l'administration tibétaine en exil) témoigne du désespoir de la population tibétaine.
Si la Chine représente un partenaire stratégique majeur pour notre pays, cela ne veut pas dire pour autant que la France élude, dans ses relations, la question des droits de l'homme.
Cette question est évoquée au plan bilatéral, chaque fois que des responsables français rencontrent des responsables chinois.
Cette question est également évoquée à l'échelle de l'Union européenne, dans le cadre du dialogue euro-chinois sur les droits de l'Homme.
Concernant le Tibet, la France, comme l'ensemble de nos partenaires européens, n'a de cesse d'appeler au dialogue, seule voie permettant de parvenir à une solution durable, qui respecte pleinement l'identité culturelle et spirituelle tibétaine, tout en préservant la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République populaire de Chine.
La présente proposition de résolution vise à attirer l'attention de l'Union européenne et de la communauté internationale face à l'aggravation de la situation au Tibet.
Son principal objet était de demander la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet, mais, lors de l'examen du texte devant la commission des affaires européennes, le texte a évolué et elle se contente désormais, à défaut de la désignation d'un représentant spécial, d'ériger cette question comme une priorité de l'action du représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'Homme.
Cette proposition de résolution est fondée sur les positions du Parlement européen.
Dès 1998, le Parlement européen a demandé la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet. En effet, à partir de 1997, les Etats-Unis ont mis en place un coordonateur spécial pour le Tibet. Ce coordonateur est une personnalité officielle de haut rang avec le titre de sous-secrétaire d'État, et son titulaire actuel est Mme Maria Otero, sous-secrétaire d'État pour la sécurité, les droits de l'Homme et la démocratie, en même temps que coordinateur spécial pour le Tibet.
Celle-ci rencontre trois fois par an les représentants du conseil de la sécurité de la Maison Blanche, du département d'État, ainsi que le sous-secrétaire d'État pour l'Asie et le Pacifique. Elle se rend régulièrement en Inde et au Népal pour rencontrer les Tibétains en exil. En trois ans, elle a rencontré cinq fois le Dalaï-Lama.
Comme autrefois sous Clinton, le président Barack Obama et la secrétaire d'Etat Mme Hillary Clinton se sont montrés très actifs, et ce, sans conséquences négatives : les relations entre les États-Unis et la Chine sont meilleures que celles de bien des pays européens.
Les Chinois ont accepté que la question du Tibet figure en priorité sur l'agenda sino-américain et leurs protestations sont formelles et presque routinières lorsque Barack Obama rencontre le Dalaï-Lama, ce qui n'est pas le cas lorsque des dirigeants européens font de même.
En 2002 et en 2003, le Parlement européen a adopté plusieurs résolutions appelant à nommer un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet afin de promouvoir des négociations sérieuses entre le gouvernement chinois, le Dalaï-Lama et ses représentants.
Dans une nouvelle résolution du 15 février 2007, le Parlement européen recommandait à l'Union européenne d'adopter une approche plus ferme pour favoriser le dialogue sino-tibétain. Il invitait en particulier le gouvernement de la Chine et le Dalaï-Lama à reprendre leur dialogue sans préalable, afin de parvenir à des solutions pragmatiques qui respectent l'intégrité territoriale de la Chine et répondent aux aspirations du peuple tibétain. Cette résolution invitait aussi à évaluer le rôle que l'Union européenne pourrait jouer pour faciliter une solution négociée, notamment en nommant un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet.
Or, cinq rencontres s'inscrivant dans le cadre du dialogue engagé en septembre 2002 entre le gouvernement de la Chine et les envoyés du Dalaï-Lama n'ont pas permis de régler les différences sur les problèmes de fond. En particulier, les deux parties n'ont pu atteindre une communauté de vues sur les relations historiques entre le Tibet et la Chine.
Après les événements de 2008 et le regain des tensions, le Parlement européen s'est encore attelé à la tâche de rappeler à la Chine la nécessité de respecter les droits de l'Homme au Tibet. Sa résolution du 14 juin 2012 soutient à nouveau la nomination d'un rapporteur spécial pour le Tibet auprès du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité, Mme Catherine Ashton.
Lors de l'examen de la proposition de résolution devant la commission des affaires européennes, j'ai suggéré plusieurs modifications, qui ont été acceptées, avec le souci de conserver l'esprit général et l'objectif d'attirer l'attention sur le respect des droits fondamentaux des Tibétains, tout en évitant de chatouiller la Chine sur sa souveraineté et son intégrité territoriale.
En particulier, je me suis interrogé sur l'opportunité de demander la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour une région à l'intérieur d'un État, ce qui constituerait une première. La Chine, qui considère le Tibet comme une affaire intérieure pourrait ressentir durement cette innovation.
J'ai pensé qu'il serait plus efficace d'avoir recours au nouveau représentant de l'Union pour les droits de l'Homme et de lui fixer la question tibétaine comme une priorité, ce qui a été accepté par la commission.
Je rappelle qu'il existe actuellement onze représentants spéciaux de l'Union européenne, qui appuient l'action du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton, et qui sont chargés de promouvoir les politiques et les intérêts européens dans les régions et les pays qui connaissent des troubles (comme les Balkans ou l'Afghanistan).
Le 25 juillet dernier, l'Union européenne s'est dotée, à la demande du Parlement européen, d'un représentant spécial pour les droits de l'Homme, dont le mandat vise notamment à renforcer l'efficacité, la présence et la visibilité de l'Union dans le domaine de la protection et de la promotion des droits de l'Homme. M. Stavros Lambrinidis, ancien ministre des affaires étrangères de nationalité grecque, a été choisi pour occuper cette fonction.
Tout en conservant l'esprit général de cette proposition de résolution, je vous proposerai plusieurs modifications afin d'améliorer encore sa rédaction.
Tout d'abord, je vous proposerai de modifier le titre de la proposition de résolution, afin de tirer les conséquences des modifications apportées par la commission des affaires européennes.
Je vous suggère ainsi de remplacer le titre actuel, qui fait toujours référence à un « représentant spécial pour le Tibet », par le titre suivant : « proposition de résolution européenne relative à l'action européenne en faveur de la protection des droits des Tibétains ».
Je vous suggère également d'adopter de légères modifications rédactionnelles, aux alinéas 4 et 6, en remplaçant le singulier par le pluriel, afin de distinguer les libertés de religion, d'association et d'expression et à l'alinéa 4 car il me paraît un peu excessif de faire du respect des droits de l'Homme l'un des principes fondateurs d'une politique étrangère.
Ensuite, je vous proposerai de transférer le segment de phrase « tenant compte de la nécessité, pour la République populaire de Chine, de préserver sa souveraineté et son intégrité territoriale et, pour les Tibétains, de jouir d'une réelle autonomie au sein de la République populaire de Chine », de l'alinéa 12 à l'alinéa 8, afin de mieux en souligner l'importance.
Enfin, et c'est peut-être la modification la plus importante, je vous suggère de remplacer le nom « Tibet » par l'expression « droits des Tibétains » aux alinéas 7 et 12.
Cette nuance sémantique permettrait de concilier deux objectifs : attirer l'attention sur la situation au Tibet et amener la Chine à une attitude plus respectueuse des droits des Tibétains, tout en évitant toute ambigüité sur la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République populaire de Chine.
Dans une période marquée par l'arrivée au pouvoir de nouveaux dirigeants, mais aussi de vives tensions entre la Chine et le Japon, et plus largement en Mer de Chine, je pense qu'il faut éviter tout geste qui pourrait provoquer l'effet inverse, avec un raidissement de la Chine dans son refus d'une ingérence dans ce qu'elle considère comme une affaire intérieure. Je vous propose dès lors d'adopter le texte de la proposition de résolution ainsi modifié.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé au sein de la commission.
Lorsque j'ai appris qu'une proposition de résolution européenne relative à la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet avait été déposée au Sénat, j'ai immédiatement songé au fait que cette proposition de résolution ne pouvait qu'être interprétée comme une provocation à l'égard de la Chine.
La désignation de notre collègue M. Bernard Piras comme rapporteur de ce texte m'avait dans un premier temps rassuré.
Je tiens cependant à dire que, malgré les efforts de notre rapporteur, dont je tiens à saluer le travail, mes craintes ne sont pas complètement dissipées.
Comment justifier, en effet, le texte de cette proposition de résolution ?
Peut-on imaginer quelles seraient les réactions en France si le Parlement de la République populaire de Chine adoptait une résolution sur les droits des Corses ou des Basques ou demandant la désignation d'un représentant spécial chinois pour la question corse ou la question basque ?
De même, quelle serait la réaction de l'Espagne si le Parlement chinois demandait la nomination d'un représentant spécial pour la Catalogne ou le Pays basque ?
Par ailleurs, au moment même où la République populaire de Chine connaît un changement important de sa direction, où les relations franco-chinoises ont connu une nette amélioration, après certaines tensions provoquées notamment par la rencontre en 2008 en Pologne de l'ancien président de la République M. Nicolas Sarkozy avec le Dalaï-Lama ou encore par l'agression à Paris d'une jeune sportive handicapée chinoise lors du passage de la flamme olympique avant l'ouverture des jeux olympiques de Pékin, et à quelques semaines du prochain déplacement du président de la République M. François Hollande en République de Chine, l'adoption d'une telle proposition de résolution ne me paraît pas opportune.
Comme la plupart d'entre vous, je suis très attaché à l'amitié entre la France et la Chine. Je rappelle que le groupe d'amitié France-République populaire de Chine du Sénat, que j'ai l'honneur de présider, est l'un des groupes d'amitiés les plus importants du Sénat, puisqu'il compte 130 membres. Le président d'honneur, notre collègue Christian Poncelet, a été l'un des premiers parlementaires à se rendre en visite officielle en Chine, après la reconnaissance par la France en 1961 de la République populaire de Chine par le général de Gaulle.
Or, l'adoption de ce texte pourrait être considérée comme une provocation par la Chine et comme une ingérence dans ce qu'elle considère comme ses affaires intérieures.
Dans le cadre de notre groupe d'amitié, nous avions été l'une des premières délégations du Sénat à nous rendre, il y a déjà une dizaine d'années, dans la région autonome du Tibet en République populaire de Chine. Notre collègue M. Bernard Piras, ainsi que notre ancien collègue M. Jean Faure, faisaient d'ailleurs partie de cette délégation. Nous avions alors été assez surpris de constater qu'il existait une certaine liberté dans la pratique religieuse des Tibétains.
Naturellement, je ne considère pas le régime actuel de la République populaire de Chine comme un modèle de démocratie, mais je voudrais rappeler qu'avant son intégration à la République populaire de Chine en 1951, le Tibet n'était pas non plus une démocratie mais un régime que l'on peut qualifier de dictature théocratique.
Je suis donc confiant dans la sagesse de notre commission pour ne pas adopter en l'état un texte qui pourrait être interprété comme une provocation à l'égard de la Chine.
Je voudrais rappeler que, dans cette affaire, nous sommes tenus par les dispositions du règlement de notre assemblée, qui précisent la procédure et le calendrier d'examen des propositions de résolutions européennes déposées au titre de l'article 88-4 de la Constitution.
Comme le prévoit le règlement du Sénat, nous ne pouvons pas repousser l'examen de ce texte. Nous pouvons uniquement le rejeter ou l'adopter, éventuellement après des modifications.
En effet, le règlement du Sénat prévoit que nous disposons d'un délai d'un mois, après l'adoption du texte de la proposition de résolution par la commission des affaires européennes, pour procéder à son examen, et qu'à défaut, le texte présenté par la commission des affaires européennes est considéré comme adopté.
Je rappelle aussi que le texte de la proposition de résolution européenne sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer a été déposé en septembre dernier par le président du groupe d'information sur le Tibet et cosigné par vingt-quatre des vingt-sept membres de ce groupe d'études, créé par une décision du bureau de notre assemblée, sous la précédente majorité, représentant la quasi-totalité des sensibilités politiques représentées au sein de notre assemblée.
Cette proposition de résolution européenne a été examinée en octobre par la commission des affaires européennes du Sénat, qui a adopté à l'unanimité le texte de la proposition de résolution avec les modifications proposées par le rapporteur.
Cette proposition de résolution européenne a ensuite été renvoyée à notre commission.
J'aurais préféré, à titre personnel, ne pas avoir à me prononcer sur cette proposition de résolution européenne. Toutefois, je ne peux pas me soustraire aux dispositions prévues par le règlement du Sénat. J'ai donc été amené à inscrire l'examen de ce texte à l'ordre du jour de notre commission dans le délai d'un mois prévu par le règlement du Sénat.
Aujourd'hui, nous sommes placés devant le dilemme suivant : étant donné que nous ne pouvons pas repousser l'examen de ce texte, nous avons le choix entre le rejeter, avec toutes les conséquences négatives qu'un tel rejet pourrait entraîner, ou bien l'adopter, avec les modifications rédactionnelles proposées par notre rapporteur qui visent à atténuer la rédaction sur les aspects les plus sensibles.
Je voudrais manifester ici ma profonde inquiétude devant le texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer. Je considère naturellement que tout doit être fait pour encourager la promotion de la démocratie et le respect des droits de l'Homme.
Je me suis moi-même rendu en République populaire de Chine en 1996, en qualité de dirigeant d'un parti politique qui avait renoué à cette occasion des relations avec le parti communiste chinois. Lors de cette visite, j'avais eu l'occasion d'avoir une longue discussion avec M. Jiang Zemin, à l'époque secrétaire général du parti communiste chinois et président de la République populaire de Chine. Lors de cette conversation, j'avais fait part au président chinois de mes inquiétudes concernant la situation au Tibet.
On ne peut donc pas me soupçonner de complaisance à l'égard de la Chine sur cette question.
Je partage les observations du président de notre commission et je voudrais également saluer le travail du rapporteur.
Toutefois, je considère que, dans la conjoncture actuelle, l'adoption d'une telle proposition de résolution serait une véritable folie.
Au moment où nous assistons à de fortes tensions sur la scène internationale, où une nouvelle équipe prend la direction de la République populaire de Chine, dont on ne connaît pas encore précisément les intentions, il faut nous interroger : quel est le premier message que notre pays et l'Europe entend adresser à la Chine ? Est-il réellement opportun aujourd'hui d'adopter un texte qui pourrait être considéré comme une provocation, voire même un affront par la Chine ?
Je considère donc que, dans les circonstances actuelles, cette proposition de résolution européenne est inopportune.
Certes, il est indiqué, dans le texte de la proposition de résolution qui nous est soumis, la nécessité de préserver la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République populaire de Chine, ce qui est une évidence, mais dans le même temps - et c'est une contradiction flagrante - il nous est demandé d'apporter notre soutien à ce que l'on peut appeler un régime politique en exil, en suivant un mouvement de nature très idéologique qui se manifeste au niveau européen.
Je suis pour ma part soucieux de tout faire pour ne pas risquer de fragiliser notre diplomatie, à quelques semaines de la première visite officielle du président de la République M. François Hollande en République populaire de Chine.
Malgré les efforts de notre rapporteur, et à titre personnel, je voterai donc contre le texte de cette proposition de résolution.
Je partage les préoccupations exprimées par nos collègues. Adopter une telle proposition de résolution à la veille du déplacement officiel du président de la République en Chine ne peut être considéré que comme une faute diplomatique et risque de provoquer des tensions dans nos relations avec ce grand pays.
En outre, je m'efforce toujours d'appliquer le principe cher au général de Gaulle d'éviter d'interférer dans les affaires intérieures d'un autre pays. Le non-respect de ce principe nous a souvent causé des difficultés par le passé. Accepterions-nous de recevoir des leçons de démocratie et de respect des droits de l'Homme venant d'un autre pays ?
Je rappelle qu'en qualité de président du Sénat, j'ai toujours refusé de recevoir officiellement le Dalaï-Lama.
Comme l'a rappelé le président de la commission, nous ne pouvons pas repousser l'examen de ce texte. Nous ne pouvons que l'adopter, l'amender ou le rejeter.
Je partage comme vous le souci d'éviter toute provocation inutile à l'égard de la Chine qui pourrait provoquer l'effet inverse de celui recherché ou de nuire aux relations entre la France et la Chine. Mais, il faut aussi s'interroger : quelles seraient les conséquences d'un éventuel rejet de ce texte par notre commission ? Comment un tel signal serait interprété ?
Par ailleurs, je rappelle que cette proposition de résolution européenne se fonde sur une résolution adoptée par le Parlement européen, que la France rappelle régulièrement sa préoccupation au regard du respect des droits de l'Homme en République populaire de Chine et qu'aux Etats-Unis la question des droits des Tibétains est évoquée régulièrement sans que cela ne provoque de véritables tensions avec la Chine.
Lors de l'examen de ce texte devant la commission des affaires européennes, nous avons procédé à plusieurs modifications importantes et je vous suggère de nouvelles modifications, qui visent à atténuer encore davantage la rédaction du texte.
Ainsi, la proposition de résolution ne demande plus la désignation d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet, ce qui pouvait effectivement être considéré comme une provocation du point de vue de la Chine. Elle se contente désormais de demander au représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'Homme de se saisir de cette question, ce qui est très différent. Elle n'évoque pas non plus la situation du Tibet mais les droits des Tibétains, ce qui constitue également une forte différence, notamment au regard de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la République populaire de Chine.
L'objectif de cette proposition de résolution n'est donc pas de porter atteinte aux relations avec la Chine mais uniquement d'attirer l'attention sur la situation des droits des Tibétains et d'appeler à une reprise du dialogue entre la Chine et les représentants du gouvernement tibétain en exil.
Je souhaiterais faire deux observations.
Tout d'abord, il est manifeste que cette proposition de résolution européenne provoque un certain trouble au sein de notre commission.
Naturellement, nous sommes tous sensibles à la situation des tibétains.
Malgré la qualité du travail effectué par notre rapporteur, pour ma part, et à titre personnel, j'entends m'abstenir sur le texte, car je pense qu'on nous fait jouer un rôle qui n'est pas le nôtre et que je suis avant tout soucieux d'éviter tout ce qui pourrait conduire à fragiliser nos relations avec la Chine, qui ont déjà connu certaines tensions par le passé, et qui ne me paraissent pas être au niveau qu'elles méritent, notamment par rapport à l'Allemagne.
Je me félicite d'ailleurs du prochain déplacement du président de la République en Chine, même si je trouve un peu surprenant qu'un tel déplacement ne soit pas intervenu plus tôt.
Vous avez rappelé que l'insistance des Etats-Unis sur la question des droits de l'Homme, notamment au Tibet, n'a pas de réelles incidences sur les relations de ce pays avec la Chine. Mais nous ne sommes pas dans une situation comparable aux Etats-Unis qui ont une relation très étroite avec la Chine, notamment sur le plan commercial.
Je suis également porteur d'une procuration de notre collègue M. Jean-Pierre Raffarin, qui entend voter contre cette proposition de résolution.
Entendons-nous bien, en ma qualité de président de cette commission, je souhaite absolument préserver l'indépendance de notre commission et du Parlement à l'égard de l'exécutif. Pour autant, je suis également soucieux de ne pas gêner l'action du président de la République et du ministre des affaires étrangères.
Je considère comme vous que le moment n'est peut-être pas le plus opportun pour adopter cette proposition de résolution. Toutefois, comme je vous l'ai indiqué, nous ne pouvons pas repousser son examen car nous sommes tenus de procéder à cet examen dans le délai d'un mois fixé par le règlement de notre assemblée. Soit nous rejetons cette proposition de résolution, ce qui - il faut en être bien conscient - risque de provoquer un certain émoi, soit nous adoptons le texte de la proposition de résolution, tel que modifié par notre rapporteur.
Je vous proposerai donc de consulter l'ensemble des membres de la commission avant de nous prononcer par un vote sur le texte de la proposition de résolution européenne, tel que modifié par le rapporteur.
En ma qualité de sénateurs représentant les Français établis hors de France, je suis également soucieux de la situation de nos nombreux compatriotes expatriés en Chine.
Je voterai donc contre le texte qui nous est soumis car je pense qu'il peut avoir des conséquences négatives pour la situation de nos compatriotes présents en Chine.
Comme plusieurs de nos collègues, je suis non seulement gêné par la formulation de cette proposition de résolution, mais plus encore par le principe même de ce texte qui ne me paraît pas opportun. J'entends donc m'abstenir sur ce texte.
A l'issue de ce débat, la commission s'est prononcée par un vote sur l'adoption du texte de la proposition de résolution européenne, tel que modifié par le rapporteur.
Par dix voix pour, quatre voix contre, et quatre abstentions, la commission adopte le texte de la proposition de résolution européenne ainsi modifié.
La commission examine le rapport pour avis de MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013 : mission Aide publique au développement (programme 110 « Aide économique et financière au développement» et programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement).
Monsieur le Président, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter, avec Christian Cambon, notre projet d'avis sur le budget de la coopération pour 2013.
Comme vous le savez, il s'agit de la mission « Aide au développement », qui regroupe un programme du ministère des finances, le 110, et un programme du ministère des affaires étrangères, le 209.
Cette mission s'élève pour 2013 à 3,1 milliards d'euros de crédits de paiement.
Quelques mots sur le sens de ce budget qu'on assimile trop souvent à un budget consacré à la charité internationale. Il s'agit effectivement de la poursuite d'actions de solidarité dans des pays comme Madagascar ou le Mali où l'espérance de vie et la mortalité infantile sont à des niveaux comparables à ceux de la France au début du 19ème siècle.
Ce budget participe également à une politique d'influence. La place de notre pays au Maghreb, par exemple, doit beaucoup au poids de notre coopération dans ces pays qui au demeurant coûte peu au contribuable français, dans la mesure où nous y intervenons essentiellement sous forme de prêts.
Au Maghreb comme ailleurs, cette politique contribue également à une stabilisation de notre environnement géopolitique. Nous avons un intérêt à ce que la situation se stabilise dans ces pays car, en cas contraire, nous serons en premières lignes.
Ce budget contribue enfin, à travers les contributions multilatérales, à mettre sur pieds des politiques publiques à l'échelle mondiale pour traiter des enjeux qui dépassent les frontières nationales comme les pandémies, le réchauffement climatique ou la préservation de la biodiversité.
Ce budget peut contribuer enfin à favoriser les intérêts français en particulier dans les pays émergents où nous essayons de promouvoir notre expertise notamment en matière d'économie verte. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler.
La mission Aide au développement pour 2013 diminue de 12 % en autorisations d'engagement et de 6 % en crédits de paiement. Elle paie sa contribution au redressement des fiances publiques.
Cette diminution est compensée en partie par des recettes extrabudgétaires. Il s'agit notamment des 60 millions d'euros en provenance de la taxe sur les transactions financières auxquels, s'ajouteront les 194 millions d'euros issus de la taxe sur les billets d'avion.
Je voudrais attirer votre attention sur la montée en puissance de ces financements innovants qui sont nécessaires pour contrebalancer la diminution des crédits budgétaires. Il s'agit de nouvelles recettes, mais également de mécanismes dont la portée politique ne doit pas être négligée. On fait ainsi financer les actions en faveur de pays ou de secteurs à l'écart de la mondialisation, par des secteurs qui ont le plus profité de la mondialisation comme les finances ou le transport aérien. Avec une taxe très indolore, quelques euros par billets d'avions, quelques centimes par transactions, on arrive à financer des projets considérables. A termes, si nous arrivons à étendre le principe d'une taxe sur les transactions financières, au niveau européen c'est bien parti et au niveau mondial cela sera plus difficile, nous aurons bâti les fondements d'une fiscalité mondiale redistributive en faveur de politique publique globale dont nous aurons besoin pour maîtriser les effets de la mondialisation.
Dans cette période de restriction budgétaire, la politique de coopération ne pourra pas faire l'objet d'un soutien budgétaire massif, elle doit donc faire preuve d'imagination. Le dispositif de la loi Oudin Santini qui permet de consacrer un centime par m3 d'eau fait partie de ces mécanismes innovants, indolores qui permettent aux collectivités territoriales de mener des actions de coopérations décentralisées. Nous sommes plusieurs ici à soutenir cette coopération décentralisée qui tisse des liens entre les collectivités du Nord et du Sud. J'ai au sein de la délégation aux collectivités territoriales défendu un rapport sur ce sujet qui montre tout l'intérêt de ce type de coopération, mais qui propose également des mesures pour en assurer le développement sans peser sur les finances publiques notamment en étendant aux ordures ménagères le dispositif Oudin Santini.
J'en reviens au budget, la contribution de la TTF permet de considérer qu'il s'agit d'un budget de stabilisation qui se situe à bien des égards dans la continuité des budgets précédents.
On peut relever néanmoins quelques inflexions, dont une augmentation de l'aide bilatérale transitant par les ONG, conformément à l'engagement du président de la République. Plus généralement, le budget affiche une stabilisation, voire une légère augmentation, de la part de l'aide bilatérale notamment en raison de la diminution des contributions au FED.
Il faut toutefois avoir l'honnêteté d'observer qu'il s'agit d'une stabilisation à un niveau historiquement bas.
Nous sommes à un niveau très en deçà de ce qui pourrait nous permettre de remplir l'ensemble de nos engagements internationaux et notamment celui d'atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2015.
Ce n'est pas le cas de l'ensemble des pays de l'OCDE. Ce n'est pas le cas des pays nordiques dont on connaît l'engagement. Ce n'est pas non plus le cas de l'Angleterre qui a défini dans une loi de programmation une trajectoire budgétaire qui devrait lui permettre d'atteindre cet objectif. Le cas de l'Angleterre est d'autant plus significatif que son aide, contrairement à la France, est essentiellement composée de dons. Il y a un certain nombre d'autres engagements internationaux que la France n'arrivera pas à honorer. Nous les recensons dans le rapport afin d'inviter le Gouvernement à ne pas multiplier les promesses qu'il ne pourrait tenir.
Ces dernières années, l'augmentation rapide des prêts de l'AFD a masqué une diminution de 20 à 30 % des dons de l'aide bilatérale. Au regard de l'APD déclarée à l'OCDE, notre contribution progresse, mais cette évolution de la structure de notre aide limite notre capacité à intervenir dans les pays les plus pauvres et les secteurs les moins rentables en particulier au Sahel et dans l'Afrique francophone.
Cette situation, qui se traduit au niveau budgétaire pour 2013 par une évolution dynamique des bonifications de prêts sur le programme 110 et une diminution des subventions sur le 209, conduit à une certaine contradiction entre les objectifs de solidarité -que la coopération française se fixe en donnant priorité à 17 pays pauvres, en se fixant des objectifs dans le domaine de la santé et de l'éducation- et les moyens mis en oeuvre. De ce point de vue, qui est partagée par tous les observateurs, ce budget ne présente pas une inflexion significative.
Autant je crois qu'il faut repousser dans le temps l'objectif des 0,7 %. Non seulement, on n'y arrivera pas, mais y arriver à tout prix en multipliant les prêts n'a pas de sens. Autant, recentrer notre coopération sur les PMA, les Pays les Moins Avancés et sur l'engagement de consacrer 0,15 % du RNB aux PMA, nous semble un bon objectif.
C'est pourquoi nous souhaitons avec mon collègue inviter le Gouvernement à budget constant à essayer au fil du temps de réallouer les crédits de la mission en faveur des subventions aux projets du programme 209. C'est dans ce sens que nous vous proposerons deux amendements, l'un qui vise à supprimer le plafond de la contribution de la TTF au fonds social de développement, l'autre qui vise à transférer 10 millions d'euros du programme 110 au programme 209.
Si on prolonge la réflexion au-delà des aspects strictement budgétaires, il faut prendre en compte les évaluations assez sévères de la Cour des comptes et du cabinet Ernst & Young.
Ces évaluations pointent les faiblesses de la politique de coopération à trois niveaux : l'évaluation, le pilotage et l'allocation des moyens.
La principale conclusion de ces deux études, c'est finalement qu'on ne sait pas mesurer l'efficacité de cette politique. Contrairement à l'idée qu'on s'en fait, ces budgets sont aujourd'hui bien gérés à travers des procédures qui ont été professionnalisées, notamment grâce à l'AFD. En revanche, on ne sait pas mesurer, calculer l'impact concret de nos financements sur le terrain en matière de scolarisation, d'accès aux vaccins, d'accès au réseau d'eau potable, etc. Autrement dit on en sait pas rendre compte des effets produits par nos contributions. C'est ce que nous ne cessons de dire depuis des années et j'ai l'impression que le message est enfin entendu, le ministre s'est engagé à faire tout son possible pour mettre en place un suivi d'indicateur fiable et significatif.
S'agissant de nos contributions multilatérales, je veux redire ici que nous attendons encore l'évaluation de notre partenariat avec le Fonds Européen de Développement. Il s'agit quand même de près de 800 millions d'euros. Et avec le Fonds Mondial de Lutte contre le sida auquel nous versons chaque année 360 millions d'euros. Chaque fois que la France prend un nouvel engagement avec ce type d'institution, le Gouvernement devrait préalablement fournir au Parlement une évaluation des contributions passées. Nous devons savoir notamment si la programmation de ces organismes est conforme aux priorités de la France et si les frais de structures sont maîtrisés. C'est le cas pour ce qui relève du ministère des finances, c'est beaucoup moins vrai du ministère des affaires étrangères.
L'évaluation suppose des moyens et je crois que sur une mission de 3 milliards, nous devons dépenser plus pour évaluer nos actions. Pour cela, les trois organes d'évaluation devraient adopter une programmation conjointe et voir leurs effectifs renforcés. On peut même se demander pourquoi on ne fusionnerait pas ces trois organismes d'évaluation qui font la même chose mais un est à Bercy, l'autre au Quai et le troisième à l'AFD. Je me propose de demander en votre nom à ce que nous puissions le cas échéant demander l'inscription à leurs programmes de telle ou telle évaluation.
Voilà pour l'évaluation. Venons-en à l'allocation des moyens.
Je partage pleinement le point de vue de Jean-Claude sur le décalage entre l'allocation des moyens et les objectifs de solidarité à l'égard de l'Afrique francophone. Quand on consacre moins de 200 millions d'euros de subvention à des projets dans 17 pays prioritaires, on ne peut pas, au niveau de chaque pays, avoir une action structurante. Alors il est vrai qu'à travers l'aide multilatérale et l'aide européenne, nous intervenons fortement dans ces pays, mais c'est une préoccupation de voir la France avec des moyens aussi limités dans des pays stratégiques comme le Niger ou francophiles comme le Mali ou Madagascar. Dans ces pays la France est attendue et elle n'est pas toujours au rendez-vous.
Il est vrai qu'il s'agit d'un budget très contraint, d'une part la France a pris des engagements internationaux auprès de grandes institutions comme la Banque mondiale à laquelle la contribution pour 2013 s'élève à 400 millions d'euros. On ne peut se dédire de ces engagements sans renier le crédit de la France. Ces institutions ont par ailleurs toute leur légitimité et toute leur efficacité pour intervenir de façon massive dans des domaines comme les infrastructures en Afrique ou pour des causes bien identifiées comme la vaccination avec le fonds GAVI. Dans certains secteurs ça n'a pas de sens de rester derrière son drapeau national avec des moyens trop limités. Revenir sur nos contributions nous ferait par ailleurs sortir des organes de programmation de ces institutions. Or toute la stratégie consiste à essayer d'infléchir la programmation de la Banque mondiale, du Fonds africain de développement ou du FED pour qu'ils s'orientent vers les pays prioritaires de la coopération française. Tout cela suppose un vrai pilotage de nos contributions, ce n'est pas sûr que ça soit aujourd'hui vraiment le cas, comme le relève la Cour des comptes. Dans certaines institutions, nous avons par ailleurs considérablement réduit nos contributions. Je pense aux organismes dépendant de l'ONU où nous sommes régulièrement à la 17ème place pour ce qui est des contributions volontaires alors que nous faisons partie des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Comme le disait un ancien chef d'Etat-major de l'armée de terre, « Nous ne pourrons pas voyager longtemps en première avec un ticket de 3ème ! »
Il y aurait sans doute des marges de manoeuvres sur le fonds mondial de lutte contre le sida dans la mesure où ce fonds reçoit une part très significative du programme 209 alors qu'il ne concerne que trois maladies, au demeurant importantes. Les résultats de ce fonds sont, semble-t-il, très satisfaisants, mais en l'état actuel du budget, on peut se demander s'il ne contribue pas à un certain déséquilibre, d'autant plus qu'il existe dans le domaine de la santé d'autres priorités notamment en matière de santé maternelle et infantile. On contribue à hauteur de 360 millions d'euros par an alors que nous disposons de 200 millions d'euros de subvention pour l'ensemble des pays prioritaires.
Je voudrais également souligner le poids croissant des financements en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous ne sommes qu'au début d'une mobilisation mondiale sur le sujet. Cette semaine encore, la Banque mondiale vient de publier un rapport sur les conséquences cataclysmiques de relèvement de la température de la planète. Avec le réchauffement climatique et la biodiversité, le périmètre d'action de cette politique augmente sans que le budget lui n'augmente. C'est une préoccupation à un moment où le fonds vert issu des accords de Copenhague te de Rio+20 va se mettre en place.
J'en viens à l'aide européenne qui m'est chère pour souligner une situation paradoxale.
D'un côté, je crois qu'il faut aller vers un rôle croissant de l'Europe, cela n'a pas de sens de mener 27 ou même 15 politiques de coopération en Mauritanie ou ailleurs, chacun dans son coin. Je suis convaincu de la pertinence de l'échelon européen qui permettra à l'Europe de disposer d'une masse critique dont aucun Etat ne dispose seul aujourd'hui. Cela ne veut pas dire la disparation de coopération bilatérale, mais cela signifie que nous devons aller vers des programmations conjointes. Je me félicite de l'engagement pris par le ministre dans ce domaine. Il y a des expérimentations en cours dans 15 pays. Il nous faudra apprendre à être chef de file dans un pays et pas dans l'autre, dans un secteur et pas dans un autre. Il faudra appliquer le principe de subsidiarité en confiant la gestion d'un budget commun aux équipes les plus efficaces, cela sera parfois la France, parfois les Anglais, ou la représentation de la commission, parfois tous ensemble ou dans des coalitions d'acteurs complémentaires.
D'un autre côté, je constate les difficultés du FED, difficultés de décaissements, le 10ème FED a décaissé seulement la moitié de ses crédits alors qu'il devrait s'achever en 2013. On nous parle dans le même temps d'une augmentation de 30 % pour le 11ème FED. Nous ne disposons d'aucune évaluation de notre partenariat avec ce fonds, mais beaucoup soulignent la rigidité de la programmation et je comprends que seulement 30 % de ces fonds sont consacrés aux 17 pays prioritaires de la coopération française. Tout cela conduit à nous interroger sur la façon dont nous pilotons nos contributions à ce fonds.
S'agissant de notre aide bilatérale, je regrette le niveau très faible de nos moyens en subventions, je constate la diminution de 6 % des crédits de l'aide-projet du programme 209 pour 2013. Ce sont ces crédits qui peuvent aider des pays comme le Mali, le Niger ou la Mauritanie à mettre en place des politiques publiques modernes. Il faut bien avoir à l'esprit que si nous devions intervenir militairement de façon prolongée au Nord Mali, voire dans l'ensemble de la région, ça finira par nous coûter beaucoup plus cher que si nous avions pu grâce à notre coopération, favoriser le développement du Sahel depuis 15 ans. Le conflit Touareg date depuis des décennies, mais la lutte armées est née du sous-développement de ces dix dernières années. La coopération peut être un outil de prévention des conflits et en cela, c'est peut-être un outil bon marché. Il nous faut en tout cas, d'ores et déjà nous préparer à l'après-conflit.
Concernant l'AFD, je crois qu'il faut redire la nécessité de renforcer les capitaux propres de l'AFD. La France a choisi de confier à une banque la gestion de sa coopération. Cette banque est soumise à des ratios prudentiels. Si le niveau de ses fonds propres l'empêche de concentrer ses interventions sur des pays aussi stratégiques que le Maroc ou la Tunisie, il faut augmenter ces fonds propres. L'Etat a prélevé un milliard sur les dividendes de l'AFD depuis 2004, il lui faut aujourd'hui renforcer son capital.
J'ai le sentiment qu'il faut également poursuivre les transferts de compétences au profit de l'AFD. Les deux évaluations soulignent. La Cour des comptes observe que la présence simultanée dans tous les postes diplomatiques d'une agence de l'AFD et service de coopération conduit à renchérir les coûts administratifs de gestion de notre aide. Sur place, on a pu constater avec Jean-Claude que la répartition n'était pas toujours lisible ni pour nous, ni pour nos pays partenaires. On peut peut-être faire mieux avec moins.
S'agissant des extensions géographiques des interventions de l'AFD, en Asie centrale ou en Amérique latine, je pense qu'il nous faut aujourd'hui faire un bilan pour savoir exactement combien ces extensions coûtent, quels objectifs sont poursuivis, avant d'autoriser l'AFD à aller plus loin.
En ce qui concerne le pilotage de cette politique, au niveau du Parlement, il serait souhaitable qu'on nous présente des indicateurs clairs. Il est par exemple regrettable qu'on ne puisse pas obtenir une définition de l'effort financier de l'Etat en faveur de l'Afrique faute d'un accord entre les administrations du Trésor et du Quai d'Orsay sur cette définition. Nous souhaiterions pouvoir suivre, lors du budget, trois agrégats, d'une part, l'aide pilotable, celle sur laquelle on exerce de véritables choix, géographique, sectoriel, d'autre part, l'effort financier de l'Etat par zone géographique, c'est-à-dire la somme des subventions et des bonifications de prêts et, enfin, un agrégat plus vaste qui prenne en compte l'ensemble des financements qui vont vers les pays du sud, avec notamment les investissements des entreprises, les financements innovants, les apports des ONG.
De manière générale, il y a un certain nombre d'indicateurs de moyens qui figuraient dans le document stratégique national qu'on devrait retrouver chaque année dans les documents budgétaires. Il nous faut ensuite des indicateurs de résultats. Ces indicateurs ne sont pas essentiels pour le pilotage de cette politique mais ils sont nécessaires pour expliquer aux Français à quoi sert l'argent public qui est consacré à l'aide au développement. On ne pourra pas continuer comme cela si on ne peut pas communiquer sur ces résultats, les Anglais l'ont bien compris. Ces indicateurs doivent majoritairement être issus de l'analyse des projets effectivement financés par la coopération française et pas d'une extrapolation de statistiques plus ou moins fiables. Le tout devrait aboutir à des documents budgétaires lisibles et fournis dans le temps.
Au niveau de l'exécutif, les deux évaluations soulignent la difficulté de coordination entre la direction du Trésor, du ministère des finances et la direction de la mondialisation du ministère des affaires étrangères et l'absence de structures qui permettent un pilotage politique de l'ensemble de cette politique. En réalité le ministre du développement ne pilote pas les arbitrages budgétaires, ni pour le programme 110 qui dépend du ministère des finances, ni pour le programme 209 qui fait l'objet d'un arbitrage global avec les autres programmes du Quai d'Orsay au niveau du ministre des affaires étrangères.
Les difficultés de coordination entre l'ensemble des acteurs sont nombreuses. On l'a vu pour l'expertise technique, mais cela est vrai sur de nombreux autres sujets, même les plus mineurs, comme les statistiques. C'est pourquoi il faut promouvoir le rôle des organes de coordination comme le Comité interministériel de la coopération internationale, le CICID et le Co-COCID, quitte à en réformer la composition. Si la réorganisation de ces organes de pilotage ne suffit pas, il faudrait alors envisager un redécoupage administratif pour éviter qu'on perde du temps et de l'argent dans des querelles de périmètre et des rivalités de département ministériel.
Dans cet univers administratif fragmenté, plus que jamais le Parlement peut être un lieu de synthèse. C'est pourquoi nous sommes favorables à une loi de programmation sur l'aide au développement. Les deux évaluations que je citais le proposent, le président de la République l'a promis. Le ministre nous invite à la lui demander... Cette loi devrait définir notre stratégie par zone géographique et par grand thème et être accompagnée d'un cadrage budgétaire adapté.
Sous réserve de ces observations, nous vous proposons d'adopter les crédits de ce budget sous réserve de deux amendements que nous allons vous présenter.
Pour ma part ce budget se situe dans la continuité du précédent. Je ne vois donc pas de raison de m'y opposer. Il présente à mon sens les mêmes qualités, les mêmes défauts.
J'aurais aimé avoir des précisions sur la façon dont les projets de la coopération française s'articulent avec ceux des grandes fondations comme celle de Bill Gates.
J'approuve l'avis sincère et équilibré des rapporteurs. Je note la continuité de ce budget avec les précédents pour la regretter. J'aurais souhaité que ce budget donnât des signes d'augmentation de sa contribution à l'aide au développement. Un récent sondage de l'AFD montre que les Français y sont favorables. Je partage la persistance des rapporteurs à demander un effort plus soutenu en matière d'évaluation.
Le renforcement d'évaluation est un élément de la crédibilité de cette politique. Nous l'avons dit hier aux Assises du développement, il est vrai que nous avons une marge de progression importante dans ce domaine. Il reste que la façon dont les universitaires présentent leurs évaluations laisse parfois perplexe.
Il faut obtenir un effort d'évaluation et de quantification des résultats et des impacts. Cet effort doit concerner à la fois la quantité et la qualité des évaluations. Nous devons également obtenir des documents budgétaires lisibles par tous et notamment par le ministre et les rapporteurs.
Malgré les observations sévères des rapporteurs, je voterai ce rapport.
président - La discussion générale est close, je vous propose de présenter vos deux amendements.
Les deux amendements visent à renforcer les subventions du programme 209 en faveur des projets de coopération gérés par l'AFD. Comme il vous a été indiqué, le niveau des subventions gérées par AFD a diminué de 16 % depuis 2006. Ce sont ces crédits qui permettent d'intervenir dans les pays prioritaires tels que le Mali, le Niger, les autres pays de l'Afrique subsaharienne francophone.
Le premier amendement vise à mettre la loi de finances en conformité avec la promesse présidentielle d'affectation de 10 % du produit de la taxe sur les transactions financières à l'aide au développement.
La France milite depuis cinq ans pour instaurer au niveau international une taxe de solidarité internationale sur les transactions financières. Elle a créé un groupe de travail de haut niveau pour faire avancer ce dossier à l'ONU, au FMI, et au G20. Au plan européen, il y a bon espoir qu'une procédure de coopération renforcée puisse permettre d'aboutir en 2013 à une taxe européenne sur les transactions financières.
Dans ce contexte la France doit montrer l'exemple. Lors du Sommet de Rio en juin dernier, le président François Hollande a indiqué qu'il s'engageait à ce que les recettes de cette taxe soient, « pour une grande partie », reversées aux objectifs de développement.
Le PLF 2013 constitue une occasion de traduire ces promesses et d'asseoir la crédibilité de la démarche française sur une taxe dont la vocation est d'être internationale. Compte tenues de la nécessité de redresser les finances publiques, il a été décidé de n'affecter que 10 % du produit de cette taxe au Fonds de solidarité pour le développement (FSD).
Toutefois à l'issue des négociations budgétaires, le projet d'article 26 du PLF 2013 a intégré, outre un échelonnement complexe des crédits de paiement et des autorisations de programme, un plafonnement du dispositif à 60 millions d'euros.
Aussi, en 2013, la part du produit de la taxe effectivement affectée au FSD ne sera que de 3,75 % du produit attendu (1,6 milliard d'euros). Sur les trois années 2013, 2014, 2015, quels que soient les revenus de la TTF française, le cadre proposé est conçu pour que l'affectation au développement ne dépasse pas 160 millions d'euros.
Le présent amendement vise à supprimer ce plafond pour 2013, afin que la part affectée au FSD soit bien de 10 % du produit de la taxe.
Enfin dernier argument, nos collègues des finances, M. Collin et Mme Keller, sont sur la même position que nous et défendront un amendement similaire. Nous pensons ainsi à quatre arriver à convaincre le rapporteur général et le Sénat. Au-delà, cela dépendra de la suite.
Ce deuxième amendement tend à réallouer 10 millions d'euros de crédits du programme 110, action n° 01 Aide économique et financière multilatérale au profit de l'action n° 2 Coopération bilatérale du programme 209.
La part de l'aide au développement française, qui transite par les instances multilatérales et européennes, est passée de moins de 26 % en 2006 à plus de 40 % en 2010.
Dans le même temps, au sein de l'aide bilatérale, les crédits de dons du programme 209 qui financent des projets de coopération gérés par l'AFD ont diminué de 16 % depuis 2006. Les subventions consacrées à des projets de coopération dans les 17 pays pauvres prioritaires sont en deçà de 10 millions par pays, c'est-à-dire un millième de l'APD déclarée de la France.
Cette diminution des moyens d'intervention de la coopération française a longtemps été masquée par la progression des prêts. Cependant les pays pauvres prioritaires qui sortent d'un processus de désendettement ont de faibles capacités d'emprunt.
Comme l'ont souligné la Cour des comptes et le cabinet Ernst & Young, il y a un problème d'allocation des moyens budgétaires par rapport aux priorités de la coopération française et notamment par rapport à l'Afrique subsaharienne francophone.
Cet amendement, qui prélève 10 millions sur les 673 millions de crédits de paiements de l'action multilatérale du programme 110, vise à amorcer, à budget constant, un rééquilibrage en faveur de l'aide bilatérale et au sein de l'aide bilatérale au profit des subventions aux projets de coopération destinées aux 17 pays pauvres prioritaires.
La commission a adopté à l'unanimité les deux amendements et l'avis des rapporteurs.
La commission examine l'amendement de M André Vallini et Mme Joëlle Garriaud-Maylam à l'article 48 état D du projet de loi de finances pour 2013.
Nous avons hier adopté le rapport pour avis de M. André Vallini et de Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur les crédits de la mission « Médias » en soulignant la nécessité d'utiliser une partie du produit de la redevance qui résultera, nous l'espérons, du vote en première partie de la loi de finances pour 2013 de l'amendement adopté par la commission de la culture augmentant de 2 € le montant de la redevance, à l'audiovisuel extérieur.
J'ai souhaité que nos rapporteurs puissent préparer un projet d'amendement et qu'ils le présentent en commission pour recueillir votre soutien et, si vous en approuvez la rédaction, que celui-ci devienne un amendement de notre commission.
Bien entendu, le dépôt de cet amendement ne sera effectué qu'après l'adoption de l'amendement sur le montant de la redevance en première partie. Il est actuellement, faute de contrepartie, passible de l'article 40.
M. André Vallini et Mme Joëlle Garriaud-Maylam m'ont transmis le texte de leur amendement qui propose d'inscrire + 4,2 millions d'euros au titre la « Contribution au financement de l'action audiovisuelle extérieure » à l'article 48 état D en prélevant sur le produit supplémentaire de la contribution à l'audiovisuel public qui résultera, s'il est adopté, de l'amendement de la commission de la culture qui prévoit une augmentation de son taux de 2 €. Cette augmentation devrait produire 50 millions d'euros de ressources complémentaires.
L'amendement est adopté à l'unanimité
- Présidence de M. Jean-Claude Peyronnet, vice-président -
La commission examine le rapport pour avis de Mme Leila Aïchi et M. Alain Gournac sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013 : mission Action extérieure de l'Etat (programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde »).
Au sein de la mission « Action extérieure de l'État », le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », qui en est le coeur, regroupe, avec 1,7 milliards d'euros, le tiers des crédits et la moitié des emplois du ministère des affaires étrangères. Programme hybride, il est constitué des contributions aux organisations internationales et des crédits de fonctionnement du réseau diplomatique et du Quai d'Orsay. Alors que la mission diminue de 2,4 %, le programme augmente de 4,7 %. Mais cette croissance « optique » résulte des contributions internationales, pour 846 millions d'euros, poussées à la hausse par un effet-change défavorable.
En fait, les marges de manoeuvre sont très faibles :
- côté organisations internationales, malgré une politique de « zéro croissance » des budgets des 72 organisations financées, il y a peu « d'oxygène » à attendre. La renégociation des quotes-parts à l'ONU nous fera gagner tout au plus 10 millions d'euros. Je rappelle qu'en raison des modes de calcul, la France contribue plus à l'ONU que la Chine, l'Inde et la Russie réunies.
De même, la « revue stratégique » des 16 opérations de maintien de la paix, qui coûtent à la communauté internationale près de 8 milliards de dollars par an, permettra, au mieux, d'économiser 64 millions de dollars pour la France. En 2013, la France versera 441 millions d'euros pour financer les quelque 100 000 casques bleus. Quand on voit ce qui se passe en République démocratique du Congo, on est parfois en droit de se demander quelle est l'efficacité de certaines opérations ;
- côté dépenses du Quai d'Orsay, le gouvernement a fait des choix en préservant certaines lignes budgétaires comme l'informatique ou la sécurité. Les autres crédits baissent ; 600 emplois seront « rendus » sur 3 ans. Au total, ce sont 18 % des effectifs qui auront disparu en 15 ans : rude choc pour un « petit » ministère de seulement 14 000 agents.
Vous savez que le Quai d'Orsay a lancé un programme de rationalisation de son parc immobilier, ample, disparate, et donc couteux, à Paris comme à l'étranger, où il bénéficie, à titre dérogatoire, de 100 % du produit des cessions. Ce mécanisme est assez pervers : outre que la « vente des bijoux de famille » n'est pas soutenable indéfiniment, elle s'accompagne d'une telle insuffisance des crédits d'entretien lourd que les produits des cessions sont peu à peu utilisés pour l'entretien lourd, voire courant... Les ventes sont soumises aux aléas du marché immobilier, ce qui rend difficile la programmation des travaux. En 2013, le Quai cherchera des regroupements dans les capitales où existent plusieurs représentations, comme Bruxelles, Vienne, Londres, Madrid, ou Rome.
Dans le contexte de l'attentat contre l'ambassadeur américain à Benghazi, nous nous sommes intéressés particulièrement à la sécurisation de nos implantations diplomatiques. Je le dis d'emblée : les hauts responsables du Quai d'Orsay affirment qu'on ne peut atteindre le « risque zéro » avec les seuls dispositifs de sécurité, et que c'est aussi le renseignement qui permet d'anticiper la menace. Néanmoins, il faut que nos dispositifs soient les plus performants possibles. Face à la menace terroriste, la sécurité de nos diplomates demeure une priorité. Il en va de notre responsabilité.
Laurent Fabius nous a dit que les crédits de sécurité étaient sa priorité, avec une hausse de 23 %, soit 6 millions d'euros de plus, et un total de 16 millions d'euros. Un examen plus attentif montre qu'il s'agit en fait de ce qu'on appelle un « rebasage », c'est-à-dire, dans un effort de sincérité, d'un réajustement des dotations au niveau des besoins réellement constatés les années précédentes. Car la montée des risques et l'explosion des prix ont déjà nécessité des « rallonges » ces dernières années. Peu importe, c'est une priorité justifiée et ce re-calibrage permettra de mieux programmer les opérations.
La montée des menaces est rapide : dans certains postes qui venaient d'être mis à niveau on a dû reprendre les travaux, comme à Nouakchott ou la tentative d'attentat d'AQMI a mis en oeuvre en février 2011 un véhicule avec 1,7 tonne d'explosifs...
Le Quai d'Orsay poursuit parallèlement une réforme des gardes de sécurité diplomatiques qui permettent, grâce à des travaux de sécurité passive, de redéployer des postes vers des zones de crise. En effet, 15 ambassades sur 158, 82 consulats sur 96 et 13 représentations permanentes sur 17 sont aujourd'hui dépourvus de gardes de sécurité. En 2013, sont prévus des travaux dans nos ambassades au Pakistan, en Iran, en Afghanistan, au Mali, en Mauritanie et au Liban.
J'interviendrai sur trois points : le réseau diplomatique, la diplomatie d'influence et le centre de crise.
La réflexion sur l'évolution de notre réseau diplomatique, désormais le 3ème du monde derrière les États-Unis et la Chine, vient d'être relancée par le Gouvernement. Le constat est bien connu : nous avons un réseau exceptionnel, universel, à la mesure de notre ambition de rayonnement international, mais, fruit de l'histoire, c'est plus un réseau « d'héritage » qu'un réseau « d'avenir ».
Dans les « grosses » ambassades au format « d'exception » figurent toujours, à côté des États-Unis ou de l'Allemagne, des pays comme le Sénégal, le Maroc ou encore Madagascar. Aucune trace des émergés ou des émergents qui tirent le commerce mondial comme la Chine, l'Inde, la Russie, le Brésil, ou la Corée du Sud... Nous avons en Chine moins de personnel diplomatique qu'au Maroc, en Russie moins qu'au Sénégal, en Corée du Sud, quatre fois moins d'agents qu'à Madagascar... Nous avons commencé le rééquilibrage ces dernières années, mais, à enveloppe constante, le mouvement est douloureux : il s'effectue à dose homéopathique.
La diplomatie économique c'est aussi avoir ses « pions » placés aux bons endroits, et d'ailleurs -je fais une incidente- s'assurer qu'ils se coordonnent bien et travaillent en réelle synergie, autour d'un ambassadeur qui soit une réelle « tour de contrôle », suivant l'expression consacrée, de tous les acteurs publics.
Sans parler du « pivot » américain, le Foreign Office, comparable au Quai d'Orsay, vient de se doter d'une doctrine concernant 20 pays émergents, parmi lesquels l'Indonésie, le Mexique, la Turquie ou les monarchies du Golfe. Le réseau devrait être réorganisé, avec l'ouverture de 7 consulats en Chine, Inde et Brésil, et un renforcement des effectifs de 300 agents, par redéploiement, dont 50 en Chine et 30 en Inde, avec une priorité donnée à l'expertise dans les domaines économiques et commerciaux. Il y a là matière à réflexion.
Laurent Fabius a lancé 3 missions d'étude sur le réseau diplomatique et consulaire, dont nous avons rencontré les responsables. La doctrine n'est pas encore établie, malgré une priorité affichée pour les nouveaux émergents, et la réflexion est pour l'instant fragmentée. L'idée est de partir des missions pour éviter les coupes « aveugles ». Laissons au Gouvernement le bénéfice du doute, dans l'attente de ses propositions au début 2013. Nous suivrons naturellement ce dossier avec la plus grande attention. En tout état de cause, la tâche n'est pas facile car il faudra trouver 600 emplois en 3 ans. J'ai pu observer comment, dans les pays du Golfe, nous pouvions perdre des marchés faute d'être présents là où certains États, comme le Brésil par exemple, étaient au contraire en phase d'expansion de leur réseau...
J'ai été particulièrement attentive à l'évolution des crédits d'influence que sont les crédits de coopération de défense. Ils sont touchés par la baisse de 7 %, et diminueront même de 15 % sur les 3 prochaines années. Je comprends ce choix budgétaire, compte tenu des autres priorités à financer, mais je regrette qu'on accélère ainsi un recentrage forcé sur les quelques missions les plus essentielles. La coopération de défense et de sécurité, coopération « structurelle », est un réel outil d'influence et de prévention des conflits. En aidant les pays partenaires à structurer, dans le long terme, leurs élites militaires, elle contribue au maintien de la paix et au renforcement de leurs capacités à assumer des missions de protection civile, comme la lutte contre les catastrophes naturelles, le déminage, la dépollution...
Ces crédits (32 millions d'euros en 2013) ont un fort effet de levier et permettent d'agir à grande échelle, en partenariat avec 139 autres états ou organisations internationales, dans des régions particulièrement sensibles comme la zone Sahélienne, où le renforcement des capacités des États à lutter contre la menace terroriste est un enjeu vital pour la stabilité de la région. L'impact d'un directeur des études français dans une école régionale africaine de maintien de la paix est considérable rapporté aux crédits budgétaires nécessaires pour le financer. L'enjeu est de mettre les pays partenaires en situation de traiter des enjeux tels que le terrorisme islamique, la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants, l'insécurité des flux maritimes....
Ce sont des problématiques auxquelles je suis particulièrement sensible : les forces armées peuvent remplir, notamment en Afrique, des missions de sécurité civile au service des populations et de la préservation de l'environnement qui me paraissent particulièrement utiles.
Enfin, nous sommes allés visiter le centre de crise du Quai d'Orsay, qui gère toutes les situations d'urgence : rapatriements, catastrophes naturelles, mais aussi situations personnelles comme les enlèvements, et les otages. Nous avons longuement échangé avec le Directeur et les personnels, qui nous ont impressionnés par leur professionnalisme et leur réactivité. Vous trouverez dans notre rapport écrit des détails sur l'activité du centre, sur les enjeux juridiques de son cadre d'intervention. Je voulais souligner que son budget, modeste (2 millions d'euros) est maintenu en 2013, mais ne lui permet pas de satisfaire tous ses besoins opérationnels. Le manque d'un hôpital de campagne facilement projetable, en complément des moyens plus lourds dont dispose le ministère de la défense, comme les antennes chirurgicales, se fait cruellement sentir. Comme nous avons la responsabilité, en tant que commission, d'assurer le redressement de nos comptes publics, j'envisage de déposer en mon nom personnel un amendement d'appel sur ce sujet, qui visera à provoquer une discussion, qui sera fructueuse, je l'espère, au sein du quai d'Orsay, sur cette dépense de 1 million d'euros. Les crédits seraient redéployés depuis les autres programmes de la mission.
Je vous proposerai d'émettre un avis favorable pour l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
Je conclus cet exercice « à deux voix » en me félicitant à mon tour de l'action remarquable du Centre de crise, et en appuyant la demande pour un « Hôpital de campagne » qui me parait indispensable. Nous avons évoqué pendant notre visite sur place la question de la protection consulaire européenne, dont vous trouverez les détails dans le rapport écrit. En deux mots et pour terminer, il me semble important d'aller vers un meilleur partage du fardeau : dans la mesure où la France est plus présente dans les pays tiers où nous protégeons mieux nos ressortissants que beaucoup d'autres États membres, nous sommes très souvent « nation pilote » pour les rapatriements. Pourquoi ne pas confier à l'Union européenne la responsabilité d'être la porte d'entrée, voire de disposer de capacités aériennes propres, - nous avons entendu parler de 2 Airbus- comme c'est le cas pour la lutte contre le feu ?
J'insiste, enfin, sur le rôle très important des ambassadeurs pour impulser cette nouvelle approche économique pour notre diplomatie. Lors de nos déplacements, certains nous disent encore que l'économie n'est pas leur souci premier.
Nous devons être créatifs ; j'en veux pour preuve l'amendement que la commission des finances vient d'adopter supprimant la moitié des ambassadeurs thématiques, suivant une démarche que j'avais initiée ces dernières années, sans être suivie jusque là. Pour le réseau, nous devons être inventifs pour permettre des redéploiements de personnels. Si nous ne pouvons que soutenir politiquement l'ambition, portée par Laurent Fabius, de développer notre diplomatie économique, comment ne pas regretter le manque de coordination de nos moyens ? L'ambassadeur doit naturellement être le chef d'orchestre du dispositif économique. Nous avons, il faut le dire, de grosses difficultés à obtenir une évaluation objective de l'action d'UbiFrance. Dans ces conditions, les entreprises ne sont pas bien soutenues, nous perdons des marchés pour des raisons que nous pourrions éviter. Je m'apprête d'ailleurs à déposer une série d'amendements sur ce sujet.
Au sujet de l'amendement évoqué par Madame Aïchi, sur l'hôpital de campagne du Centre de crise, j'aimerais préciser que les crédits qui ne seraient pas dépensés en 2013 sur le programme « Français de l'étranger » pour organiser les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger, si celles-ci sont repoussées, devraient, à mon sens, être plutôt reportés sur les bourses scolaires dont bénéficient les élèves du réseau d'enseignement français à l'étranger. D'ailleurs, même si les élections sont reportées, d'inévitables opérations de préparation nous amèneront sans doute à consommer, ne serait-ce que partiellement, cette ligne budgétaire.
J'envisage aussi de proposer le redéploiement des crédits nécessaires à l'hôpital de campagne du centre de crise depuis le programme 185. Il s'agit, je le rappelle, d'un amendement d'appel.
L'implication plus ou moins forte de l'ambassadeur en matière économique dépend beaucoup de sa qualité propre. J'estime qu'il faut se soucier davantage des PME que des grandes entreprises pour le soutien à l'exportation. Nous devrions nous inspirer de l'organisation allemande.
Nous connaissons tous dans nos circonscriptions des petites entreprises qui n'osent pas se lancer à l'export. Il y a beaucoup à faire. Pourquoi ne pas développer le « portage » à l'export des petites entreprises par les plus grandes ?
La pertinence du dispositif UbiFrance n'est pas toujours avérée. En Algérie par exemple, j'ai pu observer, lors d'un déplacement, que la dimension politique était déterminante pour les échanges commerciaux, et que la réponse « UbiFrance » n'était pas forcément la meilleure. Les entreprises allemandes ont un avantage comparatif : à l'export elles n'ont qu'un seul guichet, là où, en France, les garanties de la COFACE transitent par des établissements financiers, ce qui multiplie les intervenants et renchérit les coûts.
Nous devons être plus offensifs et demander des échéances au gouvernement sur cette question de la diplomatie économique, que nous devons suivre tout au long de l'année, sinon rien ne se passera.
Je tenais à préciser que je voterai en faveur de l'adoption des crédits du programme que nous examinons, de même que pour les crédits consacrés à l'aide au développement.
Je ferai de même. L'économie allemande bénéficie d'un réseau de petites entreprises de taille plus importante qu'en France. S'il est utile d'appuyer les grandes entreprises, il faut surtout aider les PME et, pourquoi pas, confier aux premières le soin d'entraîner les secondes à l'export ? En tant que président de la Caisse des Français de l'étranger, je voulais vous faire part d'une tendance qui pousse à l'optimisme : la part des petites entreprises dans les adhérents de la caisse, bien qu'encore minoritaire, est en augmentation.
Développer le lien entre les PME françaises et celles créées dans les pays étrangers par des Français serait à mon avis très positif. J'estime en outre que l'Assemblée des Français de l'étranger est un réservoir d'expertise et de connaissance du terrain qu'il faut mieux utiliser. Ses conseillers connaissent en particulier les subtilités législatives des pays de résidence.
Je peux témoigner d'avoir agi, par le passé, auprès de grands groupes pour qu'ils soient des portes d'entrée pour les PME sur les marchés extérieurs où ils étaient déjà positionnés. Cette démarche donnait des résultats très positifs.
Puis la commission a émis un avis favorable, à l'unanimité, à l'adoption des crédits du programme 105 au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».
La commission examine le rapport pour avis de MM. Jean-Marc Pastor et Robert del Picchia sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013 : mission Action extérieure de l'Etat (programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».
Je souscris, tout d'abord, aux propos tenus ce matin sur le décalage entre l'étendue de notre réseau diplomatique et consulaire et nos moindres performances sur le plan de la diplomatie économique. Au sein de la mission « Action extérieure de l'État », l'enveloppe du Programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » avec 357 millions d'euros, peut sembler modeste, mais ce programme est très important car il constitue, par l'aide apportée aux communautés françaises à l'étranger, un outil de pilotage de notre rayonnement international et, potentiellement, économique. Au-delà de l'aspect sécuritaire, essentiel avec la montée des crises, ce programme répond aux deux questions déterminantes que se pose tout candidat à l'expatriation : y aura-t-il un consulat à proximité et une école pour les enfants ?
Si les crédits sont en diminution de 3,1 %, c'est du fait de la suppression des crédits pour les élections de 2012 et de la prise en charge des frais de scolarité des lycéens, la PEC. Je ne reviens pas sur les arguments qui ont conduit le Gouvernement à supprimer la PEC dans le collectif de cet été : il a estimé que la prise en charge était une mesure coûteuse, non financée dans le long terme et inéquitable, 7 % des élèves se répartissant 25 % de l'aide, sans condition de ressources. Cette analyse n'est pas partagée par tous dans cette salle ; nous avons eu l'an dernier des échanges approfondis sur le sujet. Nous avons choisi, avec Robert del Picchia -et je l'en remercie-, de regarder vers l'avant et non vers le passé pour l'examen des crédits 2013.
Sur les 3 chantiers engagés par le Gouvernement pour 2013, j'aimerais insister sur l'adaptation du réseau consulaire, qui est lourd d'enjeux pour les 2 millions de Français vivant à l'étranger, pour les 23 millions qui y voyagent chaque année, mais aussi pour l'économie française.
Le réseau, qui compte 92 consulats et consulats généraux, et 135 sections consulaires d'ambassades, est de plus en plus sous tension :
- les nombre des français expatriés a augmenté de 60 % en dix ans, avec des taux de croissance annuels de 10 % en Asie ;
- la protection consulaire offerte par la France, est la plus large du monde et les actes se complexifient, avec la biométrie pour les papiers d'identité : plus de 2 millions de documents d'état civil sont établis chaque année ; des tâches nouvelles s'ajoutent comme l'organisation des élections des députés français de l'étranger ;
- la demande de visas pour la France est en forte croissance : 2,5 millions de visas ont été accordés en 2011.
Ces évolutions se sont traduites dans le réseau, qui s'est adapté, 15 consulats ont été fermés en 10 ans, majoritairement en Europe, comme à Liège et Anvers. De nouvelles méthodes ont été expérimentées : pôles consulaires régionaux, externalisation, redéploiement vers les postes les plus saturés (6 agents ont ainsi été redéployés en 2012) ... pourtant l'engorgement persiste dans les pays émergents. Cet été, le consulat de Shanghai a tiré la sonnette d'alarme. Face à une demande de visas qui explose, dans une circonscription qui représente le quart du PIB chinois, nos capacités trop étroites créent un goulot d'étranglement : nous n'avons que 16 agents au consulat, il faut 8 semaines pour avoir un rendez vous, 10 000 demandes sont rejetées avant examen, faut de capacité à les traiter... Tous les autres pays se renforcent dans la compétition pour attirer des touristes qui dépensent plus de 1 200 euros par séjour : américains et désormais britanniques sont à 70 personnes, soit un triplement de leurs effectifs, et même les italiens, qui ont le double de postes par rapport à nous, tirent profit de notre sous-effectif. C'est un manque à gagner considérable : les touristes chinois contribuent pour un tiers au chiffre d'affaire des grands magasins parisiens. On estime le coût d'opportunité d'un emploi non créé au consulat à 340 000 euros de recettes perdues chaque année pour le budget de l'État et à 8 millions d'euros pour l'économie française. La situation est similaire, dans une moindre mesure, à Moscou, en Australie, aux Émirats arabes Unis, ou au Qatar...
Le Gouvernement propose la création de 25 postes en 2012 pour les visas, et de 75 postes en 3 ans, alors que les effectifs du ministère des affaires étrangères vont globalement baisser de 600, un rythme nettement inférieur à celui de la RGPP. N'oublions pas que l'activité « visa » est excédentaire pour le budget de l'État, elle a rapporté 70 millions d'euros en 2011.
C'est une bonne décision, mais qui n'est qu'une partie de la solution. Une réflexion est lancée sur l'évolution du réseau consulaire, confiée à l'ambassadeur LEQUERTIER, que nous avons rencontré : ses propositions sont attendues début 2013. Certaines pistes semblent intéressantes, comme déployer des services consulaires en ligne ou introduire des procédures accélérées dans certains cas. Au-delà des questions de fermeture-ouvertures éventuelles de consulats, qui vont nécessairement se poser, il faut simplifier, pour tous les postes, les procédures et moderniser les outils, sinon on ne s'en sortira pas. D'ailleurs, l'expérimentation récente de la valise « Itinéra », qui permet d'apporter le service auprès des communautés françaises lorsqu'elles sont loin des consulats, me parait intéressante.
J'évoquerai deux sujets d'actualité qui tiennent particulièrement à coeur des Français de l'étranger. Le premier est celui de la réforme de l'aide à la scolarité. Je prends acte de la suppression de la PEC, à laquelle, vous le savez, je me suis opposé, non sans regretter qu'on nous ait promis, au moment de sa suppression, que l'enveloppe des crédits d'aide à la scolarité serait maintenue, alors qu'il faudra en fait attendre 2015 pour revenir au même niveau de dotation qu'en 2012, soit 125 millions d'euros. Je rappelle que plus de 7 500 familles bénéficiaient de la prise en charge.
Le Gouvernement a engagé une réforme du système des bourses, en vue de la prochaine rentrée de septembre 2013 pour le rythme Nord et de janvier 2014 pour le rythme Sud. Je rappelle qu'en 2012, la dotation initiale des bourses était de 93 millions d'euros, pour environ 24 000 bourses. Les crédits sont portés en 2013 à 110 millions d'euros de crédits.
Nous avons regardé de près les nouveaux critères d'attribution proposés par le Gouvernement, basés sur le calcul d'un « quotient net réel » par part, en parité de pouvoir d'achat. Mais les derniers arbitrages sont encore en cours, ce qui rend l'appréciation assez difficile car nous n'avons pas encore tous les paramètres, et ce malgré nos demandes répétées. La ministre nous a dit ici même que 300 familles nouvelles entreraient dans le dispositif ; certaines vont sans doute en sortir. Il y aura aussi des effets importants pour les bénéficiaires actuels.
Je partage une partie des objectifs de la réforme, comme de recentrer les bourses à 100 % sur les revenus très modestes, mais je serai très vigilant sur l'application, et en particulier sur la « contribution additionnelle » des élèves. Introduite sous forme d'abattement de 1 à 2 % sur le droit à bourse, elle ressemble fort, à mon avis, à un « ticket modérateur » qui ne dit pas encore son nom.
Il ne faudrait pas qu'il augmente avec le temps et ne serve, au prétexte d'assurer la « soutenabilité » financière du système, à un report de charge supplémentaire sur les élèves, ou à la régulation de la dépense, compte tenu de la croissance de 13 % par an en moyenne ces dernières années. Les familles subissent une augmentation importante, année après année, des frais d'écolage, et elles ne correspondent pas toutes, loin de là, à l'image d'Épinal de l'expatrié privilégié qui pourrait payer ses écoles....
A cet égard, je souligne que la crise n'épargne pas nos compatriotes à l'étranger. La France est un des rares pays à mettre en oeuvre un dispositif consulaire d'aide sociale, doté de 19,8 millions d'euros, qui bénéficie à près de 5 000 Français. On peut regretter que cette enveloppe n'augmente pas, contrairement au nombre des Français à l'étranger et à leurs difficultés, qui sont croissantes.
Deuxième sujet, la réforme de l'Assemblée des Français de l'étranger, l'AFE. Je le dis depuis longtemps : si nous devions aujourd'hui dessiner l'Assemblée des Français de l'étranger, elle ne se ressemblerait pas. Elle ne serait pas présidée par le ministre des Affaires étrangères, mais par un membre élu en son sein ; elle ne serait pas facultativement, mais obligatoirement consultée sur les questions relatives aux Français de l'étranger. Elle ne mélangerait pas élus et personnalités qualifiées.
Cette conviction, désormais largement partagée, a amené le Gouvernement à relancer la réforme de l'AFE, dans la foulée de l'élection des 11 députés des Français de l'étranger. La commission des lois de l'AFE a fait, en septembre dernier, des propositions, à l'unanimité, pour étendre son pouvoir consultatif, notamment aux modifications du réseau consulaire, pour élire son président, pour rapprocher les élus consulaires des communautés françaises en introduisant la proportionnelle, et en accroissant leur rôle aux côtés des ambassadeurs.
J'espère que le projet du Gouvernement tiendra largement compte de l'avis adopté à l'unanimité par l'AFE. La ministre déléguée nous a dit ici même en audition qu'elle ferait des propositions avant la fin novembre ; il nous reste donc encore quelques jours pour en prendre connaissance.... La réforme devra être menée à budget constant : je souligne que les moyens de l'AFE, à 3,4 millions d'euros en 2013, seront préservés jusqu'en 2015.
A l'issue de cet examen, je voterai pour les crédits du programme 151, au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».
Au sujet des visas, je voulais connaître quelle suite avait été réservée aux propositions que notre ancien collègue Adrien Gouteyron avait formulées dans un rapport d'information : a-t-on en particulier assoupli la procédure d'examen ?
Votre exposé m'intéresse tout particulièrement. Il touche près de 2 millions et demi de nos compatriotes à l'étranger, même si ce chiffre n'est qu'une estimation, compte tenu de l'absence d'obligation, que je regrette, d'une inscription au registre des Français de l'étranger. Dans certains pays, d'ailleurs, comme la Suisse, l'inscription est quasiment obligatoire. Nous devrions nous en inspirer. Parmi les nombreux sujets abordés ce matin, j'apprécie tout particulièrement les propos de notre collègue del Picchia sur la situation réelle des Français à l'étranger, qui ne sont pas tous, loin s'en faut, de richissimes émigrés fiscaux -qui ne sont que quelques milliers-, mais qui rencontrent, au contraire, des difficultés croissantes. Les crédits d'aide sociale, que notre pays s'honore à être un des seuls à dispenser à ses expatriés, n'ont pas augmenté depuis plusieurs années malgré cette paupérisation croissante, non seulement en Afrique, mais aussi en Amérique du Sud ou en Asie.
C'est en 1948 que notre pays, avec le Conseil supérieur des Français de l'étranger, a été le premier au monde à assurer la représentation de ses communautés expatriées. Les projets de réforme de l'Assemblée des Français de l'étranger me semblent quasiment finalisés et j'avoue que je m'interroge sur la réelle prise en compte des souhaits formulés par l'AFE. Je n'étais pas, vous vous en souvenez, favorable à la création des onze députés des Français de l'étranger, dont la nature des circonscriptions ne me semblait pas propice à un bon exercice de leur mandat...
Pouvez-vous nous préciser les changements intervenus, notamment à Vienne, dans la gestion des demandes de passeports : comment les tâches ont-elles été rationnalisées ?
Je souligne à mon tour que l'augmentation des crédits n'a pas suivi celle du nombre de Français à l'étranger. Pour la réforme de l'AFE, la concertation s'engage et le Bureau de l'Assemblée doit être saisi en décembre. Pour les bourses scolaires, nous souhaitions qu'il n'y ait pas de sortie brutale du dispositif, tout comme nous avons veillé à minimiser les conséquences pour les familles de la fin de la prise en charge à compter d'août dernier.
Sur la question des visas, les évolutions très rapides de ces dernières années ont considérablement changé la donne, notamment avec le développement rapide de la biométrie. Un avis positif de la CNIL nous permettra bientôt d'étendre les expérimentations d'une externalisation de la collecte. La gestion des flux de demandes de visas a été modernisée, comme par exemple avec la constitution de pôles consulaires, comme à Vienne, qui traitent les demandes des pays alentour. Il est en effet impératif de moderniser nos méthodes de travail. Les ministres des affaires étrangères et de l'intérieur ont d'ailleurs mandaté une mission de réflexion sur l'accueil des demandeurs de visas, qui devrait remettre ses propositions sous peu.
Pour l'inscription au registre, votre réflexion rejoint celle que j'ai menée il y a quelques années consistant à rendre obligatoire -et payante, pour une somme modique, mais très symbolique - l'inscription au consulat, en contrepartie d'une assurance rapatriement, ce qui faciliterait considérablement la localisation des ressortissants en cas de crise notamment. Je pense que si nous développons les services consulaires en ligne, et si nous facilitons les préinscriptions en ligne, nous devrions logiquement voir le nombre d'inscrits augmenter.
Le projet de réforme de l'AFE serait, d'après mes informations, actuellement soumis à l'arbitrage du Premier ministre. Il serait donc quasiment finalisé.
Je souligne que les visas rapportent chaque année des recettes nettes au budget de l'État : c'est une activité profitable.
Puis la commission donne, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 151 « Français de l'étranger et affaires consulaires ».
Puis la commission adopte à l'unanimité un avis favorable sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat ».