Intervention de Jean-Marc Pastor

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission action extérieure de l'etat programme « français à l'étranger et affaires consulaires » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Marc PastorJean-Marc Pastor, co-rapporteur pour avis :

Je souscris, tout d'abord, aux propos tenus ce matin sur le décalage entre l'étendue de notre réseau diplomatique et consulaire et nos moindres performances sur le plan de la diplomatie économique. Au sein de la mission « Action extérieure de l'État », l'enveloppe du Programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » avec 357 millions d'euros, peut sembler modeste, mais ce programme est très important car il constitue, par l'aide apportée aux communautés françaises à l'étranger, un outil de pilotage de notre rayonnement international et, potentiellement, économique. Au-delà de l'aspect sécuritaire, essentiel avec la montée des crises, ce programme répond aux deux questions déterminantes que se pose tout candidat à l'expatriation : y aura-t-il un consulat à proximité et une école pour les enfants ?

Si les crédits sont en diminution de 3,1 %, c'est du fait de la suppression des crédits pour les élections de 2012 et de la prise en charge des frais de scolarité des lycéens, la PEC. Je ne reviens pas sur les arguments qui ont conduit le Gouvernement à supprimer la PEC dans le collectif de cet été : il a estimé que la prise en charge était une mesure coûteuse, non financée dans le long terme et inéquitable, 7 % des élèves se répartissant 25 % de l'aide, sans condition de ressources. Cette analyse n'est pas partagée par tous dans cette salle ; nous avons eu l'an dernier des échanges approfondis sur le sujet. Nous avons choisi, avec Robert del Picchia -et je l'en remercie-, de regarder vers l'avant et non vers le passé pour l'examen des crédits 2013.

Sur les 3 chantiers engagés par le Gouvernement pour 2013, j'aimerais insister sur l'adaptation du réseau consulaire, qui est lourd d'enjeux pour les 2 millions de Français vivant à l'étranger, pour les 23 millions qui y voyagent chaque année, mais aussi pour l'économie française.

Le réseau, qui compte 92 consulats et consulats généraux, et 135 sections consulaires d'ambassades, est de plus en plus sous tension :

- les nombre des français expatriés a augmenté de 60 % en dix ans, avec des taux de croissance annuels de 10 % en Asie ;

 - la protection consulaire offerte par la France, est la plus large du monde et les actes se complexifient, avec la biométrie pour les papiers d'identité : plus de 2 millions de documents d'état civil sont établis chaque année ; des tâches nouvelles s'ajoutent comme l'organisation des élections des députés français de l'étranger ;

- la demande de visas pour la France est en forte croissance : 2,5 millions de visas ont été accordés en 2011.

Ces évolutions se sont traduites dans le réseau, qui s'est adapté, 15 consulats ont été fermés en 10 ans, majoritairement en Europe, comme à Liège et Anvers. De nouvelles méthodes ont été expérimentées : pôles consulaires régionaux, externalisation, redéploiement vers les postes les plus saturés (6 agents ont ainsi été redéployés en 2012) ... pourtant l'engorgement persiste dans les pays émergents. Cet été, le consulat de Shanghai a tiré la sonnette d'alarme. Face à une demande de visas qui explose, dans une circonscription qui représente le quart du PIB chinois, nos capacités trop étroites créent un goulot d'étranglement : nous n'avons que 16 agents au consulat, il faut 8 semaines pour avoir un rendez vous, 10 000 demandes sont rejetées avant examen, faut de capacité à les traiter... Tous les autres pays se renforcent dans la compétition pour attirer des touristes qui dépensent plus de 1 200 euros par séjour : américains et désormais britanniques sont à 70 personnes, soit un triplement de leurs effectifs, et même les italiens, qui ont le double de postes par rapport à nous, tirent profit de notre sous-effectif. C'est un manque à gagner considérable : les touristes chinois contribuent pour un tiers au chiffre d'affaire des grands magasins parisiens. On estime le coût d'opportunité d'un emploi non créé au consulat à 340 000 euros de recettes perdues chaque année pour le budget de l'État et à 8 millions d'euros pour l'économie française. La situation est similaire, dans une moindre mesure, à Moscou, en Australie, aux Émirats arabes Unis, ou au Qatar...

Le Gouvernement propose la création de 25 postes en 2012 pour les visas, et de 75 postes en 3 ans, alors que les effectifs du ministère des affaires étrangères vont globalement baisser de 600, un rythme nettement inférieur à celui de la RGPP. N'oublions pas que l'activité « visa » est excédentaire pour le budget de l'État, elle a rapporté 70 millions d'euros en 2011.

C'est une bonne décision, mais qui n'est qu'une partie de la solution. Une réflexion est lancée sur l'évolution du réseau consulaire, confiée à l'ambassadeur LEQUERTIER, que nous avons rencontré : ses propositions sont attendues début 2013. Certaines pistes semblent intéressantes, comme déployer des services consulaires en ligne ou introduire des procédures accélérées dans certains cas. Au-delà des questions de fermeture-ouvertures éventuelles de consulats, qui vont nécessairement se poser, il faut simplifier, pour tous les postes, les procédures et moderniser les outils, sinon on ne s'en sortira pas. D'ailleurs, l'expérimentation récente de la valise « Itinéra », qui permet d'apporter le service auprès des communautés françaises lorsqu'elles sont loin des consulats, me parait intéressante.

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