Intervention de Roland du Luart

Réunion du 22 novembre 2012 à 15h00
Loi de finances pour 2013 — Discussion générale

Photo de Roland du LuartRoland du Luart :

Un tel niveau d’imposition des plus-values de cession est plus de deux fois, voire trois fois, supérieur aux taux d’imposition observés chez nos principaux partenaires européens : 28 % en Allemagne et au Royaume-Uni, 21 % en Italie, 13 à 20 % en Espagne.

Sans même évoquer les pays, comme la Belgique, qui exonèrent les plus-values, un tel différentiel d’imposition de plus de 30 à 40 points ne peut que décourager les investisseurs de long terme et favoriser la délocalisation des entrepreneurs.

En favorisant l’évaporation de la base imposable française, la mesure risque donc non seulement de manquer l’objectif budgétaire poursuivi, mais également de stériliser le financement des entreprises françaises par les capitaux privés.

N’oublions pas que les revenus du capital ont déjà supporté une première taxation au titre de l’impôt sur les sociétés. En outre, leur réalisation est par nature aléatoire, à la différence des revenus du travail, sur lesquels la partie variable ne concerne qu’une infime minorité des dirigeants.

Il faut également rappeler que la mise en place par Michel Rocard des prélèvements sociaux prenait alors en compte le fait que les plus-values étaient faiblement taxées. La hausse importante de leur taxation, additionnée aux prélèvements sociaux, aboutit aujourd’hui à une fiscalité confiscatoire.

Par ailleurs, il me semble erroné de considérer une plus-value comme un revenu : les dividendes d’actions, les intérêts d’obligations sont des revenus du capital, mais la plus-value issue de leur cession est un simple « désinvestissement », qui sera probablement suivi par un « réinvestissement », lequel générera de nouveaux revenus taxables, issus du même capital.

Sur Internet, cette mesure a entraîné une fronde très médiatique d’entrepreneurs, qui se sont eux-mêmes surnommés les « pigeons », fronde qui a abouti à un recul partiel du Gouvernement, preuve, s’il en est, de l’impréparation de la disposition qu’il nous soumet, ce que je ne peux pas croire, ou de son manque de prise avec les réalités économiques, ce que je crois, en revanche.

Ce recul demeure néanmoins insuffisant, car il subsiste plusieurs problèmes.

Citons, par exemple, le seuil de 10 % : imaginons le cas de deux co-entrepreneurs, l’un détenant 9, 5 % du capital et le second 10, 3 %, et qui céderaient leurs parts au bout de quelques années, à la suite du développement de leur entreprise : avec l’effet de seuil, le premier pourrait être imposé à 45 % et le second à 19 %, soit moins de la moitié.

Les plus petits actionnaires sont donc pénalisés. Ce fait peut décourager les entrepreneurs de diminuer leurs parts au profit de leurs salariés et de tenter d’augmenter leur capital et la taille de leur entreprise, car cela diminuerait leurs parts également.

Certes, la majorité a revu sa copie sur certains points : ainsi, afin de limiter un exil massif du capital-investissement français qui aurait des conséquences dramatiques pour notre économie, à l’Assemblée nationale, Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, a exclu les revenus issus du carried interest du champ de la taxation à 75 % des revenus d’activité : imposés comme des salaires, ils sont déjà soumis à une contribution sociale spécifique de 30 %, qui porte leur imposition totale à hauteur de 73, 5 % en 2012.

Si l’alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail peut paraître en théorie séduisante à certains, un problème demeure. En effet, en pratique, en taxant également le capital lui-même, via l’ISF notamment, en plus des revenus de ce capital, les socialistes appliquent la double peine : taxation du flux et du stock de capital. Au final, le capital sera plus taxé que le travail…

Sans ouvrir la polémique, pour être juste, il eût peut-être fallu supprimer l’ISF, auquel s’ajoute désormais la taxation à 75 %...

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