Intervention de Roland du Luart

Réunion du 22 novembre 2012 à 15h00
Loi de finances pour 2013 — Discussion générale

Photo de Roland du LuartRoland du Luart :

Taxer à 75 % n’a aucune logique économique : ce n’est qu’une mesure d’affichage politique, la volonté de tenir une promesse électorale, ce qui, pour certains, peut paraître louable ; mais, sur le fond, c’est un contresens économique. Non seulement, sur le papier, une telle mesure rapporte très peu au budget de l’État, mais encore, elle fait fuir le capital.

Les appels du pied à l’exil fiscal se multiplient. Après le Premier ministre britannique David Cameron, c’est un ancien gouverneur du Mississipi, Haley Barbour, qui, au mois d’août dernier, s’est dit prêt à dérouler le tapis rouge aux « millionnaires français surtaxés ».

De surcroît, seuls les très riches contribuables ne songent pas à quitter la France. Les professionnels de certaines activités particulièrement visées par des hausses d’impôts envisagent, eux aussi, une délocalisation à Londres, Bruxelles, Luxembourg ou Genève. C’est le cas de ceux du capital-investissement français, secteur qui compte quelque 3 000 professionnels gérant un total de 80 milliards d’euros, investis dans 5 000 entreprises, dont 80 % sont des PME françaises. Ces entreprises vont, pour la plupart, se transplanter à la City.

Dans une interview au journal Le Parisien du 3 octobre dernier, le ministre de l’économie et des finances affirmait péremptoirement : « Il n’y a aucun indice d’exil fiscal massif aujourd’hui. »

Au regard de ce propos, il n’y a qu’une seule alternative : soit le ministre est de mauvaise foi, ce que je ne peux pas croire, soit nous ne vivons pas dans le même monde !

J’ai recueilli de nombreux témoignages d’avocats fiscalistes : tous m’ont confirmé que beaucoup de grandes fortunes, de sièges sociaux, de grands cadres dirigeants, de managers de fonds sont en train, aujourd’hui, de se délocaliser ou songent à le faire. Au cours de leur carrière – elle s’étale sur plusieurs décennies pour certains d’entre eux –, ils n’ont jamais vu autant de personnes envisager de quitter la France.

Ces derniers mois, ils ont constaté que les colloques qui traitaient, notamment, du transfert de résidence fiscale au Royaume-Uni, en Belgique ou en Suisse étaient inhabituellement fréquentés. L’effet de l’alourdissement de la fiscalité est faible sur les finances publiques, mais très fort sur les mentalités des personnes visées.

L’exil fiscal est une chose, mais le plus grave tient essentiellement au fait que cette stigmatisation de la fortune, de la réussite, du mérite décourage également les investisseurs étrangers de venir en France et, surtout, décourage les jeunes Français, pour lesquels notre pays a supporté le coût d’une éducation exceptionnelle, de prendre des risques, de réussir et d’entreprendre en France – je connais d’ailleurs plusieurs jeunes créateurs de start-up très prometteurs qui songent à partir.

Avant de conclure, je voudrais souligner que la Chine, régime communiste converti au libéralisme, est, elle, fière de ses millionnaires et sait les faire rester au pays. Nous devrions nous inspirer de cette social-démocratie.

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