Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que sont les écoles de production ? Certains les connaissent, d’autres en ont entendu parler, d’autres encore découvrent ces établissements. C’est le cas de nombre d’entre nous, quelle que soit notre appartenance politique.
Au nombre de quinze aujourd’hui, ces écoles, qui proposent une formation à la fois théorique et pratique, parviennent à mener des jeunes en rupture scolaire vers une vie professionnelle et adulte. Entamée il y a plus d’un siècle, cette démarche a permis à de nombreux jeunes de retrouver confiance en eux et d’accéder à un emploi. Vous le savez, c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, et ce n’est pas sans une certaine émotion que je vous présente aujourd’hui le premier texte législatif visant à soutenir ces écoles.
Tous ceux qui ont visité une école de production ont été enthousiasmés. La présente proposition de loi a été cosignée par une cinquantaine de mes collègues du groupe UMP, dont la quasi-totalité des sénateurs de la région Rhône-Alpes, qui a été pionnière en la matière. C’est en effet dans cette région que les premières aides aux écoles de formation, aujourd’hui pérennisées, ont été mises en place.
Ainsi, M. Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes, a signé, le 9 mars 2009, une convention tripartite de partenariat et de financement des écoles de production. De même, M. Philippe Meirieu, vice-président écologiste chargé de la formation tout au long de la vie à la région Rhône-Alpes, leur a apporté son soutien.
Notre collègue Gérard Collomb n’a pas tari d’éloges lors d’une visite dans une de ces écoles et il m’autorise à dire qu’il soutient cette voie de formation.
Anne Lauvergeon, présidente du fonds « Agir pour l’insertion dans l’industrie », tout aussi enthousiaste, plaide pour que, dans les trois ans à venir, le nombre d’élèves des écoles de production passe de 500 à 1 500.
Pourquoi un tel enthousiasme ? Comme le souligne dans son rapport Françoise Laborde, dont je veux saluer le travail, les écoles de production ont affiché des performances exceptionnelles dans l’insertion des jeunes de 14 à 18 ans.
Leur spécificité est de réunir, en un même lieu, des cours théoriques et un enseignement pratique. Il s’agit, à côté de la formation scolaire à temps plein des lycées professionnels et de l’apprentissage, d’une troisième voie originale, s’efforçant de concilier les avantages des deux premières.
Dans ces structures, le jeune réalise des commandes, aux conditions du marché, pour des clients industriels ou particuliers. La production est toute orientée vers la formation du jeune. Celui-ci apprend à produire « pour de bon », et ce sans avoir à alterner entre l’école et l’entreprise, puisque les écoles de production tiennent des deux à la fois.
Ces écoles présentent donc un certain nombre d’avantages ; j’en citerai cinq principalement.
Premièrement, elles permettent à des jeunes en grande difficulté scolaire, qui sont aussi, la plupart du temps, en grande difficulté sociale, de suivre une formation diplômante, alors qu’ils sont exclus du système scolaire, y compris des lycées professionnels, voire des centres de formation par l’apprentissage, car ils ne trouvent pas d’entreprise voulant signer avec eux un contrat d’ apprentissage.
Les élèves y préparent des CAP, des certificats d’aptitude professionnelle, mention complémentaire, ou des baccalauréats professionnels dans plus de douze métiers des domaines du bois et de l’ameublement, du bâtiment, de la maintenance automobile, de la mécanique-métallerie, de la restauration, de la haute couture, pour n’en citer que quelques-uns.
Deuxièmement, les écoles de production permettent aux jeunes de retrouver confiance en eux-mêmes. En effet, les élèves y sont responsables des travaux à produire et à livrer. La réalisation de l’objet de la commande est le moyen de faire prendre concrètement conscience de ses capacités à un jeune qui doute. Chaque fois que c’est possible, la démarche pédagogique inclut l’installation chez le client ou la remise de la commande réalisée, l’expérience de la satisfaction du client étant un vecteur essentiel de la reconstruction de la confiance en soi.
Dans ces conditions, le jeune intègre un savoir-faire, mais aussi un « savoir-être ». Il acquiert une certaine discipline, sa vie à l’école de production étant réglée par les rythmes horaires de celle-ci, ses exigences de qualité et de délai, ainsi que ses liens sociaux. L’apprentissage du métier et du travail se fait en équipe et un « maître professionnel », issu du secteur concerné, transmet son savoir-faire au jeune en réalisant en sa compagnie les commandes du client.
L’intérêt des écoles de production est aussi d’assurer un suivi plus important et plus personnalisé de l’élève, le travail s’y faisant en très petits groupes, à la différence de ce qui se fait en lycée professionnel ou en centre de formation des apprentis.
Pour des élèves particulièrement demandeurs de concret, ce dispositif innovant atteint son but : il capte leur intérêt en prodiguant un enseignement particulièrement professionnalisant.
Deux tiers du temps hebdomadaire sont consacrés à la formation pratique en atelier, le tiers restant se déroulant en enseignement théorique général et technologique.
Les jeunes, dont on valorise l’intelligence de la main, celle du geste, comprennent très vite qu’il leur faut aussi savoir lire, écrire, compter, maîtriser l’informatique, l’anglais, etc. Ils apprennent alors les fondamentaux dont ils avaient été, chaque jour, un peu plus écartés dans la voie classique.
Troisièmement, et ce n’est pas le moindre des avantages de ce dispositif, la réussite est au bout du chemin. Dans les écoles de production, on parle plus du produit et du client que des notes obtenues, ce qui permet, d’ailleurs, d’améliorer ces dernières. Les chiffres se passent de commentaires : dans son rapport, Françoise Laborde relève un taux de réussite aux examens de 85 % à 92 % en région Rhône-Alpes.
Le taux d’insertion professionnelle est excellent, puisqu’il avoisine les 100 %, les écoles ayant des liens étroits avec les entreprises et les branches professionnelles, notamment l’Union des industries et métiers de la métallurgie, l’UIMM, et la Fédération française du bâtiment, la FFB. Malgré leur parcours antérieur, souvent décousu et chaotique, les élèves sont très appréciés des employeurs, car ils sont déjà expérimentés et opérationnels.
À peu près la moitié des élèves voient leur formation déboucher sur un emploi, l’autre moitié poursuivant des études en baccalauréat professionnel ou en BTS. En reprenant confiance en eux et en étant soumis à une discipline, ils ont retrouvé le goût des études.
Quatrièmement, les écoles de production entraînent des coûts réduits, aussi bien pour les familles, parfois en difficulté financière, que pour la collectivité. Les frais de scolarité sont le plus souvent inexistants car les élèves, par leur travail, contribuent à couvrir une partie du coût de leur formation ; ils peuvent atteindre, au maximum, 800 euros par an.