Intervention de Jean-Claude Carle

Réunion du 21 novembre 2012 à 14h30
Écoles de production — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle :

Par conséquent, les établissements n’étant pas sous statut scolaire, leurs élèves ne bénéficient pas des droits et avantages afférents : bourses, ramassage scolaire, restauration.

Le Conseil supérieur de l’éducation a refusé, par deux fois, de les intégrer et de reconnaître leurs spécificités. Bien évidemment, les écoles de production ne peuvent remplir les exigences d’heures de cours théoriques fixées par l’éducation nationale, puisque l’accent est prioritairement mis sur la dimension pratique ; bien évidemment, la plupart des formateurs sont issus du milieu professionnel et n’ont pas passé les concours d’enseignants. Et alors ?

Si les élèves n’ont pas le niveau souhaité, comment expliquer leur réussite aux examens, qui est même supérieure à la moyenne, et leur taux d’insertion professionnelle, qui avoisine les 100 % ? C’est pourquoi ces écoles ont besoin d’une telle souplesse pour s’adapter à ces publics spécifiques.

Madame la rapporteur, vous avez noté avec bon sens qu’il n’est certainement pas souhaitable de laisser perdurer une situation dans laquelle des établissements privés poursuivant une œuvre utile aux jeunes en très grande difficulté demeurent marginalisés, voire tacitement ignorés par le système de l’éducation nationale. Le ministère de tutelle s’accommode bien, en effet, d’un réseau d’écoles de production prenant en charge des élèves pour lesquels l’offre scolaire traditionnelle n’est plus adaptée. Cependant, il lui refuse toute légitimité et toute aide, écartant en particulier l’octroi d’aides sociales à des jeunes pourtant âgés, pour certains, de 14 à 16 ans.

Les écoles de production sont victimes d’une autre inégalité financière, puisqu’elles ne bénéficient qu’en partie de la taxe d’apprentissage, c’est-à-dire qu’elles profitent du barème, comme les lycées professionnels, mais pas du quota, comme les CFA.

Pour combler tous ces manques, la proposition de loi contient six articles visant à favoriser la pérennisation et le développement des écoles de production.

Dans l’article 1er est précisé le caractère expérimental du dispositif prévu par le texte. L’expérimentation durerait cinq ans et serait suivie d’une évaluation de nature à rassurer les plus inquiets.

Par l’article 2, nous avons souhaité permettre la reconnaissance par la loi des écoles de production, qui ne seront plus des établissements privés d’enseignement technique, mais auront un statut juridique propre permettant le respect de leur spécificité.

Dans l’article 3 est prévu un contrôle de l’inspection du travail pour assurer la sécurité des jeunes.

L’article 4 tend à autoriser les entreprises à verser aux écoles de production une partie du quota et le barème de leur taxe d’apprentissage, comme je l’ai expliqué.

L’article 5 vise à accorder aux élèves de ces écoles le bénéfice de la carte d’étudiant des métiers, au titre de la loi du 28 juillet 2011. Celle-ci leur permettra, à l’image des apprentis, de bénéficier de réductions tarifaires en matière d’hébergement, de restauration et de transports.

Par l’article 6, nous avons voulu conférer aux jeunes et à leur famille les mêmes droits qu’aux élèves scolarisés dans la voie classique en matière d’aides à la scolarité et de bourses nationales des collèges et lycées.

L’ensemble de ces aides me semble parfaitement justifié par les besoins des écoles et le profil des élèves, souvent issus, je le répète, de milieux défavorisés, voire très défavorisés.

Oui, madame la rapporteur, j’en conviens, le statut que tend à créer la proposition de loi est hybride, car les écoles de production, mêlant une éducation de type scolaire et une formation professionnelle, sont par nature hybrides ! Cela ne doit pas nous empêcher de les aider, à l’instar des autres structures existantes. Il ne faut pas que, dans notre pays, il y ait deux poids deux mesures.

Dois-je rappeler que le taux de chômage des jeunes est de 20 % en France, alors qu’il est de 7 % seulement en Allemagne ? Pourtant, nous consacrons davantage de moyens à ce problème, ce qui prouve qu’il s’agit d’une question non pas tant de moyens que d’utilisation de ces derniers. Avec très peu de ressources, les écoles de production sont une formidable réussite.

On parle toujours en France de ce qui ne marche pas. La formation d’élèves en difficulté scolaire au moyen des écoles de production, ça marche, à Paris, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Rhône-Alpes, à Marseille, à Toulouse ! Il reste, à mon sens, à étendre ce système qui fonctionne. D’autres pays le font : ces écoles de production représentent une voie à part entière au Danemark, qui en compte cent dix, avec 15 000 élèves.

Dès lors, qu’attendons-nous ? La nouvelle majorité a rejeté le texte en commission, suivant l’avis de Mme Laborde, qui estime préférable de se donner le temps de la réflexion.

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