Intervention de Pierre Fauchon

Réunion du 25 février 2010 à 9h30
Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Pierre FauchonPierre Fauchon :

C’est pourquoi nous acceptons, avec la commission, cette ouverture au public, mais non sans réserve et en quelque sorte dans un esprit d’expérimentation, comme le permet expressément la Constitution, dans une disposition selon moi trop rarement utilisée.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur, la seule question qui reste en suspens est celle des délégations de vote lors du scrutin destiné à recueillir l’avis des commissions.

Le débat s’est cristallisé autour d’une disposition qui a été introduite, il faut le rappeler, par les députés lors de la première lecture à l’Assemblée nationale. Ce débat est donc cette fois-ci non pas entre la majorité et l’opposition, mais entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Conformément à la position déjà défendue lors de la première lecture, la commission des lois du Sénat réaffirme aujourd’hui – M. Gélard vient de le faire de la manière la plus convaincante – son attachement au maintien de la délégation de vote.

Je ne peux que soutenir l’analyse faite par le rapporteur. Elle est fondée sur des arguments juridiques, qui plus est constitutionnels. Elle est aussi fondée sur des arguments de bon sens que l’on ne met pas suffisamment en avant, me semble-t-il.

En effet, le seul type de scrutin pour lequel il n’est pas autorisé de recourir à la délégation de vote est la procédure de destitution du chef de l’État prévue à l’article 68 de la Constitution. Une telle interdiction est rare et, surtout, elle est prévue par la Constitution. Prévoir une telle interdiction dans un texte de nature organique poserait probablement un problème de constitutionnalité.

De plus, les arguments présentés par nos collègues députés à l’appui de cette interdiction ne sont aucunement convaincants. On nous dit qu’un avis unique des deux assemblées ne pourrait résulter de votes émis selon des procédures distinctes. Cela reviendrait – je cite les propos du rapporteur à l’Assemblée nationale – « à fausser le sens de l’avis recueilli, et à entacher ainsi la procédure d’avis prévue par l’article 13 de la Constitution d’un vice de forme substantiel ».

Mais cette allégation n’est pas démontrée ! On ne nous dit pas en quoi il y aurait vice de forme !

Ni la lettre de la Constitution ni les travaux préparatoires de 1958 ne permettent de penser qu’une procédure strictement identique doive être retenue dans les deux assemblées. Le constituant avait laissé aux règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat la détermination de ces dispositions, conformément au principe d’autonomie des deux assemblées.

On ne voit donc pas la raison pour laquelle il faudrait déroger au principe général à l’occasion des nominations. Ce qui vaut pour l’essentiel de la fonction législative doit bien valoir pour une extension particulière et relativement secondaire de cette fonction. Nous votons tous les jours des lois selon des procédures qui ne sont pas les mêmes dans les deux assemblées, mais ce qui est voté est acquis.

Depuis quand faut-il que les procédures soient identiques ? C’est une manie d’uniformisation qui, malheureusement, est typiquement française et qui ne tient pas compte de la diversité. Dès lors qu’il y a deux assemblées, il est bien normal qu’il existe une certaine diversité, dans le cadre autorisé par la Constitution.

Sur le fond, je ferai une remarque qui me paraît essentielle : les éléments d’appréciation dont nous disposons pour une nomination ne se réduisent pas à la brève confrontation de l’audition.

Si l’on refuse les délégations, c’est que l’on ne veut pas que des personnes qui ont été absentes et qui n’ont aucune opinion personnelle sur le sujet participent au vote. Voilà le type d’accusation qui se cache derrière le refus des délégations.

Mais on se trompe ! Dans la procédure actuelle, les informations dont dispose le parlementaire qui doit se prononcer comprennent certes les quelques minutes d’audition, qui relèvent éventuellement du spectacle, comme nous avons pu le voir hier après-midi

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