Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 22 novembre 2012 à 11h00
Loi de finances pour 2013 — Discussion d'un projet de loi

Jérôme Cahuzac, ministre délégué :

L’endettement a progressé de 300 milliards d’euros entre 2002 et 2007 – la crise n’était pas là ! – et de 600 milliards d’euros entre 2007 et 2012. Certes, la crise était là, mais on sait le jugement que la Cour des comptes a porté concernant notamment l’année 2010. Elle a indiqué que, cette année-là, le déficit public était dû pour un tiers à la crise et, pour les deux tiers, aux politiques publiques menées souverainement par les autorités de notre pays !

Le Gouvernement veut rompre avec les termes de cette équation impossible. L’endettement n’est plus l’issue inéluctable aux décisions politiques prises par le Gouvernement français, sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République. Dans la présentation du budget, je donnerai les éléments probants, me semble-t-il, de la rupture que ce Gouvernement souhaite opérer avec la période des dix dernières années, une rupture nécessaire, car cette équation insoluble ne débouchant que sur l’endettement présente des inconvénients dont chacun connaît la réalité.

C’est d’abord l’inefficacité qui est au rendez-vous avec plus de 900 milliards d’euros de dette, un montant tout à fait impressionnant. Or, nous le savons tous, lorsque la puissance publique lève sur le marché des capitaux des sommes aussi considérables, ce sont autant de capitaux qui ne peuvent pas être investis dans le secteur productif. En réalité, c’est autant en moins pour la compétitivité et, à terme, pour la production de richesses et de valeurs, et donc pour favoriser l’emploi.

Inefficacité incontestablement, en témoigne le déficit du commerce extérieur, conséquence directe du mécanisme financier que je viens d’indiquer : plus de 70 milliards d’euros de déficit budgétaire l’année dernière.

Au-delà de l’inefficacité, c’est également un mécanisme terriblement dangereux auquel nous avons assisté. Pierre Moscovici l’a indiqué : nous endetter à ce point, dépendre autant des marchés et, le cas échéant, des agences de notation, c’est, qu’on le veuille ou non, abandonner une part de notre souveraineté nationale à des institutions ou à des individus qui, elles et eux, n’ont aucun compte à rendre au peuple, alors que vous-même, le Gouvernement et l’ensemble des élus ont d’abord le devoir de rendre des comptes à ceux qui nous donnent mandat de diriger ce pays.

C’est aussi dangereux à l’égard des générations futures, puisque, moralement, il ne me semble pas que nous avons réellement le droit de leur faire supporter le remboursement d’une dette correspondant à des dépenses qui, en vérité, ne leur profitent nullement dans la mesure où il s’agit, pour beaucoup, de dépenses de fonctionnement.

Compétitivité, place de la France en Europe, aléa moral à l’égard des générations futures. Oui, il faut rompre avec cette politique de l’endettement, c’est-à-dire avec cette politique qui consiste à diminuer les ressources tout en augmentant les dépenses, et à compter sur les marchés pour pourvoir aux financements qui manquent mécaniquement et, oserai-je dire, inéluctablement.

Ce projet de budget s’inscrit donc dans cet ensemble, dont j’ai dit tout à l’heure qu’il était grave, dont j’ai déjà précisé que le Gouvernement le tenait pour nécessaire. Un effort est donc demandé au pays, un effort dont nous voulons croire qu’il est juste. Nous faisons tout pour qu’il le soit et pour qu’il soit perçu comme tel, car nous avons la conviction que nos concitoyens ne l’accepteront que s’ils sont persuadés que cet effort est nécessaire et juste. Aussi nous efforçons-nous de le rendre le plus juste possible.

Pierre Moscovici a précisément indiqué sur qui porterait, sinon l’intégralité de l’effort requis à l’occasion de l’examen de l’ensemble de ce texte, en tout cas la plus grande part de cet effort. Oui, c’est à ceux dont nous estimons qu’ils peuvent le supporter – ménages et entreprises – que nous demandons un effort particulier et rude qu’il s’agit non pas de nier, mais d’assumer. Après tout, c’est l’intérêt supérieur du pays qu’il s’agit bien de préserver !

Cet effort est rude et indispensable. Il n’empêche pas pour autant le Gouvernement de mettre en œuvre des politiques qui sont nouvelles, mais qui ne sont pas financées par l’emprunt. Elles le sont par des ressources que nous assumons.

Ainsi, la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, ARS, est financée par un déport de 480 millions d’euros opéré à partir de l’enveloppe du quotient familial s’élevant à 14 milliards d’euros. Cette mesure profite aux foyers les plus modestes, ceux-là mêmes qui ne bénéficient pas du quotient familial puisqu’ils ne sont pas précisément éligibles à l’impôt sur le revenu.

Politique nouvelle aussi que de permettre à celles et à ceux qui ont commencé à travailler très tôt, en général pour effectuer des métiers très pénibles, dangereux, à faible perspective de carrière ou d’évolution de rémunération, de prendre leur retraite une fois les trimestres cotisés, quel que soit l’âge auquel ils décident de la prendre, en l’espèce soixante ans. Cette mesure a été financée par un relèvement de cotisations, à la fois sur les salariés et sur les entreprises, de 0, 1 point dans chaque cas. Oui, c’est un prélèvement supplémentaire, mais au service de la justice, et c’est une mesure que nous assumons parfaitement.

Politique nouvelle encore qui consiste à restaurer ce grand service public qu’est l’éducation nationale, en mettant un terme aux suppressions aveugles, systématiques de postes intervenues ces cinq dernières années. Nous avons commencé à restaurer ces moyens humains et nous continuons à le faire.

De la même manière, nous mettons un terme aux suppressions de postes dans les forces de sécurité, de police et de gendarmerie, ou dans les effectifs de la justice. Cela ne signifie pas que tous les effectifs du ministère de l’intérieur sont préservés. Dans le projet de budget, nous supprimons 614 équivalents temps plein dans ce ministère, mais nous créons 480 postes dans les forces de sécurité.

Nous persévérerons, année après année, pour aboutir à satisfaire la promesse du candidat François Hollande, à savoir que 5 000 postes supplémentaires seront créés au sein des forces de sécurité, police et gendarmerie.

Nous continuons, par exemple au ministère de l’économie et des finances où, l’année prochaine, 2 353 postes seront supprimés. Mais, entre 2012 et 2013, 10 011 postes seront créés au sein de l’éducation nationale, car c’est l’une des priorités du Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si, en vous citant ces chiffres, je me permets de vous indiquer où des postes sont créés ou supprimés, c’est pour vous montrer qu’au total, sur la mandature, les effectifs de l’État resteront stables. À la fin de l’année 2013, il y aura 2 317 postes supprimés au sein de l’appareil de l’État, non pas que j’aie la religion de la suppression des postes – au sein de l’éducation nationale, cela va sans dire, mais au sein de l’État –, mais parce que les postes créés cette année doivent être, année après année, compensés par des suppressions qui excéderont en nombre les créations dans les ministères ou les missions privilégiés.

Nous respecterons l’engagement de la stabilité des effectifs, car nous respecterons l’engagement de la norme « zéro valeur » d’évolution des dépenses de l’État. Cette règle fut d’ailleurs instaurée par le gouvernement précédent. Nous la maintenons, hors service de la dette et versement des pensions.

Permettez-moi de rappeler qu’en 2008, première année de la précédente mandature, le gouvernement d’alors augmentait la dépense sur ce champ-là, alors que ce Gouvernement, par une économie très maîtrisée de la dépense, s’efforce de respecter cette norme « zéro valeur » et y parviendra !

Puis-je me permettre de faire remarquer que le budget de l’État, tout compris, augmentera de 0, 3 %, alors que le gouvernement Fillon, en 2008, avait augmenté les dépenses de l’État de 3, 3 %, soit dix fois plus. Si je rappelle l’évolution de la dépense, en soulignant le rapport de un à dix entre ce que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’apprête à faire en première année pleine de mandature et ce que le premier gouvernement Fillon avait fait, également en première année de mandature, c’est sans doute pour relativiser des critiques que je crois inévitables, mais infondées, et qui voudraient que ce gouvernement ne maîtrise pas la dépense, alors que les précédents auraient agi en ce sens.

Selon moi, ce rapport de un à dix fait litière de cet argument. Je n’aurai d’ailleurs de cesse de rappeler ces chiffres dès lors que d’autres n’auraient de cesse d’énoncer ce que je considère comme des contre-vérités patentes.

Donc, nous maîtrisons la dépense, et ce malgré les politiques nouvelles que nous mettons en œuvre. S’agissant de l’évolution tendancielle de la dépense publique l’année prochaine, une économie de 10 milliards d’euros sera réalisée, comme en témoignent d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les documents budgétaires dont vous disposez.

Certes, on peut observer une diminution de 1, 2 milliard d’euros des investissements prévus. Ce sont probablement les choix qui ont été les plus douloureux à faire !

Nous prévoyons une diminution de la dépense au sein du ministère de la défense nationale. À cet égard, je voudrais rendre hommage à Jean-Yves Le Drian, qui remplit sa mission avec un sens des responsabilités et du devoir absolument remarquable. Pour ce qui le concerne, il devrait en effet parvenir à maîtriser la dépense, sans pour autant mettre en œuvre un quelconque budget de rupture.

Nos troupes seront rapatriées d’Afghanistan et accueillies dans des conditions tout à fait correctes. Aucun des programmes d’investissement militaire conditionnant la sécurité nationale de notre pays dans les années à venir ne sera sacrifié. Nous avons élaboré un budget de transition et non pas, je le répète, de rupture. Pour autant, le ministère de la défense contribuera bien aux économies, à hauteur de 2, 2 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable. En outre, une économie de 2, 8 milliards d’euros sera réalisée sur les dépenses de fonctionnement de l’État, et de 2 milliards d’euros sur les dépenses d’intervention.

Bref, pour l’ensemble du budget de l’État, nous prévoyons, c’est incontestable, une économie de 10 milliards d’euros.

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