Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 11h00

Résumé de la séance

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  • croissance
  • déficit

La séance

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La séance est ouverte à onze heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l'Assemblée nationale (projet n° 147, rapport n° 148).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget, et moi-même avons l’honneur de vous présenter aujourd'hui le projet de loi de finances pour 2013.

Une croissance plus forte, plus équilibrée et plus solidaire : voilà à quoi le Gouvernement travaille. C’est donc le cadre dans lequel s’inscrit le projet de budget qui vous est soumis.

Nous avons une conviction, c’est qu’il existe une voie permettant, dans un même mouvement, de résorber la dette, de réduire les inégalités et de relancer la croissance et l’emploi. Cette voie est étroite et singulière : c’est celle que le Président de la République a définie, celle que les Français ont appelée de leurs vœux et ont choisie. Permettez-moi de vous l’expliquer.

En 2013, il nous faut franchir une marche, et cette marche est haute, nous devons en être conscients.

Elle est haute parce que notre économie paie le prix de déséquilibres persistants, qui n’ont pas été traités sérieusement au cours des dernières années, et sur lesquels la crise actuelle agit comme un révélateur.

Je pense bien sûr, avant tout, au chômage, qui atteint désormais 10 % de la population active.

Je pense au creusement important des inégalités aux deux extrêmes de l’échelle des revenus : des hyper-inégalités sont apparues dans notre pays.

Je pense également à notre déficit commercial, qui, chacun le sait, s’élève à 70 milliards d’euros, un chiffre à mettre en regard des 158 milliards d’euros d’excédent enregistrés par l’Allemagne. Une compétitivité insuffisante explique le fort recul de nos parts de marché à l’exportation depuis dix ans.

Je pense encore à la désindustrialisation, qui frappe de nombreux territoires.

Je pense, enfin, à la dérive financière de notre pays, qui a été soulignée ce lundi par l’agence Moody’s, avec une dette publique qui s’est établie l’an dernier à 1 700 milliards d’euros, soit 86 % du PIB, et qui représente aujourd'hui 91 % du PIB. Ce sont plus de 600 milliards d’euros de dette supplémentaire qui se sont accumulés en cinq ans, et il nous faut servir chaque année plus de 50 milliards d’euros d’intérêts, alors même que nous produisons – c’est un point essentiel – moins qu’en 2007.

Telle est la réalité ! Il ne s’agit pas là pour moi de me référer sempiternellement à l’« héritage », mais je veux tout simplement vous faire prendre conscience, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’ampleur du redressement à accomplir.

Pour répondre à ces déséquilibres, gardons-nous de choisir de fausses solutions.

Certains prônent l’austérité, estimant qu’il faut casser notre modèle social pour redevenir compétitif. Ce serait à la fois irresponsable et inacceptable. En tout cas, ce n’est pas l’option retenue par le Gouvernement et la majorité.

D’autres, à l’inverse, pensent que nous échouerons à stimuler la croissance et à ramener, en 2013, le déficit à 3 % du PIB.

Ce débat est légitime ; c’est au contraire l’absence de débat qui aurait de quoi inquiéter ! Néanmoins, je veux vous dire à tous, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, que le désendettement est une nécessité absolue et que j’assume, avec le Gouvernement, l’objectif de réduction du déficit à 3 % du PIB.

Pourquoi ? Parce qu’une dette élevée conduit à prélever lourdement sur les revenus d’activité pour servir les intérêts ; parce qu’elle favorise la rente au détriment des revenus des travailleurs et des entrepreneurs ; parce qu’elle creuse les inégalités ; parce qu’elle empêche le financement des services publics.

C’est la raison pour laquelle nous avons refusé l’austérité, en préservant les dépenses essentielles et en finançant les priorités que nous nous sommes fixées. Mais, dans le même temps, notre désendettement doit être poursuivi : nous prenons nos responsabilités.

Il existe, nous en sommes persuadés, une stratégie permettant d’allier sérieux budgétaire et croissance, justice sociale et efficacité économique. Cette stratégie doit se déployer au niveau international, notamment européen, et au niveau national, mais elle doit servir un seul et même agenda de croissance pour le pays. J’ajoute que la cohérence de cette stratégie a été construite non pas seulement sur un an, mais sur le long terme.

Avant d’en venir au projet de loi de finances pour 2013, que Jérôme Cahuzac vous présentera de manière plus précise, permettez-moi de vous exposer la stratégie que nous voulons mettre en œuvre.

Notre stratégie économique actionne plusieurs leviers – internationaux, européens, nationaux – mais dans un seul but : renouer avec une croissance plus forte et plus solidaire.

À l’international, notre démarche est claire : refus de l’austérité généralisée, lutte contre les dérèglements de la finance, relance de l’activité mondiale et européenne. Nous œuvrons au redémarrage de l’activité mondiale, singulièrement européenne, en vue de stimuler notre propre reprise.

Sous l’impulsion de la France – elle n’est pas la seule, bien sûr, mais elle joue tout son rôle ! –, une véritable réorientation de la construction européenne a été engagée, et les conditions d’une sortie durable de la crise de la zone euro me semblent en passe d’être réunies. Je le dis avec prudence, mais aussi avec confiance, au lendemain de la réunion de l’Eurogroupe, à laquelle j’ai assisté. Certes, la nuit dernière, nous n’avons pas encore tout à fait trouvé de solution pour la Grèce, mais nous devons le faire et nous pouvons y parvenir. Nous nous y emploierons dès lundi prochain, car il est essentiel que ce pays, qui a consenti tant d’efforts, puisse compter sur la solidarité de ses partenaires européens, sans que soit pour autant sacrifié le respect des finances publiques des États membres. C’est en tout cas dans ce sens que nous travaillons.

Le Conseil européen des 28 et 29 juin dernier a concrétisé cette réorientation, en prévoyant la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, en élaborant des projets susceptibles d’entrer dans le champ de ce que l’on appelle les project bonds et en assurant les conditions d’une coopération renforcée à propos de la taxe sur les transactions financières internationales, une taxe tant attendue, tant différée, mais aujourd'hui effective. Je crois même que nous sommes en train d’évoluer vers une taxation hors de la zone euro.

Quelques indicateurs témoignent de cette réorientation.

Tout d’abord, le mécanisme européen de stabilité, qui a été officiellement lancé le 8 octobre dernier, dispose d’une force de frappe, d’un « pare-feu », comme nous disons dans notre jargon, de 500 milliards d’euros.

Ensuite, la question de la supervision bancaire avance : nous devrions être en mesure de présenter un texte européen d’ici à la fin de l’année.

Enfin, la création par la Banque centrale européenne d’un nouvel instrument d’intervention est rendue possible par la nouvelle dynamique qui s’est enclenchée en Europe.

Oui, sur tous ces sujets, la politique européenne avance, la France est un moteur et elle est écoutée !

J’assume le choix du Gouvernement de croire en l’Europe ; nous pensons qu’il est dans l’intérêt à long terme de notre pays de participer au jeu communautaire.

En France, nous voulons répondre à l’urgence économique et sociale tout en préparant activement le retour de la croissance. La croissance viendra de notre activité à l’international, mais elle viendra aussi de notre politique économique nationale, dont la mise en œuvre comprend trois étapes.

Nous avons d’abord voulu répondre à l’urgence économique et sociale. C’est pourquoi nous avons pris au cours de l’été un train de mesures tendant à soutenir le pouvoir d’achat des ménages, la consommation restant un moteur historique de la croissance française.

Vient ensuite le moment du redressement ; le projet de loi de finances pour 2013, dont je vais vous présenter les grandes lignes dans quelques instants, correspond à cette deuxième étape.

Mais il était capital de lancer au même moment la troisième étape : celle des chantiers structurels, destinés à poser les fondements d’une croissance de long terme plus forte et moins inégalitaire.

Cette troisième étape comporte notamment une réforme du financement de l’économie, à laquelle j’attache beaucoup d’importance et dont j’aurai à plusieurs reprises l’occasion de parler devant le Sénat.

Au milieu du mois d’octobre, j’ai présenté en conseil des ministres le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement, la BPI. L’Assemblée nationale est en train d’examiner ce projet de loi ; j’ai d’ailleurs pris part, hier, aux travaux de sa commission des finances.

La BPI, qui sera opérationnelle en janvier 2013, sera la banque des très petites entreprises, des PME, notamment des PME industrielles, et des entreprises de taille intermédiaire. Elle financera leurs projets de développement, leur croissance internationale, leurs investissements dans l’innovation et leurs efforts pour exporter.

Nous allons également poursuivre la réforme de l’épargne réglementée, que nous avons entreprise. S’agissant de la réforme du secteur bancaire, un projet de loi sera présenté en conseil des ministres le 19 décembre prochain. Nous voulons faire en sorte que l’épargne des Français, qui demeure abondante, soit plus allouée aux investissements de long terme et, en somme, qu’elle aille plus vers l’économie réelle.

Enfin, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a lancé l’immense chantier de la reconquête de notre compétitivité en présentant, il y a deux semaines, le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Celui-ci repose sur un crédit d’impôt simple, efficace et que je crois bien conçu, grâce auquel les entreprises pourront dégager des marges de manœuvre pour financer l’investissement et l’emploi.

Ce crédit d’impôt représentera à terme un allégement net de 20 milliards d’euros de la masse salariale des entreprises. Nous avons calculé qu’il pourrait créer 300 000 emplois et contribuer, à hauteur de 0, 5 point sur le quinquennat, à la croissance de notre PIB.

J’insiste sur le fait que l’effet positif de ce crédit d’impôt pour les entreprises sera supérieur d’un tiers à celui qui serait résulté d’une baisse des cotisations sociales. Si je mentionne ce crédit d’impôt ce matin, c’est parce que le signal économique envoyé sera perceptible dès 2013, alors que le coût pour les finances publiques sera différé à 2014.

Ce pacte est équilibré car, en même temps que nous tendons la main aux entreprises, nous leur demandons clairement et fermement, en échange de la mise en place du crédit d’impôt, des engagements en matière de gouvernance, de rémunérations et de civisme fiscal.

Nous espérons aussi pouvoir avancer avec les entreprises dans la grande négociation sur la sécurisation de l’emploi que le Gouvernement a lancée ; des consultations sont d’ailleurs organisées en ce moment même par le Premier ministre. Cette négociation me semble fondamentale dans l’histoire des relations sociales, mais aussi essentielle pour l’économie française.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands chantiers que le Gouvernement a lancés pour stimuler la croissance. Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, ils vont mobiliser l’ensemble des membres du Gouvernement ; en particulier, ceux qui travaillent au ministère de l’économie et des finances, comme Jérôme Cahuzac et moi-même, y tiendront toute leur place.

Notre stratégie pour les finances publiques s’inscrit dans cet agenda de croissance, dont elle exprime parfaitement l’articulation.

D’abord, comme Jérôme Cahuzac et moi-même l’avons déjà souligné à plusieurs reprises devant le Sénat, il me semble que nous réalisons un progrès décisif en instaurant un pilotage intelligent des finances publiques, nos objectifs étant désormais exprimés en termes de solde structurel.

Par ailleurs, nous avons mis en place un mécanisme de correction qui respecte la souveraineté de la représentation nationale.

Dans ce cadre rénové, nous allons agir en deux temps.

La première étape est celle du redressement et de la remise en ordre des finances publiques.

Nous nous sommes retrouvés face à un déficit financier massif, que nous nous devions de corriger. Il nous faut nous atteler à cette tâche dès aujourd’hui. Nous avons d’ailleurs choisi de faire porter l’essentiel de l’effort sur le début de la législature, en particulier sur l’année 2013, qui sera une année clé, compliquée mais décisive, afin d’inverser dès 2014 la courbe de la dette.

Des mesures de redressement ont déjà été votées. Le projet de loi de finances pour 2013 est placé sous le même signe du redressement.

La seconde étape sera celle du retour à l’équilibre structurel des comptes publics. Notre déficit public sera ramené sous la barre de 0, 5 % du PIB dès 2015, puis à l’équilibre structurel en 2016 et en 2017.

Autrement dit, une fois passé le cap compliqué de 2013 et de 2014, nous aurons redonné plus de marges de manœuvre à l’action publique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite attirer votre attention sur une vérité trop peu prise en compte : le sérieux budgétaire n’est pas un boulet, une contrainte ou un obstacle. Le sérieux budgétaire n’est pas synonyme d’austérité. Il n’est pas incompatible avec une volonté forte de changement, avec un engagement progressiste – de gauche, pour ce qui nous concerne –, avec un objectif de justice et de redistribution. Au contraire, il doit être compris comme une condition de la compétitivité de notre économie dans son ensemble, et comme une condition de l’égalité.

Au moment où le président de la République italienne, un grand Européen, est en visite d’État dans notre pays, qui est solidaire de ses voisins, je vous rappelle que, lorsque les conditions de financement de l’Italie, mais aussi de l’Espagne, se sont dégradées, c’est toute l’économie de ces pays qui a souffert parce que les entreprises ne peuvent pas emprunter à des taux inférieurs à ceux de leur État.

Si nous voulons désendetter le pays et réduire nos déficits, c’est pour préserver notre capacité d’emprunt à taux faibles, dont bénéficie en réalité l’ensemble de notre économie. C’est précisément dans ce but que nous devons poursuivre la consolidation de nos finances publiques.

Mais le désendettement, s’il est un impératif, doit aussi être intelligent. À cet égard, nous exigeons d’être jugés sur la base des résultats obtenus, non sur les moyens que nous mettons en œuvre. Le Gouvernement et la représentation nationale sont maîtres de la méthode employée, c’est-à-dire des choix financiers et politiques permettant le redressement.

Notre désendettement doit aussi s’inspirer des expériences réussies dans d’autres pays.

De ce point de vue, j’observe que les parcours de désendettement qui ont été efficaces et qui ont rassemblé les citoyens sont ceux qui ont combiné un effort fiscal, une réforme des administrations, un examen minutieux des dépenses publiques, une réflexion sur l’articulation des pouvoirs centraux et territoriaux, un souci de pédagogie et de lisibilité de l’action menée, des réformes favorables à la compétitivité et, au cœur de la politique menée, une implication renforcée du Parlement dans la définition des règles de gouvernance financière.

En plus de réaliser un effort budgétaire, notre pays va donc devoir ouvrir un grand chantier de modernisation de l’action publique afin de changer véritablement la donne.

Pour être intelligent, le désendettement doit reposer sur un effort partagé mais différencié, qui ne nuise pas à la croissance.

L’effort doit être partagé entre le secteur public et le secteur privé ainsi qu’au sein des administrations publiques, afin qu’il n’y ait pas d’angle mort dans l’entreprise de redressement.

Il doit aussi être différencié, pour aller chercher les marges de manœuvre là où elles existent sans peser uniformément sur les moteurs de la croissance.

S’agissant en particulier des administrations publiques, il importe de ne pas reproduire le systématisme aveugle et destructeur qui caractérisait à certains égards la RGPP, la révision générale des politiques publiques.

À ceux qui nous reprochent de ne pas baisser suffisamment les dépenses, je réponds que notre effort de réduction de la dépense est important, réparti entre toutes les administrations et qu’il sera constant tout au long du quinquennat.

Nous ne pouvons pas aller plus loin et, d’ailleurs, nous ne devons pas le faire, parce que la dépense publique est aussi un facteur de soutien de l’activité. En la matière, tout est affaire d’équilibre : n’oublions pas que les baisses de dépenses publiques ont un effet récessif plus fort que les hausses de prélèvements. Veillons donc à garder des marges pour faire jouer les stabilisateurs automatiques.

Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, la stratégie du Gouvernement pour les finances publiques. Je vous en ai fait une présentation un peu longue, mais le rôle du ministre de l’économie et des finances est de tracer des perspectives qui vont au-delà du projet de loi de finances de l’année, de mettre en évidence la cohérence de notre stratégie économique.

Le projet de loi de finances pour 2013 que le Gouvernement soumet à votre examen s’inscrit en totale cohérence avec la ligne que je viens de vous présenter ; il est la pierre fondatrice de notre politique.

Avant de laisser Jérôme Cahuzac vous en présenter la philosophie et les détails avec la précision et le talent qui sont les siens, je souhaite vous montrer comment le projet de loi de finances pour 2013 s’insère dans la vision d’ensemble que je viens de dessiner.

Si ce projet de loi de finances s’inscrit dans notre stratégie économique, c’est d’abord parce qu’il présente un budget d’assainissement des comptes, mais un budget d’assainissement juste.

Comme vous le savez, l’ambition de ce projet de loi de finances est d’amorcer l’assainissement des comptes publics en ramenant le déficit public à 3 % du PIB en 2013.

Toutefois, si le redressement est un impératif, il existe, à la vérité, de bons et de mauvais redressements.

Le mauvais redressement, c’est celui qui assèche les administrations, qui frappe les plus modestes de plein fouet mais épargne ceux qui peuvent contribuer davantage à l’effort ; c’est celui qui paralyse les entreprises.

Le bon redressement, c’est celui que nous vous proposons, qui est juste, qui est limité dans le temps, qui ouvre la voie à une reprise de la croissance demain ; c’est celui qui préserve la demande autant qu’il est possible dans un contexte d’effort, qui ne nuit pas à notre offre productive, mais crée au contraire les conditions du rebond.

Le Gouvernement assume pleinement l’exigence de ce budget parce que l’effort qu’il propose est, j’y insiste, un effort juste.

Il est juste en ce qu’il est partagé entre les administrations publiques, les ménages et les entreprises, mais aussi différencié, comme je vous l’ai expliqué, au sein de chacune de ces catégories.

Il est juste en ce qu’il rétablit la progressivité de l’impôt, en particulier celle de l’imposition des personnes, alors que cette progressivité a été mise à mal au cours des deux derniers quinquennats. C’est un choix que nous assumons !

Je ne laisserai pas dire que l’effort de 2013 repose sur des mesures de hausse générale et indifférenciée des impôts. La vérité est qu’il repose sur une réforme profonde de la structure des prélèvements. C’est le sens de la création d’une nouvelle tranche d’imposition sur le revenu à 45 % au-delà de 150 000 euros ; c’est le sens de la limitation de l’avantage pouvant être retiré des niches fiscales ; c’est le sens de l’alignement de l’imposition du capital sur celle du travail.

Cette dernière orientation a été maintenue à l’Assemblée nationale, même si nous avons consenti à certaines évolutions qui pouvaient être justifiées par les analyses économiques que nous avons prises en compte.

Il n’est pas normal qu’on soit moins taxé lorsqu’on s’enrichit en dormant que lorsqu’on peine en travaillant !

Les détenteurs des plus hauts revenus et patrimoines seront appelés en 2013 à un effort de solidarité exemplaire et, pour partie, exceptionnel. La contribution exceptionnelle de solidarité et la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, qui les concernent directement, permettront de demander plus à ceux qui peuvent le plus.

Nous ne devons pas perdre de vue que cette contribution exceptionnelle sera neutre pour 99, 9 % des contribuables. Quant à la réforme de l’ISF, elle portera sur les 5 % de ménages aux revenus les plus élevés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux éteindre de mauvaises polémiques pour éclairer votre choix : notre réforme de l’impôt sur le revenu repose sur des mesures clairement ciblées.

Enfin, parce qu’il n’y a pas d’effort acceptable sans une perspective d’amélioration qui le justifie, le présent projet de loi de finances préserve les capacités de croissance de notre pays.

En effet, le Gouvernement a décidé d’épargner largement les petites et les moyennes entreprises, qui sont le fer de lance de notre économie, et de sanctuariser le crédit impôt recherche en l’étendant en outre aux dépenses d’innovation des petites et des moyennes entreprises.

Le projet de loi de finances sera complété par un projet loi de finances rectificative qui comportera des mesures de lutte contre la fraude fiscale.

Ce budget réduit de 30 % l’écart entre le taux implicite d’imposition des PME et celui des grandes entreprises, dans une perspective de rééquilibrage.

Il sollicite l’État pour le redressement, tout en s’efforçant de préserver les dépenses d’investissement.

Avec ce projet de loi de finances, nous vous proposons une refonte complète du paysage de nos finances publiques, dans sa forme comme dans son contenu.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous aura présenté six projets de loi financiers structurants en six mois : le projet de loi de finances rectificative du mois de juillet, le projet de loi de finances pour 2013, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, le projet de loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques et le projet de loi de finances rectificative du mois de novembre.

Au fond, le projet de loi de finances pour 2013 dont vous débutez l’examen en séance publique est le premier jalon du désendettement compétitif et juste que nous poursuivons.

Je sais qu’il suscite de nombreux débats. C’est normal et je ne veux pas les balayer d’un revers de main, car nous sommes là pour débattre. Le redressement du pays est une mission trop exigeante et trop importante pour être l’accomplissement des seuls gouvernants. Nous ne réussirons que grâce à la mobilisation de tous : les forces économiques – ce qu’on appelle les « forces vives » du pays –, la société civile et vous, mesdames, messieurs les parlementaires.

Il nous faut être à la hauteur de nos responsabilités historiques – et je pèse mes mots ! La France n’a pas traversé une crise de l’ampleur de celle que nous vivons depuis de très nombreuses années. Le redressement est un enjeu tel que, nous ne le savons, nous sommes un peu à la croisée des chemins.

Nous le réussissons, et nous serons toujours cette cinquième économie du monde, une économie forte, diversifiée, créatrice et respectée, dès lors qu’elle aura retrouvé sa compétitivité et ses capacités exportatrices.

Si, au contraire, nous n’entreprenons rien ou si les réformes ne sont pas menées à bien, nous pouvons tomber dans une spirale qui est celle du déclassement – je ne veux pas parler ici de déclin, car la France est forte –, de la perte d’influence ; c’est bien cela qui est en jeu !

La responsabilité qui consiste à faire le bon choix est aujourd’hui la nôtre, celle du Gouvernement, bien sûr, et celle de la représentation nationale. Nous n’avons pas le droit de nous défausser, parce que d’autres l’ont fait avant nous et que nous en payons le prix aujourd’hui.

L’heure est bien aux choix politiques courageux, ambitieux, fondateurs, fondamentaux, non à la fuite en avant, non plus qu’aux atermoiements ou à l’indétermination. C’est ainsi que Jérôme Cahuzac et moi voyons les choses. Le Gouvernement a conscience de ses responsabilités. Nous voulons nous montrer à la hauteur. Nous ne ménageons pas notre peine. Nous écoutons beaucoup et nous cherchons la voie qui est la plus juste et la plus efficace, celle qui permet de préserver les capacités de la France.

Je souhaite que nous soyons aidés dans cette tâche importante, historique, par les membres de cette assemblée. Le projet de loi de finances pour 2013, certes difficile, nous en sommes conscients, mais qui a été élaboré avec beaucoup de soin et une vision stratégique, en offre aujourd’hui l’occasion. Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est dans cet esprit que nous entamons ce débat. §

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, comme Pierre Moscovici vient de l’indiquer, ce projet de loi de finances initiale que le Sénat s’apprête à examiner est à la fois une suite et un précédent.

Il est la suite de la loi de finances pluriannuelle que votre Haute Assemblée a déjà examinée, du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances rectificative présentée au Parlement, et donc devant vous, l’été dernier.

Il est aussi un précédent, car, nous le savons, une deuxième loi de finances rectificative, bien classique, interviendra au mois de décembre, juste avant la fin de l’année.

Cette loi de finances est donc un ensemble dont toutes les parties se tiennent et se complètent. Cet ensemble est grave – le nier serait absurde –, mais le Gouvernement le tient pour nécessaire, tant il lui paraît indispensable de rompre avec une équation budgétaire dont on connaît les termes, des termes qui ont été maintenus ces dix dernières années et qui, en vérité, rendent cette équation insoluble.

Quels sont ces termes ? Il s’agit, dans un premier temps, de diminuer les ressources sans diminuer – loin s’en faut ! – à due concurrence les dépenses.

Les exemples abondent ces dix dernières années. Entre 2002 et 2007, le Président Jacques Chirac a délibérément diminué l’impôt sur le revenu d’environ 30 %, comme il s’y était engagé pendant sa campagne électorale présidentielle, et, de fait, les différents ministres du budget, notamment Jean-François Copé, ont mis un soin particulier à diminuer le rendement de cet impôt sur le revenu de 30 %. Il s’en faut aujourd’hui de 17 milliards d’euros de recettes qui manquent objectivement !

Il s’est agit aussi, dans cette même période, de majorer la dépense publique, puisque les niches fiscales ont progressé en nombre et que leur coût s’est surtout aggravé pour l’État. Ce coût des niches fiscales, qui était de 50 milliards d’euros en 2002, est passé à 75 milliards d’euros en 2007, soit une augmentation considérable de 25 %.

Le même mécanisme, les mêmes termes de cette équation insoluble ont été maintenus entre 2007 et 2012. Je voudrais rappeler qu’à l’été 2007 le paquet fiscal fut adopté par la majorité UMP pour un coût de 10 milliards à 12 milliards d’euros intégralement financé par l’emprunt.

La réforme de la taxe professionnelle, qui était peut-être nécessaire, mais dont le montant ne fut assumé, là encore, que par l’endettement, a représenté un coût de 7 milliards à 8 milliards d’euros la première année et 5 milliards d’euros en vitesse de croisière.

Le même exemple peut être donné avec l’abaissement de la TVA dans la restauration. Encore une fois, je ne préjuge pas la légitimité de cette mesure, ni même son intérêt pour les entreprises concernées. Je me permets simplement de constater que son coût réel et net, 2, 3 milliards d’euros, ne fut assumé, là encore, que par l’emprunt.

Comment imaginer résoudre cette équation dans laquelle les ressources de l’État sont délibérément abaissées et ses dépenses délibérément augmentées ? Comment imaginer que cette équation ait pu être résolue autrement que par l’endettement ? Et c’est bien cet endettement insupportable qui contraint aujourd’hui l’action publique des autorités de la France.

Cet endettement a abouti à un affaiblissement de la position de la France – peut-être pas dans le monde, mais certainement en Europe et en tout cas au sein de la zone euro – et, dès la loi de finances rectificative, a obligé le Gouvernement à prendre des mesures difficiles. Il est finalement peu surprenant que l’opposition les condamne, comme il est peu surprenant que la majorité et les membres du Gouvernement rappellent aux membres de cette opposition l’origine précise et véridique des efforts qu’il nous faut désormais demander aux Français.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

L’endettement a progressé de 300 milliards d’euros entre 2002 et 2007 – la crise n’était pas là ! – et de 600 milliards d’euros entre 2007 et 2012. Certes, la crise était là, mais on sait le jugement que la Cour des comptes a porté concernant notamment l’année 2010. Elle a indiqué que, cette année-là, le déficit public était dû pour un tiers à la crise et, pour les deux tiers, aux politiques publiques menées souverainement par les autorités de notre pays !

Le Gouvernement veut rompre avec les termes de cette équation impossible. L’endettement n’est plus l’issue inéluctable aux décisions politiques prises par le Gouvernement français, sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République. Dans la présentation du budget, je donnerai les éléments probants, me semble-t-il, de la rupture que ce Gouvernement souhaite opérer avec la période des dix dernières années, une rupture nécessaire, car cette équation insoluble ne débouchant que sur l’endettement présente des inconvénients dont chacun connaît la réalité.

C’est d’abord l’inefficacité qui est au rendez-vous avec plus de 900 milliards d’euros de dette, un montant tout à fait impressionnant. Or, nous le savons tous, lorsque la puissance publique lève sur le marché des capitaux des sommes aussi considérables, ce sont autant de capitaux qui ne peuvent pas être investis dans le secteur productif. En réalité, c’est autant en moins pour la compétitivité et, à terme, pour la production de richesses et de valeurs, et donc pour favoriser l’emploi.

Inefficacité incontestablement, en témoigne le déficit du commerce extérieur, conséquence directe du mécanisme financier que je viens d’indiquer : plus de 70 milliards d’euros de déficit budgétaire l’année dernière.

Au-delà de l’inefficacité, c’est également un mécanisme terriblement dangereux auquel nous avons assisté. Pierre Moscovici l’a indiqué : nous endetter à ce point, dépendre autant des marchés et, le cas échéant, des agences de notation, c’est, qu’on le veuille ou non, abandonner une part de notre souveraineté nationale à des institutions ou à des individus qui, elles et eux, n’ont aucun compte à rendre au peuple, alors que vous-même, le Gouvernement et l’ensemble des élus ont d’abord le devoir de rendre des comptes à ceux qui nous donnent mandat de diriger ce pays.

C’est aussi dangereux à l’égard des générations futures, puisque, moralement, il ne me semble pas que nous avons réellement le droit de leur faire supporter le remboursement d’une dette correspondant à des dépenses qui, en vérité, ne leur profitent nullement dans la mesure où il s’agit, pour beaucoup, de dépenses de fonctionnement.

Compétitivité, place de la France en Europe, aléa moral à l’égard des générations futures. Oui, il faut rompre avec cette politique de l’endettement, c’est-à-dire avec cette politique qui consiste à diminuer les ressources tout en augmentant les dépenses, et à compter sur les marchés pour pourvoir aux financements qui manquent mécaniquement et, oserai-je dire, inéluctablement.

Ce projet de budget s’inscrit donc dans cet ensemble, dont j’ai dit tout à l’heure qu’il était grave, dont j’ai déjà précisé que le Gouvernement le tenait pour nécessaire. Un effort est donc demandé au pays, un effort dont nous voulons croire qu’il est juste. Nous faisons tout pour qu’il le soit et pour qu’il soit perçu comme tel, car nous avons la conviction que nos concitoyens ne l’accepteront que s’ils sont persuadés que cet effort est nécessaire et juste. Aussi nous efforçons-nous de le rendre le plus juste possible.

Pierre Moscovici a précisément indiqué sur qui porterait, sinon l’intégralité de l’effort requis à l’occasion de l’examen de l’ensemble de ce texte, en tout cas la plus grande part de cet effort. Oui, c’est à ceux dont nous estimons qu’ils peuvent le supporter – ménages et entreprises – que nous demandons un effort particulier et rude qu’il s’agit non pas de nier, mais d’assumer. Après tout, c’est l’intérêt supérieur du pays qu’il s’agit bien de préserver !

Cet effort est rude et indispensable. Il n’empêche pas pour autant le Gouvernement de mettre en œuvre des politiques qui sont nouvelles, mais qui ne sont pas financées par l’emprunt. Elles le sont par des ressources que nous assumons.

Ainsi, la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, ARS, est financée par un déport de 480 millions d’euros opéré à partir de l’enveloppe du quotient familial s’élevant à 14 milliards d’euros. Cette mesure profite aux foyers les plus modestes, ceux-là mêmes qui ne bénéficient pas du quotient familial puisqu’ils ne sont pas précisément éligibles à l’impôt sur le revenu.

Politique nouvelle aussi que de permettre à celles et à ceux qui ont commencé à travailler très tôt, en général pour effectuer des métiers très pénibles, dangereux, à faible perspective de carrière ou d’évolution de rémunération, de prendre leur retraite une fois les trimestres cotisés, quel que soit l’âge auquel ils décident de la prendre, en l’espèce soixante ans. Cette mesure a été financée par un relèvement de cotisations, à la fois sur les salariés et sur les entreprises, de 0, 1 point dans chaque cas. Oui, c’est un prélèvement supplémentaire, mais au service de la justice, et c’est une mesure que nous assumons parfaitement.

Politique nouvelle encore qui consiste à restaurer ce grand service public qu’est l’éducation nationale, en mettant un terme aux suppressions aveugles, systématiques de postes intervenues ces cinq dernières années. Nous avons commencé à restaurer ces moyens humains et nous continuons à le faire.

De la même manière, nous mettons un terme aux suppressions de postes dans les forces de sécurité, de police et de gendarmerie, ou dans les effectifs de la justice. Cela ne signifie pas que tous les effectifs du ministère de l’intérieur sont préservés. Dans le projet de budget, nous supprimons 614 équivalents temps plein dans ce ministère, mais nous créons 480 postes dans les forces de sécurité.

Nous persévérerons, année après année, pour aboutir à satisfaire la promesse du candidat François Hollande, à savoir que 5 000 postes supplémentaires seront créés au sein des forces de sécurité, police et gendarmerie.

Nous continuons, par exemple au ministère de l’économie et des finances où, l’année prochaine, 2 353 postes seront supprimés. Mais, entre 2012 et 2013, 10 011 postes seront créés au sein de l’éducation nationale, car c’est l’une des priorités du Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si, en vous citant ces chiffres, je me permets de vous indiquer où des postes sont créés ou supprimés, c’est pour vous montrer qu’au total, sur la mandature, les effectifs de l’État resteront stables. À la fin de l’année 2013, il y aura 2 317 postes supprimés au sein de l’appareil de l’État, non pas que j’aie la religion de la suppression des postes – au sein de l’éducation nationale, cela va sans dire, mais au sein de l’État –, mais parce que les postes créés cette année doivent être, année après année, compensés par des suppressions qui excéderont en nombre les créations dans les ministères ou les missions privilégiés.

Nous respecterons l’engagement de la stabilité des effectifs, car nous respecterons l’engagement de la norme « zéro valeur » d’évolution des dépenses de l’État. Cette règle fut d’ailleurs instaurée par le gouvernement précédent. Nous la maintenons, hors service de la dette et versement des pensions.

Permettez-moi de rappeler qu’en 2008, première année de la précédente mandature, le gouvernement d’alors augmentait la dépense sur ce champ-là, alors que ce Gouvernement, par une économie très maîtrisée de la dépense, s’efforce de respecter cette norme « zéro valeur » et y parviendra !

Puis-je me permettre de faire remarquer que le budget de l’État, tout compris, augmentera de 0, 3 %, alors que le gouvernement Fillon, en 2008, avait augmenté les dépenses de l’État de 3, 3 %, soit dix fois plus. Si je rappelle l’évolution de la dépense, en soulignant le rapport de un à dix entre ce que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’apprête à faire en première année pleine de mandature et ce que le premier gouvernement Fillon avait fait, également en première année de mandature, c’est sans doute pour relativiser des critiques que je crois inévitables, mais infondées, et qui voudraient que ce gouvernement ne maîtrise pas la dépense, alors que les précédents auraient agi en ce sens.

Selon moi, ce rapport de un à dix fait litière de cet argument. Je n’aurai d’ailleurs de cesse de rappeler ces chiffres dès lors que d’autres n’auraient de cesse d’énoncer ce que je considère comme des contre-vérités patentes.

Donc, nous maîtrisons la dépense, et ce malgré les politiques nouvelles que nous mettons en œuvre. S’agissant de l’évolution tendancielle de la dépense publique l’année prochaine, une économie de 10 milliards d’euros sera réalisée, comme en témoignent d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les documents budgétaires dont vous disposez.

Certes, on peut observer une diminution de 1, 2 milliard d’euros des investissements prévus. Ce sont probablement les choix qui ont été les plus douloureux à faire !

Nous prévoyons une diminution de la dépense au sein du ministère de la défense nationale. À cet égard, je voudrais rendre hommage à Jean-Yves Le Drian, qui remplit sa mission avec un sens des responsabilités et du devoir absolument remarquable. Pour ce qui le concerne, il devrait en effet parvenir à maîtriser la dépense, sans pour autant mettre en œuvre un quelconque budget de rupture.

Nos troupes seront rapatriées d’Afghanistan et accueillies dans des conditions tout à fait correctes. Aucun des programmes d’investissement militaire conditionnant la sécurité nationale de notre pays dans les années à venir ne sera sacrifié. Nous avons élaboré un budget de transition et non pas, je le répète, de rupture. Pour autant, le ministère de la défense contribuera bien aux économies, à hauteur de 2, 2 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable. En outre, une économie de 2, 8 milliards d’euros sera réalisée sur les dépenses de fonctionnement de l’État, et de 2 milliards d’euros sur les dépenses d’intervention.

Bref, pour l’ensemble du budget de l’État, nous prévoyons, c’est incontestable, une économie de 10 milliards d’euros.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

S’y ajoute bien sûr l’économie de 2, 4 milliards d’euros que nous demandons à la protection sociale, grâce à un taux de progression de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie fixé à 2, 7 %.

L’année prochaine, toutes administrations publiques confondues, nous réaliserons au total une économie de 12, 5 milliards d’euros. La chose n’est pas si fréquente qu’elle puisse être passée sous silence ou, pire, ignorée des uns et des autres, serait-ce pour servir des intérêts politiques partisans que toute opposition se doit de servir. J’ai été parlementaire de l’opposition et je sais parfaitement ce qu’est cet exercice contraint, obligé, sans surprise, pour tout dire classique. Chacun d’entre nous se livrera en conscience à cette pratique, indissociable de notre démocratie.

Les économies sont là, malgré l’instauration de politiques nouvelles, ce qui montre bien que le Gouvernement, après avoir indiqué sa volonté de rompre avec les termes d’une équation budgétaire impossible, met en œuvre sa volonté de rupture, afin que la parole de la France retrouve une force que, objectivement, elle avait en partie perdue, précisément parce que notre pays s’avérait incapable de tenir des engagements budgétaires et financiers pris pourtant auprès de la Commission européenne et de nos principaux partenaires.

J’ai indiqué récemment dans cette enceinte ce qu’il en était des économies attendues dans le domaine de la protection sociale.

J’évoquerai bien sûr les collectivités locales. Ne pas le faire ici serait plus qu’un oubli, presque une faute. Vous le savez, les dotations sous plafond bénéficieront, si je peux me permettre cette expression, de la norme « zéro valeur ». Toutefois, il a été décidé que le Fonds de compensation de la TVA serait sorti de ce champ « zéro valeur », car il ne faut pas contraindre excessivement les collectivités dès lors qu’elles souhaitent investir, y compris en ayant recours à l’emprunt. Ce cas de figure constitue probablement une bonne dette, contrairement à celle qui vise à financer des dépenses de fonctionnement. Le fait que les générations futures contribuent au remboursement d’une telle dette n’est pas scandaleux en soi, puisque les investissements leur sont aussi destinés.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque ce texte a été examiné par votre assemblée, dans le cadre du budget triennal, il sera demandé aux collectivités locales, via une diminution de la dotation sous plafond, un effort de 750 millions d’euros en 2014 et, de nouveau, de 750 millions d’euros l’année suivante. Il nous semble que cet effort de 1, 5 milliard d’euros sur trois ans, soit 2 % de la totalité des dotations d’État, est supportable, tant il est vrai que l’État à lui seul ne peut assumer le retour à l’équilibre de nos finances publiques. Toutes les administrations publiques devront y concourir, proportionnellement à leurs disponibilités et au rôle essentiel que les uns et les autres peuvent jouer. Si l’État doit prendre « la part du lion » dans cet effort, les autres administrations publiques ne peuvent en être exonérées.

Au demeurant, quand les parlementaires de l’opposition, qui étaient hier dans la majorité, s’exprimaient sur ce sujet voilà quelques mois ou quelques années, ils reconnaissaient que l’effort devait être partagé. Je n’imagine pas qu’ils puissent tenir aujourd’hui un autre langage, sauf peut-être à donner l’impression de se dédire, ce qui n’est jamais très bon lorsque l’on souhaite être crédible.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

En tout cas, avec Pierre Moscovici, nous nous efforcerons de ne pas encourir ce risque. À supposer que nous donnions cette impression, nous savons pouvoir compter sur l’extrême vigilance du président de la commission des finances pour nous le rappeler. Il comprendra que, dès lors qu’il le ferait, nous agirions de même à son égard.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Voilà donc, à grands traits – j’espère que vous me le pardonnerez –, l’effort qu’il est demandé de consentir. La discussion des articles permettra d’entrer dans le détail des choses.

La caractéristique essentielle de ce budget, je le maintiens, est bien de s’inscrire dans un ensemble concourant à restaurer la santé de nos finances publiques, pour les raisons maintes fois évoquées dans cette enceinte et rappelées par Pierre Moscovici à l’instant. Je m’étais moi-même permis de les indiquer lors de la présentation de précédents textes.

C’est un budget difficile ; des efforts seront demandés aux uns et aux autres.

Pour ce qui concerne les ménages, une tranche marginale d’imposition au taux de 45 % est créée. La contribution exceptionnelle dite « contribution Carrez », du nom du précédent rapporteur général UMP de l’Assemblée nationale, est maintenue. Il y aura également une réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, qui ne sera pas un rétablissement ab initio de ce qu’il était. Chacun a pu prendre connaissance des taux et du plafonnement, qui permettront une restitution au moins partielle des recettes abandonnées l’année dernière, puisque la précédente majorité avait cru bon de renoncer à près de 2 milliards d’euros de recettes au titre de l’ISF, alors même que nos finances publiques se dégradaient considérablement. Au même moment, cette même majorité augmentait la contribution sociale généralisée pour l’ensemble des salariés, doublait le montant de la taxe sur les mutuelles pour l’ensemble des mutualistes et commençait à élaborer les plans complémentaires Fillon I et Fillon II. Elle n’a donc pas été « en arrière de la main », si vous me permettez cette expression habituelle en équitation, lorsqu’il s’est agi de solliciter les Français via des impôts et des taxes nouvelles.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Fillon I, c’était tout de même 11 milliards d’euros de prélèvements nouveaux, et pas un centime d’économies. Fillon II, c’était 8 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires et pas un centime d’euro d’économies.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Hélas, monsieur le président de la commission des finances, ces sommes sont évidemment nécessaires ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous les aviez décidées, vous qui avez eu, pendant des années et des années, la religion de la baisse des impôts. Si vous vous êtes résolu, à la toute fin de ces dix années où vous étiez majoritaires, à augmenter les impôts, c’est parce que vous n’aviez pas d’autre moyen d’action, après les avoir baissés peut-être de manière inconsidérée toutes les années précédentes.

L’effort fut rude, notamment sur le plan politique, pour ceux qui, huit années d’affilée avaient diminué les ressources et ont dû ensuite les augmenter brutalement. Car il a fallu respecter la parole de la France et en finir avec un endettement non seulement important mais aussi grandissant, qui finissait par compromettre, à l’intérieur de nos frontières, toute action publique et, à l’extérieur de celles-ci, toute parole donnée. Nous assumons ce que vous avez fait et nous espérons que vous assumerez, comme nous, ce que nous nous apprêtons à proposer au Sénat au cours des heures à venir.

Nous souhaitons réformer l’impôt sur le revenu, en alignant les barèmes relatifs aux revenus du capital sur ceux qui concernent les revenus du travail. Seront toutefois prévues quelques modalités particulières, que le Gouvernement assumera parfaitement, au nom de la compétitivité, de la nécessité de relancer l’économie et de l’impérieuse obligation de ne pas décourager l’investissement. Dans l’ensemble, les revenus du capital et les revenus du travail seront désormais soumis, très majoritairement, au même barème de l’impôt. C’est une réforme considérable, dont le précédent Président de la République, si on veut bien en avoir le souvenir, avait jeté les bases. Je m’étonne donc que ceux qui se réclamaient de lui condamnent avec autant de force ce que nous nous apprêtons à faire, puisque celui qu’ils soutenaient à l’époque dans son action puis dans sa campagne électorale avait indiqué qu’il lui paraissait peut-être nécessaire de modifier notre fiscalité dans ce sens. Il est vrai qu’il avait beaucoup parlé à cette fin, mais que ce qu’il avait suggéré ou demandé de faire à son gouvernement s’inscrivait dans le sens inverse.

Chacun ses contradictions ! Vous me permettrez de les relever à l’occasion, puisque nous avons les nôtres, auxquelles vous ne nous épargnez aucune allusion. Là encore, c’est le débat démocratique qui s’impose et chacun doit en accepter les termes.

Dans la même philosophie, les entreprises devront aussi consentir un effort. Nous solliciterons celles qui, nonobstant cet effort, continueront à investir. Il en est ainsi de la réduction de ce que l’on appelle la « niche Copé », probablement mal nommée, puisque, courageusement, le président de la commission des finances du Sénat a toujours indiqué que cette niche devrait s’appeler la « niche Marini ».

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Peut-être, monsieur le président de la commission des finances, devez-vous consentir à ce que celui qui a fini par donner son nom à cette niche soit finalement d’une notoriété supérieure à la vôtre, sans doute pour de mauvaises raisons, comme le démontre l’actualité récente.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Je suis sûr que, au-delà de l’indignation que vous manifestez et dont je devine qu’elle est en partie factice – j’ai appris à vous connaître, monsieur le président de la commission des finances ! –, vous saurez trouver des arguments, auxquels, naturellement, je répondrai. Il demeure que ce que j’ai dit est vrai : cette niche devrait s’appeler la niche Marini, vous ne vous en formaliserez pas. Or il se trouve qu’elle s’appelle la niche Copé. Elle restera ainsi baptisée.

Quoi qu’il en soit, cette niche sera en partie réformée, ce qui entraînera pour les finances publiques une économie tout à fait importante de l’ordre de 2 milliards d’euros, dont nous pouvons nous réjouir.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Un effort sera également demandé aux entreprises qui ont pris l’habitude de reporter des déficits constitués au cours des années précédentes. Alors qu’elles avaient la possibilité de reporter jusqu’à 60 % des sommes en question, elles ne le pourront désormais qu’à hauteur de 50 %. Les PME bénéficieront bien sûr d’une franchise, car il ne s’agit pas de les gêner.

Telles sont donc, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales mesures, en termes de recettes et d’économies, de ce projet de budget. Le Gouvernement vous le présente avec la sincère conviction qu’il est indispensable – il faut rompre avec l’endettement – et juste, puisque l’effort sera concentré sur les ménages et les entreprises qui peuvent le supporter. Une année difficile s’annonce, car ce n’est jamais de gaîté de cœur qu’un gouvernement s’apprête à demander au Parlement de voter les efforts que le pays devra assumer.

Souvenons-nous de ce qu’écrivait un économiste d’après-guerre, Charles Bettelheim : « Quand on cesse de compter, c’est la peine des hommes que l’on oublie ». Oui, nous comptons ! Avec Pierre Moscovici, nous continuerons à compter parce que nous ne voulons pas oublier la peine de ceux que nous allons solliciter pour redresser le pays. C’est cela qui permettra le redressement du pays, pour que la France retrouve sa prospérité, sa compétitivité, sa force en Europe et dans le concert des nations, sa place qu’elle avait probablement en partie perdue, tant notre économie allait mal, et tant il est vrai – nous en sommes tous convaincus – que la puissance d’un pays ne se mesure pas seulement au nombre de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins ou à un siège de représentant permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.

La force d’un pays se mesure aussi à son économie et à son industrie. Beaucoup d’efforts sont à faire à cet égard. Le Gouvernement demande au Parlement de voter ce texte pour que le pays les consente. Ce budget s’inscrit dans un ensemble qui, je le répète, est grave, mais le Gouvernement le considère comme absolument nécessaire. §

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui au Sénat la discussion d’un projet de loi de finances dont nous savons qu’il devrait être complété bientôt par des dispositions qui inscriront dans notre droit le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi annoncé par le Premier ministre le 6 novembre dernier.

Je m’empresse de préciser que cette situation n’a rien à voir avec ce que nous avons vécu à l’automne 2009, lorsque nous avons débattu d’une loi de finances fantôme, dont il était acquis que l’équilibre serait bouleversé dès le mois de janvier par le collectif budgétaire sur les investissements d’avenir.

Cette situation n’a rien de comparable non plus avec celle de l’année dernière lorsque le plan Fillon a entraîné le vote de dispositions en loi de finances au Sénat, en collectif à l’Assemblée nationale, de sorte que les composantes de l’équilibre budgétaire de 2012 résultaient largement d’une loi de finances rectificative.

Ici, la réforme qui est annoncée sera sans effet significatif sur le solde de 2013. S’il est nécessaire de la voter si vite, c’est pour que les entreprises puissent en bénéficier le plus rapidement possible.

Si je commence mon propos en évoquant ce texte à venir, c’est parce que son annonce apporte un éclairage utile sur le projet de loi de finances dont nous débattons.

Depuis le débat sur les orientations des finances publiques du mois de juillet, le Gouvernement et la majorité insistent sur la nécessité de mettre en œuvre des mesures favorables à la compétitivité de notre économie. Certains imaginaient qu’il s’agissait d’un discours ou d’une posture ; ils savent désormais qu’il s’agit d’une volonté politique.

J’invite donc ceux qui doutent de la détermination du Gouvernement sur tel ou tel point, par exemple en matière de réduction des dépenses publiques, à méditer cet exemple.

Sur ce point, comme sur les autres, les engagements pris seront tenus et nous ne pourrons que donner acte au Gouvernement de sa grande détermination.

Pour ma part, j’aurais évidemment souhaité que celui-ci trouve au Sénat une large majorité…

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

M. Albéric de Montgolfier. Cela va être difficile !

M. Richard Yung s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… pour le soutenir dans la redoutable tâche qui est la sienne et qui consiste à réduire de 30 milliards d’euros en une seule année le déficit des administrations publiques, afin de permettre à notre pays de respecter l’objectif qui lui a été fixé par le Conseil dans le cadre de la procédure pour déficit excessif dont nous faisons l’objet depuis 2009. Cet objectif, c’est bien sûr le retour du déficit sous le seuil de 3 % du PIB. Outre la France, six autres États européens se doivent de rejoindre ce seuil en 2013.

Mais je me dois de constater que nous entamons aujourd’hui notre discussion dans une assemblée qui a refusé de valider la trajectoire des finances publiques dans laquelle ce projet de loi de finances s’inscrit en rejetant, le 31 octobre dernier, le projet de loi de programmation des finances publiques. Je n’oublie pas non plus que notre assemblée a rejeté la semaine dernière l’autre loi financière annuelle, à savoir le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Pour autant, en commission des finances, l’ensemble de la première partie a reçu un vote favorable. Ce matin, nous avons confirmé ou clarifié nos positions sur les crédits des différentes missions et sur les articles qui leur sont rattachés. Nous verrons mercredi soir si nous trouvons une majorité pour passer à la deuxième partie et, plus largement, si l’objectif de redressement des finances publiques de la France contenu dans ce budget 2013 est, ou non, partagé par une majorité d’entre nous, ce que je m’autorise à croire !

Le Sénat sera-t-il au rendez-vous historique, jamais vu depuis la Seconde guerre mondiale, d’un tel effort d’assainissement des finances publiques ? La question nous est posée et c’est dans cette perspective que nous nous mobiliserons tout au long de ce débat.

Pour ma part, j’invite en tout état de cause le Gouvernement à ne pas dévier du cap qu’il s’est fixé, car la crise de la zone euro n’est pas finie.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les investisseurs ne perçoivent toujours pas notre zone monétaire comme un ensemble cohérent. Si les choses n’évoluent pas plus mal, c’est parce que les Européens ont réussi à faire passer l’idée qu’ils sont, sinon solidaires, du moins unis. La Banque centrale européenne a fait beaucoup à cet égard. Les États européens ont pris leur part et sont parvenus à lancer le mécanisme européen de stabilité, le MES.

On parle beaucoup moins ces temps-ci dans la presse de notre « pare-feu » contre les attaques spéculatives sur nos dettes souveraines. Il n’empêche que l’enjeu demeure crucial et que la consolidation de la zone euro reste notre première priorité, y compris sur le plan budgétaire.

Dans ce projet de loi de finances, nous dépensons 6, 5 milliards d’euros pour doter en capital le mécanisme européen de stabilité. C’est la plus grosse dépense nouvelle de ce budget ! Nous ne lésinons pas avec la stabilité de la zone euro, car toutes nos finances publiques en dépendent. Le lien entre secteur bancaire et dettes souveraines peut encore produire des effets redoutables, et c’est pour cette raison que l’union bancaire doit vite voir le jour. Quand l’Europe n’avance plus, elle recule. Il faut donc se réjouir que la France soit aux avant-postes du camp du progrès et du mouvement.

Dans ce contexte, le Gouvernement doit être présent sur trois fronts à la fois, sans qu’il soit possible de les hiérarchiser, au risque de fragiliser l’ensemble.

Premier front : la discipline budgétaire.

Qu’on le veuille ou non, la capacité à respecter leur trajectoire de finances publiques est un élément désormais essentiel de la crédibilité des États.

Deuxième front : la compétitivité et la recherche de la croissance de l’économie.

Si l’on considère que la crise de la zone euro s’explique mieux par les déséquilibres des balances des paiements que par les finances publiques, alors il nous faut remédier à notre déficit du commerce extérieur.

Troisième front : la justice sociale.

Une nouvelle majorité a été élue au printemps. Elle doit répondre aux attentes qui se sont exprimées. Elle doit le faire parce que les efforts qui seront demandés seront acceptés s’ils sont perçus comme justement répartis ; elle doit le faire parce que le chômage et la crise menacent la cohésion de notre société ; elle doit le faire parce que les inégalités sociales se creusent dans notre pays et qu’il ne faut pas s’y résoudre.

De mon point de vue, ce projet de loi de finances répond aux attentes sur ces trois points.

Du point de vue de la discipline budgétaire, je rappelle juste que le déficit budgétaire de l’État serait ramené de plus de 83 milliards d’euros à 61 milliards d’euros, l’une des plus fortes baisses jamais enregistrées. Le déficit primaire se réduit de 60 % pour retrouver un niveau d’avant la crise.

Pour tenir le déficit, la méthode est connue : elle vise en particulier à interdire que les dépenses de l’État ne progressent plus vite que l’inflation et à stabiliser en valeur des dépenses autres que la charge de la dette et les pensions.

Cela implique de réaliser une dizaine de milliards d’euros d’économies, en mettant à contribution, pour ce qui est du fonctionnement et des interventions, l’ensemble des ministères. Cela implique de stabiliser les effectifs et la masse salariale.

Cet effort sur les dépenses est conçu dans la durée, car le fonctionnement des services publics ne peut s’accommoder de coups d’accordéon qui conduiraient à réduire massivement les crédits une année, pour en réattribuer l’année suivante.

Mais j’entends déjà les critiques sur ce qui serait le point faible – ou l’un des deux principaux points faibles – de ce projet de loi de finances, à savoir la concentration sur l’année 2013 de l’effort en recettes.

Pour ce qui concerne le budget de l’État, on ajoute une quinzaine de milliards d’euros de hausses d’impôts aux 4 milliards d’euros issus des effets, en 2013, des mesures votées par la majorité précédente et aux 3 milliards d’euros issus des effets pour 2013 des mesures du collectif budgétaire.

Mes chers collègues, de mon point de vue, ce choix est le meilleur possible. Comme je l’avais expliqué au moment du collectif budgétaire, à court terme les hausses d’impôts sont moins récessives que les baisses de dépenses. Les travaux théoriques récents du Fonds monétaire international ne font que confirmer cette analyse.

De mon point de vue, l’affichage de mesures de recettes lisibles et bien calibrées ne peut que crédibiliser notre détermination à respecter l’objectif de déficit de 3 % du PIB en 2013.

L’autre faiblesse alléguée du projet de loi de finances, c’est l’hypothèse de croissance du PIB, dont dépend notamment l’évolution spontanée des recettes. On peut toujours se livrer à des exercices de simulation pour évaluer les effets sur le solde d’une prévision de croissance différente de celle qu’a retenue le Gouvernement. C’est tout à fait légitime et cela permet de se préparer à toutes les éventualités. En revanche, pour contester une hypothèse de croissance, il faut être autrement armé. Certes, les gouvernements ont toujours un biais optimiste dans leurs prévisions, mais je constate simplement que l’écart constaté cette année avec le consensus n’est pas plus grand que d’habitude.

Je rappelle aussi que, sur l’initiative du Sénat, le projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques oblige le futur Haut Conseil des finances publiques à se référer au consensus pour apprécier les hypothèses retenues dans les lois de finances. J’en tire comme conclusion qu’il est inutile de chercher de mauvaises querelles cette année et que, dès le 1er mars, la donne aura changé avec la création de cette instance.

J’en viens maintenant à la compétitivité et à la recherche de la croissance. Ce sujet nous occupera dans les semaines qui viennent avec la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Quoi que l’on pense de la décision et des motivations de l’agence Moody’s, qui l’ont conduite ces derniers jours à dégrader d’un cran la note de la France, il nous faut en tirer la conclusion que les réformes structurelles ne peuvent attendre et qu’il faut les mettre en œuvre le plus vite possible.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

: l’éducation figure parmi ses priorités budgétaires, des emplois d’avenir ont été créés, le crédit d’impôt recherche va être étendu à l’innovation, le régime des fonds communs de placement dans l’innovation et les fonds d’investissement de proximité seront prorogés tels quels.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

J’en viens, pour finir, à la justice sociale.

On se souviendra de ce projet de loi de finances comme celui du retour de la progressivité de l’impôt sur le revenu : on crée une nouvelle tranche à 45 % dans le barème de l’impôt sur le revenu ; on crée même, pour deux ans, une tranche à 75 % pour les plus hauts revenus.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

On atténue, voire on annule, grâce à la décote, les effets du gel du barème pour les premières tranches ; on abaisse le plafond du quotient familial et, de manière importante, le plafond global des niches fiscales, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… même si, c’est vrai, on réduit un peu son assiette.

On se souviendra aussi de ce projet de loi de finances comme celui qui a permis de taxer les revenus de l’épargne au barème de l’impôt sur le revenu. C’est une réforme juste, car la plupart des contribuables perdent aujourd’hui avec le régime du prélèvement libératoire, tandis qu’un petit nombre, on sait lesquels, y gagne massivement. C’est une réforme qui devra, à n’en pas douter, être ajustée dans les années qui viennent compte tenu de son ampleur. C’est une réforme qui va rouvrir le débat sur la qualification de certains revenus, je pense notamment au carried interest.

Si les États-Unis d’Amérique évoluent vers une taxation de ces revenus alignée sur celle des revenus du travail, pourrons-nous ne pas aller un jour dans le même sens ? La réponse est naturellement non et nous devons réfléchir à nous engager dans cette direction.

Évidemment, l’impôt sur le revenu plus progressif s’accompagne d’un impôt sur la fortune à nouveau capable de jouer son rôle de taxation de la faculté contributive qu’apporte la détention de patrimoine, tout en respectant les contraintes constitutionnelles.

Nous allons aussi débattre d’un projet de loi de finances riche en mesures en faveur du logement. Tout d’abord, il contient des mesures qui doivent relancer l’offre de foncier dans les zones où elle manque le plus, avec une réforme du régime des plus-values immobilières mélangeant l’incitation, pour les cessions d’immeubles bâtis, et la sanction de la rétention, pour les terrains à bâtir, dont l’abattement pour durée de détention sera supprimé.

Dans le même but, le projet de loi de finances étend et renforce la taxe sur les logements vacants et rend systématique, dans les mêmes zones tendues, la majoration de la valeur locative cadastrale des terrains constructibles.

Vous le voyez bien, mes chers collègues, tout est fait pour remettre des biens et des terrains sur le marché.

En outre, plusieurs mesures sont destinées à favoriser la construction et le logement : un nouveau dispositif d’aide à l’investissement locatif, le « Duflot », plus social et recentré géographiquement, qui prendra la suite du « Scellier » en évitant de reproduire ses défauts, et la prolongation jusqu’en 2016 des actuels régimes d’aide à l’investissement dans le meublé non professionnel pour le logement étudiant, les établissements pour personnes âgées et les résidences de tourisme classées.

Reste la question de l’accession à la propriété. Il nous est proposé d’accorder la garantie de l’État au Crédit immobilier de France, le CIF, banque qui ne parvient plus à se financer sur les marchés. Une part significative de son activité consiste à accorder des prêts aux ménages modestes. Par ailleurs, ses résultats servent à financer les missions sociales de ses actionnaires, les sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété, les SACICAP, qui, on le sait, visent essentiellement la solvabilisation des ménages pour permettre à ces derniers de financer les travaux de rénovation de leur logement.

Dès que le Gouvernement a annoncé son intention d’accorder cette garantie, au début du mois de septembre, notre commission des finances s’est mobilisée sur ce sujet. Le 3 octobre, nous avons organisé une table ronde ouverte à tous les sénateurs. Depuis lors, le dossier a évolué. Les députés ont organisé des auditions de leur côté. La commission des finances du Sénat a mis en place un groupe de travail et je rendrai compte à celle-ci de nos travaux le 4 décembre prochain, lorsque nous nous réunirons pour examiner en commission ce fameux article 66.

En attendant, sur ce sujet du CIF, nous avons adopté un amendement à l’article 30 qui a pour objet d’inviter le Gouvernement à envisager toutes les conséquences, directes et indirectes, de ce qui est en train de se passer. Cette situation nous préoccupe vivement.

Au titre du présent texte, nous examinerons également des articles qui rétablissent l’équité fiscale entre les petites, les moyennes et les grandes entreprises. C’est un sujet dont nous avons souvent débattu, en particulier l’année dernière, au cours de l’examen du projet de loi de finances. Nous avions attiré l’attention sur la nécessité de nous consacrer beaucoup plus activement aux PME et à leur situation fiscale.

Le plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunts réduira l’écart de taux effectif d’impôt sur les sociétés entre les petites et les grandes entreprises. C’est là une réponse à une préoccupation que le Sénat exprime depuis déjà de nombreuses années.

Messieurs les ministres, vous le comprendrez, le Sénat ne serait plus le Sénat s’il ne souhaitait pas que le souci de justice s’étende aux collectivités territoriales.

Bien entendu, les collectivités doivent prendre part à l’effort général de redressement des comptes. Nous sommes tous d’accord pour l’admettre !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Certes, mais pas pour ce qui est des moyens !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En effet, les collectivités territoriales représentent un des postes de dépenses publiques les plus importants, presque 20 % des dépenses hors fiscalité transférée. De plus, le respect des objectifs de progression des charges publiques figurant dans la programmation pluriannuelle dépend également de la manière dont celles-ci contiennent leurs dépenses.

Parallèlement, nos collectivités doivent faire jouer la solidarité entre elles et accepter le renforcement des dispositifs de péréquation. Elles doivent évidemment concourir à la définition des nouvelles règles qui leur seront appliquées et être mieux associées au contrôle des normes.

Toutefois, les meilleures règles du jeu restent inopérantes si les dés sont pipés. Or, si on ne réforme pas les valeurs locatives sur lesquelles sont assis les impôts locaux, rien ne garantit que l’on prélèvera les plus riches et que les plus pauvres seront les mieux dotés. Rien ne garantit que les efforts seront demandés à ceux qui peuvent le plus contribuer, au sein des collectivités comme entre elles.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Mes chers collègues, au mois de juillet, vous avez voté mon amendement qui tendait à généraliser la révision des valeurs locatives professionnelles. Le Gouvernement avait soutenu cette initiative. J’espère que, dans le collectif budgétaire que nous examinerons mi-décembre, il en sera de même de l’amendement que je vous présenterai afin de proposer une expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation, en vue de leur extension à l’ensemble du champ des valeurs locatives.

Tels sont les remarques que je tenais à formuler au sujet du présent texte, quant à son contenu et l’esprit dans lequel il s’inscrit aujourd’hui. Naturellement, j’appelle le Sénat à soutenir activement ce projet de loi de finances.

Cependant, je ne peux oublier que, l’année dernière, la majorité sénatoriale nouvellement élue avait combattu le dernier budget du quinquennat précédent tout en mettant en avant sa vision de la politique à mener en matière de finances publiques.

Rappelez-vous : il y a un an de cela, notre commission des finances avait élaboré une trajectoire de retour à l’équilibre pour 2017, … §

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… fondée sur 50 milliards d’euros d’économies de dépenses et 50 milliards d’euros de recettes supplémentaires, soit du 50-50 ! C’est bien l’esprit dans lequel le Gouvernement nous présente aujourd’hui sa trajectoire budgétaire pour les années à venir. Nous ne pouvons donc que nous satisfaire de cette réponse apportée à nos préconisations.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Rappelez-vous : en séance, nous avions remis en cause les mesures phares de la législature précédente, tout en jetant les bases d’une réforme fiscale fondée, notamment, sur un impôt sur le revenu plus progressif, sur une taxation au barème des revenus du patrimoine, sur un impôt sur la fortune renforcé – autant de mesures actées par le présent texte –, ou encore sur une déductibilité des charges financières plafonnée.

Très clairement, cet exercice de préparation budgétaire accompli l’an passé par le Sénat a rencontré de très nombreux échos dans le présent projet de loi de finances. Je me retrouve donc parfaitement dans le texte qui nous est soumis, et je souhaite qu’il puisse être voté par le plus grand nombre d’entre nous. §

M. Jean-Claude Carle remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, d’habitude, le projet de loi de finances initiale, le budget, c’est théoriquement le texte fondateur de la politique économique. Plus exactement, c’est le symbole, l’axe fort, l’expression de la volonté d’un Gouvernement et de la majorité qui le soutient, à l’heure d’aborder l’exercice budgétaire à venir.

Or, alors que nous entamons l’examen de ce texte, qu’en est-il ? Pour ma part, je ne peux que noter le décalage de plus en plus grand, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… entre ce projet de loi de finances, tel qu’il a été élaboré cet été puis arrêté par le conseil des ministres en septembre dernier, et la réalité économique, financière, sociale et internationale du temps présent.

Premièrement, bien sûr, le cadre macroéconomique est en cause. Les hypothèses de croissance, que M. le ministre de l’économie – à l’instar de la longue série de ses prédécesseurs – a qualifiées de « volontaristes », s’élèvent à 0, 8 % pour 2013 et à 2 % pour les années suivantes.

En lisant les appréciations des instituts de conjoncture et des économistes, en écoutant le Fonds monétaire international, la Commission européenne et l’ensemble des experts, on ne peut que dresser ce constat : les estimations du Gouvernement se situent sur la branche haute de la fourchette, voire au-delà !

Or, nous le savons bien, tout excès dans les prévisions de croissance implique, si la réalité n’est pas au rendez-vous, une révision douloureuse en cours d’année. C’est un phénomène purement mécanique ! Si l’appréciation des recettes fiscales, en particulier des impôts pesant sur les entreprises, est excessive et déraisonnable, si les chiffres doivent être revus à la baisse en cours d’année, il faudra réaliser des économies de dépenses supplémentaires, bien au-delà des 10 milliards d’euros d’inflexion de la trajectoire que vous avez évoqués.

Deuxièmement, et surtout, ce projet de loi de finances initiale me semble mettre un point final à ce qu’était votre politique économique l’été dernier : de fait, il constitue le dernier acte de l’ancienne politique, menée avant que ne survienne le tournant, ou du moins l’inflexion, habilement préparée, il faut le dire, par le rapport de Louis Gallois. §

Troisièmement, je relèverai un facteur supplémentaire de décalage entre le présent projet de loi de finances et la réalité. Il s’agit de l’information, hélas ! trop banalisée la semaine dernière, relative à la perte, par notre pays, du triple A…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… par une seconde agence de notation.

J’ai bien entendu les commentaires de M. le ministre de l’économie et des finances et de M. le ministre du budget, dont je ne manque jamais de souligner l’habileté, le professionnalisme, le sens parlementaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Toutefois, dans les propos tenus par l’exécutif, j’ai déploré le caractère polémique et partisan des remarques formulées.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Ce n’est pas du jeu !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mes chers collègues, veuillez m’écouter jusqu’au bout !

De telles comparaisons n’ont strictement aucun intérêt.

Ce qui est en cause, c’est le crédit de la France, c’est la confiance que l’on peut placer en nous.

Ce qui est en cause, c’est notre position de premier pays émetteur en euros en 2013 : quelque 160 milliards d’euros devront être recherchés sur ces marchés financiers que l’on n’ose plus aujourd’hui considérer comme des ennemis !

Ce qui est en cause, c’est de savoir comment nous parviendrons à ces 3 % de déficit, qui constituent l’alpha et l’oméga de nos engagements.

Ce qui est en cause, c’est la crédibilité du chemin choisi. En effet, à la droite de cet hémicycle, nous adhérons totalement à cet objectif de 3 %. Au demeurant, vous le savez fort bien, messieurs les ministres, si nous n’avions pas apporté nos voix au projet de loi organique, directement issu du nouveau traité européen, le TSCG, ce texte n’aurait pas été voté par le Sénat !

Je le répète, nous souscrivons totalement à l’objectif de 3 %. C’est notre engagement, nous le respectons : il procède en effet des responsabilités assumées courageusement par la précédente majorité, et en particulier par le gouvernement dirigé par François Fillon. §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour atteindre l’objectif de 3 %, il nous faudra accomplir un très sérieux effort. Plus encore, il nous faudra être très crédibles.

À cet égard, permettez-moi de m’étonner, et d’exprimer solennellement les craintes que m’inspirent les propos que l’on nous tient ces derniers jours.

On nous dit que, dans le prochain texte financier qui viendra en discussion, à savoir le projet de loi de finances rectificative de fin d’année, nous n’aurions pas seulement, comme d’habitude, à examiner le fourre-tout des dispositions indispensables ou opportunes et à ajuster les comptes de l’année en cours, mais aussi à décider du premier acte de la nouvelle politique économique.

M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La loi de finances serait donc le dernier acte de l’ancienne politique, la politique transitoire et, de mon point de vue, quelque peu revancharde de l’été dernier, et la loi de finances rectificative le premier acte de la nouvelle politique, la politique d’après le tournant.

Or, dans le cadre de la contrainte des 3 %, pour inspirer confiance à nos investisseurs, ne serait-il pas logique, messieurs les ministres, de voter à la fois les dépenses et les ressources ?

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Ump

Évidemment !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Est-il responsable d’envisager, fût-ce un seul instant, de faire voter par le Parlement le crédit d’impôt, c’est-à-dire la partie agréable pour les entreprises, et de renvoyer à un ou plusieurs autres textes la hausse de la TVA et les économies de dépenses supplémentaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cette manière de faire est-elle de nature à inspirer confiance à celles et ceux qui nous regardent, qui nous observent, qui nous scrutent, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… qui déterminent le prix de nos emprunts ?

A-t-on oublié que, au cours de cette année 2012, nous avons enregistré une bonne surprise, dont nous aurons à connaître dans cette loi de finances rectificative de fin d’année, à savoir une économie de 2, 4 milliards d’euros sur les intérêts de la dette ? Sans cela, nous ne parvenions manifestement pas à tenir les objectifs qui avaient été fixés dans une loi de finances initiale pour 2012 au demeurant parfaitement responsable, et qui, de surcroît, a été modifiée au cours de l’année, comme il était logique et normal de le faire.

Messieurs les ministres, je me permets de vous poser la question : est-il vraiment raisonnable et responsable d’envisager de demander au Parlement d’examiner en deux temps ce dispositif de compétitivité ? Est-il vraiment raisonnable et responsable de commencer par créer des engagements de dépenses pour demain et après-demain, avec pour contrepartie une amélioration réputée immédiate de la situation financière des entreprises ?

Vous me rétorquerez qu’il s’agit d’un crédit d’impôt et qu’il n’y a donc pas de dépense budgétaire en 2013. Certes, mais si les entreprises constatent une créance, il faut bien que quelqu’un, en face, constate une dette ! Cela veut bien dire que l’État prend un engagement, qu’il devra honorer, et qui pèsera sur ses finances publiques au cours des années à venir, notamment en 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ne serait-il pas logique, raisonnable et responsable de présenter tout le volet pour la compétitivité, qui suppose de restaurer les bilans des entreprises et de leur rendre – même si en effet ces sommes ne sont pas restituées exactement aux mêmes entreprises – une partie des prélèvements supplémentaires qui figurent dans la loi de finances initiale pour l’année 2013 ?

Envisagez-vous vraiment de nous faire voter l’engagement financier de l’État, c’est-à-dire l’aspect agréable du plan de compétitivité, sans faire voter dans le même mouvement l’augmentation de la TVA ? Car il va bien falloir que vous assumiez cette hausse ! De notre côté, elle ne nous pose pas de problème. C’est plutôt dans votre camp que vous allez devoir en débattre, puisque vous avez commencé la législature en annulant le peu que nous avions fait bien tardivement en matière de restauration de la compétitivité des entreprises. Ce transfert des charges sociales vers l’impôt de consommation, qui n’était qu’une première étape, aurait permis de taxer davantage les importations. S’il avait été amplifié, il aurait pu avoir, au fil du temps, un effet significatif.

Par ailleurs, vous nous avez clairement dit que la nouvelle politique, la politique d’après le tournant, allait nécessiter des économies supplémentaires. Nous prenons note de ces déclarations et nous nous réjouissons de tout ce qui va, selon nous, dans le sens d’une gestion vertueuse. Vous avez cité des chiffres, messieurs les ministres, mais il faut les documenter, nous dire où vous comptez faire des économies, quand et avec quelles conséquences !

J’ai même lu tout un commentaire où j’ai cru retrouver l’exposé des motifs de la défunte revue générale des politiques publiques…

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Peut-être ce document a-t-il d’ailleurs été rédigé par les mêmes hauts fonctionnaires, qui ont écrit les mêmes choses…

En tout cas, j’ai observé, non sans un certain plaisir, une parfaite continuité s’agissant de la nécessité, pour faire des économies, de s’interroger sur les fonctions et l’adéquation des moyens aux fonctions et aux objectifs que l’on veut atteindre.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, nous allons maintenant engager le débat sur ce projet de loi de finances pour 2013. Je serai bien entendu amené à préciser mes observations au cours du débat. Mais j’ai voulu d’emblée souligner le décalage de ce texte par rapport à la réalité, et l’importance des responsabilités qui sont les nôtres. En effet, quels que soient nos attaches partisanes, nos histoires politiques respectives et nos territoires, nous ne devrions avoir qu’un seul enjeu en tête : notre pays, la France, sa réforme, sa crédibilité et la confiance que ses concitoyens peuvent avoir dans l’avenir !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, sus pendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.