Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la CMP, commission mixte paritaire, s’est réunie le jeudi 8 novembre 2012, et elle a établi le texte commun qui vous est proposé aujourd'hui.
La CMP a confirmé l’économie générale du texte, qu’aucune des deux assemblées n’avait d’ailleurs remise en cause et que je rappelle en quelques mots.
Le projet de loi organique prévoit que les lois de programmation des finances publiques devront fixer un objectif de solde structurel à moyen terme et la trajectoire année par année pour y parvenir.
Ce faisant, nous transposons en droit interne la règle qui figure à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG. D’ailleurs, c’est la même, ou presque, que celle du volet dit « préventif » du pacte de stabilité et de croissance.
Pour assurer la cohérence entre cette trajectoire et les lois financières annuelles, un article liminaire figurera avant la première partie des lois de finances.
Pour vérifier que nous respectons bien la trajectoire, nous créons le Haut Conseil des finances publiques, qui sera notre « conseil budgétaire indépendant », pour reprendre la terminologie du droit communautaire. Le Haut Conseil donnera des avis sur le cadrage macroéconomique des textes financiers au moment de leur examen par le Parlement. Il analysera aussi les résultats de l’exécution.
Dans sa décision du 9 août 2012 sur le TSCG, le Conseil constitutionnel a annoncé qu’il tiendra compte des avis du Haut Conseil lorsqu’il aura à apprécier la sincérité des lois financières.
Au-delà de la règle du TSCG, le présent projet de loi organique codifie le contenu de nos actuelles lois de programmation des finances publiques et du rapport qui leur est annexé.
Je voudrais d’abord insister sur le fait que les apports du Sénat au fonctionnement du cœur du dispositif organique ont été maintenus.
Le Gouvernement devra, comme le proposait la commission des finances, expliquer dans le rapport annexé aux lois de programmation ses prévisions relatives à la croissance, mais aussi au niveau du produit intérieur brut potentiel, qui est la variable essentielle pour calculer le solde structurel. Afin d’encourager la convergence des méthodes, il devra expliquer ses différences d’approche avec la Commission européenne.
Le Haut Conseil, pour sa part, devra explicitement se prononcer sur les hypothèses de PIB potentiel, comme l’avait également souhaité la commission des finances du Sénat. Il devra motiver ses avis. Et lorsqu’il se prononcera sur les hypothèses macroéconomiques, il devra exprimer son avis en tenant compte du consensus des conjoncturistes ; c’est ce que nous avions préconisé. Ainsi, tout biais optimiste dans les avis du Haut Conseil devra être pleinement assumé.
Enfin, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Caffet et du groupe socialiste, les règles du jeu ont été établies de manière claire, et nous avons éliminé le risque que le Haut Conseil des finances publiques puisse, en faisant varier dans le temps ses hypothèses de PIB potentiel, dicter au Parlement le montant des mesures d’ajustement qui doivent être prises chaque année. Eu égard à la rédaction que nous avons retenue à l’article 16, le rôle du Haut Conseil consistera clairement à apprécier si, oui ou non, l’exécution au titre d’une année donnée est conforme aux engagements politiques pour cette même année.
Les dispositions que nous avions introduites à l’article 15 pour assurer l’indépendance du Haut Conseil ont été maintenues, et même complétées par le dispositif issu de la proposition du président Marini et consistant à prévoir pour le Haut Conseil un budget propre inscrit à la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
Les propositions visant à systématiser l’intervention du Haut Conseil ont également, moyennant quelques ajustements rédactionnels, été conservées.
De la même manière, nous avons préservé l’essentiel des apports de la commission des affaires sociales du Sénat. En particulier, comme les collectifs budgétaires, les collectifs sociaux devront comporter un article liminaire retraçant leur incidence sur la trajectoire de solde structurel. Par ailleurs, l’information du Parlement sur les régimes sociaux hors champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale sera très utilement accrue.
Grâce aux initiatives de Jean-Yves Leconte et Jean Arthuis, l’information du Parlement sera améliorée dans le domaine du hors bilan de l’État, en particulier en matière de partenariats public-privé et de baux administratifs emphytéotiques. Ce sont sans doute les premières pierres d’un chantier plus ambitieux.
Je dois aussi signaler que certains apports du Sénat n’ont pas été retenus par la CMP. C’est la règle du jeu…
Ainsi, le souhait de la commission des finances de prévoir un avis du Haut Conseil des finances publiques sur l’ensemble des textes européens ayant une incidence budgétaire, souhait qui avait pour finalité de rendre ces documents plus visibles dans le débat politique national, n’a pas été accepté.
Je vais conclure mon intervention en abordant deux sujets, qui, bien qu’assez éloignés de l’objet essentiel du projet de loi organique, sont ceux auxquels la CMP a consacré le plus de temps.
D’abord, je voudrais évoquer les conditions de nomination des membres du Haut Conseil des finances publiques. Nous avions souhaité que les membres nommés par la Cour des comptes soient désignés auprès audition conjointe par les commissions des finances et des affaires sociales des deux assemblées. Après avoir envisagé de supprimer cette formalité, nous l’avons finalement étendue, par souci de cohérence, au membre nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental, le CESE. Nous devrons donc procéder tous les deux ans et demi soit à cinq auditions, les années où le membre nommé par le CESE est renouvelé, soit à quatre auditions.
Un autre aspect du projet de loi organique sera peut-être amené à prospérer : l’obligation, édictée par une règle de niveau organique, de respecter strictement la parité entre les femmes et les hommes lors des nominations au sein du Haut Conseil des finances publiques.
Sur le principe, cette obligation, qui avait été introduite par le Sénat sur l’initiative du groupe écologiste, n’est pas totalement nouvelle. La loi organique du 22 juillet 2010 relative à l’application de l’article 65 de la Constitution, c'est-à-dire au Conseil supérieur de la magistrature, dispose que les nominations par différentes autorités « concourent, dans chaque cas, à une représentation équilibrée des hommes et des femmes ».
Pour le Haut Conseil des finances publiques, nous avons souhaité aller plus loin, et assurer une parité totale au sein des personnalités désignées, c’est-à-dire neuf des onze membres du Haut Conseil.
Puisque le dispositif adopté par le Sénat présentait des difficultés pratiques et que plusieurs sénateurs, notamment Marie-France Beaufils, avaient désiré que je me penche sur la question avant la tenue de la commission mixte paritaire, j’ai formulé une proposition, qui a été retenue.
Pour les membres issus de la Cour des comptes, la solution est simple puisque tous les trente mois, le Premier président de la Cour doit en renouveler deux. Il faudra qu’il désigne à chaque fois un homme et une femme.
Pour les membres nommés par le Parlement, la situation est plus compliquée, car chaque autorité de désignation, à savoir le président et les présidents des commissions des finances de chaque assemblée, ne désigne qu’un seul membre. Il nous a paru d’emblée nécessaire d’exclure l’obligation pour ces autorités de s’entendre entre elles.