La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (texte de la commission n° 116, rapport n° 115).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la CMP, commission mixte paritaire, s’est réunie le jeudi 8 novembre 2012, et elle a établi le texte commun qui vous est proposé aujourd'hui.
La CMP a confirmé l’économie générale du texte, qu’aucune des deux assemblées n’avait d’ailleurs remise en cause et que je rappelle en quelques mots.
Le projet de loi organique prévoit que les lois de programmation des finances publiques devront fixer un objectif de solde structurel à moyen terme et la trajectoire année par année pour y parvenir.
Ce faisant, nous transposons en droit interne la règle qui figure à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG. D’ailleurs, c’est la même, ou presque, que celle du volet dit « préventif » du pacte de stabilité et de croissance.
Pour assurer la cohérence entre cette trajectoire et les lois financières annuelles, un article liminaire figurera avant la première partie des lois de finances.
Pour vérifier que nous respectons bien la trajectoire, nous créons le Haut Conseil des finances publiques, qui sera notre « conseil budgétaire indépendant », pour reprendre la terminologie du droit communautaire. Le Haut Conseil donnera des avis sur le cadrage macroéconomique des textes financiers au moment de leur examen par le Parlement. Il analysera aussi les résultats de l’exécution.
Dans sa décision du 9 août 2012 sur le TSCG, le Conseil constitutionnel a annoncé qu’il tiendra compte des avis du Haut Conseil lorsqu’il aura à apprécier la sincérité des lois financières.
Au-delà de la règle du TSCG, le présent projet de loi organique codifie le contenu de nos actuelles lois de programmation des finances publiques et du rapport qui leur est annexé.
Je voudrais d’abord insister sur le fait que les apports du Sénat au fonctionnement du cœur du dispositif organique ont été maintenus.
Le Gouvernement devra, comme le proposait la commission des finances, expliquer dans le rapport annexé aux lois de programmation ses prévisions relatives à la croissance, mais aussi au niveau du produit intérieur brut potentiel, qui est la variable essentielle pour calculer le solde structurel. Afin d’encourager la convergence des méthodes, il devra expliquer ses différences d’approche avec la Commission européenne.
Le Haut Conseil, pour sa part, devra explicitement se prononcer sur les hypothèses de PIB potentiel, comme l’avait également souhaité la commission des finances du Sénat. Il devra motiver ses avis. Et lorsqu’il se prononcera sur les hypothèses macroéconomiques, il devra exprimer son avis en tenant compte du consensus des conjoncturistes ; c’est ce que nous avions préconisé. Ainsi, tout biais optimiste dans les avis du Haut Conseil devra être pleinement assumé.
Enfin, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Caffet et du groupe socialiste, les règles du jeu ont été établies de manière claire, et nous avons éliminé le risque que le Haut Conseil des finances publiques puisse, en faisant varier dans le temps ses hypothèses de PIB potentiel, dicter au Parlement le montant des mesures d’ajustement qui doivent être prises chaque année. Eu égard à la rédaction que nous avons retenue à l’article 16, le rôle du Haut Conseil consistera clairement à apprécier si, oui ou non, l’exécution au titre d’une année donnée est conforme aux engagements politiques pour cette même année.
Les dispositions que nous avions introduites à l’article 15 pour assurer l’indépendance du Haut Conseil ont été maintenues, et même complétées par le dispositif issu de la proposition du président Marini et consistant à prévoir pour le Haut Conseil un budget propre inscrit à la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
Les propositions visant à systématiser l’intervention du Haut Conseil ont également, moyennant quelques ajustements rédactionnels, été conservées.
De la même manière, nous avons préservé l’essentiel des apports de la commission des affaires sociales du Sénat. En particulier, comme les collectifs budgétaires, les collectifs sociaux devront comporter un article liminaire retraçant leur incidence sur la trajectoire de solde structurel. Par ailleurs, l’information du Parlement sur les régimes sociaux hors champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale sera très utilement accrue.
Grâce aux initiatives de Jean-Yves Leconte et Jean Arthuis, l’information du Parlement sera améliorée dans le domaine du hors bilan de l’État, en particulier en matière de partenariats public-privé et de baux administratifs emphytéotiques. Ce sont sans doute les premières pierres d’un chantier plus ambitieux.
Je dois aussi signaler que certains apports du Sénat n’ont pas été retenus par la CMP. C’est la règle du jeu…
Ainsi, le souhait de la commission des finances de prévoir un avis du Haut Conseil des finances publiques sur l’ensemble des textes européens ayant une incidence budgétaire, souhait qui avait pour finalité de rendre ces documents plus visibles dans le débat politique national, n’a pas été accepté.
Je vais conclure mon intervention en abordant deux sujets, qui, bien qu’assez éloignés de l’objet essentiel du projet de loi organique, sont ceux auxquels la CMP a consacré le plus de temps.
D’abord, je voudrais évoquer les conditions de nomination des membres du Haut Conseil des finances publiques. Nous avions souhaité que les membres nommés par la Cour des comptes soient désignés auprès audition conjointe par les commissions des finances et des affaires sociales des deux assemblées. Après avoir envisagé de supprimer cette formalité, nous l’avons finalement étendue, par souci de cohérence, au membre nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental, le CESE. Nous devrons donc procéder tous les deux ans et demi soit à cinq auditions, les années où le membre nommé par le CESE est renouvelé, soit à quatre auditions.
Un autre aspect du projet de loi organique sera peut-être amené à prospérer : l’obligation, édictée par une règle de niveau organique, de respecter strictement la parité entre les femmes et les hommes lors des nominations au sein du Haut Conseil des finances publiques.
Sur le principe, cette obligation, qui avait été introduite par le Sénat sur l’initiative du groupe écologiste, n’est pas totalement nouvelle. La loi organique du 22 juillet 2010 relative à l’application de l’article 65 de la Constitution, c'est-à-dire au Conseil supérieur de la magistrature, dispose que les nominations par différentes autorités « concourent, dans chaque cas, à une représentation équilibrée des hommes et des femmes ».
Pour le Haut Conseil des finances publiques, nous avons souhaité aller plus loin, et assurer une parité totale au sein des personnalités désignées, c’est-à-dire neuf des onze membres du Haut Conseil.
Puisque le dispositif adopté par le Sénat présentait des difficultés pratiques et que plusieurs sénateurs, notamment Marie-France Beaufils, avaient désiré que je me penche sur la question avant la tenue de la commission mixte paritaire, j’ai formulé une proposition, qui a été retenue.
Pour les membres issus de la Cour des comptes, la solution est simple puisque tous les trente mois, le Premier président de la Cour doit en renouveler deux. Il faudra qu’il désigne à chaque fois un homme et une femme.
Pour les membres nommés par le Parlement, la situation est plus compliquée, car chaque autorité de désignation, à savoir le président et les présidents des commissions des finances de chaque assemblée, ne désigne qu’un seul membre. Il nous a paru d’emblée nécessaire d’exclure l’obligation pour ces autorités de s’entendre entre elles.
Cela aurait limité leur pouvoir de nomination et aurait comporté des risques de blocage.
Nous nous sommes donc inspirés du dispositif déjà prévu pour déterminer ceux des membres désignés en 2013 qui exerceront un mandat de trente mois et ceux qui pourront faire un mandat de cinq ans : le tirage au sort. Nous avons suggéré que ce système soit étendu aux membres désignés par le Parlement.
Un tirage au sort désignera les deux autorités parlementaires qui nommeront d’abord une femme et les deux autorités qui nommeront d’abord un homme. À l’expiration de ces mandats, ces autorités ou leurs successeurs devront désigner une personnalité de l’autre sexe. Ainsi, les équilibres seront totalement respectés.
Le président du CESE se verra appliquer un régime de même esprit. Un tirage au sort lui indiquera s’il doit désigner en 2013 un homme ou une femme. Puis il devra choisir en alternance un homme ou une femme.
Ce dispositif peut ne pas paraître très simple de prime abord, mais, en réalité, il n’est pas compliqué à mettre en œuvre. Il assure qu’un nombre équivalent de femmes et d’hommes seront, dans la durée, nommés au Haut Conseil des finances publiques, ce qui est l’objectif premier de la parité.
Nous sommes donc parvenus à une solution innovante, qui, je l’espère, fera école dans d’autres organismes composés de membres dont le mandat n’est pas renouvelable.
Ayant présenté la teneur des travaux de la commission mixte paritaire et ayant souligné les apports du Sénat, en particulier les avancées obtenues dans le domaine du fonctionnement du Haut Conseil, je pense au respect de la parité, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire. §
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire aboutit à un compromis auquel le Gouvernement apporte son soutien.
En effet, ces travaux ont certes modifié le chapitre Ier mais dans un sens qui paraît tout à fait satisfaisant, qu’il s’agisse de l’obligation faite dans le rapport annexé à la loi de programmation relative au montant et à la date d’échéance des engagements financiers significatifs de l’État en cours et n’ayant pas d’implications immédiates dans le solde structurel – nous avons eu ce débat sur l’initiative, notamment, de Jean Arthuis –, ou encore de l’obligation, également issue des travaux du Sénat, d’intégrer dans les lois de finances, les lois de finances rectificatives ou les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale un article retraçant l’approche de toutes les administrations publiques.
Nous approuvons également le mode de composition du Haut Conseil des finances publiques, que M. le rapporteur vient d’évoquer. Le Gouvernement ne méconnaît pas les difficultés pratiques auxquelles les uns et les autres seront confrontés, mais il ne doute pas que ces difficultés seront surmontées et qu’un progrès incontestable pourra être enregistré en matière de parité. Là encore, c’est sur l’initiative du Sénat que la chose fut faite ; je souhaitais le signaler en cet instant.
Enfin, pour ce qui concerne la procédure régissant les interventions et son statut budgétaire, la commission mixte paritaire a choisi d’imposer que l’avis du Haut Conseil sur les prévisions macroéconomiques soit rendu avant l’adoption du projet de loi.
Elle a également préféré supprimer l’article 13 bis, qui tendait à imposer la consultation du Haut Conseil sur les projets de documents adressés aux institutions européennes.
Suivant une proposition du président de la commission des finances du Sénat, la CMP a finalement choisi d’écrire que les crédits nécessaires au fonctionnement de ce Haut Conseil sont regroupés au sein d’un programme spécifique de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». C’est un bon compromis, me semble-t-il, entre la volonté du Sénat et celle du Gouvernement. Au nom de celui-ci, je veux vous faire part de ma satisfaction.
Enfin, la disposition relative à l’information du Parlement sur les formes d’endettement caché de l’État a également été retenue. C’est une bonne chose. Je fais de nouveau référence à Jean Arthuis.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement appelle la Haute Assemblée à se prononcer favorablement sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, une instance dont tous les parlementaires connaissent l’importance et l’utilité, une instance qui, très régulièrement, produit des conclusions que le Gouvernement est heureux d’approuver. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la discussion du projet de loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques.
Ce projet de loi organique obéit, comme nous l’avions indiqué en première lecture, à un principe fort simple : il ne s’agit ni plus ni moins que de traduire dans notre droit budgétaire, ou plutôt dans ce qu’il en restera après l’adoption d’un pareil texte, les obligations imputables à la France en vertu du traité budgétaire européen dit « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » au sein de l’Union économique et monétaire.
Sans vouloir aller plus loin dans la démonstration, je ne peux cependant manquer de souligner la cohérence de la position de notre groupe parlementaire, opposé au TSCG dès sa signature, au nom de la France, par Nicolas Sarkozy au mois de mars de cette année, traité qui a été ratifié, à la virgule près, avant le vote du présent projet de loi organique. Naturellement, nous ne pouvons que nous opposer à ce dernier.
Ce texte ressemble fortement à la « règle d’or » budgétaire que Nicolas Sarkozy voulait imposer, il fut un temps, et que combattit alors l’ensemble de la gauche parlementaire encore à ce moment dans l’opposition.
Je ne sais s’il suffit d’un retour aux affaires du pays pour que le réalisme et le pragmatisme l’emportent à chaque fois sur les convictions et les principes, mais, force est de le constater, l’on peut s’interroger sur la cohérence politique de certaines positions…
Hélas ! ce n’est pas parce que François Hollande est devenu Président de la République que le mode de construction européenne qui déroule sous nos yeux son long cortège de plans d’austérité, de reculs des acquis sociaux, de mises en cause des avancées démocratiques, sociales, et économiques conquises par les peuples s’est infléchi.
Qu’est devenue l’Europe unie, ce beau, ce grand projet ? Une zone de paix, nous diraient les jurés du prix Nobel.
Mais ce serait oublier un peu vite que la Yougoslavie s’est déchirée sous nos yeux, avec la bénédiction, hélas, de l’un des principaux acteurs de la construction européenne, à savoir la République fédérale d’Allemagne, qui espérait, avec la partition de cet État, pouvoir transformer la Slovénie et la Croatie en arrière-cour de son économie, comme elle l’a fait, d’ailleurs, avec la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie ou la Pologne.
Certes, l’Europe est la première zone économique du monde, mais, bien plus que d’autres, elle fait face ces dernières années au développement de la pauvreté de sa population la plus modeste et à un très sérieux ralentissement de l’activité économique.
Dans ce contexte, plutôt que de solidarité entre les États, c’est de concurrence et d’animosité que se nourrit la construction européenne.
Je pense à la Grande-Bretagne, véritable passager clandestin abritant dans sa capitale la City, lieu où se pratique avec le plus de vigueur la spéculation contre l’euro lui-même, lieu où l’on fait monter les enchères sur les dettes souveraines.
Je pense encore à des pays comme le Luxembourg ou l’Autriche attachés au secret bancaire, qui a fait la fortune, si l’on peut dire, de leur économie.
Je pense enfin à certains pays du Sud – la Grèce, le Portugal, l’Espagne – saignés aux quatre veines par les plans d’austérité qui leur sont imposés.
Les gouvernants européens ne semblent pas avoir réussi à se mettre d’accord sur le budget communautaire ; c’est d’ailleurs mal parti pour le pacte de croissance. Tout se déroule dans une sorte de sauve-qui-peut général où chacun essaie de tirer les marrons du feu sans penser forcément aux conséquences de ses actes sur les autres.
Objet d’une énième cure d’austérité, la Grèce semble totalement incapable de faire face aux engagements qui lui ont été fixés. L’explication est assez simple : à vouloir réduire coûte que coûte les salaires, les traitements, les pensions et les retraites de la population, à vouloir ponctionner dans les prestations sociales et à vouloir, dans le même temps, augmenter la fiscalité indirecte sous toutes ses formes, on aboutit à la plus évidente crise de débouchés et à la plus forte récession que l’on pouvait attendre.
De même, la flexibilisation accrue du marché du travail a assuré la progression du taux de chômage plus sûrement que celle des offres d’emplois disponibles.
Mes chers collègues, il faudra bien que l’on nous explique un jour en quoi la facilité laissée aux entreprises pour licencier du personnel peut constituer un facteur de croissance économique et de réduction des déficits publics ! Apparemment, si l’on sait licencier en Grèce, en Espagne et au Portugal sans aucune limite, on a beaucoup plus de mal à réembaucher ensuite…
C’est donc pour que la France participe au mieux à cet équipage brinquebalant de l’Union européenne, dans lequel la Banque centrale ne peut même pas refinancer les États souverains, n’est même pas capable de respecter sa raison d’être, à savoir protéger la monnaie unique, que nous sommes aujourd’hui invités à voter le présent projet de loi organique.
Passons sur la mise en place, par ce texte, du Haut Conseil des finances publiques.
C’est évident, l’existence de cet organisme sera source de conflits avec la représentation nationale au sujet des droits et devoirs des uns et des autres. Indépendamment de ce fait, nous devons nous interroger sur l’apport réel de la création du Haut Conseil.
De notre point de vue, pour reprendre les termes d’un journal économique, le Haut Conseil sera le « chien de garde » de l’orthodoxie budgétaire plus encore qu’un outil d’évaluation objective des politiques publiques.
Mettant la France en demeure de participer à une aventure politique dans une période pour le moins critique, marquée par une austérité tous azimuts qui contamine l’ensemble des politiques publiques européennes, le texte place notre pouvoir budgétaire sous le regard d’une autorité indépendante qui aura tôt fait d’aller au-delà de ses prérogatives, excluant par là même tout contrôle populaire et citoyen sur l’utilisation de l’argent dans notre pays.
Il n’y a, dans cette affaire, aucune avancée de la démocratie sociale, aucune avancée des libertés fondamentales, aucune prise en compte des aspirations des populations. Il n’y a qu’une soumission sans cesse renforcée à la seule loi des marchés financiers, puisque toutes les politiques budgétaires devront conduire à la réduction des déficits, à celle des dettes publiques et au règlement subséquent des intérêts qui les grèvent.
Quand donc la Banque centrale européenne décidera-t-elle, par principe, de consacrer un certain volume de création monétaire annuelle au financement des politiques publiques des différents pays de la zone euro ?
Imaginez, mes chers collègues, que la BCE prête, tous les ans, 50 milliards d’euros au taux d’intérêt de 1 % à la France : que ne pourrions-nous faire et de quel poids serions-nous libérés !
Pour l’ensemble de ces raisons, vous comprendrez aisément que nous confirmions la position que nous avons adoptée lors de la première lecture en votant contre le projet de loi organique créant la prétendue « règle d’or » budgétaire. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques est parvenue à un accord le 8 novembre dernier. Voilà une bonne nouvelle !
Je remarque que cette CMP a souvent retenu la rédaction proposée par le Sénat, moyennant quelques modifications. Il faut dire que, grâce, en particulier, à la vigilance du rapporteur général, le Sénat a réalisé un excellent travail sur ce texte. Nous nous en félicitons !
Le présent projet de loi organique est relativement consensuel. Je pense que personne ne conteste la nécessité de gérer les deniers publics de façon responsable. Nous ne pouvons pas continuer à faire peser sur nos enfants et petits-enfants un endettement déraisonnable que nous sommes incapables de maîtriser.
Certes, des positions divergentes, notamment au sein de mon groupe, le RDSE, se sont exprimées sur ce texte puisqu’il résulte du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, qui a déchaîné des passions dans les deux assemblées.
Pour ma part, je considère que ce texte est plutôt une avancée. Ainsi, il renforce la logique pluriannuelle de la gestion des finances publiques et, par voie de conséquence, la visibilité sur l’action du Gouvernement, ce qui ne peut être qu’une bonne chose tant pour nos concitoyens que pour nos entreprises.
Un seul point me chagrine quelque peu dans ce projet de loi organique : la création du Haut Conseil des finances publiques.
Je ne conteste pas la nécessité de disposer d’évaluations indépendantes des prévisions macroéconomiques qui sous-tendent les lois de finances ; je pense que cela constituera un véritable progrès et renforcera l’information et les prérogatives du Parlement. Cependant, je m’interroge sur le choix de créer une haute autorité supplémentaire, surtout en cette période de restriction budgétaire.
En outre, rien ne garantit que ce Haut Conseil adossé à la Cour des comptes et composé en partie de magistrats de cette institution soit à même de réaliser de telles évaluations, véritablement fiables.
Cela étant, je pense que la CMP a bien fait de retenir les modifications introduites sur l’initiative de notre rapporteur général qui a déposé des amendements tendant à préciser les modalités de fonctionnement de ce Haut Conseil, comme il vous l’a lui-même indiqué voilà quelques minutes.
Par ailleurs, si le quorum qui doit être réuni pour les réunions de cette instance a été réduit sur proposition de l’Assemblée nationale, l’article 15 bis, introduit par notre commission des finances et qui vise à garantir l’autonomie budgétaire du Haut Conseil, a été également maintenu par la CMP en échange de quelques modifications.
Enfin, tout comme dans cet hémicycle, de longs débats ont, semble-t-il, animé la CMP à propos de la proposition de nos collègues écologistes d’introduire la parité au sein du Haut Conseil des finances publiques. Grâce aux suggestions des deux rapporteurs généraux de l’Assemblée nationale et du Sénat, la CMP est parvenue à une rédaction plus consensuelle de l’article en cause et qui devrait en garantir l’applicabilité.
Si les discussions se sont beaucoup concentrées sur le Haut Conseil, il est à noter que le présent projet de loi organique introduit également d’autres changements importants, notamment le « pilotage structurel » des finances publiques, c’est-à-dire des règles plus pertinentes économiquement et plus souples que celles qui prévalaient jusqu’à maintenant.
Pour toutes ces raisons, le vote du RDSE sur ce texte sera conforme à celui qu’il avait émis lors de la première lecture et à celui sur le TSCG : la majorité des membres du groupe votera en faveur de ce projet de loi organique et trois de nos collègues ne l’approuveront pas.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur applaudissent également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste du Sénat a unanimement voté en faveur du présent projet de loi organique lors de son premier examen par notre assemblée. Il votera de nouveau en sa faveur ce soir, alors que nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est réunie à son propos le 8 novembre dernier.
L’essentiel ayant déjà été dit lors de notre précédente discussion, je serai bref.
Si les écologistes ont dès le départ choisi de soutenir ce projet de loi organique, c’est parce qu’il découle d’une obligation légale consécutive à la ratification du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en matière économique.
C’est aussi parce que, en choisissant la voie d’une loi organique plutôt que d’une modification de la Constitution, le Président de la République et le Gouvernement ont préservé la capacité des pouvoirs publics et du législateur à modifier les dispositifs que ce texte vise à mettre en place, si le besoin devait s’en faire sentir à l’avenir.
Vous le savez, les écologistes ne sont pas en parfait accord avec certains aspects de ces dispositifs. La gouvernance budgétaire nous semble ici trop étroitement conçue, trop étriquée. Le retour très rapide à un déficit maximal égal à 3 % du PIB nous semble brutal et manquer un peu de réalisme.
Tout à l’heure, au début de la discussion relative au projet de loi de finances pour 2013, nous avons rappelé certaines de nos inquiétudes. Nous les avions aussi évoquées lors des débats sur le présent projet de loi organique. Nous avions déposé plusieurs amendements qui visaient à préciser le rôle ou à améliorer le fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques, que ce projet de loi organique tend à instituer.
Certains, de nature très technique, portaient, par exemple, sur les demandes d’explication et de transparence concernant les hypothèses prises en compte par le Haut Conseil dans la formulation de ses avis.
D’autres étaient de nature plus politique et, osons l’expression, d’inspiration plus citoyenne ; j’ai en tête la question de la composition du Haut Conseil des finances publiques que nous avions suggéré de rendre plus paritaire.
Sept de nos amendements avaient été adoptés par le Sénat ; quatre d’entre eux ont, depuis, été confirmés par la commission mixte paritaire, dont celui qui visait la question de la parité hommes-femmes, parité qui, lors des travaux de la CMP, a pu être améliorée, notamment en étant élargie à l’ensemble des membres du Haut Conseil.
Je tiens à remercier tout particulièrement M. le rapporteur général de la commission des finances, ma collègue Michèle André et tous les membres de la CMP qui ont contribué à cette très grande avancée.
Rien ne nous garantit encore la qualité des travaux de ce Haut Conseil – seul l’avenir nous le dira ! –, mais, à l’échelon européen, il est d’ores et déjà devenu un symbole de l’instauration de la parité hommes-femmes dans le milieu de la finance jusque-là terriblement rétif à la présence de femmes dans ses organes décisionnaires ou même simplement consultatifs.
La portée politique de ce projet de loi organique n’en est évidemment que plus grande !
Je veux voir dans ce processus un signe très positif. Je veux y voir la preuve que nos assemblées parlementaires, trop souvent et trop longtemps considérées comme des chambres d’enregistrement par les gouvernements passés, constituent bien plutôt des instances de réflexion, d’innovation et d’avancées déterminantes sur le plan sociétal.
Nous n’insisterons jamais assez sur l’importance que revêtent pour nous et pour le débat citoyen le respect que le Gouvernement accorde aux travaux du Parlement et la bonne intelligence dont les parlementaires doivent faire preuve lors de l’amélioration des propositions gouvernementales. C’est le propre d’un régime politique à la fois sain et efficace et d’une démocratie riche et cohérente avec elle-même que d’agir comme le Gouvernement et le Parlement ont su le faire à propos de ce texte.
En conclusion, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne résiste pas à l’envie de revenir une dernière fois sur la dimension européenne du présent projet de loi organique et d’évoquer le Conseil européen qui s’ouvre en ce moment même à Bruxelles.
Comme vous le savez sans doute, ce dernier doit examiner la nomination éventuelle au sein du directoire de la Banque centrale européenne du Luxembourgeois Yves Mersch, dont la candidature a été rejetée le 25 octobre dernier par le Parlement européen, lequel n’a malheureusement en la matière qu’une voix consultative.
La raison de ce rejet tient précisément à l’absence totale de femmes au sein de ce directoire, et, plus largement, au sein des instances dirigeantes des institutions économiques et financières européennes.
Cette absence scandalise bien au-delà du Parlement européen puisque près de 250 parlementaires nationaux – italiens, allemands, espagnols ou français, dont 55 sénateurs appartenant à tous les groupes de cette assemblée – ont adressé ces derniers jours un appel au président Van Rompuy pour l’alerter sur cette situation.
Catherine Tasca et moi-même avons aujourd’hui écrit au Président de la République afin que la France agisse en conséquence : soit en refusant la candidature de M. Mersch, soit en promouvant la nomination d’une femme à la tête du futur office de supervision bancaire européenne.
Mes chers collègues, les multiples plafonds de verre qui continuent de contraindre nos sociétés et empêchent la parité hommes-femmes d’être effective dans tous les grands champs de la vie publique doivent tomber.
C’est notre devoir démocratique de saisir toutes les opportunités qui se présentent à nous pour œuvrer en ce sens. Nous avons su le faire avec ce projet de loi en France. L’Europe doit savoir le faire, dès à présent, lors de la tenue de l’actuel Conseil européen. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera succincte.
Le projet de loi organique que nous nous apprêtons à voter dans une très large majorité des deux côtés de cet hémicycle est la conséquence de la ratification par le Parlement, le 22 octobre dernier, du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Je rappelle que ce traité avait été négocié par Nicolas Sarkozy et qu’il a été adopté dans les mêmes termes.
Le groupe UMP se félicite que ce projet de loi organique, comme le projet de loi de ratification, fasse l’objet d’un très large consensus. Il transpose notamment dans notre droit interne l’article 3 du TSCG, qui définit les conditions du retour progressif à l’équilibre budgétaire, avec un objectif d’équilibre fixé à 0, 5 % de déficit structurel et des mécanismes de correction en cas d’écarts constatés.
Nous acceptons ces contraintes, car nous n’avons plus le choix. Trop de gouvernements, de droite comme de gauche, se sont affranchis des anciennes règles du pacte de stabilité. Désormais, l’encadrement est plus strict ; c’est une dynamique plus vertueuse.
La commission mixte paritaire a confirmé certaines avancées, comme les moyens mis en œuvre afin de faciliter le calcul du solde structurel à partir du solde effectif.
Le Haut Conseil des finances publiques devra jouer un rôle important.
L’intégration du directeur général de l’INSEE, entériné par la CMP, devrait être un plus.
Les engagements hors bilan, de plus en plus importants, comme les partenariats public-privé, les garanties d’emprunts, les baux emphytéotiques seront mieux pris en compte dans le cadre des lois de programmation pluriannuelle. Leur suivi sera prévu dans chaque loi de finances.
En revanche, la question de la parité au sein du Haut Conseil des finances publiques a abouti à un schmilblick pour le moins assez complexe !
D’une manière plus générale, ce qui est en jeu, au travers du texte que nous nous apprêtons à adopter définitivement, c’est la parole de la France en Europe, c’est sa crédibilité sur les marchés financiers internationaux, dont nous aurons besoin tant que nous devrons emprunter pour couvrir nos déficits, et c’est bien sûr la possibilité pour notre pays de sortir d’une crise qui fabrique des chômeurs et rogne le pouvoir d’achat.
Avec ce traité, la taxe sur les transactions financières initiée par Nicolas Sarkozy et qui va bientôt être concrétisée avec plusieurs partenaires européens, et, enfin, l’union bancaire, sur laquelle nous travaillons de concert, au sein de la commission des finances du Sénat, notamment, sont des sujets qui nous rassemblent autour du projet européen d’harmonisation fiscale et de réorientation de l’économie européenne. Ce projet nous mènera peut-être vers une union monétaire, budgétaire et fiscale, qui nous rendra tous plus forts pour traverser les crises de ce monde.
En attendant, le groupe UMP votera ce texte important, tel qu’il ressort des travaux de la commission mixte paritaire. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques témoigne que le respect de nos engagements européens est parfaitement compatible avec la souveraineté du Parlement.
Ce projet de loi organique trouve son origine dans la décision du Conseil constitutionnel du 9 août dernier : celui-ci a considéré que la règle d’équilibre des finances publiques ne nécessitait pas de modification constitutionnelle si elle était assurée par des dispositions dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires étaient garantis de quelque autre façon.
Sans revenir sur les principales mesures de ce projet de loi organique, qui ont été abondamment commentées, je salue le travail de la commission mixte paritaire, dont les conclusions ont largement permis la prise en compte du travail parlementaire, et singulièrement de celui du Sénat.
Je reviendrai sur deux points essentiels.
Il s’agit, d’abord, de la parité, un sujet qui avait quelque peu animé nos échanges voilà quelques semaines. Le vote du Sénat a permis à notre rapporteur général, François Marc, de faire une proposition qui a été retenue par la CMP. Elle prévoit que la composition du Haut Conseil des finances publiques sera paritaire. Cette exigence de parité entre femmes et hommes s’appliquera à l’ensemble des nominations, y compris à celles qui seront effectuées par la Cour des comptes, ce qui va au-delà du vote que nous avions émis à la fin du mois d’octobre.
Pour ce qui concerne les autorités de nomination autres que la Cour des comptes, un mécanisme de tirage au sort permettra d’indiquer laquelle doit désigner un homme et laquelle doit désigner une femme. Ces autorités n’auront donc pas à s’entendre entre elles, comme le prévoyait notre texte initial, ce qui aurait pu entraîner des blocages.
En modifiant, sur l’initiative du Premier ministre Lionel Jospin, la Constitution voilà quelques années, nous avions montré notre souhait d’établir une rupture avec les années où les femmes avaient un statut d’exception et d’alibi en politique et notre volonté de mettre en œuvre une parité réelle.
En changeant les règles du jeu et en établissant des règles strictes pour atteindre un objectif fort, nous avons montré le chemin. Le gouvernement paritaire de Jean-Marc Ayrault, qui témoigne de notre résolution, est une marque de la route déjà parcourue.
Ce combat, qui se poursuit aujourd'hui dans le monde politique, doit aussi être mené dans le monde économique. Que dire du board de la Banque centrale européenne ou des directions des entreprises du CAC 40 sinon qu’une révolution des comportements est aujourd’hui indispensable ? La parité de la composition du Haut Conseil des finances publiques est, je le répète, un signe de notre résolution.
À la frontière du monde politique et du monde économique, un Haut Conseil des finances publiques paritaire, c’est autant un beau symbole de la société que nous voulons qu’une meilleure garantie d’une représentation correcte de toutes les compétences de notre pays dans cette instance.
J’en viens au second point : les engagements hors bilan de l’État.
Trois amendements avaient été adoptés par le Sénat sur proposition du président Jean Arthuis et de moi-même.
La commission mixte paritaire a validé l’obligation d’information sur les engagements hors bilan de l’État, quant à leur montant et à leur date d’échéance, dans le cadre des lois de programmation pluriannuelles et du projet de loi de finances de l’année. Elle a également confirmé une proposition du rapporteur de l'Assemblée nationale, à savoir l’inscription dans le compte général de l’État joint au projet de règlement de la liste des contrats de partenariat et des baux emphytéotiques, ainsi que leur montant et leur date d’échéance.
Cette proposition du rapporteur de l'Assemblée nationale avait vocation à répondre à la préoccupation exprimée par Jean Arthuis lors de la discussion du projet de loi organique : ce dernier souhaitait que le Parlement se prononce a priori sur les montants d’engagement possibles de l’État dans des contrats de partenariat et des baux emphytéotiques. Cette préoccupation avait, à ce stade, été considérée comme trop difficile à satisfaire.
Il convient de saluer cette démarche de transparence vis-à-vis des comptes de l’État. Les recours trop nombreux à ce type de financement ces dernières années, allant bien au-delà de 1 % du PIB rien que sur le budget du ministère de la justice, engagent à long terme l’État. Se dédire de ces partenariats coûte souvent très cher. Et les loyers perçus par les opérateurs pendant des dizaines d’années asphyxient progressivement les budgets de certaines missions de l’État.
Il fallait mettre un terme à cette dérive en exigeant la transparence sur l’ensemble des engagements financiers de l’État, comme les crédits d’impôt, aujourd’hui d’actualité, ou les garanties de l’État qui devront figurer dans les informations financières fournies par le Gouvernement à la représentation nationale.
Si cette rigueur et cette transparence n’étaient pas imposées, afficher une perspective d’équilibre serait totalement factice, car les données publiées ne donneraient pas une idée correcte de la suite de la trajectoire de notre solde structurel.
C’est la raison pour laquelle je salue l’acceptation par le Gouvernement de cette discipline qui renforcera la crédibilité de notre signature. C’est avec ce type de démarche, en donnant confiance aux opérateurs économiques, que nous pourrons retrouver la voie de la croissance et de l’emploi.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, saluant les apports significatifs de la commission mixte paritaire, la qualité du travail structurant conduit entre les deux assemblées et les apports du présent projet de loi organique, le groupe socialiste votera les conclusions de cette commission mixte paritaire. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais me réjouir à mon tour de cet heureux travail en commun. Nos débats ont permis de renforcer et d’améliorer très significativement le texte, et la commission mixte paritaire a été fructueuse, comme l’ont souligné les orateurs de tous les groupes.
Nous avons forgé ensemble cet outil de travail. Il s’agit d’une sorte de coproduction. Ne boudons pas notre plaisir, car de telles situations sont relativement rares dans la vie parlementaire !
Je souhaite vivement que les conclusions de la commission mixte paritaire soient adoptées avec une majorité aussi large que celle qui s’est dégagée lors du vote sur le projet de loi organique, qui avait recueilli 320 voix lors de son examen au Sénat, un résultat tout à fait exceptionnel. Nous ne retrouverons probablement pas souvent une configuration pareille ! §
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il est appelé à se prononcer après l’Assemblée nationale, procède à un vote unique sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l’accord du Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
CHAPITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES
Dans le respect de l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques prévu à l’article 34 de la Constitution, la loi de programmation des finances publiques fixe l’objectif à moyen terme des administrations publiques mentionné à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé le 2 mars 2012, à Bruxelles.
Elle détermine, en vue de la réalisation de cet objectif à moyen terme et conformément aux stipulations du traité mentionné au premier alinéa, les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels successifs des comptes des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale, avec l’indication des calculs permettant le passage des uns aux autres, ainsi que l’évolution de la dette publique. Le solde structurel est le solde corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires.
La loi de programmation des finances publiques détermine l’effort structurel au titre de chacun des exercices de la période de programmation. L’effort structurel est défini comme l’incidence des mesures nouvelles sur les recettes et la contribution des dépenses à l’évolution du solde structurel.
La loi de programmation des finances publiques présente la décomposition des soldes effectifs annuels par sous-secteur des administrations publiques.
Un rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques et donnant lieu à approbation du Parlement présente :
1° Les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation ;
2° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d’endettement des administrations publiques et de chacun de leurs sous-secteurs exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale ;
2° bis Pour chacun des exercices de la période de la programmation, l’estimation des dépenses d’assurance vieillesse et l’estimation des dépenses d’allocations familiales ;
2° ter Pour chacun des exercices de la période de la programmation, les perspectives de recettes, de dépenses et de solde des régimes complémentaires de retraite et de l’assurance chômage exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale ;
3° Les mesures de nature à garantir le respect de la programmation ;
4° Toute autre information utile au contrôle du respect des plafonds et objectifs mentionnés aux 1° et 2° de l’article 2, notamment les principes permettant de comparer les montants que la loi de programmation des finances publiques prévoit avec les montants figurant dans les lois de finances de l’année et les lois de financement de la sécurité sociale de l’année ;
5° Les projections de finances publiques à politiques inchangées, au sens de la directive 2011/85/UE du Conseil, du 8 novembre 2011, sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, et la description des politiques envisagées pour réaliser l’objectif à moyen terme au regard de ces projections ;
5° bis Le montant et la date d’échéance des engagements financiers significatifs de l’État en cours n’ayant pas d’implication immédiate sur le solde structurel ;
6° Les modalités de calcul de l’effort structurel mentionné à l’article 1er, la répartition de cet effort entre chacun des sous-secteurs des administrations publiques et les éléments permettant d’établir la correspondance entre la notion d’effort structurel et celle de solde structurel ;
7° Les hypothèses de produit intérieur brut potentiel retenues pour la programmation des finances publiques. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne ;
7° bis Les hypothèses ayant permis l’estimation des effets de la conjoncture sur les dépenses et les recettes publiques, et notamment les hypothèses d’élasticité à la conjoncture des différentes catégories de prélèvements obligatoires et des dépenses d’indemnisation du chômage. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne ;
8° Les modalités de calcul du solde structurel annuel mentionné à l’article 1er.
Ce rapport présente également la situation de la France au regard des objectifs stratégiques européens.
La loi de finances de l’année, les lois de finances rectificatives et les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comprennent un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre.
Le tableau de synthèse de la loi de finances de l’année indique également les soldes structurels et effectifs de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de la dernière année écoulée et des prévisions d’exécution de l’année en cours.
Il est indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances de l’année, du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.
La loi de règlement comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de l’année à laquelle elle se rapporte. Le cas échéant, l’écart aux soldes prévus par la loi de finances de l’année et par la loi de programmation des finances publiques est indiqué. Il est également indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de règlement, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de finances de l’année et dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES
Le Haut Conseil des finances publiques, organisme indépendant, est placé auprès de la Cour des comptes. Il est présidé par le premier président de la Cour des comptes.
Outre son président, le Haut Conseil des finances publiques comprend dix membres :
1° Quatre magistrats de la Cour des comptes en activité à la Cour, désignés par son premier président ; ces membres sont nommés après leur audition publique par les commissions des finances et les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat ;
2° Quatre membres nommés, respectivement, par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat en raison de leurs compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques ; ces membres sont nommés après audition publique conjointe de la commission des finances et de la commission des affaires sociales de l’assemblée concernée. Ils ne peuvent exercer de fonctions publiques électives ;
3° Un membre nommé par le Président du Conseil économique, social et environnemental en raison de ses compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques ; ce membre est nommé après audition publique par les commissions des finances et les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il ne peut exercer de fonctions publiques électives ;
4° Le directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques.
L’ensemble des membres nommés au titre du 1° et l’ensemble des membres nommés au titre du 2° comprennent autant de femmes que d’hommes. Un tirage au sort, dont les modalités sont fixées par un décret en Conseil d’État, indique si, pour la constitution initiale du Haut Conseil, le membre devant être nommé par chacune des cinq autorités mentionnées au 2° et au 3° est un homme ou une femme. Lors de chaque renouvellement des membres nommés au titre des 2° et 3°, le membre succédant à une femme est un homme, et celui succédant à un homme une femme. Le remplaçant d’un membre nommé au titre du 1°, du 2° ou du 3° est de même sexe.
Les membres du Haut Conseil des finances publiques ne sont pas rémunérés.
Les membres du Haut Conseil des finances publiques mentionnés aux 1° à 3° sont nommés pour cinq ans ; le mandat des membres mentionnés au 1° est renouvelable une fois ; le mandat des membres mentionnés aux 2° et 3° n’est pas renouvelable. Lors de leur nomination, les membres mentionnés aux 1° à 4° remettent au premier président de la Cour des comptes une déclaration d’intérêts.
Les membres du Haut Conseil des finances publiques mentionnés aux 1° à 3° sont renouvelés par moitié tous les trente mois.
Par dérogation à la durée de cinq ans prévue au présent article, lors de son installation, le Haut Conseil des finances publiques comprend deux membres mentionnés au 1° dont le mandat est de trente mois renouvelable une fois et deux membres mentionnés aux 2° et 3° dont le mandat est de trente mois non renouvelable. Ces membres sont tirés au sort par le Haut Conseil des finances publiques, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
Dans l’exercice de leurs missions, les membres du Haut Conseil des finances publiques ne peuvent solliciter ou recevoir aucune instruction du Gouvernement ou de toute autre personne publique ou privée.
En cas de décès ou de démission d’un membre mentionné aux 1°, 2° ou 3°, de cessation des fonctions d’un membre dans les conditions prévues au dernier alinéa ou, s’agissant d’un magistrat de la Cour des comptes, de cessation de son activité à la Cour, il est pourvu à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à un an, le mandat du nouveau membre est renouvelable une fois.
Il ne peut être mis fin aux fonctions d’un membre du Haut Conseil des finances publiques mentionné aux 1°, 2° ou 3° que par l’autorité l’ayant désigné et après avis conforme émis à la majorité des deux tiers des autres membres constatant qu’une incapacité physique permanente ou qu’un manquement grave à ses obligations empêche la poursuite de son mandat.
Lorsqu’il exprime un avis sur l’estimation du produit intérieur brut potentiel sur laquelle repose le projet de loi de programmation des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques le motive, notamment au regard des estimations du Gouvernement et de la Commission européenne.
Lorsqu’il exprime un avis sur une prévision de croissance, il tient compte des prévisions d’un ensemble d’organismes dont il a établi et rendu publique la liste.
Le Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques et de l’estimation du produit intérieur brut potentiel sur lesquelles repose le projet de loi de programmation des finances publiques. Au plus tard une semaine avant que le Conseil d’État soit saisi du projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement transmet au Haut Conseil ce projet, ainsi que tout autre élément permettant au Haut Conseil d’apprécier la cohérence de la programmation envisagée au regard de l’objectif à moyen terme retenu et des engagements européens de la France.
Le Haut Conseil rend un avis sur l’ensemble des éléments mentionnés au premier alinéa. Cet avis est joint au projet de loi de programmation des finances publiques lors de sa transmission au Conseil d’État. Il est joint au projet de loi de programmation des finances publiques déposé au Parlement et rendu public par le Haut Conseil lors de ce dépôt.
Le Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent le projet de loi de finances de l’année et le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année. Au plus tard une semaine avant que le Conseil d’État soit saisi du projet de loi de finances de l’année, le Gouvernement transmet au Haut Conseil les éléments du projet de loi de finances de l’année et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année permettant à ce dernier d’apprécier la cohérence de l’article liminaire du projet de loi de finances de l’année au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques.
Le Haut Conseil rend un avis sur l’ensemble des éléments mentionnés au premier alinéa. Cet avis est joint au projet de loi de finances de l’année lors de sa transmission au Conseil d’État. Il est joint au projet de loi de finances de l’année déposé à l’Assemblée nationale et rendu public par le Haut Conseil lors de ce dépôt.
Lorsque le Gouvernement prévoit de déposer à l’Assemblée nationale un projet de loi de finances rectificative ou un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, il informe sans délai le Haut Conseil des finances publiques des prévisions macroéconomiques qu’il retient pour l’élaboration de ce projet. Le Gouvernement transmet au Haut Conseil les éléments permettant à ce dernier d’apprécier la cohérence du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, notamment de son article liminaire, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Avant l’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, le Haut Conseil rend un avis public sur l’ensemble des éléments mentionnés au présent article.
Lorsque, au cours de l’examen par le Parlement d’un projet de loi de programmation des finances publiques, d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement entend réviser les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposait initialement son projet, il informe sans délai le Haut Conseil des finances publiques du nouvel état de ses prévisions. Avant l’adoption définitive de la loi de programmation des finances publiques, de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale, le Haut Conseil rend un avis public sur ces prévisions.
(Supprimé)
Le Haut Conseil des finances publiques peut procéder à l’audition des représentants de l’ensemble des administrations compétentes dans le domaine des finances publiques, de la statistique et de la prévision économique.
Il peut faire appel à des organismes ou des personnalités extérieurs à l’administration, notamment pour apprécier les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d’endettement des administrations publiques et de chacun de leurs sous-secteurs.
Le Gouvernement répond aux demandes d’information que lui adresse le Haut Conseil dans le cadre de la préparation de ses avis.
Le Haut Conseil des finances publiques et le Parlement sont informés par le Gouvernement, à chaque examen d’un projet de loi de finances de l’année, des engagements financiers de l’État significatifs nouvellement autorisés n’ayant pas d’implication immédiate sur le solde structurel.
Le président du Haut Conseil des finances publiques est entendu à tout moment à la demande des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Le Haut Conseil des finances publiques se réunit sur convocation de son président. Il délibère valablement s’il réunit, outre son président, cinq de ses membres, dont deux ont été désignés dans les conditions prévues aux 2° et 3° de l’article 8. Il se prononce à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix, celle de son président est prépondérante.
Ses membres sont tenus au secret sur ses délibérations. Il ne peut publier d’opinion dissidente.
Il ne peut délibérer ni publier d’avis dans d’autres cas ou sur d’autres sujets que ceux prévus par la présente loi organique.
Il établit et rend public son règlement intérieur, qui précise les conditions dans lesquelles son président peut déléguer ses attributions.
Le président du Haut Conseil des finances publiques gère les crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Ces crédits sont regroupés au sein d’un programme spécifique de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AU MÉCANISME DE CORRECTION
I. – En vue du dépôt du projet de loi de règlement, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants, au sens du II, que fait apparaître la comparaison des résultats de l’exécution de l’année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Cette comparaison est effectuée en retenant la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à cette même loi.
Cet avis est rendu public par le Haut Conseil des finances publiques et joint au projet de loi de règlement. Il tient compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles définies à l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité, de nature à justifier les écarts constatés.
Lorsque l’avis du Haut Conseil identifie de tels écarts, le Gouvernement expose les raisons de ces écarts lors de l’examen du projet de loi de règlement par chaque assemblée. Il présente les mesures de correction envisagées dans le rapport mentionné à l’article 48 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée.
II. – Un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l’ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu’il représente au moins 0, 5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0, 25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives.
III. – Le Gouvernement tient compte d’un écart important au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l’année ou de loi de financement de la sécurité sociale de l’année.
Un rapport annexé au prochain projet de loi de finances de l’année et au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année analyse les mesures de correction envisagées, qui peuvent porter sur l’ensemble des administrations publiques ou sur certains sous-secteurs seulement, en vue de retourner aux orientations pluriannuelles de solde structurel définies par la loi de programmation des finances publiques. Le cas échéant, ce rapport justifie les différences apparaissant, dans l’ampleur et le calendrier de ces mesures de correction, par rapport aux indications figurant dans la loi de programmation des finances publiques en application du 5° de l’article 2.
L’avis du Haut Conseil des finances publiques mentionné à l’article 10 comporte une appréciation de ces mesures de correction et, le cas échéant, de ces différences.
IV. – A. – Le Gouvernement peut demander au Haut Conseil des finances publiques de constater si les conditions mentionnées à l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité, pour la définition des circonstances exceptionnelles sont réunies ou ont cessé de l’être.
Le Haut Conseil répond sans délai, par un avis motivé et rendu public.
B. – L’article liminaire du premier projet de loi de finances, autre que la loi de règlement, suivant la publication de cet avis, peut déclarer une situation de circonstances exceptionnelles ou constater que de telles circonstances n’existent plus.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES
I. – La loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 34 est ainsi rédigé :
« Outre l’article liminaire mentionné à l’article 6 de la loi organique n° … du … relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, la loi de finances de l’année comprend deux parties distinctes. » ;
2° Au début de l’article 37, il est ajouté un I A ainsi rédigé :
« I A. – La loi de règlement comprend l’article liminaire mentionné à l’article 6 bis de la loi organique n° … du … précitée. » ;
3° Le premier alinéa de l’article 50 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce rapport comporte, en outre, les éléments mentionnés au I de l’article 7 de la loi organique n° … du … précitée. » ;
4° Après le 4° bis de l’article 51, il est inséré un 4° ter ainsi rédigé :
« 4° ter Le cas échéant, le rapport mentionné au III de l’article 16 de la loi organique n° … du … précitée ; »
5° Au 7° de l’article 54, les mots : « ainsi qu’une évaluation des engagements hors bilan de l’État », sont remplacés par les mots : « une évaluation des engagements hors bilan de l’État, ainsi que la liste des contrats de partenariat et des baux emphytéotiques avec leurs montants et leurs dates d’échéances. »
6° §(nouveau) Le même article est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° L’avis du Haut Conseil des finances publiques mentionné au I de l’article 16 de la loi organique n° … du … précitée. »
I bis. – La première phrase du deuxième alinéa du II de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :
« Outre l’article liminaire mentionné à l’article 6 de la loi organique n° … du … relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, la loi de financement rectificative comprend deux parties distinctes. »
II. – L’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport comporte, en outre, les éléments mentionnés au II de l’article 7 de la loi organique n° … du … relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. » ;
2° Le III est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Présentant le rapport mentionné au III de l’article 16 de la loi organique n° … du … précitée. »
I. – Le second alinéa de l’article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Ce rapport retrace l’ensemble des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques ainsi que leur évolution. Il comporte l’évaluation financière, pour l’année en cours et les deux années suivantes, de chacune des dispositions, de nature législative ou réglementaire, relatives aux prélèvements obligatoires et envisagées par le Gouvernement.
« Ce rapport analyse les relations financières de l’État avec les autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques centrales définies par le règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil, du 25 juin 1996, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté et détaille les dépenses, les recettes, les soldes, l’endettement et les autres engagements financiers de ces organismes.
« Ce rapport présente les dépenses, les recettes, les soldes et l’endettement du régime général et des autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques de sécurité sociale définies par le même règlement.
« Ce rapport présente les dépenses, les recettes, les soldes et l’endettement des collectivités territoriales et des autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques locales définies par ledit règlement.
« Sont joints à cette annexe les rapports sur les comptes de la Nation, qui comportent une présentation des comptes des années précédentes.
« Ce rapport peut faire l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. »
II. – L’article 52 de la même loi organique est abrogé.
Au 3° du B du V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, les mots : « modifiant les règles relatives aux cotisations » sont supprimés.
Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais rapidement intervenir en ma qualité de rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Vous le savez, cette dernière s’était saisie pour avis de ce projet de loi organique. Je me félicite que la commission mixte paritaire ait repris la quasi-totalité des amendements adoptés par le Sénat sur mon initiative. Je voudrais en remercier le rapporteur général de la commission des finances qui a bien voulu défendre ces amendements devant la CMP. Cela témoigne de l’excellent climat de coopération qui règne entre nos deux commissions.
S’agissant des finances sociales, désormais, les lois de programmation, dont la crédibilité sera renforcée, présenteront une estimation pluriannuelle des dépenses d’assurance vieillesse et des dépenses d’allocations familiales. Nous aurons aussi une vision claire des perspectives de recettes, de dépenses et de solde des régimes complémentaires de retraite et de l’UNEDIC.
Dans l’hypothèse du dépôt d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale figurera un article liminaire présentant un tableau de la situation de nos finances publiques identique à celui qui est prévu pour les projets de loi de finances initiale et rectificative. La représentation nationale se trouvera ainsi parfaitement informée avant l’examen des dispositions d’un collectif social.
Enfin, je me réjouis que nous ayons trouvé une solution pour que la commission des affaires sociales soit associée au choix des membres du Haut Conseil des finances publiques. Certes, cette solution n’est pas parfaite, mais elle est raisonnable. Elle nous permettra de travailler en bonne intelligence avec la commission des finances pour vérifier la compétence et l’impartialité des nominations qui nous seront proposées pour avis.
Le texte du Gouvernement était bon. Le débat parlementaire l’a enrichi et la commission des affaires sociales y a pris sa part. Je voterai bien entendu et avec conviction ce projet de loi organique. §
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et Mmes les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 37 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques est définitivement adopté. §
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Berson.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2013 s’inscrit résolument en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l’innovation : il est au cœur du redressement productif.
À cet égard, l’élargissement proposé du crédit d’impôt recherche à certaines dépenses d’innovation des PME est une mesure tout à fait opportune. C’était un engagement du Président de la République, c’est une recommandation du rapport Gallois, et j’avais moi-même évoqué cette question dans le rapport d’information sur le crédit d’impôt recherche que j’ai présenté devant la commission des finances en juillet dernier.
Il est en effet nécessaire de renforcer la compétitivité des PME innovantes, parce qu’elles sont plus fragiles que les grandes entreprises et disposent de moyens financiers moindres.
En outre, notre retard sur l’Allemagne doit être comblé au plus vite. Alors que cette dernière se place au quatrième rang des pays innovants au sein de l’Union européenne, la France ne se situe qu’en onzième position dans ce classement : 54 % des PME allemandes ont mis en place une innovation en matière de produits ou de procédés, contre moins d’un tiers des PME françaises.
Alors qu’existe manifestement un continuum entre recherche, développement et innovation, le maillon faible de la France réside dans l’innovation. Il est donc logique d’étendre le crédit d’impôt recherche aux dépenses d’innovation, mais la frontière entre recherche et innovation peut se révéler parfois délicate à tracer.
Aussi le projet de loi de finances limite-t-il, à juste titre, le champ du crédit d’impôt recherche innovation à certaines dépenses en aval de la recherche et du développement, portant sur les activités de conception de prototypes, de nouveaux produits, ainsi que sur la réalisation d’installations pilotes. Le taux appliqué à ces dépenses d’innovation s’élèverait à 20 %, soit un taux inférieur à celui du crédit d’impôt recherche, qui s’établit à 30 %.
Cette différenciation de taux peut se concevoir, dans la mesure où les dépenses d’innovation sont plus proches du marché que les dépenses de recherche, et donc plus rapidement rentables. Toutefois, il ne faudrait pas qu’elle soit source d’insécurité fiscale pour les entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt recherche innovation. Aussi l’administration fiscale devra-t-elle recevoir des instructions strictes, pour qu’elle ne soit pas tentée de rattacher trop facilement les dépenses de recherche et développement au crédit d'impôt recherche innovation plutôt qu’au crédit d'impôt recherche stricto sensu, le premier étant moins coûteux que le second pour l’État.
Dans le même ordre d’idées, je souhaite revenir sur une préoccupation des entreprises et l’une des préconisations qui figuraient dans mon rapport d’information : les entreprises contrôlées doivent être sécurisées par des garanties qui, aujourd'hui, n’existent pas.
Les entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt recherche sont soumises à un double contrôle – une vérification de l’administration fiscale et une expertise scientifique du ministère de la recherche –, mais sans débat contradictoire. Il conviendrait qu’un décret instaure un tel débat, et même que les entreprises puissent demander une contre-expertise en cas de désaccord.
La création du crédit d'impôt recherche innovation est donc une mesure opportune, mais le mode de financement prévu dans le présent projet de loi de finances ne me paraît ni juste ni efficace.
En effet, cette mesure nouvelle, qui coûtera 300 millions d’euros, sera partiellement financée – à hauteur de 100 millions d’euros – par la suppression des taux majorés du crédit d'impôt recherche, s’élevant à 40 % et à 35 %, dont bénéficient les entreprises les deux premières années suivant leur entrée dans le dispositif fiscal.
Or, l’Inspection générale des finances a démontré que les taux majorés profitent, à concurrence de 90 %, aux PME. Les PME innovantes, les start-up ont besoin de trésorerie dès la conception de leur produit innovant, d'autant que les banques françaises leur font souvent défaut. Ces taux majorés doivent donc être compris moins comme des taux incitatifs que comme des aides financières. Par conséquent, leur suppression serait dommageable aux PME, notamment celles nouvellement créées.
Au demeurant, il serait paradoxal de faire financer une mesure profitant aux PME par une mesure d’économie supportée par ces mêmes PME ! Il n’est jamais bon de reprendre d’une main ce que l’on a donné de l’autre…
Prévoir un autre mode de financement me paraît souhaitable. Par exemple, il serait tout à fait possible de remplacer la suppression des taux majorés par une légère réduction de la prise en compte des dépenses de fonctionnement dans le calcul de l’assiette du crédit d'impôt recherche. Cette réduction s’appliquerait à toutes les entreprises, et non pas aux seules PME.
Ainsi, les dépenses de fonctionnement prises en compte, dont je rappelle qu’elles sont évaluées forfaitairement, pourraient s’établir non plus à 50 % des dépenses de personnel et à 75 % des amortissements, mais à 50 % des premières et à 50 % des seconds. L’économie réalisée serait précisément égale, voire supérieure, aux 100 millions d’euros que rapporterait la suppression des taux bonifiés. Une telle mesure serait indolore pour le budget de l’État, et presque indolore pour les entreprises, dès lors que la totalité d’entre elles, et non les seules PME, seraient concernées.
La stabilité juridique du crédit d'impôt recherche demandée par les entreprises et préconisée dans le rapport Gallois serait ainsi tout à fait respectée.
Monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement soit attentif à ces remarques et à cette proposition constructive, au service des PME et de l’innovation. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « rien n’est plus urgent que de porter remède à une grave insuffisance structurelle si l’on ne veut pas être condamné, faillite après faillite, à gérer dans la douleur de multiples disparitions d’entreprises. Face à cette urgence, le Gouvernement […] a choisi de ne pas se presser. Cette lenteur est une faute. » Je reprends là des propos de M. Jean Peyrelevade, qui fut directeur adjoint de cabinet du Premier ministre Pierre Mauroy.
En réalité, on ne trouve rien, dans ce projet de loi de finances, s’apparentant au début d’une réforme structurelle concernant le périmètre de l’État, désormais dit « stratège ». On attendra donc 2014, puisque la situation va, paraît-il, s’améliorer ! C’est du moins ce qu’affirme le Président de la République, qui doit disposer d’informations ne nous parvenant pas…
Nous souscrivons à l’objectif de réduire le déficit public à 3 % du PIB en 2013, mais le projet de loi de finances repose sur une hypothèse de croissance de 0, 8 % qui est déjà contestée, non sans raisons, par une majorité d’économistes.
Vous semblez parier sur une sortie de crise de la zone euro au second semestre de 2013. M. Hollande se montre confiant et énumère les « si » : « si la zone euro sort de la crise », « si l’économie américaine rebondit », « si la Chine retrouve une croissance à deux chiffres », « si les prix de l’énergie ne sont pas trop élevés », « si le SPD gagne les élections en Allemagne »…
En réalité, tabler sur un taux de croissance de 0, 8 % alors que l’on prélève 1, 5 % du PIB, cela manque de sérieux.
La zone euro connaît toujours une crise financière sans précédent, grave et encore imprévisible. Monsieur le ministre, vous avancez des prédictions, mais pas des prévisions étayées sérieusement. Pourtant, l’Allemagne elle-même vient de fortement réviser à la baisse ses prévisions de croissance. Quant aux autres pays de la zone euro, ils n’attendent pas d’éclaircies miracles pour engager des réformes structurelles fortes. Aujourd’hui, ce sont l’Italie et l’Espagne qui, en Europe, nous prennent des parts de marché. Pour notre part, nous attendons 2014 pour faire le premier pas sur la voie devant nous conduire vers une amélioration de la compétitivité de nos entreprises !
En revanche, si j’en crois le rapporteur général, nous allons emprunter 171 milliards d’euros pour le budget de l’État, une quarantaine de milliards d’euros supplémentaires pour la Caisse d’amortissement de la dette sociale, et probablement quelques autres milliards pour des établissements ou organismes périphériques relevant de l’Agence France-Trésor.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner un chiffre sur le surcroît d’endettement prévisible du pays à la fin de l’année 2013, en y incluant les amortissements et la charge supplémentaire en intérêts ? En effet, même au taux de 2, 2 % sur dix ans, celle-ci risque d’être rapidement insupportable.
En réalité, les marchés, que l’on critique souvent mais qui savent lire et compter, viennent d’ailleurs de sanctionner votre propension à la dépense, votre irrésolution à réformer le marché du travail et l’incohérence consistant à commander un rapport sur la compétitivité de notre économie puis à indiquer, avant même la publication de ce document, qu’il n’engage que son auteur… Ledit rapport préconisait un allégement massif des charges pesant sur les entrepreneurs, auxquels vous infligez 10 milliards d’euros de prélèvements fiscaux supplémentaires.
En réalité, le plan Gallois est déjà enterré par ce projet de loi de finances. §
Pour s’en convaincre, il suffit de lire les déclarations de personnalités influentes de votre majorité composite, et même de certains membres du Gouvernement.
Si cet écran de fumée vous a permis d’obtenir quelques passages en prime time à la télévision, il n’a convaincu ni les marchés ni les entrepreneurs de notre pays.
Mes chers collègues, nous savons bien qu’atteindre l’objectif de ramener le déficit à 3 % du PIB pour l’année 2013 sera difficile, mais plutôt que d’amuser la galerie en détricotant, depuis des mois, les réformes de vos prédécesseurs, …
… ainsi que l’ont fait la plupart des gouvernements européens, pour tenter de vous engager dans la voie du bon sens, indiquée notamment par la Cour des comptes, qui préconisait de répartir l’effort à parité entre hausse des impôts et baisse des dépenses publiques, plutôt que de le faire reposer à hauteur des deux tiers sur l’alourdissement de la fiscalité.
Ainsi, pour 2013, les prélèvements supplémentaires s’élèveront à 33, 4 milliards d’euros, alors que les dépenses publiques devraient baisser de 10 milliards d’euros par l’effet du gel en valeur, sans que l’on connaisse le détail, par département ministériel, de cette diminution, hormis quelques ajustements d’effectifs.
En réalité, avec ce projet de loi de finances, vous posez quelques rustines comptables et continuez de protéger l’État redistributeur, l’État qui flatte le consommateur et pénalise le producteur. Vos innovations fiscales l’illustrent parfaitement !
Il est donc difficile d’appréhender la réalité et la cohérence d’une politique qui se voudrait nouvelle, en présence d’un projet de budget essentiellement de reconduction – on parlait encore, il n’y a pas si longtemps, de « services votés ». L’examen plus détaillé des missions nous apprend même, par exemple, que les crédits affectés à la recherche, laquelle semblait être la priorité parmi les priorités, augmentent d’à peine 1 %, soit de 361 millions d’euros !
Monsieur Berson, cela figure dans votre rapport sur les crédits de cette mission !
Dans le même temps, 532 millions d’euros sont prévus pour recaser les services de Mme Duflot dans le « triangle d’or », à La Défense… Mes chers collègues, cette élue régionale de l’Est parisien aurait pu trouver des locaux trois fois moins chers chez elle, dans le Val-de-Marne, sur le territoire relevant d’Epamarne ! Elle aurait ainsi pu contribuer au rééquilibrage entre l’est et l’ouest de la région parisienne ! En réalité, cette décision aberrante témoigne que nous sommes en présence d’une gabegie
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Cette décision illustre l’écart qui existe entre votre discours sur la rigueur et les réalités de vos choix budgétaires. Le temps m’est compté, mais je pourrais citer bien d’autres exemples à cet égard !
En revanche, vos innovations fiscales sont beaucoup plus éclairantes ! On peut même dire, monsieur le ministre, que vous faites preuve, en la matière, d’une véritable créativité.
D’abord, vous instaurez une tranche d’imposition supplémentaire, au taux de 45 %, pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par part, et surtout une contribution exceptionnelle de solidarité de 75 % sur les revenus d’activité professionnelle au-delà de 1 million d’euros. Cette deuxième mesure, purement idéologique, réjouit le monde entier ! D’un rendement ridicule, ce « chapeau » de votre politique fiscale donne de la France une image désastreuse et ne peut que détourner d’elle les potentiels investisseurs.
Cette mesure stigmatise les créateurs d’entreprises et d’emplois. Est-ce une bonne stratégie, alors que la récession nous guette et que le chômage s’accroît ?
En réalité, cette politique encourage l’évasion fiscale et pousse les entrepreneurs à quitter la France. C’est une réalité ! De nombreux pays, à l’image du Royaume-Uni, leur déroulent le tapis rouge. Le maire de Londres qualifie la politique fiscale de notre pays de « pire tyrannie depuis 1789 ».
Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Il se dit prêt à accueillir tous les Français talentueux à Londres.
Le message a été entendu, et c’est là le plus grave, puisque le nombre d’exilés augmente. Les avocats fiscalistes sont débordés…
La nouveauté, c’est que ce mouvement ne touche pas seulement les prétendus riches. De très nombreux jeunes, actuellement sans fortune, mais talentueux, qui savent être engagés dans des activités qui feront demain leur succès et qui n’ont pas l’intention de devenir des « pigeons », quittent massivement notre territoire.
Le Gouvernement sanctionne donc tous ceux qui pourraient créer des emplois. Un avocat fiscaliste évoquait même une nouvelle révocation de l’édit de Nantes ! Tout cela va à l’encontre de vos affirmations selon lesquelles il n’y aurait « pas de signe d’un quelconque exode fiscal ». Monsieur le ministre, je vous invite, à l’instar du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, à nous préciser combien de foyers fiscaux sont en train de quitter la France ou l’ont déjà quittée, à nous informer sur les négociations de départ et le montant de l’exit tax perçue à l’occasion de ces déménagements fiscaux. Sur ce point, c’est le grand flou ! Un tel débat devrait être l’occasion de nous apporter un certain nombre de précisions.
En dépit de votre discours récurrent sur la justice, ces mesures fiscales touchent les classes moyennes et les familles.
Ainsi, les effets du quotient familial sont plafonnés, les emplois familiaux sont découragés par la réduction des déductions fiscales. Enfin, avec la rétraction fiscale sur les heures supplémentaires inscrites sur leurs dernières fiches de paye, 9 millions de salariés viennent d’apprendre qu’ils sont les « nouveaux riches » de notre pays ; ils vous en seront probablement très reconnaissants !
Les mesures fiscales concernant les entreprises sont nombreuses, fouillées, mais souvent malencontreuses.
En ce qui concerne la taxation des plus-values sur cessions de titres de participation, certains fiscalistes jugent cette mesure facilement contournable, car les cessions pourront se faire à l’étranger, ce qui privera l’État des recettes escomptées.
En ce qui concerne l’aménagement de la déductibilité des charges financières, c’est-à-dire des intérêts d’emprunt, alors que ceux-ci sont aujourd’hui totalement déductibles de l’impôt sur les sociétés, il est proposé qu’ils ne le soient plus qu’à hauteur de 85 % en 2013 et de 75 % en 2014.
M. Francis Delattre. Si je n’avais pas été constamment interrompu, madame la présidente, je n’aurais aucun problème à respecter mon temps de parole !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
M. Francis Delattre. Un barème progressif a été mis en place pour les revenus du capital, à l’image de celui qui s’applique aux revenus du travail. C’est la traduction concrète d’un beau slogan de gauche, mais il s’agit souvent, en réalité, d’une double peine pour le capital.
Rires sur les travées du groupe CRC.
Taxer les flux et les stocks, c’est le meilleur des encouragements aux délocalisations !
Il en va de même pour la taxation des gains nets sur cessions de valeurs mobilières et des droits sociaux des particuliers.
En réalité, l’ensemble du dispositif fiscal reflète uniquement une stratégie de fuite en avant. Le plus grave est sans doute qu’elle porte surtout atteinte à la valeur travail, fondamentale dans notre société, car c’est par le travail que l’homme crée des richesses susceptibles d’être redistribuées.
Cette simple idée de bon sens est largement contestée dans cette discussion budgétaire animée par les derniers soubresauts d’un esprit soixante-huitard dont chacun sait qu’il n’a aucun avenir, mais dont l’agonie semble malheureusement plus longue que prévu ! §
Monsieur le ministre, vous nous avez présenté votre stratégie budgétaire ; elle est aussi la nôtre, il faut qu’elle réussisse ! Elle doit réussir parce qu’elle est juste, parce qu’elle sert l’équilibre, le redressement, le développement et la croissance.
Les collectivités territoriales ont toute leur place dans cette stratégie. Au cours des dernières années, certaines critiques ont été émises à leur encontre, mais on a oublié leur rôle essentiel, dont l’État savait pourtant se souvenir lorsqu’il cherchait à mettre en place des plans de relance ou des « investissements d’avenir ».
Nos collectivités territoriales représentent en effet un potentiel économique déterminant. Au cours de ces vingt dernières années, leur part dans le produit intérieur brut a été multipliée par deux.
Elles sont saines : leur capacité de désendettement, selon le dernier rapport de la Cour des comptes, s’établit aux alentours de quatre ans. Jamais leur autofinancement n’a été aussi élevé.
Lorsque l’on observe les faits, force est de constater qu’il ne peut y avoir de politique du logement, de transports, des réseaux, de l’environnement, etc., sans la participation forte et durable des collectivités territoriales.
Nous parlons beaucoup de la compétitivité des entreprises, mais que serait-elle sans les services assurés par les collectivités territoriales, qu’il s’agisse des services publics traditionnels, du conseil ou de l’aménagement ?
C’est donc à très juste titre que M. le Président de la République a évoqué un « pacte de confiance et de solidarité ». Le 6 novembre dernier, M. le Premier ministre y a également fait référence, et le rapport Gallois se fonde sur ce principe de confiance.
La solidarité entre les collectivités territoriales et l’État relève de l’évidence. Je sais que beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, se polarisent sur la notion de « bloc de compétences », mais il n’est pas de politique publique qui ne soit partenariale, transversale et contractuelle !
Hier, lorsque l’on s’intéressait aux finances publiques, on distinguait entre l’État, les collectivités territoriales et les organismes sociaux. Aujourd’hui, il n’existe plus de cloisons étanches. Chers collègues élus territoriaux, le premier financier des collectivités territoriales, c’est l’État, pour différentes raisons, et vous participez, en retour, à des politiques régaliennes. Quant aux ressources de la sécurité sociale, elles proviennent pour 30 % de la fiscalité, essentiellement de la CSG. La solidarité est donc une absolue nécessité !
Monsieur le ministre, je voudrais évoquer le pacte de solidarité entre l’État et les collectivités territoriales, tout spécialement sa partie budgétaire, financière et fiscale.
Mes chers collègues, il ne faut pas que nous attendions le moment du débat budgétaire pour aborder ces points. Je reste convaincu que l’un des rôles du futur haut conseil des collectivités territoriales devra être de mener à bien les négociations, tout au long de l’année, pour aboutir à ce pacte qu’il serait important d’établir.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances.Le haut conseil des collectivités territoriales existe déjà, c’est le Sénat !
M. Gérard Larcher approuve.
Nous savons que nous devrons réaliser chaque année entre 10 milliards et 12 milliards d’euros d’économies. Ce matin, monsieur le président de la commission des finances, nous avons pu constater quelles difficultés nous éprouvions à nous mettre d’accord sur une économie de 5 millions d’euros…
Il y a là matière à débat et à prise de responsabilités. Il faut que nous discutions des normes, des dotations, de la péréquation : voilà un grand débat !
Par ailleurs, il faut que l’État et les collectivités territoriales disposent d’une visibilité quant à leurs investissements. Le Gouvernement doit hâter la mise en place d’une nouvelle configuration bancaire, avec la création de la banque publique des collectivités locales, adossée à la Banque postale et à la Caisse des dépôts et consignations. Il doit également aider les associations d’élus à définir leur projet d’agence de financement des collectivités locales. J’ai été très heureux d’entendre la Caisse des dépôts et consignations annoncer qu’elle s’engageait à mettre 20 milliards d’euros à disposition des investissements à long terme des collectivités locales. Tout cela crée de la visibilité et donne des assurances !
Qu’attendent les collectivités locales ?
Tout d’abord, elles doivent savoir de quelle enveloppe de prêts elles pourront disposer sur un mandat. Il faut aussi que le Gouvernement et les instances compétentes puissent veiller à l’évolution des taux d’intérêt et jouer en outre un rôle de conseil. Pour ma part, je me félicite de ce que les taux directeurs de la Banque centrale européenne aient baissé : en octobre 2008, ils s’élevaient à 3, 75 % ; au 11 janvier 2012, ils s’établissaient à 0, 75 %, tandis que le coût moyen pondéré des crédits aux entreprises varie de 1, 93 % à 3, 12 %.
Il importe également que les collectivités locales puissent participer à certains débats intéressant la politique de prêt conduite par certains organismes. À ce sujet, je souhaite évoquer brièvement la situation du Crédit immobilier de France. Nous connaissons l’historique de ce dossier, mais je ne peux pas imaginer, monsieur le ministre, que le Trésor ait subordonné l’octroi de sa garantie à l’extinction pure et simple de cet établissement !
Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Gisèle Printz, M. Claude Dilain applaudissent.
Nous devons veiller à conserver aux collectivités territoriales un minimum d’autonomie fiscale, qu’il ne faut pas confondre avec l’autonomie financière. Sur ce point, monsieur le rapporteur général, je souhaite que vous soyez entendu et que la révision des valeurs locatives professionnelles intervienne au 1er janvier 2015. Je souhaite aussi, comme vous, que soit mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2016, une révision expérimentale des valeurs locatives pour les ménages. Tant que cela n’aura pas été fait, vous l’avez dit cet après-midi, la péréquation s’apparentera à une partie de dés pipés !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je conclurai en abordant un point qui ne fait pas nécessairement consensus aujourd’hui, mais qui est fondamental.
Il s’agit de l’engagement 14 du Président de la République, relatif à la justice fiscale : « La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR). Une part de cet impôt sera affectée aux organismes de sécurité sociale. »
C’est une réforme essentielle, qui allie la progressivité et l’élargissement des assiettes. Elle concerne directement la compétitivité des entreprises.
Dans quelque temps, monsieur le ministre, vous évoquerez la réforme de la taxe sur la valeur ajoutée ; vous avez raison de dire qu’elle est totalement différente de celle que le précédent gouvernement avait engagée.
Une fois que cette réforme intéressant la TVA aura été réalisée, nous serons obligés, en responsabilité, de donner une portée concrète à l’engagement que je viens de rappeler. Il faut que les engagements des départements en matière de solidarité reposent sur un grand impôt national juste.
En ce qui concerne l’impôt local, comme vous le savez, monsieur le ministre, je suis de ceux qui ont toujours plaidé pour qu’une partie au moins de la taxe d’habitation soit assise sur les revenus ; nous y sommes ! Je note d’ailleurs qu’un consensus s’est dégagé sur ce point, comme sur d’autres, lors de la merveilleuse aventure que nous avons vécue tous ensemble avec les états généraux de la démocratie territoriale. §
Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mardi dernier, l’agence Moody’s dégradait la note de la France d’un cran. Personne ne peut s’en réjouir. Permettez-moi toutefois de m’étonner que Mme la porte-parole du Gouvernement, relayée par d’autres ministres, ait déclaré que cette décision venait sanctionner la politique qui a été conduite par le précédent gouvernement.
Eh non ! Je pense que Mme Vallaud-Belkacem et ses collègues n’ont pas bien regardé le calendrier ni les motivations de la décision de l’agence de notation. Cela est bien dommage, parce que c’est la première fois que je lis une explication aussi claire et aussi nette des motifs de la dégradation d’une note souveraine par une agence de notation. Je rappelle que Moody’s a placé notre pays sous surveillance négative à la suite de la présentation du projet de loi de finances rectificative de juillet 2012, l’un des premiers textes défendus par l’actuelle majorité.
Moody’s souligne cette semaine un problème structurel de compétitivité. La précédente majorité s’y était attaquée, mes chers collègues, avec la TVA « compétitivité », la réforme des universités, les investissements d’avenir, les pôles de compétitivité, la réforme des retraites et la baisse des dépenses publiques. §
Moody’s dénonce une trajectoire budgétaire pour 2013-2017 trop optimiste, dont vous êtes entièrement responsables puisque c’est vous qui l’avez déterminée dans la loi de programmation pour les finances publiques.
Moody’s s’inquiète aussi d’un niveau de taxes et de cotisations sociales élevé. Évidemment, votre projet de budget pour 2013, venant s’ajouter à la loi de finances rectificative de juillet 2012, ne peut qu’aviver ces craintes ! Au total, vous instituez au moins 30 milliards d’euros d’impôts supplémentaires.
Moody’s dénonce enfin un problème structurel de rigidité du marché du travail. Les partenaires sociaux négocient sur ces sujets ; c’est pleinement leur rôle et nous souhaitons qu’ils puissent aboutir à un accord. Je rappellerai simplement que nous avions lancé les accords compétitivité-emploi, qui donnent une certaine souplesse aux entreprises en fonction des variations de leurs carnets de commandes, tout en maintenant les salariés dans l’emploi. Vous n’avez pas souhaité leur donner suite, mais ils ne sont pas forcément totalement enterrés par les partenaires sociaux.
En outre, Moody’s a déclaré maintenir la France sous surveillance négative. Il ne pourrait en être autrement, car les annonces du Gouvernement à la suite du rapport Gallois ne sont pas suffisamment convaincantes ou mériteraient d’être concrétisées au plus vite. Elles ne peuvent attendre 2014, mes chers collègues, comme cela a d’abord été annoncé. Il semble maintenant que l’on veuille s’en saisir plus rapidement : attendons de voir !
La seule conclusion collective, sérieuse, raisonnable et responsable que nous pouvons tirer de la dégradation de la note de notre pays est qu’il faut engager les réformes structurelles rapidement, c’est-à-dire tant que la dette souveraine française peut encore bénéficier de taux d’intérêt bas.
Le temps des atermoiements touche à sa fin, monsieur le ministre. Les préconisations du rapport Gallois, qui ne sont pas franchement nouvelles, mais qui sont pédagogiquement très utiles, sont là pour vous le rappeler. Puissent-elles servir d’aiguillon et vous aider à agir rapidement, fût-ce au prix de renoncements doctrinaux, car il s’agit de l’avenir de notre pays !
C’est pourquoi, comme mes collègues du groupe UMP, je pense que le projet de budget que vous nous présentez n’est plus d’actualité : il est dépassé.
Il est urgent que vous puissiez le compléter par les mesures en faveur de la compétitivité que vous avez annoncées. Ce serait la meilleure leçon à retenir de la décision de Moody’s, cela vaudrait mieux que de chercher à rendre vos prédécesseurs responsables de celle-ci.
Il est, en effet, indispensable que la représentation nationale et les entreprises elles-mêmes puissent connaître dans les plus brefs délais la manière dont vous allez décliner les dispositions envisagées.
En particulier, nous nous interrogeons sur le recours à un crédit d’impôt dont la formule de calcul n’est toujours pas connue et dont la montée en charge serait progressive sur trois ans. Cela signifie qu’au total il n’y aura ni baisse claire des charges sociales ni choc de compétitivité, mais seulement une très légère secousse – de 10 milliards d’euros, tout de même – l’an prochain…
Vos propositions sont-elles à la hauteur des enjeux ? À ce stade, nous en doutons, mais nous espérons pouvoir en débattre très prochainement.
Je voudrais terminer mon intervention en abordant un autre sujet, très sensible pour certaines entreprises et pour les collectivités locales.
Il s’agit des dispositions prévues à l’article 15 du projet de loi de finances pour 2013, qui vise, notamment pour les grandes entreprises, à limiter la déductibilité des charges financières, essentiellement constituées des intérêts d’emprunt.
La logique de ce dispositif est de pur rendement pour les finances publiques et relève d’une conception que l’on pourrait qualifier de « morale » du financement des entreprises : réduire le financement par endettement au profit du financement en fonds propres. Il faudra cependant nous expliquer comment les entreprises françaises, qui se caractérisent, malheureusement, par des marges faibles, peuvent s’autofinancer. Nous nous demandons d’ailleurs si les différentes mesures du projet de loi de finances en matière d’épargne financière ne vont pas finalement engager nos entreprises dans une impasse s’agissant du financement de leurs investissements, à un moment où la récession qui se profile pour la zone euro ne les encourage pas à la prise de risque.
Plus particulièrement, j’insisterai sur le fait que le dispositif de l’article 15 déséquilibre complètement le financement de la construction d’infrastructures pour le compte de personnes publiques, au premier chef les collectivités locales, qui assurent, je le rappelle, 70 % de l’investissement public, notamment par le biais de contrats de partenariat.
La première conséquence de cette décision est évidemment une réduction des bénéfices des entreprises concernées ; dans le pire des cas, cela pourrait entraîner des défauts.
Ensuite, pour les contrats à venir, on peut s’attendre à une augmentation des tarifs ou à une réduction des travaux à la charge de l’entreprise portant le projet, en tout état de cause à une augmentation du coût global pour le cocontractant public. Permettez-moi de souligner, mes chers collègues, que des opérations énormes, comme la réalisation de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, sont concernées.
Quant aux contrats en cours, l’équilibre de tout projet prenant en compte la possibilité de déduire les intérêts sur toute la durée d’un contrat de partenariat, il est évident que la mesure envisagée les met en péril, au-delà d’éventuelles dispositions contractuelles permettant une hausse de la rémunération compensant l’augmentation du coût du crédit.
La mise en œuvre de ce dispositif entraîne donc tout à la fois un grave déséquilibre microéconomique à l’échelon des entreprises et un déséquilibre macroéconomique à celui des finances publiques, locales et nationales. Nous pouvons donc raisonnablement anticiper qu’elle impliquera une dégradation des finances publiques, pour un gain fiscal presque nul.
Dans ces conditions, il est indispensable de revenir sur les dispositions de l’article 15, à tout le moins pour les partenariats public-privé, les PPP. J’ai déposé un amendement en ce sens ; nous aurons donc l’occasion d’en reparler.
Enfin, je souhaiterais ajouter que, encore une fois, une vision par trop idéologique s’accorde mal avec la réalité économique. Il ne faut pas rejeter par principe le recours aux PPP, sous prétexte que ce dispositif serait d’inspiration anglo-saxonne, comme je l’entends dire ces derniers temps. Au contraire, il faut les considérer comme un instrument d’investissement de long terme, avec partage des risques, comme un vrai contrat de partenariat pour une meilleure qualité des infrastructures publiques, intégrant la maintenance et l’entretien.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous aurez compris que, comme les autres membres de mon groupe, je ne voterai pas le projet de budget tel qu’il nous est présenté. Il ne correspond pas à la réalité et ne traduit pas la politique que vous voulez mener.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Plusieurs mesures, dont celles que vous avez annoncées à la suite de la présentation du rapport Gallois, ne figurent pas dans ce projet de budget. Il n’est donc pas l’instrument financier de votre politique. Ce document budgétaire est dépassé, il ne correspond plus à une prévision sincère traduisant une volonté politique, comme cela devrait être le cas. Les choix de politique économique qui le sous-tendent, notamment une augmentation massive des impôts et une baisse proportionnellement faible des dépenses publiques, ne nous mettront pas sur la bonne voie pour retrouver notre triple A.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
M. Richard Yung . Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget s’inscrit dans un contexte économique fortement dégradé, mais je veux souligner que cette dégradation vient de loin.
M. Francis Delattre s’exclame.
Je vous le montrerai en m’appuyant sur trois exemples, qui ne sont pas sectaires, contrairement à beaucoup de propos que j’ai entendus ce soir.
Tout d’abord, notre balance commerciale, qui était bénéficiaire de 3 milliards d’euros en 2002, n’a cessé de se dégrader et est aujourd’hui largement déficitaire.
Plus grave encore, la productivité horaire des salariés français, qui était l’une des plus fortes du monde, a malheureusement commencé à régresser…
Non, monsieur Delattre, bien avant ! Elle a commencé à baisser à l’époque de l’introduction de l’euro.
Enfin, la dette publique a doublé en dix ans. Il est difficile de faire pire !
Le président Marini évoquait ce matin un jeu de rôles : l’opposition critique le projet de loi de finances, la majorité le défend. Cette comparaison peut donner l’impression que nous manquerions tous de sincérité.
Je n’ai entendu de votre part que des leçons de pratique budgétaire, des jugements critiques et des conseils. Une phrase de Diderot, tirée des Entretiens, m’est alors revenue à la mémoire. C’est mieux que Mao, n’est-ce pas ?
Et puis, c’est français ! Diderot écrivait donc : « Je ne sais ce que c’est que des principes, sinon des règles qu’on prescrit aux autres pour soi. » Voilà à quoi m’a fait penser notre débat de ce soir !
Sur le fond, vous avez mené, quand vous étiez au pouvoir, une politique économique et budgétaire qui, après tout, avait sa logique, même si elle n’est pas la nôtre. Cette politique, d’inspiration anglo-saxonne, madame Des Esgaulx, consiste à alléger la fiscalité, celle des entreprises, en vue de leur permettre d’investir davantage, et celle des ménages, afin de stimuler le pouvoir d’achat et l’épargne, et partant l’investissement.
Vous avez donc baissé massivement les impôts, sans d’ailleurs procéder à la réduction des dépenses publiques correspondantes…
Il en est résulté – il n’y a pas de miracle ! – que les déficits se sont accrus de façon exponentielle. Mais le plus grave, c’est que cette politique n’a pas marché ! Le chômage a explosé, la croissance économique s’est arrêtée, les exportations se sont effondrées, l’innovation a régressé. Vous devriez en prendre acte, chers collègues, et considérer que cette voie est condamnée.
Mais vous refusez de tirer les conclusions de l’échec de votre tentative. Dès lors, nous sommes fondés à nous demander quelle est votre doctrine économique, à vous qui ne cessez de nous dire que nous n’en avons pas et qui critiquez nos prétendues postures idéologiques – on sent bien que, pour vous, c’est un qualificatif de mauvais aloi, un peu rouge… §
Et si vous nous parliez de l’économie, du budget et de notre pays ? Nous, nous ne vous parlons pas du parti socialiste !
Mais c’est à vous de faire des propositions ! C’est vous qui préparez le budget !
Ah bon ? Nous sommes heureux de l’apprendre, car nous n’avons pas vu que vous l’ayez fait !
Vous avez eu dix ans pour cela, mais vous vous êtes bien gardés de le faire ! C’est d’ailleurs vous qui avez inventé les 35 heures, avec M. de Robien.
Voulez-vous rétablir le bouclier fiscal ?
Alors il faut le dire, afin que l’on sache quel programme économique alternatif vous proposez !
Je n’irai pas plus loin sur ce sujet, mais il fallait que cela soit dit !
J’en reviens au projet de loi de finances et à la stratégie qui le sous-tend : elle est forte, claire et réaliste.
Pouvez-vous nous citer un seul autre gouvernement ayant procédé à une réduction des déficits, ma chère collègue ? Non, vous ne le pouvez pas !
Nous devons dire la vérité aux Français : il faut résoudre la crise de l’endettement. À cet égard, je rappelle que la France est sous surveillance communautaire depuis deux ans du fait de l’ampleur son déficit.
Le Gouvernement a donc pris l’engagement de ramener le déficit public à 3 % du PIB à la fin de l’année 2013. J’ose penser que l’opposition souscrit à cet objectif.
Le Gouvernement propose de consentir un effort de 30 milliards d’euros pour l’atteindre.
La recette est simple : État, ménages et entreprises contribueront chacun pour un tiers à cette réduction du déficit.
Vous criez au loup, vous dénoncez un matraquage fiscal. Permettez-moi tout de même de vous rappeler que les gouvernements Fillon ont créé quarante-cinq taxes nouvelles –excusez du peu ! –, pour 16 milliards d’euros de hausses d’impôts. Cela signifie que, en réalité, vous n’avez pas même mis en œuvre la politique de baisse des impôts que vous prétendiez vouloir appliquer…
Pourquoi proposons-nous 30 milliards d’euros d’effort fiscal, pour 10 milliards d’euros de réduction des dépenses ? Cela a été dit à plusieurs reprises, les hausses d’impôts ont un caractère moins récessif que les baisses de dépenses, comme l’a encore confirmé récemment le Fonds monétaire international. Vous-mêmes avez d’ailleurs voulu relancer la croissance par la dépense avec le grand emprunt. On voit donc bien que nous sommes tous ici keynésiens : simplement, certains sont des keynésiens assumés, d’autres des keynésiens honteux.
À ces 10 milliards d’euros de réduction des dépenses, il faut ajouter 2, 5 milliards d’euros d’économies sur le budget de la sécurité sociale, soit un total de 12, 5 milliards d’euros. Or j’ai entendu, en d’autres occasions, que l’opposition prônait de réaliser 15 milliards d’euros d’économies, pour que l’effort budgétaire soit réparti par moitié entre hausses d’impôts et réduction des dépenses. Franchement, la différence avec ce que nous proposons n’est pas si grande…
… et n’est en tout cas pas suffisante pour justifier que l’on refuse de voter cet excellent projet de budget !
Ce sujet ayant déjà été développé par d’autres orateurs, je ne ferai qu’évoquer la dimension de redistribution sociale de ce projet de loi de finances. La création d’une tranche d’imposition supplémentaire au taux de 45 %, le plafonnement des niches fiscales, etc., sont des mesures de justice.
En conclusion, je soulignerai que ce projet de budget a pour vocation de relancer la croissance et la création d’emplois. C’est le cœur de la stratégie de la demande mise en œuvre par le Gouvernement et dont la revalorisation du SMIC et de l’allocation de rentrée scolaire a été le premier volet.
Telles sont, mes chers collègues, les principales remarques que je souhaitais faire sur ce projet de loi de finances, que nous soutenons bien évidemment. §
Les orateurs de l’opposition nous ont accusés à plusieurs reprises de pratiquer un « matraquage fiscal ». La formule est forte ; regardons-y de plus près.
J’ai déjà rappelé, lors de mon intervention liminaire, les mesures prises par le dernier gouvernement Fillon et votées par les membres du groupe UMP du Sénat. L’ancienne majorité avait ainsi approuvé une augmentation des prélèvements obligatoires de 30 milliards d’euros. Alors que la promesse avait été faite de les réduire de 80 milliards d’euros entre 2007 et 2012, ils ont finalement augmenté d’un point et demi de PIB, c'est-à-dire précisément de 30 milliards d’euros… Confrontée ce que j’ai appelé l’équation impossible, la précédente majorité a dû s’y résoudre, la baisse des recettes, notamment de l’État, décidée en début de mandature ne s’étant pas accompagnée d’une diminution de la dépense publique. En effet, lorsque la droite est arrivée aux affaires, en 2002, la dépense publique représentait un peu moins de 52 % du PIB ; quand elle a été désavouée dans les urnes par nos concitoyens, elle s’établissait à 56 % du PIB, soit une augmentation de la dépense publique de quatre points de PIB en dix ans.
Dans ces conditions, la seule échappatoire possible est l’endettement : les 900 milliards d’euros de dette supplémentaires entre 2002 et 2012 s’expliquent en grande partie par l’effet de ciseaux entre des baisses d’impôts voulues pour des raisons politiques et des réductions de dépenses écartées pour des raisons elles aussi politiques, mais moins bien assumées, à l’époque et aujourd'hui encore, par ceux qui prirent les décisions.
MM. Dassault, de Montesquiou, de Montgolfier, Arthuis, du Luart et Larcher nous ont accusés en outre de laisser filer la dépense. Ce reproche ne résiste pas à l’analyse. Cette année, le déficit public sera bien de 4, 5 %. Pour cela, il a fallu augmenter les recettes en loi de finances rectificative, mais aussi maîtriser la dépense. Sans maîtrise de la dépense, jamais la France n’aurait pu respecter sa parole.
Mieux, non seulement la dépense a été tenue, mais elle a été inférieure à ce que certains augures, dans l’opposition, avaient annoncé. En effet, par rapport à la loi de finances initiale, l’exécution budgétaire montrera une économie de 3, 6 milliards d’euros. Ce chiffre est déjà en lui-même significatif, mais j’en donnerai un autre : lorsque l’on examine son évolution d’une exécution budgétaire à l’autre, on s’aperçoit que la dépense a augmenté en moyenne de 6 milliards d’euros chaque année entre 2007 et 2012. Sous l’empire de la précédente majorité, non seulement la dépense publique n’a pas été maîtrisée, mais elle a augmenté. En cette fin d’année, en revanche, nous constaterons une diminution de la dépense de 200 millions d’euros d’exécution à exécution. Ce montant peut paraître relativement faible, mais si on le compare à ce que fut l’évolution de la dépense au cours des années passées, on se rend compte que, contrairement à ce que donnent à croire certaines affirmations relevant davantage du réflexe que de la réflexion, le Gouvernement, avec l’appui de sa majorité, maîtrise parfaitement la dépense publique.
J’ajoute que la dépense publique a augmenté chaque année de 2, 3 % en moyenne entre 2002 et 2007, et de 1, 7 % en moyenne entre 2007 et 2012. Au travers de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, nous nous sommes engagés à ramener sa progression à 0, 7 % par an en moyenne. En fait, ce taux sera probablement plus faible, car des économies supplémentaires ont été programmées.
Quoi qu’il en soit, la tendance est incontestable. Nous faisons beaucoup mieux que nos prédécesseurs. L’accusation selon laquelle nous laisserions filer la dépense publique est donc factuellement inexacte. Nous ne méritons pas les reproches que les orateurs de l’opposition nous ont adressés.
Par ailleurs, selon vous, monsieur Delattre, la Cour des comptes préconisait une réduction plus forte de la dépense. Les rapports de la Cour des comptes sont souvent une excellente source d’inspiration pour ceux qui entendent critiquer le Gouvernement – je peux en témoigner, pour avoir été parlementaire de l’opposition –, mais il se trouve que, en l’espèce, la Cour des comptes n’a pas dit cela.
Elle préconise un ajustement a minima équilibré entre dépenses et recettes. C’est ce que nous nous efforcerons de faire tout au long de la mandature.
Si l’on veut citer les rapports de la Cour des comptes, il ne faut pas omettre une partie de ses recommandations.
Compte tenu de la situation des finances publiques dont nous héritons, le Gouvernement ne pourra faire autrement qu’augmenter significativement les impôts. Au demeurant, le dernier gouvernement Fillon s’était largement engagé dans cette voie, sans que, me semble-t-il, les parlementaires qui le soutenaient à l’époque aient manifesté la moindre émotion.
Beaucoup d’entre vous ont également critiqué l’hypothèse de croissance, jugée irréaliste. Là encore, c’est un grand classique du débat budgétaire que d’estimer que le Gouvernement présente au Parlement une trajectoire d’évolution de la croissance exagérément optimiste. Nous maintenons cependant cette prévision de 0, 8 % de croissance. Certes, la moyenne des prévisions issues dece que l’on appelle le « consensus des économistes » est nettement inférieure à ce chiffre, puisque certains envisagent une récession à hauteur de 0, 6 % du PIB, tandis que d’autres, en particulier Mme Mathilde Lemoine, directrice des études économiques chez HSBC, tablent sur une croissance de 0, 9 %, mais nous estimons que notre hypothèse reste raisonnable. J’en veux pour preuve, au demeurant, le chiffre récemment connu du troisième trimestre de 2012. L’histoire tranchera !
Cela dit, il est vrai que si la croissance ne repart pas en Europe, elle ne repartira pas davantage en France. Nous sommes, en partie, tributaires de la résolution de la crise de la zone euro, crise dont, manifestement, les précédents dirigeants de ce pays, comme les dirigeants de nos partenaires, n’ont pas réussi à trouver la solution. Nous espérons y parvenir grâce à l’action de relance de la Banque européenne d’investissement, qui mobilisera 240 milliards d’euros, grâce à la décision de la Banque centrale européenne de mettre en place le programme OMT – décision sur laquelle, on le sait, la France et l’Allemagne ont beaucoup pesé –, grâce à la validation par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe du Mécanisme européen de solidarité, qui permettra de refinancer les banques, notamment espagnoles, grâce encore à la mobilisation de fonds structurels jusqu’à présent inemployés, sans que l’on sache d’ailleurs pourquoi.
Nous espérons que l’instauration de toutes ces politiques nouvelles, dont le mérite revient en partie à la France et à l’action très volontariste du Président de la République, permettra de faire repartir la croissance en Europe et en France.
Il demeure que, l’année prochaine, un effort structurel de 2 points de PIB sera réalisé. Je ne crois pas qu’il y ait, dans notre histoire contemporaine, d’exemples d’un effort structurel aussi important. J’ai entendu certains parlementaires de l’opposition indiquer qu’ils souscrivaient à l’objectif du Gouvernement et de sa majorité de respecter la parole de la France et de ramener le déficit à 3 % du PIB : l’effort structurel que j’évoquais s’inscrit évidemment dans cette perspective.
MM. Larcher, de Montesquiou, Delattre, du Luart et de Montgolfier ont estimé que, en 2013, il y aurait trop de prélèvements et pas assez d’économies. Je le répète, il y avait autant de prélèvements sous le gouvernement de M. Fillon, et nous réaliserons davantage d’économies que celui-ci n’en avait proposées, avec votre soutien, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition.
La différence est que nous commençons la mandature comme vous avez fini la précédente, après l’avoir débutée en dépensant beaucoup plus que vous n’auriez dû. Puis-je vous rappeler que, pour la première année pleine de la précédente mandature, vous aviez voté, avec grand enthousiasme me semble-t-il, une augmentation de la dépense publique de 11 milliards d’euros ? Aujourd’hui, avec un sens des responsabilités que l’on finira par lui reconnaître, le Gouvernement demande à sa majorité d’approuver un projet de loi de finances initiale pour 2013 qui respecte la norme du « zéro valeur » pour l’évolution de la dépense budgétaire. Toutes dépenses de l’État confondues, en effet, cette évolution ne sera que de 0, 3 %, à comparer aux 3, 3 % de 2008 : nous faisons dix fois mieux que vous n’avez fait en première année pleine de mandature. Dès lors, si je comprends vos critiques, permettez-moi de faire ce rappel !
À ce propos, monsieur Delattre, je vous ai entendu qualifier de « mesurette » le plan de 20 milliards d’euros que nous proposons. Or je ne crois pas que vous ayez jugé insuffisant le plan de 13 milliards d’euros que vous avez voté avant l’été…
En tout cas, nos analyses sur la politique économique à mener en 2013 diffèrent clairement. Pour notre part, nous souhaitons préserver la consommation des ménages, et nous ne regrettons donc pas d’avoir demandé au Parlement de revenir sur l’augmentation de la TVA qui était prévue pour 2013. En 2014, la modulation des taux de TVA servira à financer l’amélioration de la compétitivité des entreprises via la diminution du coût du travail : la différence, majeure à mon sens, avec le projet qui fut imaginé dans une certaine précipitation à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy, est que nous envisageons de financer l’amélioration de la compétitivité par une baisse de la dépense publique de 10 milliards d’euros supplémentaires. Nous serons contraints de procéder à cette réduction de la dépense publique par le biais d’économies supposant des réformes structurelles, que nous engagerons, quand d’autres se sont contentés d’en parler et n’ont rien entrepris, en dehors de la réforme des retraites. §
D’une certaine manière, je vous rends hommage en l’occurrence, monsieur le président de la commission des finances !
(Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) C’est là le résultat de votre politique, et non la conséquence des décisions prises ces cinq derniers mois ! Si je me permets de le souligner, c’est parce que je vois bien que, pour des raisons politiques, vous essayez de faire assumer par un gouvernement en place depuis cinq mois seulement le bilan de vos dix années d’exercice du pouvoir. Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault n’a pas de comptes à rendre au pays sur le bilan objectivement très mauvais des politiques économiques menées durant la dernière décennie !
Applaudissements
La formule exacte de M. de Talleyrand est la suivante : « Tout ce qui est excessif est de peu d’importance », ce qui relativise la portée de votre intervention. Mais non, je ne crois pas être excessif en indiquant que les réformes de structures menées ces dix dernières années, en dehors de celle des retraites, n’ont pas été suffisamment convaincantes, ou en tout cas n’ont pas produit les effets que vous en espériez. J’en veux pour preuve la progression de l’endettement, du chômage, du déficit du commerce extérieur, ainsi que la diminution de la part de l’industrie dans le PIB de la France. Quand vous êtes arrivés aux affaires, cette part était de 17, 3 % ; quand les Français vous ont retiré la confiance qu’ils vous avaient accordée, elle n’était plus que de 12, 9 %. §sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je me permets, monsieur le président de la commission des finances, de renvoyer à leurs responsabilités ceux qui donnent l’impression, en parlant de 2013, de vouloir porter la situation économique du pays au débit de l’actuel gouvernement.
Quant à notre absence supposée de sincérité, dénoncée par M. Arthuis et vous-même, l’histoire jugera, je le redis, qu’il s’agisse de l’évolution du taux de croissance ou de celle des politiques économiques.
Certains se réjouissent que les dispositions relatives au crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi soient insérées, le cas échéant, dans une loi de finances rectificative.
J’ai cru comprendre que certains souhaitaient que, dès lors que la dépense serait exposée, les recettes le soient aussi.
J’ignore ce qu’il en sera, mais vous savez que ces dépenses ne s’imputeront qu’à compter du 1er janvier 2014.
Monsieur le président de la commission des finances, je suis très attentif à vos critiques, car je les sais de qualité. Vous souhaitez que nous parlions de l’année 2013, eh bien soit ! Je ne parlerai donc pas de 2014, et donc pas davantage des recettes qui seront nécessaires cette année-là. Vous voyez que je sais vous entendre quand vous émettez des critiques que je crois fondées !
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur la partie fiscale. Nous maintenons notre estimation selon laquelle 90 % de l’effort supplémentaire sera assumé par 10 % des ménages. Ce chiffre, je crois, est judicieux.
Contrairement à nos prédécesseurs, nous ne jugeons pas bon de diminuer de 2 milliards d’euros les recettes de l’impôt de solidarité sur la fortune au moment où nous demandons un effort au pays. Ce fut là, me semble-t-il, de la part de l’ancienne majorité, une mauvaise mesure, en termes de politique budgétaire mais aussi de justice.
Elle fut équilibrée, monsieur le président de la commission des finances, par un relèvement de 1, 1 % à 2, 5 % des droits de partage. Affirmer, comme vous l’avez fait très souvent, me semble-t-il, que la réforme de l’ISF serait financée par ceux-là mêmes qui en bénéficiaient trouve quelques limites…
En effet, vous n’ignorez sans doute pas que les droits de partage sont acquittés par celles et ceux qui sortent d’une indivision, c’est-à-dire qui connaissent l’épreuve d’un divorce. Or il me semblerait pour le moins aventureux d’affirmer que sortir d’une indivision ou divorcer est le privilège des seuls ménages soumis à l’ISF. Nous le savons bien, ce sont les classes moyennes qui ont financé cette réforme, en partie par l’augmentation des droits de partage, mais aussi parce que le solde fut financé par l’endettement, la dette étant remboursée grâce au produit de l’ensemble des impôts acquittés par l’ensemble des Français !
Je voudrais maintenant remercier les parlementaires de la majorité gouvernementale de leur soutien.
Mes remerciements iront tout d’abord au rapporteur général, François Marc, pour le travail réalisé en commission et pour sa volonté de contribuer au redressement des comptes dans la justice. Je lui sais gré d’avoir souligné l’efficacité des choix de répartition entre les dépenses et les recettes. Je souscris à son analyse selon laquelle, sur le court terme, la hausse de la fiscalité emporte des effets récessifs moindres que la baisse de la dépense publique. En revanche, sur le moyen et le long terme, l’inverse est probablement vrai.
Cet aspect des choses ne nous a pas échappé, pas plus qu’au FMI, dont vous avez cité les études.
C’est la raison pour laquelle, à partir de l’année 2014 –pardon d’enjamber l’année 2013 ! –, ce sont, pour l’essentiel, les économies dans la dépense qui contribueront à l’équilibre des finances publiques. Ensuite, ce seul moyen sera mis à contribution pour ajuster nos finances. En fin de mandature, nous devrions ainsi parvenir à atteindre l’objectif que nous avons toujours revendiqué : réaliser un effort de 100 milliards d’euros, réparti par moitié entre des mesures fiscales – dont celles qui ont été prises par le gouvernement Fillon, d’ailleurs –et des économies, opérées pour l’essentiel par le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault.
J’adresse également mes remerciements à Edmond Hervé, qui a rappelé l’importance du rôle des collectivités territoriales, avec la force et la fougue qu’on lui connaît. Il a aussi souligné le changement fondamental de méthode intervenu : l’élaboration du pacte de confiance et de solidarité repose désormais sur la seule concertation.
Je salue en outre, monsieur Hervé, vos propos très volontaristes sur la clarification des compétences territoriales et prends bonne note de vos encouragements à travailler sur la péréquation. Le présent projet de budget, je le crois, donne des signaux assez forts en la matière, qu’il s’agisse de péréquation verticale ou de péréquation horizontale : 360 millions d’euros sont prévus pour le bloc communal, 30 millions d’euros pour les départements, 20 millions d’euros pour les régions.
Enfin, vous avez insisté sur la nécessité de se pencher sur les normes applicables aux collectivités. En la matière, les intentions ont d’ailleurs toujours été sincères et transpartisanes. Ainsi, le précédent Président de la République avait annoncé, à l’issue de la conférence sur les finances publiques, un moratoire sur les normes devant s’imposer aux collectivités territoriales. Quelques mois plus tard, votre ancien collègue Alain Lambert, président de la commission consultative d’évaluation des normes, indiquait que cette instance n’avait jamais eu à examiner autant de normes que depuis l’annonce de ce moratoire ! Il y a donc parfois loin de la coupe aux lèvres. Si nous ne mettons nullement en doute la sincérité des intentions de l’ancienne majorité, nous essaierons, pour notre part, d’obtenir davantage de résultats.
MM. Collin et Fortassin ont regretté que la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG ne soit pas inscrite dans ce projet de loi de finances. Je leur répondrai qu’il s’agit d’une opération extrêmement délicate, ne pouvant se faire que par étapes : d’abord l’harmonisation de l’assiette, ensuite la fixation du taux, enfin la désignation de l’organisme qui collecterait cet impôt unifié.
L’harmonisation de l’assiette me semble en bonne voie. En effet, nous pensons pouvoir soumettre les revenus du capital au même barème que celui s’appliquant aux revenus du travail, mais il s’agit d’un travail de très longue haleine – la réforme fiscale d’ampleur qui vous est proposée dans ce projet de budget en constitue les prémices –, auquel nous devrons nous atteler loi de finances après loi de finances.
M. Collin a souligné l’importance de lutter contre l’évasion fiscale.
Le Gouvernement proposera au Parlement, au travers du projet de loi de finances rectificative qui a été présenté en conseil des ministres, un certain nombre de dispositions très fortes visant à doter l’administration fiscale des moyens juridiques qui lui font aujourd'hui défaut pour, par exemple, pouvoir établir de manière plus étayée que telle personne réside bien sur le territoire national, contrairement à ses affirmations.
Nous devons prévoir un certain nombre de dispositifs pour faciliter le travail de l’administration des finances publiques, afin que certains de nos concitoyens ne s’exonèrent pas, de manière non seulement illégale, mais également parfaitement choquante, de l’effort légitime demandé à tous. Je pense, par exemple, à la « règle du double », selon laquelle l’administration fiscale ne peut demander l’origine des fonds déposés sur un compte dès lors que ceux-ci n’excèdent pas du double les revenus déclarés.
Je remercie M. Placé d’avoir approuvé des décisions qu’il semble avoir jugées courageuses, et M. Gattolin d’avoir souligné l’effort considérable entrepris pour réduire la dette tout en préservant la justice sociale.
Certes, tous deux ont peut-être regretté que ce projet de budget ne marque pas de transition vers une fiscalité écologique, mais, ainsi que je l’expliquerai lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, nous devrons d’abord tirer les conséquences de la Conférence environnementale. Cela ne peut se faire en quelques semaines.
Je remercie tout particulièrement M. Rebsamen d’avoir salué « un budget de gauche comme rarement un budget a pu l’être ».
Le Gouvernement s’inscrit dans une logique politique qui, manifestement, n’est pas celle que vous voudriez voir prévaloir, mais le choix du peuple vaut pour cinq ans au moins ; vous allez devoir accepter que nous prenions des orientations qui ne sont pas tout à fait conformes à vos vœux !
M. Fortassin a su remettre en perspective le projet de budget en rappelant de quelle situation nous héritons. Nous devrons le faire chaque fois que les parlementaires de l’opposition prétendront que nous en sommes comptables, alors même que nous n’étions pas aux affaires ces dix dernières années.
Mme André a, pour sa part, rappelé que la dette est un impôt à la naissance, qu’il nous faut proscrire. Elle a affirmé la détermination résolue de la majorité gouvernementale à soutenir le Gouvernement dans sa volonté de désendetter notre pays. Je la remercie, par ailleurs, d’avoir souligné l’effort consenti par le Gouvernement en faveur de l’emploi, de l’éducation et de la jeunesse.
Il est vrai que l’éducation nationale voit ses moyens restaurés, au moins en partie, à effectifs constants pour l’ensemble de la fonction publique. Ainsi, à côté des créations de postes dans certains secteurs – 10 011 dans l’éducation nationale, 480 dans la police et 520 dans la justice –, l’État poursuit globalement son effort en supprimant, l’année prochaine, 2 317 postes dans l’administration d’État. Nous respectons donc notre feuille de route, en privilégiant certaines missions et en consentant des efforts sur d’autres qui ne sont pas prioritaires, en termes de moyens humains notamment. Cela n’a rien à voir avec la révision générale des politiques publiques, …
… qui se caractérisait par une diminution générale du nombre de postes, toutes administrations publiques confondues.
Je remercie M. Patient d’avoir relevé que les moyens de l’outre-mer seront préservés.
M. Germain a souligné l’importance de l’allégement des normes pour contribuer à la maîtrise de la dépense des collectivités territoriales. Il s’agit de l’un des chantiers importants que le Gouvernement engage dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. D’ailleurs, un groupe de travail a été mis en place à cette fin.
M. Berson a mis en exergue que le dispositif du crédit d’impôt recherche est renforcé au bénéfice des PME.
En effet, ses crédits sont majorés en leur faveur de 300 millions d’euros, ce qui correspond à ce que le Parlement avait décidé de manière assez consensuelle. C’est l’une des rares lignes budgétaires à progresser. Cela montre bien que le Gouvernement se préoccupe de la vitalité des entreprises, notamment dans les domaines de la recherche et de l’innovation. En effet, c’est par la recherche, l’innovation et l’investissement que la situation économique pourra commencer à s’améliorer.
Je remercie également M. Berson d’avoir évoqué la sécurisation du dispositif : par voie de rescrit, nous assurons en effet une plus grande visibilité aux entreprises, qui ne doivent pas avoir le sentiment que les promesses faites par les uns n’engagent pas les autres. Une telle forme de déloyauté serait de très mauvais aloi et très préjudiciable à la vie des entreprises, ainsi qu’au climat économique en général.
M. Yung a rappelé les termes de l’équation impossible, soulignant en outre que la politique en vigueur ces dix dernières années a échoué. J’ai indiqué les paramètres économiques prouvant cet échec.
J’ai eu le sentiment, monsieur le président de la commission des finances, qu’il arrivait aussi aux parlementaires de l’opposition de se répéter… Mais si vous pensez que vos collègues ont tous tenu des propos plus originaux les uns que les autres, je vous prie alors d’excuser le jugement peut-être un peu sommaire que je semble porter à leur encontre !
Si, je lui ai répondu !
J’ai noté les préoccupations de Mme Des Esgaulx relatives à l’équilibre financier des contrats de partenariat et au financement des investissements des collectivités.
Le Gouvernement est ouvert à l’étude des aménagements qui pourraient être nécessaires, dans la mesure où ils sont conformes aux orientations des finances publiques et aux politiques que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre à l’égard des collectivités locales. Dès lors que nous veillerions à vous donner satisfaction sur cette question, j’espère que nous pourrions alors compter, madame la sénatrice, sur votre vote !
J’espère n’avoir oublié personne dans mes réponses…
Comment répondre à des membres de la majorité de gauche du Sénat qui n’appartiennent pas, à considérer les votes qu’ils ont émis lors de l’examen des projets de loi de programmation des finances publiques et de financement de la sécurité sociale, à la majorité gouvernementale ?
Nos analyses de la situation économique sont différentes. Nous estimons, pour notre part, demander un effort déjà extrêmement lourd au pays. Aller au-delà, comme vous semblez le suggérer, n’est pas souhaitable. Nous avons besoin, certes, du travail, mais nous avons aussi besoin du capital si nous voulons que la croissance soit au rendez-vous. Nous sollicitons déjà les revenus du capital ; aller au-delà nous paraîtrait contreproductif. Vous le savez, madame la sénatrice, nous divergeons sur ce point.
De la même manière, nos analyses divergent quant au rôle que l’Europe doit jouer et sur celui que la France doit jouer en Europe. Il s’agit d’une divergence très ancienne, historique : je doute que nous parvenions ce soir à la résorber, en tout cas en totalité, quelle que soit la qualité de nos échanges.
Pour notre part, nous pensons qu’il faut faciliter l’investissement pour retrouver la croissance et relancer l’emploi et que l’Europe a un rôle majeur à jouer à cet égard. C’est pourquoi nous faisons des choix différents des vôtres à l’égard des entreprises et de l’Europe, ce qui vous conduira peut-être, je le crains, à ne pas approuver l’ensemble des dispositions de ce projet de loi de finances pour 2013.
Toutefois, pour ce qui concerne le vote sur la première partie, je forme le vœu que vous permettiez à la Haute Assemblée de poursuivre l’examen du projet de loi de finances, avant peut-être que vous ne manifestiez, par votre vote final sur l’ensemble du texte, votre appartenance à la majorité gouvernementale.
Je vous donne maintenant rendez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour l’examen des articles et des amendements ! §
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisie, par Mme Keller et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° I-169.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement du Sénat, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des finances, le projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale (n° 147, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à Mme Fabienne Keller, auteur de la motion.
Mes chers collègues, je vais donc vous présenter, au nom du groupe UMP, une motion tendant au renvoi à la commission du projet de loi de finances pour 2013.
En effet, après la publication du rapport de M. Gallois, le 5 novembre dernier, et l’annonce des mesures contenues dans le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, le 6 novembre, nous considérons que le projet de budget, tel qu’il nous est présenté, est devenu obsolète.
Or, par souci de clarté, d’honnêteté à l’égard de la représentation nationale et de sincérité de la loi de finances, il est indispensable que nous soient dès maintenant présentées les mesures correspondant à ce qui semble constituer les nouvelles orientations économiques du Gouvernement : dès maintenant, j’y insiste, et non par le biais d’un projet de loi de finances rectificative que vous nous soumettrez en 2013, monsieur le ministre, fût-ce en janvier, et qui aura pour objet de revenir substantiellement sur les mesures que vous aurez soumises à notre vote peu de temps auparavant, en décembre ! Cela reviendrait implicitement à considérer que la loi de finances ne fonde pas la politique économique de l’année à venir.
Une telle gestion aléatoire ne serait pas tolérable étant donné la situation de notre pays, lequel a besoin d’un cap, de détermination et d’action, …
… gages de lisibilité pour les acteurs économiques.
Au-delà des reniements et des contradictions, nous avons du mal à comprendre vos choix et quelque peine à les mettre en regard de vos annonces.
Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos, en commençant par la question du coût du travail.
Le rapport Gallois est très habile sur ce point : il ne dit pas explicitement que l’augmentation du coût du travail en France est un handicap pour la compétitivité de nos entreprises par rapport à leurs concurrentes, probablement afin de ne pas froisser une partie de la majorité gouvernementale et des syndicats.
Néanmoins, il préconise de transférer 30 milliards d’euros de charges sociales. Or, qu’avez-vous fait, monsieur le ministre, depuis l’été dernier ? Vous avez augmenté le coût du travail en donnant un coup de pouce au SMIC et, surtout, en supprimant brutalement les exonérations de cotisations sociales pour les heures supplémentaires.
Quand on veut prendre un virage à 180 degrés, il est vrai qu’on ne peut le faire d’un seul mouvement : le projet de loi de finances pour 2013 marque peut-être une première étape, avant le demi-tour complet…
Cet allégement de charges prend la forme assez compliquée d’un crédit d’impôt. Les chefs d’entreprise que nous avons, les uns et les autres, pu rencontrer se demandent vraiment comment cela va fonctionner : par exemple, cette créance sur l’État pourra-t-elle être escomptée ? Aujourd'hui, rien n’est moins certain.
Deuxième exemple concret, celui de la TVA « compétitivité ».
En juillet dernier, vous avez supprimé une mesure que le président Marini qualifierait sans doute de tardive mais courageuse, …
… et ce par idéologie ; c’est bien dommage.
Puis voilà que, sous l’influence du miraculeux rapport Gallois, vous prenez le virage, vous faites marche arrière !
Monsieur le ministre, nous avons du mal à suivre et nous ne croyons pas du tout que tout cela puisse être sincère !
Le résultat, nous le redoutons, mon cher collègue !
Le Gouvernement nous propose un substitut à la TVA « compétitivité ». Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler, puisque vous avez évoqué le passé, que le candidat François Hollande avait promis de ne pas augmenter la TVA. D’ailleurs, les médias se sont bien amusés à rapprocher ces déclarations des récentes annonces…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx acquiesce.
Ils s’amusent maintenant d’autre chose, et davantage !
Dans le dispositif conçu par le Gouvernement, on voit bien la hausse de la TVA, mais pas du tout la baisse des charges pour les entreprises !
Mon troisième exemple touche à la fiscalité des entreprises.
Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit d’alourdir de 10 milliards d’euros la charge fiscale des entreprises, toutes tailles confondues. Cette somme s’ajoutant aux 10 milliards d’euros de prélèvements déjà inscrits dans la loi de finances rectificative de juillet, la facture s’élève au total à 20 milliards d’euros.
Mes chers collègues, une telle hausse des prélèvements aura des effets désastreux sur l’investissement et sur la croissance dès l’an prochain.
M. le président de la commission des finances acquiesce.
Mais vous promettez aux entreprises qu’après avoir avalé cette potion amère, peut-être fatale pour certaines d’entre elles, elles bénéficieront d’une restitution en 2014 sous la forme d’un crédit d’impôt d’un montant à peu près équivalent. Quelle est la logique économique suivie ?
Quant à la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunt, outre qu’elle handicape certains secteurs et le développement à l’international, elle engage les entreprises dans une voie sans issue, puisque leurs faibles marges sont un obstacle à l’autofinancement. Dans ces conditions, comment parviendront-elles à financer leurs investissements ?
Mon quatrième exemple a trait à la fiscalité de l’épargne.
M. Gallois préconise d’améliorer la fiscalité de l’épargne longue en actions ; sur ce sujet encore, je crois entendre le président Marini…
Monsieur le ministre, en bon élève de M. Gallois, vous annoncez une réforme de la fiscalité de l’épargne. Soit, mais nous n’en voyons aucune trace dans le projet de loi de finances qui nous est soumis.
Par contre, en augmentant le plafond du livret A, vous avez étendu une niche fiscale au bénéfice de ceux qui disposent déjà d’une épargne substantielle. En outre, vous avez méconnu le fait que le déficit de logements sociaux tient non pas à un manque de financement, mais essentiellement à un manque de disponibilité foncière. Vous captez donc une partie de la ressource au détriment du financement de l’économie !
Quelle réforme de la fiscalité de l’épargne et du patrimoine allez-vous entreprendre ? Nous n’en savons rien, ce projet de loi de finances ne nous apporte aucune précision à cet égard ; nous devons nous contenter d’annonces très générales.
Il est vrai que vous n’avez guère de marge de manœuvre, puisque vous avez déjà fortement augmenté la CSG pour les revenus du capital et que votre projet d’aligner la fiscalité du capital sur celle du travail pourrait déboucher – mais à ce jour, nous ne savons rien de précis – sur des niveaux d’imposition confiscatoires.
Mon cinquième exemple concerne la participation, un domaine dans lequel les choix du Gouvernement auront des effets destructeurs pour les salariés de nos entreprises.
Là encore, le rapport Gallois brille par sa diplomatie. Il plaide pour l’amélioration du dialogue social dans notre pays. Les syndicats sont concernés au premier chef, mais la qualité du dialogue social se décline aussi à l’échelon de chaque entreprise.
Or quelle a été la première mesure prise par le Gouvernement l’été dernier ? Une mesure catastrophique pour le dialogue social ! Je veux parler de la forte augmentation du forfait social à la charge de l’employeur, qui a d’ores et déjà pour conséquence de limiter le recours à l’intéressement et à la participation dans certaines entreprises.
Ces formes de rémunération complémentaires sont pourtant un facteur important d’implication et de mobilisation des salariés au sein de l’entreprise. Je rappelle qu’elles ont été mises en place dès les années soixante pour assurer une convergence entre les intérêts des propriétaires de l’entreprise et ceux des salariés.
Cet alourdissement est tout à fait pénalisant. Le Gouvernement annonce une inflexion, mais rien ne figure à ce titre dans le projet de loi de finances !
Mon sixième exemple a trait à la baisse de la dépense publique, sujet sur lequel, monsieur le ministre, vous n’avez pas été très convaincant tout à l’heure.
Vous promettez de réduire la dépense publique de 10 milliards d’euros, mais, comme le dirait Philippe Marini, ces économies ne sont pas documentées précisément…
Comme par magie, vous parvenez, à effectifs constants, à stabiliser la masse salariale de la fonction publique. Aucun responsable de collectivité territoriale ne parvient à réussir ce tour de passe-passe, puisque les progrès statutaires et l’application du glissement vieillesse-technicité contribuent à l’augmentation de la masse salariale.
Nous ne disposons donc d’aucune information sur les moyens que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour maîtriser la dépense publique, en particulier la masse des rémunérations des fonctionnaires.
À un niveau d’endettement de 90 % du PIB, la baisse des dépenses publiques n’est pas une variable d’ajustement ; elle est une politique en soi, garante du respect de la trajectoire de retour à l’équilibre de nos finances publiques.
J’ajoute que vous ne disposez d’aucun outil de pilotage, puisque vous avez jeté aux orties la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui fonctionnait.
Vous parlez de concertation, mais on ne sait pas de laquelle il s’agit ; les principes et les méthodes d’action ne sont pas définis à ce jour.
Mon septième exemple porte sur la stabilité de la législation.
Monsieur le ministre, vous semblez découvrir l’importance de la stabilité législative et réglementaire dans votre pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. En la matière, vous avez fait jusqu’ici exactement l’inverse de ce qui est souhaitable ! L’instabilité fiscale qui résultera de la mise en œuvre du projet de loi de finances pour 2013, dont certaines dispositions auront de surcroît un effet rétroactif, sera pénalisante pour nos entreprises.
À cet égard, je souhaite apporter mon témoignage de frontalière. J’ai réalisé, avec deux collègues parlementaires, une étude sur les frontières des États de l’Union européenne avec la Suisse. D’autres études fort bien documentées, menées par la préfecture régionale de Franche-Comté, les chambres de commerce du Haut-Doubs et de la Moselle et un cabinet d’études existent également sur le même sujet.
Tous ces travaux démontrent que si la règle générale, pour les entreprises situées près de la Suisse ou du Luxembourg, est aujourd’hui de s’installer de l’autre côté de la frontière, alors même que les rémunérations sont plus élevées dans ces pays, cela tient d’une part au niveau de la fiscalité, d’autre part à l’instabilité des dispositifs fiscaux dans notre pays.
Monsieur le ministre, je vous invite à prendre connaissance de ces études, qui sont tout à fait éloquentes. Votre fébrilité à concevoir, à supprimer ou à ajouter des dispositifs fiscaux concernant les entreprises est extrêmement destructrice !
Mme Fabienne Keller. Monsieur le ministre, nous vous proposons d’agir immédiatement et de nous présenter un projet de budget cohérent avec les annonces du Gouvernement. Pour que la « révolution copernicienne » dont vous avez parlé ne soit pas un énième slogan, il va falloir que vous lui donniez une traduction concrète !
M. le président de la commission des finances acquiesce.
Il faudra aussi que vous l’expliquiez à votre majorité. À cet égard, je comprends que la situation ait été quelque peu compliquée par un mauvais timing, puisque le rapport Gallois a été publié après la présentation du projet de loi de finances pour 2013…
Il faudra surtout faire preuve de pédagogie à l’égard de nos concitoyens et de nos chefs d’entreprise, au lieu de leur tenir des propos un peu généraux, voire simplistes, quand ils ne sont pas méprisants à l’égard des entreprises : je pense ici au signal terrifiant donné à la filière automobile par le ministre du redressement productif dans un bassin d’emploi que je connais bien.
Au cours de son audition par les commissions des finances et des affaires économiques du Sénat, M. Gallois a déclaré que ce n’est pas seulement un choc de compétitivité qu’il s’agit de créer, mais aussi un choc de confiance. Nous avons besoin de retrouver la confiance !
D’une certaine manière, le groupe UMP pourrait se réjouir de changements de doctrine que vous refusez d’inscrire dans le projet de loi de finances mais auxquels vous allez peut-être donner rapidement une portée concrète. Mais il y a vraiment un problème de méthode : monsieur le ministre, pourquoi les mesures du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ne figurent-elles pas dans le projet de loi de finances ? Pourquoi ne proposez-vous pas une baisse claire et simple des charges ? Le crédit d’impôt que vous voulez mettre en place ressemble à une usine à gaz !
Monsieur le président de la commission des finances, je ne savais pas que vous vous inspiriez des travaux de M. Piketty !
Je les suis toujours avec intérêt et, en l’occurrence, j’ai trouvé que sa formule était bonne !
Il est vrai que nous commençons à être habitués aux usines à gaz, puisque, voilà quelques semaines, nous avons examiné la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, dont le dispositif, totalement inapplicable, consistait à mettre l’ensemble des ménages de France sous coupe réglée par le biais d’une tarification progressive de leur consommation d’énergie. L’absence de visibilité affaiblit l’efficacité.
Monsieur le ministre, pourquoi reportez-vous les réformes nécessaires alors que vous-même venez d’expliquer combien il serait utile de redresser la barre, notamment pour ce qui concerne notre industrie ?
Comment allez-vous financer le soutien à la compétitivité, alors que vous vous êtes vous-même lié les mains en commençant par alourdir fortement la fiscalité des entreprises et des ménages ?
Pourquoi n’abordez-vous pas franchement deux grands sujets liés à celui de l’amélioration de la compétitivité de nos entreprises, à savoir la réforme de la protection sociale et la réduction de la dépense publique ?
Monsieur le ministre, nous sommes au regret de constater que, au regard de vos propres déclarations, le projet de loi de finances pour 2013 que vous nous présentez est déjà dépassé, nul et non avenu. Mes collègues Albéric de Montgolfier, Gérard Larcher, Jean Arthuis et Marie-Hélène Des Esgaulx n’ont pas dit autre chose.
C’est pourquoi nous demandons le renvoi de ce texte à la commission. Monsieur le ministre, nous vous prenons au mot : le changement, c’est maintenant !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
M. Jean Germain. Nous nous doutions depuis quelque temps que l’UMP ne sait pas compter ; nous nous apercevons ce soir que, de plus, certains de ses membres ne savent pas lire !
M. le président de la commission des finances proteste.
Ces six derniers mois, un chemin a été tracé, d’abord avec la création du Mécanisme européen de stabilité, puis avec l’élaboration du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et du projet de loi de finances pour 2013, enfin avec l’annonce, par le Premier ministre, des mesures qui seront prises dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi : crédit d’impôt, hausse de la TVA, économies budgétaires.
Dès la publication du rapport Gallois, l’UMP s’était inquiétée : allait-il être appliqué ? Maintenant qu’elle sait qu’il va l’être, l’UMP s’inquiète toujours !
M. Jean Germain. Je crois que le ministre du budget a été clair, sauf peut-être pour des personnes qui ont décidé de ne rien comprendre…
Protestations sur les travées de l'UMP.
Monsieur l’inspecteur des finances, soyez-le vous aussi ; ce n’est pas toujours le cas !
Ce n’est pas la peine d’être désagréable pour le plaisir, cela ne sert à rien !
Ce n’est pas un plaisir, en ce qui me concerne, c’est simplement une réaction !
Le ministre du budget l’a très simplement expliqué tout à l’heure, le crédit d’impôt, qui s’appliquera dès 2013, trouvera sa traduction budgétaire en 2014.
Dans les semaines qui viennent, nous aurons justement à discuter des modalités pratiques de la mise en œuvre du crédit d’impôt. Par conséquent, les choses sont claires.
Plutôt que de demander le renvoi du texte à la commission, j’appelle nos collègues de l’opposition à engager ce que nombre d’entre eux ont réclamé tout à l’heure, à savoir un dialogue constructif pour l’établissement du budget. Il ne pourra se nouer que si la discussion de ce projet de loi de finances se poursuit. Le travail parlementaire pourra alors être fructueux.
Je ne prolongerai pas mon propos. En ce qui nous concerne, nous ne voyons pas pourquoi il y aurait lieu de renvoyer ce projet de loi de finances à la commission. Aussi nous opposons-nous à cette motion. §
Notre collègue Fabienne Keller a défendu avec toute la conviction qu’on lui connaît une motion tendant au renvoi du texte à la commission.
Si elle était adoptée, le rapporteur général serait amené…
… à rédiger un nouveau rapport. Sachant que celui qui vient d’être déposé compte quatre cents pages et a exigé de nombreuses semaines de travail, quelques jours me seraient pour cela nécessaires, ce qui repousserait la suite de nos travaux jusqu’à mercredi ou jeudi !
Vous vous posiez moins de questions quand vous étiez dans l’opposition !
Par conséquent, d’un point de vue purement pratique, il serait difficile de faire droit à votre sollicitation sans nuire à la bonne harmonie de notre commission des finances, dont les membres devraient attendre que j’aie fini mon travail !
Toutefois, sur le fond, il y a tout de même matière à se réjouir de cette demande.
En effet, le groupe UMP juge excellentes les propositions du Gouvernement.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Elles font suite à l’excellent rapport Gallois. En effet, le 6 novembre, le lendemain même de la parution de celui-ci, le Gouvernement a présenté un ensemble de mesures qu’il entend mettre en œuvre rapidement.
Vous êtes donc de ceux qui souhaitent voir ces mesures appliquées le plus vite possible, au point que vous voudriez les inclure immédiatement dans le projet de loi de finances qui nous est soumis.
Dès lors, nous ne pouvons que nous satisfaire de cette attitude, puisque cela emporte que vous reconnaissez le bien-fondé de l’action que le Gouvernement souhaite conduire.
Pour autant, du point de vue du calendrier budgétaire, il est tout à fait impossible d’accéder à votre demande, en raison de la primauté de l’Assemblée nationale sur le Sénat en matière financière. En vertu de ce principe, la Haute Assemblée ne peut introduire dans le projet de loi de finances un dispositif qui n’aurait pas été au préalable examiné par les députés. Cet argument m’amène à préconiser le rejet de la motion.
Par ailleurs, j’observe que le projet de loi de finances pour 2013 a suscité un très grand intérêt de la part de l’ensemble de nos collègues. En effet, 428 amendements ont été déposés, contre quelque 250 les années précédentes. C’est dire à quel point le débat qui nous réunira dans les jours et les nuits à venir s’annonce riche !
Pour toutes ces raisons, la commission des finances invite le Sénat à rejeter cette motion tendant au renvoi à la commission. §
Le Gouvernement souhaite lui aussi que la Haute Assemblée rejette cette motion tendant au renvoi à la commission.
Tout d’abord, le Gouvernement souhaite pouvoir débattre le plus vite possible avec la Haute Assemblée, dont les réflexions et les propositions permettront d’enrichir le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Ensuite, la demande de renvoi à la commission se fonde sur l’objection selon laquelle les mesures propres à favoriser l’amélioration de la compétitivité ne figurent pas dans ce projet de loi de finances. Or, comme l’a très bien dit le rapporteur général, ce motif peut en toute objectivité être récusé.
En effet, en raison de la primauté de l’Assemblée nationale sur le Sénat en matière financière, ce dernier ne saurait introduire de telles dispositions dans le projet de loi de finances, dès lors que les députés n’en auraient pas été saisis au préalable. Elles seraient immanquablement censurées par le Conseil constitutionnel, ce qui retarderait davantage encore l’application de mesures en faveur de nos entreprises. Cela irait donc à l’encontre de ce que vous souhaitez, madame Keller !
Quant au recours à une loi de finances rectificative, que vous avez dénoncé, la chose n’est pas si scandaleuse ! Je crois me souvenir que, en 2008, un projet de loi de finances rectificative avait été déposé avant même que la loi de finances initiale n’ait été votée ! La démarche du Gouvernement me semble plus respectueuse du Parlement que ce que l’on a pu connaître entre 2007 et 2012 !
Par conséquent, le Gouvernement appelle au rejet de cette motion tendant au renvoi à la commission. Quelle que soit la qualité des membres de celle-ci, je ne vois pas ce qu’un tel renvoi pourrait apporter. Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à poursuivre un débat dont je ne doute pas qu’il sera de qualité ! §
Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Je mets aux voix la motion n° I-169, tendant au renvoi à la commission.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 23 novembre 2012 :
À neuf heures trente :
1°) Proposition de loi relative aux juridictions de proximité (Procédure accélérée) (n° 72, 2012-2013) ;
Rapport de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois (n° 124, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 125, 2012-2013).
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (n° 133, 2012-2013) ;
Rapport de M. Christian Namy, fait au nom de commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 141, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 142, 2012-2013).
À quatorze heures trente et le soir :
3°) Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale (n° 147, 2012-2013).
Examen des articles de la première partie.
Rapport (n° 148, 2012-2013) de M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le vendredi 23 novembre 2012, à zéro heure trente.