Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 22 novembre 2012 à 21h30
Programmation et gouvernance des finances publiques — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la discussion du projet de loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques.

Ce projet de loi organique obéit, comme nous l’avions indiqué en première lecture, à un principe fort simple : il ne s’agit ni plus ni moins que de traduire dans notre droit budgétaire, ou plutôt dans ce qu’il en restera après l’adoption d’un pareil texte, les obligations imputables à la France en vertu du traité budgétaire européen dit « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » au sein de l’Union économique et monétaire.

Sans vouloir aller plus loin dans la démonstration, je ne peux cependant manquer de souligner la cohérence de la position de notre groupe parlementaire, opposé au TSCG dès sa signature, au nom de la France, par Nicolas Sarkozy au mois de mars de cette année, traité qui a été ratifié, à la virgule près, avant le vote du présent projet de loi organique. Naturellement, nous ne pouvons que nous opposer à ce dernier.

Ce texte ressemble fortement à la « règle d’or » budgétaire que Nicolas Sarkozy voulait imposer, il fut un temps, et que combattit alors l’ensemble de la gauche parlementaire encore à ce moment dans l’opposition.

Je ne sais s’il suffit d’un retour aux affaires du pays pour que le réalisme et le pragmatisme l’emportent à chaque fois sur les convictions et les principes, mais, force est de le constater, l’on peut s’interroger sur la cohérence politique de certaines positions…

Hélas ! ce n’est pas parce que François Hollande est devenu Président de la République que le mode de construction européenne qui déroule sous nos yeux son long cortège de plans d’austérité, de reculs des acquis sociaux, de mises en cause des avancées démocratiques, sociales, et économiques conquises par les peuples s’est infléchi.

Qu’est devenue l’Europe unie, ce beau, ce grand projet ? Une zone de paix, nous diraient les jurés du prix Nobel.

Mais ce serait oublier un peu vite que la Yougoslavie s’est déchirée sous nos yeux, avec la bénédiction, hélas, de l’un des principaux acteurs de la construction européenne, à savoir la République fédérale d’Allemagne, qui espérait, avec la partition de cet État, pouvoir transformer la Slovénie et la Croatie en arrière-cour de son économie, comme elle l’a fait, d’ailleurs, avec la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie ou la Pologne.

Certes, l’Europe est la première zone économique du monde, mais, bien plus que d’autres, elle fait face ces dernières années au développement de la pauvreté de sa population la plus modeste et à un très sérieux ralentissement de l’activité économique.

Dans ce contexte, plutôt que de solidarité entre les États, c’est de concurrence et d’animosité que se nourrit la construction européenne.

Je pense à la Grande-Bretagne, véritable passager clandestin abritant dans sa capitale la City, lieu où se pratique avec le plus de vigueur la spéculation contre l’euro lui-même, lieu où l’on fait monter les enchères sur les dettes souveraines.

Je pense encore à des pays comme le Luxembourg ou l’Autriche attachés au secret bancaire, qui a fait la fortune, si l’on peut dire, de leur économie.

Je pense enfin à certains pays du Sud – la Grèce, le Portugal, l’Espagne – saignés aux quatre veines par les plans d’austérité qui leur sont imposés.

Les gouvernants européens ne semblent pas avoir réussi à se mettre d’accord sur le budget communautaire ; c’est d’ailleurs mal parti pour le pacte de croissance. Tout se déroule dans une sorte de sauve-qui-peut général où chacun essaie de tirer les marrons du feu sans penser forcément aux conséquences de ses actes sur les autres.

Objet d’une énième cure d’austérité, la Grèce semble totalement incapable de faire face aux engagements qui lui ont été fixés. L’explication est assez simple : à vouloir réduire coûte que coûte les salaires, les traitements, les pensions et les retraites de la population, à vouloir ponctionner dans les prestations sociales et à vouloir, dans le même temps, augmenter la fiscalité indirecte sous toutes ses formes, on aboutit à la plus évidente crise de débouchés et à la plus forte récession que l’on pouvait attendre.

De même, la flexibilisation accrue du marché du travail a assuré la progression du taux de chômage plus sûrement que celle des offres d’emplois disponibles.

Mes chers collègues, il faudra bien que l’on nous explique un jour en quoi la facilité laissée aux entreprises pour licencier du personnel peut constituer un facteur de croissance économique et de réduction des déficits publics ! Apparemment, si l’on sait licencier en Grèce, en Espagne et au Portugal sans aucune limite, on a beaucoup plus de mal à réembaucher ensuite…

C’est donc pour que la France participe au mieux à cet équipage brinquebalant de l’Union européenne, dans lequel la Banque centrale ne peut même pas refinancer les États souverains, n’est même pas capable de respecter sa raison d’être, à savoir protéger la monnaie unique, que nous sommes aujourd’hui invités à voter le présent projet de loi organique.

Passons sur la mise en place, par ce texte, du Haut Conseil des finances publiques.

C’est évident, l’existence de cet organisme sera source de conflits avec la représentation nationale au sujet des droits et devoirs des uns et des autres. Indépendamment de ce fait, nous devons nous interroger sur l’apport réel de la création du Haut Conseil.

De notre point de vue, pour reprendre les termes d’un journal économique, le Haut Conseil sera le « chien de garde » de l’orthodoxie budgétaire plus encore qu’un outil d’évaluation objective des politiques publiques.

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